Urteilskopf
112 II 231
40. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 1er juillet 1986 dans la cause Sociétés A. et B. contre Etat de Genève (procès direct)
Regeste
Verantwortlichkeit von Behörden und Beamten, Verjährung.
Die zehnjährige Verjährungsfrist des
Art. 60 Abs. 1 OR
kann unterbrochen werden. Tragweite der Erklärung des Schuldners, sich während eines Jahres nicht auf die Verjährung zu berufen (E. 3e).
Damit die Entscheidung eines Magistraten oder Beamten als rechtswidrig bezeichnet werden kann - vorliegend im Sinne von Art. 1 des Genfer Gesetzes über die Verantwortlichkeit des Staates und der Gemeinden -, muss eine schwere Rechtsverletzung gegeben sein, etwa durch Missbrauch oder Überschreitung des Ermessens, Verletzung einer klaren Gesetzesvorschrift oder Missachtung eines allgemeinen Rechtsgrundsatzes. Der Fehler eines Magistraten setzt die Verletzung einer wesentlichen Amtspflicht voraus (E. 4).
Extrait des considérants:
3.
e) Certains des actes illicites reprochés au défendeur remontent à plus de dix ans avant le dépôt de la demande, soit à des dates antérieures au 8 mai 1975. On doit dès lors se demander si le délai de prescription de dix ans de l'
art. 60 al. 1 CO
, qui court dès le jour où le fait dommageable s'est produit, a été atteint. Du moment que le moyen tiré de la prescription a été invoqué, cette question touchant au fondement juridique de l'exception doit être examinée bien qu'elle ne soit pas soulevée par le défendeur (
ATF 66 II 237
).
aa) La question de savoir si le délai de prescription de 10 ans de l'
art. 60 CO
peut être interrompu est controversée en doctrine (cf. les analyses de STARK, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, n. 1099, et W. SCHWANDER, in Journées du droit de la circulation routière, Fribourg 1984, p. 28 s., avec références aux opinions divergentes de SPIRO, Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen, I p. 545 n. 8, et DESCHENAUX/TERCIER, La responsabilité civile, 2e éd., p. 203 n. 28, lesquels admettent l'interruption, et de BUCHER, Schweiz. OR, Allg. Teil, p. 402, qui la nie). Le Tribunal fédéral n'a pas eu l'occasion de se prononcer dans le cadre de l'
art. 60 al. 1 CO
, mais il a jugé à propos du délai de deux ans dès le jour de l'accident, prévu par l'art. 14 al. 1 LRC, que le lésé peut intenter une poursuite ou ouvrir action pour interrompre le délai selon l'
art. 135 ch. 2 CO
,
BGE 112 II 231 S. 233
s'il entend sauvegarder ses droits dérivant de conséquences de l'accident qui n'apparaîtraient qu'après l'expiration dudit délai (
ATF 84 II 211
). Cette solution doit s'appliquer aussi au délai de 10 ans de l'
art. 60 CO
. Celui qui sait ou pense qu'un fait dommageable s'est produit, mais qui ignore encore, à la fin du délai de 10 ans, la quotité ou l'existence du dommage, doit pouvoir sauvegarder ses droits et interrompre la prescription, comme le lui permet sans restriction l'
art. 135 ch. 2 CO
. Selon l'
art. 137 CO
, un nouveau délai de 10 ans commence alors à courir dès l'interruption.
bb) En l'espèce, il n'y a pas eu d'acte d'interruption proprement dit de la part du créancier, tel qu'il est prévu à l'
art. 135 ch. 2 CO
. Mais le 24 octobre 1979, le défendeur a déclaré renoncer à exciper de la prescription, pour une durée échéant au 31 octobre 1980.
La faculté de renoncer à l'exception de prescription avant que celle-ci ne soit acquise est limitée par les
art. 129 et 141 al. 1 CO
, mais la jurisprudence a interprété ces dispositions dans un sens restrictif, à savoir qu'elles ne visent que les délais de prescription fixés dans le titre troisième du code des obligations (
ATF 99 II 191
s.). Les délais de prescription de l'
art. 60 CO
ne sont donc pas visés par ces dispositions. Cette interprétation restrictive s'impose d'autant plus que la renonciation à la prescription a pris une grande extension dans la pratique, notamment dans les relations avec les compagnies d'assurance.
La renonciation, de la part du défendeur, à exciper de la prescription pour une durée d'un an doit être interprétée selon le principe de la confiance, soit selon le sens que le destinataire pouvait raisonnablement attribuer à la déclaration, sur la base des circonstances qu'il connaissait ou devait connaître. Cette déclaration faisait suite à une proposition du conseil de la demanderesse, qui relevait qu'une telle renonciation serait préférable aux "notifications rituelles en la matière". Or les notifications ainsi désignées ne peuvent être que celles qui permettent au créancier d'interrompre la prescription, soit principalement la poursuite et la citation en conciliation, mentionnées à l'
art. 135 ch. 2 CO
. Le débiteur qui déclare renoncer à exciper de la prescription dans un tel contexte accepte d'être placé dans la même situation que si les notifications évitées avaient eu lieu. La renonciation équivaut donc à une interruption, et un nouveau délai - de 10 ans selon l'
art. 60 CO
, en l'espèce - commence à courir à partir du moment où
BGE 112 II 231 S. 234
elle est formulée, soit ici dès le 24 octobre 1979 (cf. à ce sujet
ATF 99 II 188
ss).
Au surplus, le défendeur commettrait un abus de droit en excipant de la prescription de dix ans, car il a engagé la créancière, par son attitude, à ne pas procéder juridiquement pendant le délai de prescription, ce qu'elle aurait fait sans la renonciation (
ATF 89 II 262
s. consid. 4).
La prescription n'est donc pas acquise à l'encontre de la société immobilière demanderesse.
4.
Les demanderesses fondent leur action sur des actes émanant d'un conseiller d'Etat, soit d'un magistrat, ou dont il répond. La cause doit ainsi être examinée à la lumière de l'art. 1er de la loi genevoise sur la responsabilité civile de l'Etat et des communes du 23 mai 1900.
Aux termes de cette disposition, l'Etat de Genève est tenu de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes illicites commis soit à dessein, soit par négligence ou imprudence dans l'exercice de leurs fonctions, par les magistrats qui le représentent. La responsabilité de l'Etat pour les actes d'un magistrat suppose donc un acte illicite et une faute.
Selon la jurisprudence, le comportement d'un magistrat ou d'un fonctionnaire est illicite lorsqu'il viole des injonctions ou des interdictions de l'ordre juridique destinées à protéger le bien lésé. Une telle violation peut résider dans l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation laissé par la loi au magistrat ou fonctionnaire. Est également considérée comme illicite la violation de principes généraux du droit. Cette définition est utilisée par le Tribunal fédéral aussi bien en matière de responsabilité fondée sur la loi fédérale sur la responsabilité qu'en matière de droit cantonal, en l'absence d'une disposition particulière (
ATF 107 Ib 164
consid. 3a,
ATF 103 Ib 68
et les arrêts cités,
ATF 89 I 194
consid. 6e; cf. KNAPP, Précis de droit administratif, 2e éd., p. 285 s.; EGLI, L'activité illicite du juge, cause de responsabilité pécuniaire à l'égard des tiers, in Hommage à Raymond Jeanprêtre, p. 14).
Toute illégalité ne peut cependant pas être qualifiée d'acte illicite lorsque l'on a affaire non pas à une action matérielle illégale, mais à une décision administrative. Comme en matière de responsabilité du juge (
ATF 107 Ib 166
; arrêt du Tribunal fédéral du 18 janvier 1980 dans la cause X. c. Etat de Vaud, publié in SJ 1981 p. 230 ss consid. 3), on doit considérer que si l'autorité ou le magistrat a interprété la loi, fait usage de son pouvoir d'appréciation ou de
BGE 112 II 231 S. 235
la latitude que lui laisse une notion juridique imprécise, d'une manière conforme à ses devoirs, son activité ne peut pas être tenue pour illicite du seul fait que son appréciation ou son interprétation n'est pas retenue par une autorité supérieure ou de recours saisie du cas par la suite. Pour qu'une décision puisse être qualifiée d'illicite, il faut une violation grave du droit, réalisée par exemple lorsque le magistrat ou l'autorité abuse de son pouvoir d'appréciation ou l'excède, lorsqu'il viole un texte clair, méconnaît un principe général du droit, n'instruit pas un dossier correctement ou agit par malveillance (cf. KNAPP, op.cit., p. 286 s.; KNAPP, La responsabilité de l'Etat et de ses agents, Mémoires publiés par la Faculté de droit de Genève, XVIIIe journée juridique, p. 36 s.).
Lorsque la responsabilité de l'Etat n'est engagée qu'en cas de faute, comme en l'espèce, on peut admettre qu'un magistrat n'en commet pas s'il ne viole pas un devoir primordial de sa fonction (cf. EGLI, op.cit., p. 18, qui pose ce principe à propos du magistrat judiciaire).