Urteilskopf
111 V 58
16. Extrait de l'arrêt du 7 janvier 1985 dans la cause Société vaudoise et romande de secours mutuels contre X et Cour de justice du canton de Genève
Regeste
Art. 106 OG
.
- Der Rückzug der Verwaltungsgerichtsbeschwerde darf grundsätzlich nicht an Bedingungen geknüpft werden (Erw. 1).
- Ist eine Verwaltungsverfügung durch die kantonale Rekursbehörde aufgehoben worden, kann sie nicht durch blosse übereinstimmende Willensäusserung der Parteien vor dem Eidg. Versicherungsgericht wiederhergestellt werden; das Gericht muss vielmehr, falls die Verwaltungsgerichtsbeschwerde nicht uneingeschränkt zurückgezogen wird, über die ihm unterbreiteten Anträge befinden (Erw. 1).
Art. 16 und 18 ZGB
,
Art. 105 Abs. 2 OG
.
- Urteilsfähigkeit: ihre wesentlichen Elemente (Erw. 3a).
- Der Zustand, in dem sich eine Person befand, als sie die streitige Handlung ausführte, gehört zur Tatbestandsfeststellung, während die Urteilsfähigkeit bezüglich der fraglichen Handlung eine Rechtsfrage ist (Erw. 3c).
- Überprüfung der Gültigkeit einer Austrittserklärung, die ein Versicherter, der sich auf seine Urteilsunfähigkeit beruft, der Krankenkasse abgegeben hat (Erw. 4).
A.-
Par arrêt du 17 septembre 1982 (
ATF 108 V 121
), le Tribunal fédéral des assurances a admis partiellement le recours de droit administratif formé par la Société vaudoise et romande de secours mutuels (SVRSM) contre le jugement de la Cour de justice du canton de Genève du 26 mars 1981. Il a annulé le jugement attaqué et a renvoyé la cause aux premiers juges pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants. La juridiction cantonale était invitée, aux termes de cet arrêt, à ordonner une expertise afin de déterminer, sur le plan médical, de quelle maladie mentale était atteinte Jocelyne X au
BGE 111 V 58 S. 60
moment décisif (7 juillet 1980) et quels étaient les effets de cette maladie sur sa faculté d'agir raisonnablement par rapport à l'acte considéré (lettre de démission adressée à sa caisse-maladie).
B.-
A la suite de cet arrêt, la Cour de justice genevoise a désigné un expert en la personne du docteur F., médecin-psychiatre FMH, lequel est parvenu à la conclusion que, le 7 juillet 1980, Jocelyne X "était atteinte d'un délire de persécution, psychose aiguë type délire sensitif de relation sur terrain paranoïaque" et qu'elle n'avait pas, à ce moment, "la capacité d'apprécier raisonnablement la signification, l'opportunité et la portée de sa démission".
Se fondant sur cette expertise, les premiers juges ont derechef considéré que Jocelyne X était incapable de discernement au moment où elle avait envoyé sa démission à la caisse et ils ont annulé en conséquence la décision du 14 novembre 1980, par laquelle cette dernière avait refusé de réintégrer l'intéressée dans la catégorie d'assurance "patient privé" (jugement du 16 juin 1983).
C.-
La SVRSM a interjeté recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle a demandé l'annulation.
Dans sa réponse au recours, Jocelyne X a conclu au rejet du recours. Ultérieurement, par lettre du 19 juillet 1984, elle a déclaré confirmer sa "résiliation du 7 juillet 1980" et accepter "de considérer (qu'elle a) perdu la qualité de sociétaire auprès de la SVRSM depuis cette date". Ayant pris connaissance de cette communication, la caisse s'est déclarée prête, par lettre du 20 septembre 1984, à retirer son recours "à condition cependant que la décision de radiation du rôle mentionne que ce retrait intervient en raison de la renonciation de l'intéressée à une affiliation à la SVRSM".
Extrait des considérants:
1.
Le retrait du recours de droit administratif est assimilé à un désistement d'instance qui entraîne l'entrée en force de chose jugée de la décision contre laquelle le recours était dirigé (
ATF 107 V 248
). En principe, un tel retrait ne saurait cependant être conditionnel (cf.
ATF 74 I 282
-283), de sorte que la lettre que la caisse a adressée au Tribunal fédéral des assurances en date du 20 septembre 1984 n'est pas de nature à mettre fin au procès sans jugement. D'autre part, on ne peut pas non plus considérer que
BGE 111 V 58 S. 61
l'écriture de l'intimée du 19 juillet 1984 rend le recours sans objet: cette communication équivaut à une proposition au juge, qui ne lie pas ce dernier et qui ne peut avoir l'effet d'un acquiescement, tel qu'on le connaît en procédure civile (ATFA 1969 p. 21; RJAM 1983 No 520 p. 41). On rappellera au surplus que le recours de première instance avait un effet dévolutif complet et que, par conséquent, l'objet de la contestation n'est plus la décision prise par la caisse, mais le jugement entrepris. Dès lors, même la volonté concordante des parties ne peut entraîner le rétablissement de la décision annulée par les premiers juges. Ainsi donc, le Tribunal fédéral des assurances doit statuer sur les conclusions dont il est saisi.
3.
a) Aux termes de l'
art. 18 CC
, les actes de celui qui est incapable de discernement n'ont pas d'effet juridique. Le discernement est défini à l'
art. 16 CC
comme la faculté d'agir raisonnablement. Il comporte deux éléments: un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens et les effets d'un acte déterminé, et un élément caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (GROSSEN, Traité de droit civil suisse, tome II 2, Les personnes physiques, p. 36). En outre, d'après un principe unanimement admis, le droit suisse ne connaît pas, en ce qui concerne la capacité de faire des actes juridiques (Geschäftsfähigkeit), la notion de capacité (ou d'incapacité) restreinte: ou bien un contrat est valable ou bien il ne l'est pas (système dit du "Alles-oder-nichts-Prinzip"; cf. WESSNER, Le discernement: contre la notion de capacité restreinte en droit de la responsabilité civile, RSJ 79 1983, p. 336 et les références). D'autre part, comme l'a relevé le Tribunal fédéral des assurances dans son arrêt du 17 septembre 1982, la faculté d'agir raisonnablement doit s'apprécier concrètement par rapport à l'acte considéré, au moment de l'acte (relativité du discernement;
ATF 108 V 128
et les références).
b) Dans son arrêt précité, le Tribunal fédéral des assurances a également rappelé que la capacité civile des étrangers en Suisse est régie par leur loi nationale. Ce principe souffre cependant une restriction en ce sens qu'un étranger qui ne possède pas l'exercice des droits civils et qui fait des actes juridiques en Suisse ne peut (sous réserve de l'
art. 7b al. 2 LRDC
) y exciper de son incapacité s'il était, selon la loi suisse, capable à l'époque où il s'est obligé. S'il conteste sa capacité, c'est d'abord sous l'angle du droit suisse
BGE 111 V 58 S. 62
que le problème doit être tranché; c'est seulement si ce droit le reconnaît incapable qu'il faut examiner la question d'après la loi nationale. Ces principes s'appliquent aussi aux relations entre une caisse-maladie reconnue et un étranger qui réside en Suisse (
ATF 108 V 124
consid. 3 et les références).
c) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral statuant comme juge de réforme (
art. 43 ss OJ
) ou dans le cadre du recours en matière de poursuite pour dettes et de la faillite (
art. 19 LP
et 75 ss OJ), l'état dans lequel se trouvait une personne lorsqu'elle a accompli l'acte litigieux relève des constatations de fait au sens de l'
art. 63 al. 2 OJ
, alors que la capacité de discernement par rapport à l'acte en cause est une question de droit (
ATF 102 II 367
consid. 4,
ATF 99 III 7
et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu de choisir un autre critère de distinction lorsque le Tribunal fédéral des assurances statue sur un recours de droit administratif en matière d'assurances sociales et qu'il applique l'
art. 105 al. 2 OJ
.
4.
a) Il ressort du rapport d'expertise du docteur F. que, depuis l'été 1979, l'intimée a eu le sentiment d'être "surveillée constamment" et qu'elle a progressivement développé "un délire de persécution à mécanisme interprétatif (du type paranoïa sensitive) avec de fortes composantes de culpabilité"; après un traitement chimiothérapeutique administré entre le 20 mars et le 1er mai 1980, elle a passé un baccalauréat par correspondance, en juillet 1980, et elle a ensuite fait un voyage de deux mois aux Etats-Unis et au Canada, avant de revenir à Genève, puis de se rendre pour un bref séjour en Israël; en octobre 1980, son médecin traitant a diagnostiqué "un délire floride de persécution, sans aucune critique, induisant des troubles du comportement et enrichi d'hallucinations auditives", ce qui a nécessité son hospitalisation dans un établissement psychiatrique, du 8 au 22 octobre 1980, où la chimiothérapie et, surtout, la "mise à l'abri" en clinique ont entraîné une amélioration passagère, suivie d'une aggravation qui a provoqué une nouvelle hospitalisation. Quant aux circonstances qui ont entouré la démission litigieuse et qui ont abouti à celle-ci, elles ont fait l'objet d'investigations détaillées de la part de l'expert...
b) La juridiction cantonale a fait siennes les constatations et conclusions de l'expert et a ainsi admis que l'intimée n'était pas dotée de la faculté d'agir raisonnablement, suivant le droit suisse, au moment où elle a envoyé sa lettre de démission. Elle s'est au surplus fondée sur l'opinion de BUCHER, selon lequel un rapport
BGE 111 V 58 S. 63
raisonnable et suffisant avec la réalité n'existe généralement pas chez les personnes qui sont dominées par une appréciation erronée et délirante du monde extérieur, en particulier chez celles qui se croient poursuivies ou menacées; le point de départ de leur action étant faussé, les actes par lesquels elles tentent de résister à une telle menace n'ont pas d'effet juridique (Berner Kommentar, n. 49 ad
art. 16 CC
; cf. également GROSSEN, op.cit., p. 36-37). Examinant par ailleurs le cas sous l'angle de la loi nationale de l'intimée, comme le lui avait prescrit le Tribunal fédéral des assurances, la cour cantonale a considéré, eu égard à l'art. 489 du code civil français, qui subordonne la validité d'un acte à la condition que son auteur soit "sain d'esprit", que la démission de la caisse par l'intéressée n'était pas non plus valable selon le droit français.
La recourante ne prétend pas, à juste titre, que les premiers juges seraient partis de notions juridiques erronées concernant l'incapacité au sens des législations suisse et française. Il n'apparaît pas non plus que ceux-ci aient violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou l'abus de leur pouvoir d'appréciation (
art. 104 let. a OJ
), en tirant du rapport de l'expert la conclusion que, au moment déterminant, l'intimée était incapable de discernement et qu'elle n'était pas "saine d'esprit". La caisse soutient, il est vrai, que l'état de santé de l'intéressée se trouvait en "rémission" au mois de juillet 1980, et que sa décision de démissionner procédait ainsi d'un acte réfléchi. Elle ne démontre toutefois pas en quoi les faits retenus par l'instance inférieure seraient manifestement inexacts ou incomplets ou auraient été établis au mépris de règles essentielles de procédure. Ses griefs sont donc irrecevables au regard de l'
art. 105 al. 2 OJ
. C'est également en vain que la caisse invoque "le bon sens", en insistant sur le fait que l'intimée a été capable, à l'époque où elle a donné sa démission, de passer un baccalauréat et de préparer un voyage à l'étranger, de sorte qu'elle devait être en mesure de se rendre compte de la portée de l'acte en question: il s'agit là de circonstances qui étaient connues de l'expert judiciaire et qui, ainsi qu'on l'a vu, ont été prises en considération par ce dernier dans son appréciation du cas. On relèvera au surplus que le service médical de l'Office fédéral des assurances sociales, dont l'opinion est rapportée par ledit office dans son préavis, partage cette appréciation, après avoir pris connaissance de l'ensemble du dossier médical. Le recours de droit administratif n'est dès lors pas fondé.