Urteilskopf
102 III 6
2. Arrêt du 19 janvier 1976 dans la cause B. S.
Regeste
Im Falle der provisorischen Pfändung von Vermögen des Schuldners bei einer Bank kann der Gläubiger die zwangsweise Öffnung des vom Schuldner gemieteten Tresorfaches verlangen.
A.-
a) A la demande de Philippe de B. S., le Tribunal de première instance du canton de Genève a ordonné, le 23 avril 1975 (ordonnance No 130/75), le séquestre de tous les bijoux et biens se trouvant dans la chambre qu'occupait alors, à l'hôtel X., à Genève, Stella R., divorcée B., ainsi que du contenu du coffre de dame R. à l'hôtel X. Cette ordonnance a été suivie, le 24 avril 1975, d'une autre ordonnance (No 133/75), par laquelle le Tribunal enjoignait de séquestrer notamment, à la Banque Y. à Genève, "le ou les coffres" de Stella R., ainsi que "le portefeuille, toutes valeurs, comptes courants qu'elle peut avoir dans cette banque".
Le 14 mai 1975, le créancier a requis une poursuite pour valider ces séquestres. Le commandement de payer a été
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notifié à l'étude du conseil genevois de la débitrice le 24 juin 1975. Opposition avait été faite à la poursuite le 11 juin 1975 déjà.
Lors de l'exécution du séquestre No 133, la Banque Y. a accusé réception du séquestre. Elle a informé l'Office des poursuites que dame R. était locataire de deux coffres chez elle, dont l'un en colocation avec trois autres personnes.
b) Le 1er juillet 1975, Philippe de B. S. a fait notifier à Stella R. un commandement de payer No 544476, pour recouvrement d'un chèque sans provision. Opposition a été faite le jour même de la notification. Le 22 juillet 1975, le Tribunal de première instance de Genève a ordonné la mainlevée provisoire. Le créancier a alors requis, le 23 juillet 1975, la saisie provisoire; les séquestres Nos 130 et 133 participent à cette saisie (
art. 281 LP
).
Le 4 août 1975, Stella R. a ouvert action en libération de dette.
c) Les 14 et 26 mai 1975, Philippe de B. S. a demandé à l'Office l'ouverture des coffres loués par la débitrice à la Banque Y. L'Office a refusé d'accéder à cette requête. Le créancier a alors porté plainte à l'autorité cantonale de surveillance. L'Office a préavisé dans le sens du rejet de la plainte.
B.-
Le 19 novembre 1975, l'Autorité cantonale de surveillance des Offices de poursuite pour dettes et de faillite du canton de Genève a rejeté la plainte.
Cette décision est motivée, en substance, comme il suit:
L'Office des poursuites a tenté à plusieurs reprises d'obtenir l'accord de la poursuivie pour avoir les clés des coffres. N'y étant pas parvenu, il a sommé la banque de fixer une date pour qu'il soit procédé à l'inventaire du contenu des coffres. La banque a répondu, le 18 août 1975, qu'elle n'avait pas la clé des coffres et ne pouvait pas les ouvrir. L'Office ne peut rien faire de plus, au stade de la saisie provisoire.
C.-
Philippe de B. S. recourt au Tribunal fédéral. Il demande que la décision attaquée soit annulée et que l'Office des poursuites de Genève soit invité à procéder, au besoin par la force, à l'ouverture des deux coffres.
L'Office a déposé des observations dans lesquelles il s'en tient à sa position. L'Autorité cantonale de surveillance se réfère aux considérants de sa décision.
Considérant en droit:
1.
Le recourant soutient qu'en refusant d'inviter l'Office des poursuites à procéder à l'ouverture des coffres, l'Autorité cantonale de surveillance a violé l'
art. 91 LP
. En effet, dit-il, la jurisprudence dont elle a fait état (
ATF 75 III 108
ss), d'ailleurs critiquée (cf. la doctrine citée aux
ATF 101 III 63
consid. 3), se rapporte à un cas de séquestre; on ne saurait l'appliquer en matière de saisie provisoire.
2.
a) Dans l'arrêt
ATF 66 III 32
/33, le Tribunal fédéral a dit que le créancier peut exiger l'ouverture forcée du coffre-fort loué par le débiteur dans une banque, lorsque la créance ne peut plus être contestée. L'Autorité cantonale de surveillance en déduit a contrario qu'on ne saurait recourir à la force publique au stade de la saisie provisoire, la créance n'étant pas définitivement établie.
D'après l'arrêt
ATF 75 III 108
ss, il est loisible aux autorités de poursuite, lors de l'exécution d'un séquestre, de renoncer à menacer de sanctions pénales (
art. 292 CP
) le tiers qui invoque le secret des banques. Mais la question est laissée indécise de savoir si ce principe trouve application en cas de créance constatée par un titre exécutoire. C'est à l'autorité compétente de déterminer l'usage qu'elle entend faire de la menace de peine; elle doit en tout cas s'abstenir d'y recourir lorsque la créance au bénéfice du séquestre est douteuse.
Cette jurisprudence - de même que celle qui autorise le séquestre dit générique, les objets à séquestrer étant désignés simplement par leur genre (cf.
ATF 80 III 87
) - tient compte du fait que le séquestre constitue une mesure provisionnelle, souvent prise alors que l'existence de la créance est encore tout à fait incertaine. En particulier, il y a lieu d'éviter les abus du "séquestre investigatoire" (Sucharrest) (cf. PERRIN, RSJ 46/1950 p. 189 et les auteurs cités à la n. 14).
En cas de saisie provisoire, en revanche, l'existence de la créance est beaucoup plus vraisemblable; la mainlevée provisoire a été accordée sur la base d'un titre, après examen sommaire par le juge. Le poursuivant a donc, en l'état, l'apparence du droit pour lui. En outre, la saisie, même provisoire, n'est pas une simple mesure conservatoire provisionnelle, comme le séquestre, mais constitue le fondement de la continuation
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de la poursuite, susceptible de mener à une réalisation.
La nature spécifique de la saisie, même provisoire, par rapport au séquestre, ressort clairement de l'arrêt
ATF 80 III 88
, où on lit que les banques ne fournissent, d'habitude, aucun renseignement lors de l'exécution du séquestre, mais qu'elles se montrent moins réservées au moment de la saisie, c'est-à-dire lorsque la créance qui a donné lieu au séquestre a été soit admise, soit constatée par le juge, ou lorsque, tout au moins, la mainlevée provisoire a été prononcée ("oder mindestens provisorische Rechtsöffnung erteilt wurde"). Quand, dans l'arrêt
ATF 75 III 110
consid. 3, le Tribunal fédéral parle, sans plus de précision, de "titre exécutoire", on doit entendre par là également un titre de mainlevée provisoire. Cet arrêt, on l'a vu, laisse en suspens le point de savoir si, "s'agissant d'une créance constatée par titre exécutoire", l'Office peut menacer de peine le tiers qui refuse de lui prêter son concours. Les considérations qui précèdent amènent à trancher la question par l'affirmative. C'est également la solution adoptée par la doctrine. De manière générale, les auteurs admettent le devoir des banques de renseigner l'Office en procédure de saisie, sans faire de distinction selon que la saisie est ordinaire ou provisoire; il n'y a controverse qu'à propos de la procédure de séquestre (cf., notamment, HEGETSCHWEILER, RSJ 45/1949 p. 38 ss et SCHAEFER, RSJ 49/1953 p. 338 ss).
b) L'Office des poursuites de Genève affirme à tort, dans ses observations, que les intérêts du créancier sont suffisamment protégés du fait que la banque a été avisée d'interdire l'accès des coffres à la poursuivie. Ni l'Office ni le poursuivant ne sont en mesure de s'assurer qu'on peut compter que la créance sera couverte. Dans l'éventualité d'un procès en libération de dette, qui risque d'être long et coûteux, le créancier doit pouvoir savoir si, au cas où il obtiendra gain de cause, ses prétentions, y compris les frais inhérents au procès (coupons de justice et honoraires d'avocat), pourront être satisfaites. Enfin, dans l'éventualité où la banque ne tiendrait pas compte de l'avis de l'Office, il serait pratiquement impossible au créancier de prouver que, au moment de la saisie, se trouvaient, dans les coffres, des biens qui en ont été retirés par la suite.
c) En conséquence, le recours doit être admis, la décision
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attaquée annulée et l'Office des poursuites de Genève invité à procéder, au besoin par la force, à l'ouverture des deux coffres provisoirement saisis.
Dans sa lettre du 18 août 1975, la Banque Y. écrit notamment ce qui suit à l'Office: "En cas d'ouverture du coffre loué en commun, nous pensons que la présence des colocataires ou de leurs mandataires est nécessaire pour la désignation du contenu leur appartenant." Cette observation est exacte. Il conviendra que les colocataires soient avisés de la date de l'ouverture du coffre, à laquelle ils pourront assister, de façon à être en mesure de sauvegarder leurs droits.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours, annule la décision attaquée et invite l'Office des poursuites de Genève à procéder, au besoin par la force, à l'ouverture des deux coffres saisis provisoirement à la Banque Y. et dont la débitrice est locataire.