Urteilskopf
108 Ib 425
74. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 15 juillet 1982 dans la cause Office fédéral de la justice contre Cochard et Commission vaudoise de recours en matière foncière (recours de droit administratif)
Regeste
Art. 5 lit. b BewB
. Ausnahme von der Bewilligungspflicht für die gesetzlichen Erben. Fall des Vermächtnisnehmers.
Art. 5 lit. b BewB
ist so auszulegen, dass der Erwerb einer Liegenschaft in der Schweiz durch eine Person, die im Ausland Wohnsitz hat, der Bewilligungspflicht nicht untersteht, wenn der Erwerber (auch nur potentiell) zum Kreis der gesetzlichen Erben gehört, und die Liegenschaft im Zuge der Erbfolge (gesetzliche oder durch Testament) erworben wird.
Le 13 août 1980, Franck-Henri Cochard, ressortissant français né en 1966, actuellement domicilié chez ses parents à Avoudrey (Département du Doubs), a sollicité, en qualité de légataire, l'autorisation d'acquérir des héritiers de sa grand-tante et marraine, Anne-Marie Cretin, six parcelles (d'une superficie totale
BGE 108 Ib 425 S. 426
de 56'218 m2) sur le territoire de la commune vaudoise d'Arzier, au lieu dit "Les Petits-Plats".
Considérant que les parcelles en question étaient situées dans la partie du territoire suisse acquise de la France selon le Traité concernant la vallée des Dappes du 8 décembre 1862 (RS 0.132.349.24), la Commission foncière II a, par décision du 29 août 1980, accordé l'autorisation sollicitée sans imposer de charge à l'acquéreur. Le Département vaudois de l'agriculture, de l'industrie et du commerce a renoncé à faire usage de son droit de recours contre cette décision.
En tant qu'autorité fédérale habilitée à recourir, l'Office fédéral de la justice a, quant à lui, saisi la Commission cantonale de recours en matière foncière en lui demandant d'annuler le prononcé de l'autorité de première instance. Son recours a toutefois été rejeté, par décision de ladite commission du 8 janvier 1981.
Agissant en temps utile par la voie du recours de droit administratif, l'Office fédéral de la justice a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision de l'autorité cantonale de recours et de refuser l'autorisation sollicitée par Franck-Henri Cochard.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
Extrait des considérants:
3.
a) Bien que le testament ne figure pas au dossier, les autorités cantonales ont considéré comme établi le fait qu'Anne-Marie Cretin a légué les six parcelles litigieuses non pas à ses neveux et nièces, ni même à sa nièce Josiane Cochard, mais directement à son petit-neveu et filleul Franck-Henri Cochard. En vertu de l'
art. 105 al. 2 OJ
, le Tribunal fédéral est lié par cette constatation de fait qui n'est pas manifestement inexacte et n'est d'ailleurs nullement contestée par le recourant. Ainsi, dans la succession de sa grand-tante (décédée sans descendants directs), l'intimé n'a pas reçu la propriété des six parcelles litigieuses dans la dévolution légale (comme représentant de sa mère, qui est toujours en vie), mais en tant que légataire. Toutefois, il n'en demeure pas moins vrai que, comme petit-neveu de la défunte, Franck-Henri Cochard fait partie du cercle des personnes que le code civil appelle des héritiers légaux.
En droit, le problème se pose donc de savoir si les autorités vaudoises n'ont pas eu tort d'exclure la possibilité pour
BGE 108 Ib 425 S. 427
Franck-Henri Cochard de se prévaloir de l'exception prévue à l'
art. 5 lettre b AFAIE
et d'échapper ainsi à l'assujettissement au régime de l'autorisation.
b) Certes, en disposant que l'acquisition d'immeubles par des héritiers légaux dans la dévolution d'une succession ("durch gesetzliche Erben im Rahmen eines Erbgangs", "da parte di eredi legitimi nella devoluzione di un'eredità") n'est pas subordonnée à l'assentiment de l'autorité, l'
art. 5 lettre b AFAIE
ne répond pas clairement à cette question et il faut bien reconnaître que cette disposition donne lieu à des interprétations différentes selon les autorités cantonales. Mais, pris à la lettre, ce texte peut signifier que tous les héritiers légaux - actuels ou potentiels - bénéficient de cette exception dès lors qu'ils reçoivent un immeuble dans la dévolution d'une succession, sans que l'on ait à faire une distinction - non prévue à l'
art. 5 lettre b AFAIE
- entre une dévolution légale - ou ab intestat - et une dévolution testamentaire. Ainsi, même si en fait elle était exclue de la succession ab intestat par un ascendant qui la précède dans l'ordre légal de succession, une personne à l'étranger pourrait se prévaloir de l'exception prévue à l'
art. 5 lettre b AFAIE
, à la condition d'être un héritier légal - même potentiel - selon les dispositions des
art. 457 ss CC
.
c) Il est vrai que, dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral semble avoir adopté une interprétation restrictive, puisqu'il a dit exclure l'application de l'
art. 5 lettre b AFAIE
en cas d'institution d'héritier (
ATF 101 Ib 381
consid. 1a et RNRF vol. 55, p. 57 s. consid. 4b) ou de legs (
ATF 103 Ib 179
s. consid. 1).
Toutefois, cette jurisprudence n'est pas décisive car, en réalité, dans les trois affaires jugées en 1973, 1975 et 1977, l'immeuble était acquis, dans la dévolution d'une succession, soit par des personnes morales (
ATF 101 Ib 379
ss), soit par des personnes physiques n'ayant aucun lien de parenté avec le de cujus (RNRF vol. 55, p. 53 ss et
ATF 103 Ib 178
ss), c'est-à-dire par des personnes qui n'avaient évidemment pas la qualité d'héritiers légaux selon le Code civil.
Dans son premier arrêt, du 18 mai 1973, examinant la question de savoir si des héritiers institués peuvent être assimilés à des héritiers, le Tribunal fédéral a dit notamment:
"Die Unterscheidung zwischen gesetzlichen und eingesetzten Erben
entstammt dem Zivilrecht. Eine Gleichsetzung von gesetzlichen und
eingesetzten Erben wird - wie das EJPD zu Recht hervorhebt - in der Lehre
BGE 108 Ib 425 S. 428
mehrheitlich abgelehnt. Es kann im vorliegenden Fall zwar offen bleiben, ob
der Gesetzgeber beim Erlass des Art. 5 lit. b BewB von gleichen oder
zumindest ähnlichen Überlegungen ausgegangen ist wie die Schöpfer des
Schweizerischen Zivilgesetzbuches bei der Verwendung des Begriffs
gesetzliche Erben. Wahrscheinlich erscheint aber zumindest, dass der
Gesetzgeber durch die Wahl dieses Begriffs nur jene Erben von der
Unterstellung unter die Bewilligungspflicht ausnehmen wollte, die das
Gesetz selbst schon als Erben einsetzt. Wäre dem nicht so, hätte der
Gesetzgeber sich mit dem Begriff "Erben" begnügt. Offenbar liegt der
alleinigen Ausnahme der gesetzlichen Erben von der Bewilligungspflicht der
Zweck zugrunde, allfälligen Gesetzesumgehungen auf dem Wege der
Erbeneinsetzung vorzubeugen. Hätte der Gesetzgeber überdies eingesetzte
Erben privilegieren wollen, ohne sie von der generellen Bewilligungspflicht
nach Art. 5 BewB auszunehmen, hätte er den eingesetzten Erben ein
berechtigtes Interesse in Art. 6 Abs. 2 BewB zuerkennen können."
(RNRF vol. 55, p. 57 s. consid. 4b)
En outre, dans son arrêt du 2 mai 1975, le Tribunal fédéral a considéré qu'il existe de sérieuses raisons d'être plus libéral à l'égard des héritiers légaux, dont le choix n'appartient pas au de cujus, qu'à l'égard des héritiers institués, que le disposant pourrait désigner en vue de réaliser par une voie détournée une opération immobilière prohibée (
ATF 101 Ib 381
consid. 1a).
d) Dans son projet du 15 novembre 1960, le Conseil fédéral avait prévu, à l'art. 6 al. 3, que l'approbation ne pourrait pas être refusée "lorsque la propriété foncière est transférée dans la dévolution d'une succession à un héritier légal". Pour simplifier, la commission du Conseil des Etats a proposé de faire passer cette règle à l'art. 5 lettre b et de dispenser ainsi les héritiers légaux de l'obligation de demander l'autorisation d'acquérir un immeuble dans la dévolution d'une succession. Acceptée par les Chambres, cette proposition n'a, à vrai dire, fait l'objet d'aucun commentaire lors des débats parlementaires (voir notamment Bull. stén. CE 1961, p. 53 s.). D'ailleurs, dans son Message du 15 novembre 1960, le Conseil fédéral s'était contenté de dire, d'une manière un peu vague, que l'art. 6 al. 3 du projet "crée un privilège en faveur des héritiers légaux..." (voir FF 1960 II p. 1275), sans préciser si ce privilège serait accordé seulement dans la dévolution légale d'une succession ou si elle le serait aussi dans une dévolution testamentaire.
En 1962, l'un des membres de la Commission d'experts a tenu pour admis que les héritiers légaux bénéficient de la dérogation prévue à l'
art. 5 lettre b AFAIE
"même lorsqu'ils héritent en vertu d'une disposition testamentaire, notamment d'une règle de partage
BGE 108 Ib 425 S. 429
attribuant à l'un d'eux tel immeuble situé en Suisse afin d'éviter un état d'indivision ou de copropriété; en revanche, le Département fédéral de justice et police considère qu'une telle attribution à un héritier légal en vertu d'une convention de partage est sujette à autorisation, ce qui semble inutilement restrictif puisqu'on devra toujours admettre qu'il existe un intérêt légitime au partage" (voir CHARLES-ANDRÉ JUNOD, L'acquisition d'immeubles en Suisse par des personnes domiciliées à l'étranger, 2e Journée juridique de la Faculté de droit de Genève, 1963, p. 120).
e) L'
art. 5 lettre b AFAIE
doit ainsi être interprété en ce sens que l'acquisition d'un immeuble en Suisse par une personne domiciliée à l'étranger n'est pas soumise à autorisation lorsqu'elle est faite par un héritier légal - même potentiel - dans la dévolution - légale ou testamentaire - d'une succession. Certes, le disposant jouit encore d'une certaine liberté dans le choix de la personne qu'il entend favoriser - par une institution d'héritier ou par un legs - au détriment de parents plus proches, mais il faut bien reconnaître que, ce choix étant limité aux seuls héritiers légaux, le disposant ne pourrait guère réaliser, par cette voie détournée, une opération immobilière prohibée. La crainte que le Tribunal fédéral a exprimée dans son arrêt du 2 mai 1975 (
ATF 101 Ib 381
consid. 1a) n'apparaît pas justifiée dans le cas d'acquisition par un héritier légal (même potentiel).
Dans le cas particulier, il faut donc admettre - contrairement à l'avis exprimé par l'intimé et par les autorités vaudoises - que Franck-Henri Cochard peut, en tant qu'héritier légal potentiel (
art. 458 al. 3 CC
), se prévaloir de l'exception prévue à l'
art. 5 lettre b AFAIE
. D'ailleurs, cette solution apparaît d'autant plus justifiée qu'Anne-Marie Cretin aurait pu librement disposer des six parcelles litigieuses en faveur de son petit-neveu en léguant ces immeubles à sa nièce Josiane Cochard - dont la qualité d'héritière légale est indiscutable - à charge pour elle de les transférer à son fils Franck-Henri Cochard: l'intimé a fait observer à juste titre, dans ses mémoires, qu'une telle opération n'aurait pas été soumise à autorisation, en application des dispositions de l'art. 5 lettres b et bbis AFAIE.
f) C'est donc avec raison - mais pour des motifs autres que ceux retenus dans la décision attaquée - que les autorités cantonales ont autorisé Franck-Henri Cochard à faire l'acquisition de six parcelles sur le territoire de la commune d'Arzier.