Urteilskopf
107 III 100
24. Arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 28 août 1981 dans la cause J. S. (recours LP)
Regeste
Aufhebung des Arrestes: Über Vermögenswerte, die der Gläubiger selbst als sein Eigentum beansprucht.
A.-
Le 25 février 1981, J. S. obtint deux ordonnances de séquestre pour une créance de 3'911'600 fr., l'une contre L. H. (no 129) et l'autre contre E. H. (no 130). Ces mesures portaient sur les biens et avoirs des époux H. auprès de Christie's (International) S.A., à Genève, et leur exécution frappa vingt-deux tabatières anciennes, estimées à 314'322 fr. L'établissement liechtensteinois N. et la banque M. firent également séquestrer les mêmes biens au préjudice des mêmes débiteurs. Christie's (International) S.A. déclara avoir sur les objets séquestrés un droit de rétention à concurrence de 250'000 fr. Le 8 avril, l'Office des poursuites de Genève impartit à J. S. un délai pour ouvrir action en contestation du droit de rétention invoqué par Christie's. Il procéda de même envers la banque M. et l'établissement N.
Le 16 mars 1981, J. S. avait revendiqué la propriété des vingt-deux tabatières séquestrées. Le 25 avril, il demanda à l'Office de rapporter la décision lui impartissant un délai pour contester les prétentions de Christie's, ainsi que d'ouvrir une procédure sur sa propre revendication. L'Office fit droit à cette requête pour les séquestres obtenus par la banque M. et par l'établissement N. En revanche, le 29 avril, il constata la nullité des séquestres exécutés au profit de J. S. dans la mesure où ils portaient sur des biens dont le créancier lui-même revendiquait la propriété, savoir les vingt-deux tabatières en or en mains de Christie's.
B.-
J. S. a porté plainte et conclu à la mise à néant de la décision du 29 avril 1981, qui constatait la nullité des séquestres qu'il avait obtenus. Il a demandé que l'Office des poursuites fût invité à considérer comme valablement frappés par les séquestres no 129 et no 130 tous les biens sur lesquels lui-même, J. S., n'aurait pu faire reconnaître sa propriété à l'issue de la procédure de revendication.
L'Autorité de surveillance des offices de poursuites pour dettes et de faillite du canton de Genève a rejeté la plainte le 21 juillet 1981.
C.-
J. S. a interjeté un recours au Tribunal fédéral contre la décision de l'autorité cantonale de surveillance. Il reprend les conclusions qu'il a formulées dans la procédure de plainte.
Considérant en droit:
Le séquestre permet au créancier non garanti par gage de faire mettre sous main de justice des biens que, faute d'avoir accompli
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les formalités de la poursuite, il ne peut faire saisir ou inventorier au préjudice de son débiteur. La mesure a un caractère conservatoire et doit empêcher que le débiteur ne dissimule ses biens ou n'en dispose au détriment de ses créanciers, et ne compromette ainsi le résultat d'une poursuite pendante ou future. Il s'ensuit que sont seuls séquestrables les biens qui peuvent être réalisés au profit du créancier chirographaire par la voie de la poursuite, qui peuvent donc être l'objet d'une saisie ou tomber dans la masse en faillite. Or, si la loi n'en dispose autrement, le débiteur ne répond de ses obligations que sur les biens qui lui appartiennent (
art. 91, 197 LP
). Aussi la jurisprudence constante tient-elle pour nuls, parce qu'inconciliables avec le but de la poursuite, le séquestre ou la saisie exécutés sur des biens qui, de lui-même désigne comme étant la propriété de tiers (
ATF 106 III 88
,
ATF 105 III 112
consid. 3,
ATF 84 III 83
ss et les arrêts cités). Celui qui entend recouvrer une créance doit en effet procéder contre son débiteur et ne saurait faire exécuter un tiers, sous réserve des dispositions particulières aux gages grevant des biens n'appartenant pas au débiteur. De même, le créancier ne peut demander le séquestre ou la saisie de biens dont il se déclare propriétaire. Pareille requête impliquerait de sa part la volonté d'exécuter lui-même, sur son patrimoine, les obligations de son débiteur. Cela équivaudrait à une remise de dette, incompatible avec l'exercice d'une poursuite. La contradiction inhérente à une telle attitude ne peut se résoudre que si le poursuivant renonce à faire valoir son droit de propriété sur les biens à appréhender et admet leur appartenance au débiteur (
ATF 83 III 105
s.,
ATF 39 I 119
ss; JAEGER/DAENIKER, Schuldbetreibungs- und Konkurs-Praxis, n. 7 ad art. 91).
Le recourant fait valoir que sa propriété sur les objets séquestrés en l'espèce n'est pas établie, mais contestée par leur détentrice, par les débiteurs et par les tiers séquestrants. Il entend pouvoir, à titre alternatif, se faire remettre les biens en cause s'il l'emporte dans la procédure de revendication ou les faire réaliser à son profit s'il ne parvient à prouver en être propriétaire. Ces deux prétentions sont contradictoires. Si les objets séquestrés appartiennent au recourant, comme il le soutient, ils n'entrent pas dans le patrimoine de ses débiteurs et leur produit ne peut servir à éteindre la dette objet de la poursuite. Et dans la mesure où le recourant demande à faire réaliser ces biens, il affirme qu'ils appartiennent à ses débiteurs et ne sont donc pas sa
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propriété. Le recourant ne saurait soutenir principalement la première thèse et subsidiairement la seconde, comme il semble vouloir le faire. Car une partie ne peut exiger de l'office l'accomplissement d'un acte de poursuite dont elle affirme vouloir faire lever les effets dans une procédure judiciaire, en l'espèce par une action en revendication. Peu importe qu'elle ait un intérêt à cet acte pour le cas où le juge la débouterait de sa demande. Le recourant ne pouvait donc faire séquestrer les vingt-deux tabatières détenues par Christie's qu'en renonçant à les revendiquer et en admettant qu'elles appartenaient à ses débiteurs.
Le recourant tente en vain de résoudre la contradiction qui existe entre ses deux prétentions en affirmant que rien ne l'empêchera, si sa revendication est admise, de renoncer à sa propriété sur les vingt-deux tabatières et d'en requérir alors la saisie et la réalisation. Cette déréliction n'aurait pas pour effet de transférer aux débiteurs la propriété des objets séquestrés et de les faire entrer ainsi dans leur patrimoine saisissable. Ces objets deviendraient simplement des choses sans maître.
Par ces motifs, la Chambre des poursuites et des faillites:
Rejette le recours et confirme la décision attaquée.