Urteilskopf
107 III 91
22. Arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 19 juin 1981 dans la cause C.S.A. (recours LP.)
Regeste
Abtretung der Rechtsansprüche der Konkursmasse (
Art. 260 SchKG
).
1. Die Abtretungsgläubiger sind nicht gehalten, als Streitgenossen zu handeln.
Die Bildung einer notwendigen Streitgenossenschaft ist nicht in allen Fällen durch das Bundesrecht vorgeschrieben; sie kann sich auch einfach aus der Natur der Sache ergeben (Erw. 3).
2. Ob sich eine Kollektivgesellschaft Verantwortlichkeitsansprüche gegen ein Mitglied des Verwaltungsrates einer Aktiengesellschaft, das zugleich bei ihr Gesellschafter ist, abtreten lassen kann, hat der Richter zu beurteilen, und nicht die Konkursverwaltung oder die Aufsichtsbehörde (Erw. 4).
Au cours de la procédure de faillite de la société X. S.A., administrée par l'Office des poursuites d'Yverdon, les sociétés C. S.A. et D. S.A. se sont fait céder, conformément à l'
art. 260 LP
, les droits de la masse concernant l'action en responsabilité (
art. 752 CO
) contre les quatre administrateurs de la Société X. S.A., savoir P., B., H. et E.
La cession de ces mêmes droits a été accordée à la société en nom collectif H. frères, composée de H., administrateur d'X. S.A., et de son frère, à l'encontre des quatre administrateurs précités, y compris l'associé H.
L'administrateur P. a en outre obtenu la cession des droits de la masse relativement à l'action en responsabilité contre ses trois autres coadministrateurs.
Le président du Tribunal de district d'Yverdon et le Tribunal cantonal vaudois ont tous deux rejeté la plainte que C. S.A. a déposée à l'encontre de la cession accordée à H. frères et à P.
C. S.A. a recouru au Tribunal fédéral et a conclu à ce que seules D. S.A. et elle-même soient reconnues cessionnaires, autrement dit que la cession des droits de la masse à P. et à H. frères soit annulée. Le recours a été rejeté.
Considérant en droit:
1.
La décision de l'Office des poursuites et faillites, limitant à 200'000 fr. le montant des prétentions en responsabilité que
BGE 107 III 91 S. 93
peuvent faire valoir les cessionnaires contre chacun des administrateurs, ne fait pas l'objet du présent recours au Tribunal fédéral. Le Tribunal cantonal vaudois a en effet déjà jugé que cette limitation était incorrecte. Bien que le dispositif du jugement cantonal ne précise pas expressément ce dernier point, le juge doit se tenir à cette interprétation de l'acte de cession, effectuée d'après son sens véritable, en recherchant la réelle intention de l'administration de la faillite, comme l'a fait remarquer à bon droit l'autorité cantonale, se référant à la jurisprudence du Tribunal fédéral (
ATF 92 III 61
).
2.
Il n'appartient ni à l'administration de la faillite ni à l'autorité de surveillance d'empêcher l'exécution de prétentions fondées sur le droit matériel en refusant la délivrance d'un acte de cession. Certes, la jurisprudence considère-t-elle comme inadmissible la cession des droits à un cessionnaire qui est lui-même débiteur des droits cédés (
ATF 54 III 211
et les références). Mais on ne saurait simplement assimiler le cas examiné ici à cette situation. Comme l'a démontré l'autorité cantonale, il est tout à fait possible qu'un administrateur d'une Société anonyme puisse faire valoir des prétentions en responsabilité contre les autres administrateurs. En tout cas, le juge est seul compétent pour trancher cette question. L'Office des poursuites comme les autorités de surveillance ne peuvent préjuger de cette décision ou la soustraire au juge en refusant de délivrer ou de maintenir l'acte de cession.
3.
La recourante trouve en particulier inadmissible que des prétentions contre les administrateurs de la faillie aient été cédées, en application de l'
art. 260 LP
, non seulement à elle-même et à D. S.A., mais encore à un administrateur de la faillie et à une société en nom collectif qui se compose d'un administrateur de la faillie et de son frère. Elle est ainsi contrainte de manière insupportable, dit-elle, à agir conjointement avec les autres créanciers cessionnaires comme consorts nécessaires. Il en découle, ajoute-t-elle, d'une part qu'elle devrait procéder conjointement avec des consorts ayant intérêt à poursuivre des buts différents; d'autre part, elle affirme devoir ouvrir deux actions et non une seule, car comme consort de P., elle ne peut procéder que contre les trois autres administrateurs; elle pense se trouver dans une situation semblable en ce qui concerne l'action contre H. qu'elle ne pourrait guère intenter conjointement avec la société en nom collectif H. frères. De surcroît, elle serait ainsi privée de la possibilité de conclure à la condamnation solidaire des quatre administrateurs.
a) L'autorité cantonale a considéré, à juste titre, que ce dernier
BGE 107 III 91 S. 94
moyen n'est pas fondé dès lors qu'il est possible d'obtenir une condamnation solidaire des défendeurs par l'ouverture de plusieurs actions. C. S.A. pourra conclure à ce que P. soit condamné à réparer la totalité du dommage causé concurremment avec les autres administrateurs.
b) La Cour cantonale soutient, avec raison, que les autres inconvénients de procédure invoqués par la recourante ne sauraient suffire à eux seuls à empêcher l'exercice d'une prétention fondée sur le droit matériel. Il faut sans doute réserver le cas où la cession ne serait requise par certains créanciers que dans le but d'empêcher d'autres créanciers de faire valoir leurs prétentions, ou de le leur rendre plus difficile, ce qui constituerait de toute façon un abus de droit qui n'a d'ailleurs pas été invoqué en l'espèce.
c) Mais en réalité les difficultés de procédure invoquées par la recourante sont évitables, car elle n'est pas contrainte à conduire son procès comme consort de P. et H. frères, et parce qu'il ne lui est pas interdit de diriger son action contre les quatre administrateurs en qualité de codéfendeurs, ce qu'elle a du reste fait par sa requête de conciliation du 18 septembre 1980.
1o Le Tribunal fédéral a jugé (
ATF 33 II 342
et
ATF 34 II 386
) que les cessionnaires ne sont pas tenus de former une consorité ni d'intervenir au procès ouvert par l'un d'eux; chaque cessionnaire est libre de procéder seul. Cette jurisprudence a été reprise dans un arrêt ultérieur (
ATF 41 III 338
/339) avec une restriction cependant en ce sens que le défendeur ne peut être forcé de se laisser actionner par plusieurs cessionnaires séparément mais a le droit d'exiger de ces derniers qu'ils agissent ensemble en consorité. Un arrêt plus récent a introduit l'obligation pour les cessionnaires de procéder conjointement et d'ester en justice comme consorts (
ATF 43 III 164
). Cependant, il faut relever que les circonstances de ce dernier cas sont trop particulières pour que l'on puisse en tirer un principe absolu. Il s'agissait, en l'espèce, d'une cessionnaire qui avait fait suspendre le procès qu'elle avait intenté indépendamment des autres cessionnaires; après que l'action de ceux-ci eut abouti, elle a voulu participer à la somme obtenue par les autres cessionnaires en passant transaction avec le défendeur.
Dans l'arrêt
ATF 49 III 124
, le Tribunal fédéral a jugé que si certains cessionnaires veulent passer transaction avec le débiteur et d'autres pas, ces derniers peuvent poursuivre le procès; ceux qui désirent transiger ne sont alors plus représentants de la masse.
Le Tribunal fédéral a par la suite atténué à nouveau le principe
BGE 107 III 91 S. 95
énoncé dans l'arrêt reproduit aux
ATF 43 III 164
. Il a admis que les cessionnaires ouvrent des procès séparés (
ATF 63 III 71
repris dans
ATF 93 III 64
consid. 1c).
Il convient de souligner, au reste, que la question de la légitimation active doit être tranchée par le juge et non par une autorité de surveillance (
ATF 48 III 91
).
2o En définitive, on peut constater que la jurisprudence ne pose pas de règle absolue concernant la façon dont doivent procéder plusieurs cessionnaires. Il s'agit, dans chaque cas particulier, de trouver une solution adéquate et propre à résoudre les difficultés suscitées par la procédure, afin de permettre aux cessionnaires de faire valoir, dans les meilleures conditions, les intérêts de droit matériel. La compétence ressortit dans ce domaine en première ligne au juge appelé, selon la procédure cantonale, à se prononcer sur la prétention cédée. L'administration de la faillite et les autorités de surveillance ne peuvent fournir une réponse anticipée à ces problèmes et encore moins imposer une solution qui exclut pour certains créanciers le droit de prétendre à la cession.
3o L'autorité de surveillance peut remarquer néanmoins que la formation d'une consorité nécessaire n'est pas imposée dans tous les cas par le droit fédéral. Elle résulte bien plutôt de la nature de l'affaire. Certes le droit fédéral exige-t-il que les parties agissent comme consorts dans la mesure où elles ne sont titulaires d'un droit qu'en commun et que ce droit ne leur appartient pas à chacune séparément, ou encore lorsqu'elles ne peuvent être astreintes à une obligation indépendamment les unes des autres, comme c'est le cas pour une indivision. Mais dans l'hypothèse d'une cession effectuée en vertu de l'
art. 260 LP
, il n'y a rien de tel. Les arrêts cités plus haut montrent clairement qu'il peut arriver que certains cessionnaires ne désirent pas être impliqués dans un procès ou préfèrent rester à l'écart de celui-ci; ils en sont parfaitement libres. Ce qui est important c'est qu'aucun cessionnaire ne soit empêché de faire valoir son droit, même indépendamment des autres, et que l'on ne coure pas le risque de jugements contradictoires. Mais cela peut être atteint par le fait que toutes les actions sont portées devant le même juge, en règle générale, semble-t-il.
En tout cas, tout juge doit pouvoir déterminer, à partir de la formule no 7 (cession des droits de la masse) si d'autres créanciers se sont fait céder la même prétention que celle qui est invoquée devant lui et, le cas échéant, qui sont ces autres créanciers; il peut ainsi se rendre compte,
BGE 107 III 91 S. 96
avant de juger, des éventuelles autres prétentions et prendre toute mesure utile pour éviter des jugements contradictoires.
La doctrine n'est pas unanime sur la question de savoir s'il s'agit, dans le cadre de l'
art. 260 LP
, d'une consorité nécessaire (matérielle) ou d'une consorité simple (formelle) (favorables à la première solution; GULDENER, Schweiz. Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 297, et LEUCH, Kommentar zur ZPO bern., n. 2 ad art. 36; d'avis contraire STRÄULI/MESSMER, Kommentar zur Zürcher ZPO, n. 3 in fine ad § 40).
Cette question peut néanmoins rester indécise. En effet, même s'il s'agit d'une consorité nécessaire, les consorts ne sont pas forcés de former une entité indivisible. Le Tribunal fédéral a déjà jugé (
ATF 43 II 369
) que lorsque plusieurs consorts ont des moyens divergents, ils sont en droit de se faire représenter par des avocats différents (cf. GULDENER, op.cit., p. 300; STRÄULI/MESSMER, op.cit., n. 12 ad § 40).
Ces considérations sont aussi valables au regard du Code de procédure civile du canton de Vaud qui réglera la forme des actions à ouvrir en l'espèce. Les
art. 75 et 76 CPC
vaud. autorisent le juge à joindre ou à disjoindre les causes, d'office ou sur requête des parties, ainsi qu'à ordonner "les mesures nécessaires à l'organisation des instances". La jurisprudence est libérale (cf. POUDRET/WURZBURGER, Code de procédure vaudois annoté ad art. 75 et 76; cf. aussi art. 38 et 39 du Code de procédure bernois qui consacre la même solution que le Code vaudois; voir LEUCH, op.cit., ad art. 38 et 39).
En l'espèce, il paraît impossible de refuser à la recourante le droit d'agir avec pour seul consort D. S.A. par une action unique intentée contre les quatre administrateurs en même temps. Le juge saisi de cette action pourra, avant de juger, déterminer si les deux autres cessionnaires P. et H. frères ont fait également valoir leurs prétentions; si tel est le cas, il pourra prendre toute mesure appropriée afin d'éviter des jugements contradictoires.
4.
La recourante soutient encore que la société en nom collectif H. frères ne pouvait pas recevoir cession des prétentions en responsabilité contre l'administrateur H. L'autorité cantonale a rejeté ce moyen par une argumentation détaillée. En fait ce n'est ni à l'administration de la faillite ni aux autorités de surveillance, mais au juge seul qu'il appartient de se prononcer sur cette question. L'administration de la faillite devait donner suite à la demande de cession sans examiner ce
BGE 107 III 91 S. 97
problème et l'autorité supérieure de surveillance comme l'autorité inférieure n'auraient pas dû entrer en matière sur le recours interjeté devant elles sur ce point.