Urteilskopf
107 Ib 252
46. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 26 août 1981 en la cause Société I. contre Office fédéral de la police (recours de droit administratif)
Regeste
Internationale Rechtshilfe in Strafsachen. Art. 10 Ziff. 2 und 3 des Staatsvertrages mit den Vereinigten Staaten von Amerika.
Wer ist ein unbeteiligter Dritter im Sinne dieser Bestimmung? (E. 2 b).
Eine Gesellschaft, welche als Mittlerin benützt wurde, um einer anderen Gesellschaft Gelder zur Verfügung zu stellen, die dazu bestimmt waren, die im Rechtshilfegesuch erwähnte Straftat zu begehen oder zu ermöglichen, kann nicht als unbeteiligte Dritte betrachtet werden (E. 2 c).
Le 6 septembre 1978, le Département de la justice des Etats-Unis d'Amérique a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire fondée sur le traité entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale du 25 mai 1973, entré en vigueur le 23 janvier 1977 (RS 0.351.933.6; ci-après: le traité). Les faits justifiant cette demande sont exposés dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 28 septembre 1979, auquel il y a lieu de se référer (voir
ATF 105 Ib 420
/421).
La procédure a établi ce qui suit en ce qui concerne le rôle joué dans cette affaire par la société I.: celle-ci a effectué, de juin 1975 à mars 1976, plusieurs versements en faveur de la société G. auprès du Crédit Suisse à Genève. Les documents produits ne permettent cependant pas de déterminer la cause de ces paiements; de son côté, la recourante affirme qu'ils se rapportent à des opérations commerciales (transports).
L'Office fédéral de la police a d'abord estimé que le rapport entre la Société I. et l'infraction n'était pas évident, ses versements ayant été effectués avant la commission de l'infraction reprochée. Si ce rapport ne pouvait être établi, il appartiendrait alors à l'autorité requérante de justifier les conditions d'application de l'art. 10 ch. 2 lettre b du traité.
Dans sa réponse, le Département de la justice des Etats-Unis affirmait notamment que l'identification de la société I. lui permettrait de déterminer si cette dernière était affiliée à la société X. et de prouver ainsi avec certitude que H. est le propriétaire de la société G. Le Département établissait ensuite une liste des sociétés ayant des liens ("associated") avec la société X., sur laquelle figurait la société I.
Par décision du 18 juin 1981, l'Office fédéral de la police a rejeté une opposition de la société I. demandant que son nom ne fût point communiqué à l'autorité requérante. Se fondant sur la demande d'entraide judiciaire, l'autorité fédérale considère qu'il y a de fortes présomptions que la société G. ait été utilisée comme intermédiaire pour le paiement de pots-de-vin destinés à commettre des délits aux Etats-Unis;
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en effet, cette société a disposé de tous ses avoirs auprès du Crédit Suisse, sur intervention de H., y compris de ceux qui provenaient de la société I.; or il y a lieu de penser que ces fonds ont été utilisés pour faciliter l'infraction. Cela étant, il faut rechercher si la société I. a servi d'intermédiaire entre ceux qui ont fourni les fonds nécessaires au paiement des pots-de-vin et leurs destinataires, ou si elle a mis ses fonds personnels à leur disposition; elle ne serait donc pas étrangère à l'infraction au sens de l'art. 10 du traité. Au demeurant, l'identité de l'opposante serait de toute façon utile pour permettre à l'autorité requérante de fournir une preuve supplémentaire que H. est le véritable propriétaire de G.
La société I. a formé contre cette décision un recours de droit administratif que le Tribunal fédéral a rejeté, notamment pour les motifs suivants.
Considérant en droit:
2.
a) L'art. 10 ch. 1 du traité pose le principe général de l'obligation des parties et des tiers de collaborer à la preuve nécessaire. Avec raison, la recourante ne prétend pas qu'elle pourrait invoquer cette disposition pour refuser sa collaboration à la preuve, soit pour s'opposer avec succès à la transmission à l'autorité requérante d'une partie des renseignements recueillis.
b) L'art. 10 ch. 2 du traité restreint toutefois cette obligation des tiers de collaborer à la preuve - en prévoyant pour cela des conditions supplémentaires - lorsque ces tiers n'ont "apparemment aucun rapport avec l'infraction mentionnée dans la demande" (texte allemand officiel: "nach dem Ersuchen in keiner Weise mit der ihm zugrunde liegenden Straftat verbunden zu sein scheint"; texte anglais officiel: "appears not to be connected in any way with the offense which is the basis of the request").
aa) L'infraction mentionnée dans la demande, au sens de cette disposition, se réfère non seulement à la demande originaire de l'Etat requérant (art. 29 du traité), mais également aux compléments de demande, ainsi qu'aux précisions apportées par l'Etat requérant à sa demande, à la requête de l'Etat requis (art. 31 du traité).
Or, d'après la jurisprudence constante en matière d'entraide judiciaire qui s'applique également au traité avec les Etats-Unis, l'autorité requise examine les faits sur la base de la demande, sauf inexactitude, lacune ou contradiction évidentes et immédiatement établies (
ATF 105 Ib 425
).
bb) Selon la jurisprudence, un rapport suffisant avec l'infraction ne dépend pas de la culpabilité du tiers ni de la date de la commission de l'infraction; eu égard au but et au sens du traité, un tel lien existe lorsqu'il y a un rapport réel et direct entre une personne et l'un des faits que décrit la demande et qui constitue une infraction; point n'est besoin que le tiers ait participé à l'infraction au sens du droit pénal (SCHMID/FREI/WYSS/SCHOUWEY, L'entraide judiciaire internationale en matière pénale, p. 334 et L. FREI dans RPS 1981 p. 108). Il n'est point non plus nécessaire que l'auteur ait collaboré à la réalisation d'un des éléments constitutifs de l'infraction, selon la définition légale de celle-ci. L'art. 10 ch. 2 du traité est le résultat d'une pesée des intérêts en présence. Les parties contractantes ont considéré que l'intérêt du particulier à la discrétion ne devait céder devant l'intérêt général à faciliter la poursuite pénale que si le tiers se trouve dans un certain rapport avec l'infraction ou si les conditions supplémentaires de protection prévues dans cette disposition sont remplies. Dans le premier cas, en effet, il serait hautement contraire à l'intérêt de la répression de la criminalité que le tiers puisse paralyser l'administration des preuves sur un fait central, essentiel à la compréhension du délit.
Lors de la commission d'une infraction telle que celle qui fait l'objet de la procédure pénale pour laquelle l'entraide a été accordée, le paiement des pots-de-vin nécessaire à obtenir la corruption des employés de l'employeur lésé est un élément central de l'infraction, sans qu'il en soit nécessairement un élément constitutif, notamment d'après la qualification donnée selon le droit de l'Etat requis dans l'examen de la double incrimination. En effet, l'encaissement de pots-de-vin apparaît un mobile décisif pour l'employé corrompu et un moyen essentiel du tiers corrupteur pour corrompre. Aussi, l'acheminement de pots-de-vin apparaît-il au centre du processus délictueux. La jurisprudence de l'arrêt du 28 septembre 1979, selon laquelle les intermédiaires dans le paiement de pots-de-vin ne peuvent être considérés comme des personnes sans rapport avec l'infraction, demeure donc pleinement valable (
ATF 105 Ib 429
).
En revanche, lorsque, pour commettre une infraction, un délinquant utilise des fonds privés, acquis antérieurement dans le cadre d'opérations sans rapport direct avec la commission de l'infraction - par exemple dans le cadre d'opérations commerciales usuelles -, le rapport réel et direct entre le tiers et l'infraction - tel qu'il est exigé par la jurisprudence - fait également défaut. Aussi est-ce avec raison que l'Office fédéral de
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la police ne révèle point l'identité des personnes ayant traité avec le titulaire d'un compte dans de telles conditions, notamment en relation avec le transfert de pots-de-vin (SCHMID/FREI/WYSS/SCHOUWEY, op.cit., pp. 334/335).
Or, pour décider de l'existence d'un rapport suffisant entre le tiers et l'infraction reprochée, l'autorité requise doit aussi, en principe, s'en tenir, quant aux faits, à la description du délit, telle qu'elle est présentée par l'autorité requérante dans la demande d'entraide et ses éventuels compléments, à moins d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies; elle peut se fonder sur le résultat de ses investigations pour le surplus, soit sur les points qui ne sont pas précisés dans la requête et ses compléments, mais qui ont été révélés par les recherches effectuées pour l'exécution de la demande d'entraide. En revanche, elle décide librement quant à la question juridique de savoir s'il existe un rapport suffisant entre le tiers et l'infraction.
A ces principes généraux valables en matière d'entraide judiciaire, l'art. 10 ch. 3 du traité apporte toutefois un tempérament. Il prévoit, en effet, qu'après avoir requis et obtenu les motifs pour lesquels les Etats-Unis estiment que les conditions d'application de l'art. 10 al. 2 du traité sont remplies, l'Office fédéral de la police ne sera pas tenu d'accepter l'appréciation des Etats-Unis, s'il est d'avis "que l'appréciation des Etats-Unis n'est pas vraisemblable". Il en résulte que l'autorité suisse a la faculté de s'écarter de l'opinion de l'autorité requérante aussi bien en ce qui concerne l'application du droit que l'affirmation du fait. Cette disposition permet ainsi à l'autorité suisse de protéger les personnes soumises à sa juridiction, lorsqu'elle a des raisons sérieuses de penser qu'elles sont des tiers non impliqués ou que les conditions prévues aux lettres a à c de l'art. 10 al. 2 du traité ne sont pas remplies.
L'art. 10 du traité charge l'autorité requise de décider si un tiers doit être considéré comme non impliqué, sur la base des apparences résultant des documents à sa disposition, en exigeant pour cela un certain degré de vraisemblance ("appears", "scheint"). En cas d'incertitude concernant des faits importants pour en décider, le tiers intéressé à la faculté de collaborer à la preuve en soumettant à l'autorité requise des preuves destinées à élucider ces questions; à défaut, il encourt le risque que l'autorité requise tienne pour non établie la vraisemblance qu'il n'a pas de rapport avec l'infraction.
De son côté, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit administratif contre une décision de l'Office fédéral de la police, ne peut revoir les questions d'appréciation que si cette autorité a commis un abus ou un excès de son pouvoir d'examen (
art. 104 OJ
); or une décision relative à la vraisemblance relève de l'appréciation.
c) Dans le cas particulier, la société I. devrait être considérée comme un tiers non impliqué si son rôle s'était borné à effectuer des paiements à la société G. en vertu d'opérations commerciales totalement étrangères à l'infraction litigieuse; en effet, le fait que les fonds payés par elle soient entrés dans le patrimoine de la société G. et aient permis à celle-ci de les utiliser lors de la commission ultérieure de l'infraction reprochée ne serait pas propre à créer entre l'un et l'autre un rapport direct suffisant. Si, en revanche, la recourante a été utilisée pour mettre à disposition de la société G. certains fonds destinés à commettre ou faciliter l'infraction litigieuse, par exemple parce qu'ils auraient servi pour partie au paiement de pots-de-vin, le rapport direct existerait.
En l'occurrence, dans la demande initiale d'entraide judiciaire, l'autorité requérante ne reproche pas formellement à la société I. d'avoir servi d'intermédiaire; en effet, avant d'avoir reçu la communication de l'Office fédéral de la police, elle ne connaissait pas les paiements effectués par la société I. Il est aussi compréhensible que, dans ses communications ultérieures, elle se soit exprimée avec prudence; il en résulte cependant implicitement qu'elle émet le soupçon qu'H. (voire les autres personnes prévenues) ait utilisé la société I. pour transférer à la société G. des fonds destinés ultérieurement à la réalisation de l'infraction. Il faut aussi admettre qu'une telle utilisation de la société I. apparaît, en l'état actuel du dossier, comme une possibilité. Compte tenu du temps que peut exiger la réalisation d'opérations commerciales importantes telles que celles qui sont en cause, le temps écoulé depuis les versements de la recourante à la société G. (juin 1975 à mars 1976) jusqu'au moment où celle-ci reçut les sommes importantes présumées destinées au paiement de pots-de-vin (septembre à décembre 1976) n'exclut nullement que les versements de la société I. aient pu déjà alors être destinés à d'éventuels actes ultérieurs de corruption des employés de la société A. Les doutes qu'on peut avoir à ce sujet auraient peut-être pu être dissipés par des indications et des preuves données par l'opposante - au besoin en se confiant à la discrétion de l'autorité
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suisse (cf.
art. 28 PA
) - en ce qui concerne la cause juridique de ses différents paiements à la société G. et la personne de ses propres actionnaires; elle ne l'a toutefois pas fait. Dans ces conditions, l'Office fédéral de la police n'a point abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que les éléments à sa disposition ne rendaient point vraisemblable que la société I. n'avait aucun rapport avec l'infraction.
La recourante ne peut ainsi se prévaloir des conditions de l'art. 10 ch. 2 du traité.