Urteilskopf
110 V 278
44. Extrait de l'arrêt du 19 décembre 1984 dans la cause P. contre Caisse cantonale valaisanne de compensation et Tribunal cantonal valaisan des assurances
Regeste
Art. 36 Abs. 1 IVG
, Art. 9 Abs. 3 des schweizerisch-spanischen Abkommens über Soziale Sicherheit vom 13. Oktober 1969: Anspruch auf eine ordentliche Invalidenrente. Es ist nicht möglich, die von einem spanischen oder schweizerischen Staatsangehörigen in Spanien zurückgelegten Versicherungszeiten an die durch
Art. 36 Abs. 1 IVG
geforderte Mindestbeitragsdauer anzurechnen (Erw. 1b).
Art. 10 des schweizerisch-spanischen Abkommens über Soziale Sicherheit und Ziff. 10 des Schlussprotokolls zum genannten Abkommen: Anspruch eines spanischen Staatsangehörigen auf eine ausserordentliche Invalidenrente. Voraussetzungen, unter denen eine Abwesenheit von der Schweiz, die sich über die gemäss dem schweizerisch-spanischen Abkommensrecht zulässige Toleranzfrist (drei Monate je Kalenderjahr) hinaus erstreckt, den Aufenthalt in diesem Land nicht unterbricht (Erw. 2c).
A.-
Laura P., de nationalité espagnole, mariée, est entrée en Suisse le 26 mai 1973 et s'est installée à X, au bénéfice d'un permis de séjour "B". Le 7 décembre 1978, le service social de cette commune a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Cette requête faisait suite à deux autres demandes de même nature, présentées par la prénommée et qui avaient été rejetées par la Caisse cantonale valaisanne de compensation (décisions des 17 août 1976 et 14 août 1978). Elle était accompagnée d'une lettre du service social précité, qui indiquait que la requérante était partie en vacances en Espagne, avec sa famille, au mois de juillet 1978 et que, lors de son séjour dans ce pays, le 24 juillet 1978, elle était tombée malade. Considérant qu'il s'agissait d'une demande de révision au sens de l'
art. 87 al. 3 RAI
, l'administration requit de l'assurée la production d'un certificat médical, émanant d'un médecin suisse et rendant plausible que les conditions d'une telle révision étaient réunies, exigence à laquelle il n'a pas été donné suite.
Laura P., qui était rentrée de son pays natal au mois de septembre 1980, renouvela sa demande en date du 4 février 1981. Se fondant sur un prononcé de la commission de l'assurance-invalidité, du 18 septembre 1981, qui avait reconnu à l'assurée un degré d'invalidité de 37% dès le 27 janvier 1980, la caisse de compensation invita cette dernière, par lettre du 30 septembre 1981, à lui fournir des renseignements sur sa situation économique. Le 2 février 1982, elle lui notifia que si les conditions du cas pénible étaient en principe remplies, il ne pouvait néanmoins lui être alloué une demi-rente d'invalidité, ordinaire ou extraordinaire, au vu des dispositions de la convention hispano-suisse de sécurité sociale.
B.-
Laura P. a recouru contre cette décision auprès du Tribunal des assurances du canton du Valais, qui a rejeté son pourvoi par jugement du 10 mai 1983. Les premiers juges ont considéré que l'assurée ne pouvait prétendre ni une rente ordinaire, au motif qu'elle n'avait jamais cotisé à l'AVS/AI, ni une rente extraordinaire, du fait qu'elle ne satisfaisait pas à la condition de résidence ininterrompue en Suisse pendant cinq années au moins, fixée par la convention hispano-suisse.
C.-
Laura P. interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation, en concluant principalement à l'allocation d'une demi-rente d'invalidité dès le 1er janvier 1980. A titre subsidiaire, elle conclut au renvoi de la cause à l'administration pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
La caisse intimée conclut implicitement au rejet du recours, ce que propose aussi l'Office fédéral des assurances sociales.
Extrait des considérants:
1.
a) Aux termes de l'art. 9 al. 1 de la convention de sécurité sociale conclue le 13 octobre 1969 entre la Suisse et l'Espagne et entrée en vigueur le 1er septembre 1970 (ci-après: la convention), les ressortissants espagnols ont droit aux rentes ordinaires et aux allocations pour impotents de l'assurance-invalidité suisse, sous réserve des al. 2 et 3, aux mêmes conditions que les ressortissants suisses. Parmi ces conditions, comme l'ont relevé avec raison les premiers juges, figure l'exigence énoncée par l'
art. 36 al. 1 LAI
. Selon cette disposition, ont droit aux rentes ordinaires les assurés qui, lors de la survenance de l'invalidité, comptent une année entière au moins de cotisations. Un tel droit présuppose que l'assuré ait payé personnellement des cotisations durant la période minimale fixée par la loi. Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances en a jugé à maintes reprises, cela vaut également pour les épouses d'assurés qui ont été dispensées de l'obligation de cotiser en vertu de l'
art. 3 al. 2 let. b LAVS
(ATFA 1965 p. 24, 1961 p. 180; RCC 1965 p. 48; arrêts non publiés Bavier du 8 novembre 1984 et Glanzmann du 5 mai 1983).
b) Il est établi que la recourante, mariée et n'ayant jamais exercé d'activité soumise à cotisations en Suisse, n'a pas cotisé à l'AVS/AI. Ce point ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune contestation de sa part. La recourante soutient toutefois que, selon les dispositions
BGE 110 V 278 S. 281
conventionnelles hispano-suisses, l'administration aurait dû prendre en considération les périodes d'assurance qu'elle a accomplies en Espagne entre octobre 1967 et octobre 1969 et elle produit des copies de divers documents tendant à prouver qu'elle a versé des cotisations aux assurances sociales espagnoles durant cette période.
Ce moyen n'est pas fondé. Il est certes exact qu'aux termes de l'art. 9 al. 3 de la convention, expressément réservé par le premier alinéa cité plus haut, pour déterminer les périodes de cotisations qui doivent servir de base de calcul de la rente ordinaire de l'assurance-invalidité suisse due à un ressortissant espagnol ou suisse, les périodes d'assurance et les périodes assimilées accomplies selon les dispositions légales espagnoles sont prises en compte comme des périodes de cotisations suisses en tant qu'elles ne se superposent pas à ces dernières. Mais cette règle, caractéristique d'une convention bilatérale de sécurité sociale de type "A", c'est-à-dire fondée sur le principe dit de l'assurance-risque pur (cf.
ATF 109 V 130
et 188 consid. 3b), concerne uniquement le calcul de la rente et non pas la condition de base du droit à une rente ordinaire. Il n'est donc pas possible d'imputer sur la durée minimale de cotisations requise par l'
art. 36 al. 1 LAI
les périodes d'assurance accomplies en Espagne par un ressortissant espagnol ou suisse (arrêt non publié Soriano du 11 juillet 1980; voir aussi les messages du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'approbation des conventions de sécurité sociale conclues par la Suisse avec l'Espagne et la Turquie et sur l'approbation d'un avenant à la convention de sécurité sociale avec l'Espagne, FF 1969 II 1441 et 1982 III 1010).
c) De ce qui précède, il résulte que la recourante ne peut pas prétendre une demi-rente ordinaire de l'assurance-invalidité, comme l'ont retenu à juste titre l'administration et les juges cantonaux.
2.
a) Selon l'art. 10 de la convention, les ressortissants espagnols ont droit aux rentes extraordinaires de l'AVS/AI aux mêmes conditions que les ressortissants suisses, aussi longtemps qu'ils conservent leur domicile en Suisse et si, immédiatement avant la date à partir de laquelle ils demandent la rente, ils ont résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant dix années au moins lorsqu'il s'agit d'une rente de vieillesse et pendant cinq années au moins lorsqu'il s'agit, notamment, d'une rente d'invalidité.
b) Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a précisé à propos d'une autre disposition conventionnelle rédigée, sur le
BGE 110 V 278 S. 282
point ici en discussion, de manière semblable, par "date à partir de laquelle ils (les ressortissants espagnols) demandent la rente", il faut entendre, dans le cas d'une rente d'invalidité, le moment où une telle prestation peut ou pourrait effectivement être allouée à celui qui la requiert, toutes autres conditions étant remplies (
ATF 108 V 76
; cf. également
ATF 110 V 175
).
En l'espèce, il convient de se rallier à l'opinion de la juridiction cantonale, qui a considéré comme déterminante la date du 1er janvier 1980, en tenant compte, d'une part, du moment de la survenance de l'invalidité, fixée par la commission de l'assurance-invalidité au 27 janvier 1980, et, d'autre part, de l'art. 29 al. 1 in fine LAI, qui prévoit que la rente est allouée pour tout le mois au cours duquel le droit est né. En particulier, il n'y a pas lieu de prendre en considération, dans le calcul du délai conventionnel de cinq ans, les autres demandes de prestations présentées par la recourante avant 1980, qui soit ont été rejetées par décisions passées en force de chose jugée, soit n'ont pas eu de suite. Il en résulte que le délai quinquennal doit être calculé rétroactivement depuis le 1er janvier 1980, date à laquelle pourrait s'ouvrir le droit de la recourante à une demi-rente extraordinaire d'invalidité (
ATF 108 V 77
), et qu'il s'étend du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1979.
c) Selon les déclarations de la recourante, elle a quitté la Suisse pour se rendre en Espagne dans l'intention d'y passer des vacances, le 12 juillet 1978, et n'est rentrée de son pays natal que le 26 septembre 1980. Le dossier établit que cette interruption du séjour est due au fait que, le 24 juillet 1978, la recourante a développé un hémisyndrome sensitivo-moteur gauche qui a nécessité son hospitalisation dans un établissement madrilène, puis un traitement qui comportait, notamment, une intervention chirurgicale, en février 1979, consistant en "un remplacement valvulaire mitral par une valve prothétique de Björk pour une maladie mitrale à prédominance d'insuffisance post-rhumatismale et emboligène" (selon les termes d'un rapport du Centre hospitalier universitaire vaudois, du 17 mars 1981). En mars 1980, elle dut à nouveau séjourner à l'hôpital, toujours en Espagne, à la suite de complications infectieuses.
Aux termes du ch. 10 du protocole final de la convention, les ressortissants espagnols résidant en Suisse qui quittent la Suisse pour une période de trois mois au maximum par année civile n'interrompent pas leur résidence en Suisse au sens de l'art. 10 de la convention.
BGE 110 V 278 S. 283
Cependant, le Tribunal fédéral des assurances a déjà eu l'occasion de juger, dans des arrêts qui concernaient la condition de résidence ininterrompue pour l'obtention par un ressortissant étranger d'une prestation complémentaire suivant l'
art. 2 al. 2 LPC
, qu'il était possible, le cas échéant, de considérer qu'une absence de Suisse d'une durée supérieure au délai de tolérance normalement admissible n'interrompait pas la résidence (
ATF 110 V 170
; RCC 1981 p. 132). Une telle possibilité existe, en particulier, lorsque l'interruption du séjour est motivée par des raisons de santé. Il faut toutefois, dans des situations de ce genre, qu'un traitement approprié ne puisse pas, en raison de sa nature, être prodigué en Suisse ou encore que l'assuré tombe malade ou soit victime d'un accident à l'étranger et que son état de santé ne lui permette pas de voyager (
ATF 110 V 174
). Il s'impose d'appliquer également cette jurisprudence - pour autant qu'elle puisse entrer en ligne de compte - au droit des assurés étrangers aux rentes extraordinaires, dès lors que les prestations complémentaires et les rentes extraordinaires ont été instituées dans un même but social et qu'il convient, à défaut de réglementation spécifique, d'en définir les conditions d'octroi à l'aide de principes uniformes (cf.
ATF 110 V 173
; ATFA 1969 p. 58; RCC 1981 p. 131-132). Ainsi donc, le ressortissant espagnol peut, dans l'une des situations envisagées ci-dessus, satisfaire à l'exigence posée par l'art. 10 de la convention, quand bien même il a, durant la période déterminante, séjourné pendant plus de trois mois à l'étranger. Dans la mesure où un passage de l'
ATF 108 V 73
laisse entendre le contraire (p. 77 consid. 2b), cette jurisprudence ne peut être maintenue.
Dans le cas particulier, on a vu que la recourante avait interrompu son séjour en Suisse pour une durée largement supérieure à la limite admissible selon le droit conventionnel. Compte tenu de l'affection dont elle a été victime, on peut toutefois se demander s'il se justifie, conformément à la jurisprudence susmentionnée, de faire abstraction de ce dépassement du délai de tolérance. Il semble certes, à lire les certificats médicaux dont on dispose, que, postérieurement à l'intervention chirurgicale subie en février 1979, l'état de l'intéressée ait évolué normalement jusqu'à l'incident infectieux qui s'est produit au mois de mars 1980; sans doute cette dernière avait-elle besoin en permanence, comme cela ressort des pièces, d'un traitement anticoagulant qui nécessitait une surveillance médicale continue, mais certainement pas, en soi, la prolongation du séjour en Espagne. En revanche, il n'est pas impossible que
BGE 110 V 278 S. 284
ses médecins traitants aient craint les répercussions néfastes d'un voyage jusqu'en Suisse sur son état de santé. On ne peut cependant, au stade actuel de la procédure, répondre à ces questions qui nécessitent une instruction complémentaire.