Urteilskopf
106 Ia 307
53. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 25 mars 1980 dans la cause Chappex contre Grand Conseil du canton de Neuchâtel (recours de droit public)
Regeste
Art. 15 Abs. 2 OG
; "kantonaler Erlass".
Der Ausdruck "kantonaler Erlass" i.S. von
Art. 15 Abs. 2 OG
ist gleichbedeutend dem im
Art. 84 Abs. 1 OG
verwendeten. (E. 1a).
Art. 85 lit. a OG
; Gegenstand der Stimmrechtsbeschwerde.
Eine in einem kantonalen Parlament erfolgte Abstimmung kann nicht Gegenstand einer gestützt auf
Art. 85 lit. a OG
erhobenen staatsrechtlichen Beschwerde sein (E. 2).
Le Grand Conseil du canton de Neuchâtel a adopté le 26 mars 1979 un décret portant octroi d'un crédit de 3 millions de francs destiné à souscrire au capital social de Gaz Neuchâtelois S.A. GANSA, ainsi qu'à accorder à cette société un subside à l'investissement. Jean-Michel Chappex a formé à l'encontre de ce décret un recours de droit public que le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable.
Extrait des considérants:
1.
En dérogation à la règle ordinaire posée à l'
art. 15 al. 1 OJ
, selon laquelle les délibérations et les votes des sections du Tribunal fédéral nécessitent la présence de cinq juges, l'al. 2 de cette même disposition légale requiert que ce nombre soit porté à sept si le recours est notamment formé contre un acte législatif cantonal ou contre le refus de soumettre une affaire au vote des électeurs d'un canton. Il convient dès lors d'examiner si le présent recours, dirigé contre un décret adopté par le Grand Conseil neuchâtelois, tombe sous le coup de cette disposition particulière.
a) Il est évident que si l'on s'en tient à un critère purement formel, en se fondant sur le texte français de l'
art. 15 al. 2 OJ
, c'est-à-dire - en d'autres termes - si l'on ne se préoccupe pas de la nature juridique de son contenu, le décret en question se caractérise effectivement comme un acte législatif: il émane en effet du Grand Conseil neuchâtelois, soit précisément de l'organe délibérant cantonal.
Les "actes législatifs" visés par l'
art. 15 al. 2 OJ
ne se définissent cependant pas selon de tels critères. En effet, si la terminologie des art. 15 al. 2 et 84 al. 1 in principio OJ n'est pas la même en français et en italien (
art. 15 al. 2 OJ
: "actes législatifs", "atti legislativi"; art. 84 al. 1 in principio OJ: "arrêté", "decreto"), on doit constater une parfaite identité du texte allemand de l'une et l'autre dispositions (
art. 15 al. 2 OJ
: "Erlasse"; art. 84 al. 1 in principio OJ: "Erlass"). Or l'"arrêté" ("Erlass", "decreto") au sens de l'
art. 84 OJ
se définit comme un ensemble de normes abstraites qui, ayant une portée générale,
BGE 106 Ia 307 S. 309
régissent un nombre indéterminé de cas et d'individus (
ATF 77 I 148
); cette définition correspond en fait à celle de la règle de droit, disposition de nature générale et abstraite, qui s'adresse à un nombre indéterminé de personnes et qui régit un nombre indéterminé de situations de fait, sans référence à un cas ou à une personne déterminés; la règle de droit s'oppose à l'acte étatique qui a pour objet une mesure individuelle prise à propos d'un cas concret (
ATF 101 Ia 74
et les auteurs cités, 374 et les arrêts cités).
Si l'on se réfère au texte allemand, l'
art. 15 al. 2 OJ
vise donc les mêmes actes étatiques que l'art. 84 al. 1 in principio OJ. Ainsi définie selon un critère matériel, la notion d'"acte législatif" est à la fois plus étroite et plus large que ne le donne à penser une interprétation littérale des textes français et italien de la disposition légale en cause: en effet, elle exclut d'une part les actes émanant du Parlement qui n'établissent pas des règles de droit et, d'autre part, elle inclut non seulement les lois cantonales, mais aussi les règles de droit édictées en vertu d'une délégation de compétence, par exemple à un Conseil d'Etat.
Or, l'interprétation qui résulte du texte allemand est manifestement celle qui doit être retenue. Il est en effet indubitable que c'est avant tout la portée de l'acte attaqué, bien plutôt que la forme dans laquelle celui-ci est rendu, qui justifie que le nombre de juges appelés à délibérer soit plus élevé.
Il résulte de ce qui précède que le décret attaqué n'est pas concerné par la règle de l'
art. 15 al. 2 OJ
. Il est en effet manifeste que la décision du Grand Conseil a pour objet l'octroi d'une simple subvention et la souscription au capital social d'une société anonyme: elle ne contient donc aucune règle de droit.
b) Le recours de droit public formé par Jean-Michel Chappex n'entre pas moins dans la catégorie de ceux que vise l'
art. 15 al. 2 OJ
. Le recourant allègue en effet entre autres la violation de l'
art. 39 al. 3 Cst.
neuch., dont il résulte notamment que les décrets entraînant une dépense non renouvelable supérieure à 3 millions de francs sont obligatoirement soumis au vote du peuple. Dans cette mesure, il se plaint donc d'un refus de soumettre une affaire aux électeurs, au sens de la disposition en cause, de sorte que la Cour doit siéger à 7 juges.
2.
Le recourant demande l'annulation du vote du Grand Conseil relatif à l'adoption du décret litigieux, en premier lieu pour le motif que les députés neuchâtelois auraient été induits en
BGE 106 Ia 307 S. 310
erreur par le rapport fallacieux présenté par le Conseil d'Etat à l'appui de cet objet. Ce grief est toutefois irrecevable.
En effet, une votation telle que celle qui est attaquée en l'espèce ne peut faire l'objet d'un recours de droit public fondé sur l'
art. 85 lettre a OJ
. Le recours pour violation du droit de vote prévu par cette disposition présuppose en effet qu'un tel droit a été - ou aurait dû être - exercé lors d'un vote populaire, c'est-à-dire lors d'un vote auquel les citoyens ont - ou auraient dû - participer directement (
ATF 99 Ia 448
;
ATF 38 I 24
; AUER, Les droits politiques dans les cantons suisses, p. 74; BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, p. 342; MARTI, Die staatsrechtliche Beschwerde, 4e éd., p. 41); il ne saurait donc concerner, comme en l'espèce, un vote intervenu au sein d'un Parlement (
ATF 91 I 114
consid. 2; AUER, loc.cit.).