Urteilskopf
109 Ia 180
34. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 31 octobre 1983 dans la cause W. contre Ministère public du canton de Neuchâtel (recours de droit public)
Regeste
Art. 4 BV
; Art. 1 des neuenburgischen Gesetzes über die Ausübung der Medizinalberufe.
Art. 1 des neuenburgischen Gesetzes über die Ausübung der Medizinalberufe kann ohne Willkür dahin ausgelegt werden, dass darunter jede beruflich ausgeübte Diagnose- oder Heiltätigkeit fällt, auch wenn die dabei angewandte Methode nicht jenen der klassischen Medizin entspricht (in casu "Reflexologie").
W., qui est titulaire d'un "certificat de réflexologie" délivré par la "Bayly School of Reflexology in London", a exercé son art dans le canton de Neuchâtel, à Peseux et à Bôle, en 1981 et 1982. Sur dénonciation du médecin cantonal du canton de Neuchâtel, elle a été condamnée par le Tribunal de police du district de Boudry à une amende de 200 francs et au paiement d'une créance compensatrice à l'Etat de 1'200 francs, pour exercice illégal d'une profession médicale. Le recours qu'elle a déposé contre ce jugement a été rejeté le 25 août 1983 par la Cour de cassation
BGE 109 Ia 180 S. 181
pénale du canton de Neuchâtel. Celle-ci a considéré que la "réflexologie" (diagnostic et traitement au moyen de massages plantaires) constituait une activité médicale soumise comme telle à autorisation en vertu de la loi.
W. a déposé contre l'arrêt de l'autorité cantonale un pourvoi en nullité sur lequel il sera le cas échéant statué séparément, ainsi qu'un recours de droit public dans lequel elle se plaint d'arbitraire et d'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie.
Considérant en droit:
1.
La recourante considère qu'il est arbitraire d'assimiler la réflexologie à une activité médicale, car elle consiste à effectuer de la même façon sur tous les clients un massage plantaire qui exercerait une influence bénéfique sur la santé, au même titre que le sport ou le yoga. Elle fait encore valoir qu'elle n'a jamais posé de diagnostic au sens propre du terme, mais seulement parlé, d'une manière très générale, de douleurs de tête ou de dos.
La disposition cantonale applicable in casu est l'art. 1er de la loi neuchâteloise du 21 mai 1952 sur l'exercice des professions médicales, qui dispose:
"L'exercice des professions médicales, comprenant le diagnostic et le
traitement des maladies des hommes et des animaux, la pratique chirurgicale
et obstétricale, la préparation et la vente des médicaments, est réservé
aux seules personnes autorisées par le Conseil d'Etat."
L'autorité cantonale, se fondant sur les constatations précises du premier juge, a démontré que la recourante avait posé un diagnostic, s'agissant d'une série de personnes qui l'avaient consultée, et qu'elle avait procédé à des massages plantaires dans un but lucratif. La recourante n'attaque pas cette argumentation de manière précise et convaincante, elle n'apporte en tout cas aucun élément permettant de mettre en doute et les faits sur lesquels l'autorité cantonale s'est fondée et la définition du diagnostic qu'elle a adopté. Par ailleurs, il n'est en tout cas pas arbitraire d'interpréter l'art. 1er de la loi neuchâteloise précitée en ce sens que celle-ci concerne toute activité professionnelle consistant à poser un diagnostic ou à soigner, même si la méthode adoptée ne suit pas les sentiers de la médecine classique. En effet, si l'application de la loi était réservée aux activités médicales traditionnelles, les procédés les plus contestés pourraient être
BGE 109 Ia 180 S. 182
appliqués impunément par quiconque, ce qui n'a évidemment pas été voulu par le législateur. Le point de vue de l'autorité cantonale selon lequel l'obligation de disposer d'une autorisation porte sur toute activité tendante à soigner ou à poser un diagnostic professionnellement n'est d'ailleurs pas seulement soutenable, il correspond à celui de la plupart des législations cantonales sur cette matière.
Il s'ensuit que l'autorité cantonale ne saurait être taxée d'arbitraire ni dans la manière dont elle a appliqué la loi cantonale, ni pour avoir considéré que l'exercice de la réflexologie tel que l'a pratiqué la recourante dans le canton de Neuchâtel est soumis à autorisation et que, faute de celle-ci, il doit être réprimé conformément à l'art. 24 de la loi sur l'exercice des professions médicales. Le grief tiré du principe nulla poena sine lege est ainsi dénué de tout fondement.
2.
La recourante fait valoir les mêmes arguments pour étayer son grief d'arbitraire et celui d'inégalité de traitement. Mais l'affirmation que la profession la plus comparable à celle de "réflexologie" serait celle de masseur n'est évidemment pas propre à fonder une accusation de violation de la constitution. En effet, la profession de masseur appartient en vertu de la loi aux professions médicales auxiliaires et se trouve par là soumise elle aussi à autorisation. Quant à dire qu'il existe une prescription légale en ce qui concerne les massages et qu'il n'en existe pas pour la réflexologie, cela ne fait apparaître aucune inégalité de traitement. En réalité, il est vrai qu'il n'est pas possible d'exercer dans le canton de Neuchâtel et dans la plupart des autres cantons une profession médicale (ou paramédicale) nouvelle, sans que cela ne soit consacré au préalable par la loi. Toute activité médicale professionnelle touchant au diagnostic et à la thérapie est exhaustivement réglée par la loi, telle est la ratio legis; il n'y a pas, dans ces domaines, place pour une activité curative extra legem.
3.
Le recours de droit public doit également être rejeté sous l'angle de l'art. 31 Cst. En effet, il n'est pas contesté que les cantons ont la compétence d'édicter des dispositions restrictives en ce qui concerne les professions médicales. Or le point de savoir s'il existe une base légale suffisante pour soumettre la "réflexologie" à la loi sur l'exercice des professions médicales dépend de l'interprétation de l'art. 1er de cette loi. Dès lors que, pour les raisons indiquées plus haut, il n'est pas arbitraire de répondre affirmativement à la question en considérant que cette profession, en général et telle
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qu'elle a été pratiquée, a pour but de poser des diagnostics et de soigner les malades, il existe une base légale suffisante pour interdire l'exercice de cette profession à ceux qui ne sont pas au bénéfice d'une autorisation. Pour le reste, c'est au législateur, et non au Tribunal fédéral, qu'il appartient de se préoccuper de savoir si la nouvelle méthode doit être admise et de quelle manière par la loi. Il n'est en tout cas pas arbitraire de la part du canton de Neuchâtel de ne pas autoriser facilement l'exercice de nouvelles professions médicales mais d'essayer d'éviter tout malentendu par une obligation générale de demander une autorisation de pratiquer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.