Urteilskopf
111 IV 124
32. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 4 octobre 1985 dans la cause R. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste
Art. 68 Ziff. 1, 123 Ziff. 1 Abs. 1 und 128 StGB.
Wer jemandem vorsätzlich Verletzungen, die nicht ganz geringfügiger Natur sind, zufügt und das Opfer ohne die erforderliche Hilfe lässt, macht sich der einfachen Körperverletzung und des Im Stiche lassens eines Verletzten (in Realkonkurrenz) schuldig.
Extrait des considérants:
2.
a) L'
art. 128 CP
prévoit que se rend coupable d'abandon d'un blessé (im Stiche lassen, omissione di soccorso ad un ferito) celui qui sans la secourir aura abandonné une personne blessée par lui, par un véhicule ou par un animal dont il se servait. Selon la jurisprudence, cette disposition ne suppose pas que l'abandon compromette la santé ou la vie du blessé ni que ce dernier soit privé de tout secours (
ATF 75 IV 60
). Une lésion bénigne ne suffit pas et la victime doit avoir besoin d'aide (LOGOZ, Commentaire du CPS, partie spéciale I, Neuchâtel 1955, p. 66 n. 3; NOLL, Schweiz. Strafrecht, Bes. Teil I, Zurich 1983, p. 58).
En l'espèce, selon le rapport médical du 21 février 1984, un spécialiste des traumatismes de la main a qualifié les lésions subies par l'épouse du condamné de "traumatisme important"; trois doigts ont été écrasés à leur extrémité distale, les os de la dernière phalange de ces trois doigts ont été tous brisés; l'extrémité du médius a subi une amputation subtotale et pendait, tenu par un morceau de peau; il a pu être suturé ensuite à l'hôpital. La cour cantonale a constaté que le recourant ne pouvait prétendre ne pas avoir eu conscience des blessures qu'il avait causées à sa femme. C'est là une constatation de fait qui lie la Cour de céans saisie d'un pourvoi en nullité. Dès lors, force est d'admettre que dans ces circonstances il incombait au condamné de secourir la personne à laquelle il avait causé des blessures plus que bénignes et qui avait besoin d'aide. Le délit d'abandon d'un blessé est ainsi réalisé. Demeure la question de savoir si cette infraction peut être commise en concours réel avec les lésions corporelles simples retenues à sa charge.
b) Selon la jurisprudence, celui qui blesse une personne au cours d'une tentative ou d'un délit manqué de meurtre doit être puni seulement de ce chef et non pas également pour abandon d'un blessé (
ATF 87 IV 7
= JdT 1961 IV 127). En effet, le Tribunal fédéral a considéré que le concours réel entre les infractions prévues aux
art. 111 et 128 CP
était exclu car l'intention de tuer implique nécessairement le refus d'assistance, que l'auteur abandonne ou non sa victime après avoir commis son acte.
Fondé sur le principe d'après lequel celui qui est puni en raison de la lésion ne peut pas être en plus réprimé pour la mise en danger, le recourant soutient ici que déjà reconnu coupable de lésions corporelles simples par dol éventuel (
art. 123 ch. 1 al. 1 CP
) il ne pouvait être condamné encore pour abandon d'un blessé au sens de l'
art. 128 CP
.
Certains auteurs ont examiné la question du concours entre ces deux infractions. Pour SCHUBARTH, il y a un concours réel entre le délit de lésions corporelles simples commis intentionnellement et l'abandon d'un blessé pour autant que le blessé soit exposé à subir des lésions corporelles graves ou soit en danger de mort (M. SCHUBARTH, Kommentar zum Schweiz. Strafrecht, Bes. Teil, vol. 1, Berne 1982, p. 238 n. 37).
STRATENWERTH semble partager les vues de SCHUBARTH (G. STRATENWERTH, Schweiz. Strafrecht, Bes. Teil I, 3e éd., Berne 1983, p. 86 n. 66). NOLL admet sans réserve le concours réel entre les lésions corporelles, intentionnelles ou par négligence, et l'abandon d'un blessé (op.cit., p. 59). LOGOZ et THORMANN-VON OVERBECK sont du même avis (P. LOGOZ, Commentaire du CPS, partie spéciale I, Neuchâtel 1955, p. 67 ch. 6; THORMANN-VON OVERBECK, Das Schweiz. Strafgesetzbuch, vol. 2, Zurich 1941, p. 49).
Cette dernière interprétation paraît la plus proche du texte légal. En effet, la volonté d'un meurtrier est de tuer; le résultat recherché par l'auteur est la mort de la victime; il n'a pas atteint son but si celle-ci n'est que blessée; la volonté criminelle implique en conséquence l'abandon du lésé si ce dernier ne souffre que de blessures. Au contraire, celui qui intentionnellement porte atteinte à la santé ou à l'intégrité corporelle d'une personne obtient le résultat recherché dès que la victime est blessée; sa volonté délictuelle - réprimée par l'
art. 123 CP
- est pleinement assouvie par la survenance des blessures qu'il a causées. Si, en plus, il abandonne la victime qui a besoin d'aide, il va au-delà de ce résultat. Il commet un délit supplémentaire de mise en danger et tombe aussi sous le coup de l'
art. 128 CP
. Cette dernière disposition ne prévoit nullement, contrairement à ce que l'on pourrait déduire de l'interprétation de SCHUBARTH, que l'abandon punissable ait présenté un risque qualifié - de lésions corporelles graves ou de mort - pour la victime.
En l'espèce, la gravité des blessures subies par l'épouse du recourant (écrasement des doigts par une porte d'ascenseur ayant occasionné la fracture des os de la dernière phalange de trois doigts, l'extrémité de l'un deux pendant, retenue par un morceau de peau) et les circonstances dans lesquelles ces lésions se sont produites permettent, on l'a vu, de considérer le délit de l'
art. 128 CP
comme réalisé. L'
art. 123 ch. 1 al. 1 CP
étant également applicable au recourant, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral lorsqu'elle a admis le concours réel de ces deux dispositions.