Urteilskopf
112 V 156
27. Arrêt du 1er juillet 1986 dans la cause Bérard contre Caisse de compensation du canton de Fribourg et Commission cantonale fribourgeoise de recours en matière d'assurances sociales
Regeste
Art. 52 AHVG
und
Art. 82 AHVV
.
- Durch die Nichtbezahlung und die Verwirkung paritätischer Beiträge der Ausgleichskasse entstandener Schaden. In casu Haftung des Arbeitgebers bejaht.
- Beginn der ein- und der fünfjährigen Verwirkungsfrist (Hinweis auf die Rechtsprechung).
A.-
Michel Bérard travaille à temps partiel au service de son père, Albert Bérard, agriculteur indépendant. Le 25 juillet 1983 et le 21 mai 1984, la Caisse cantonale fribourgeoise de compensation a requis du Service cantonal fribourgeois des contributions qu'il lui communique les montants déclarés à l'autorité fiscale par Albert Bérard au titre de salaires versés à son fils, tout d'abord pour les années 1978 à 1982, puis pour les années 1974 à 1977. Le service précité lui a fourni les renseignements demandés par deux communications, datées des 24 août 1983 et 25 mai 1984. Ces communications ont révélé que les montants en question étaient notablement supérieurs à ceux qui avaient été annoncés à l'AVS par Albert Bérard pour chacune des années considérées. Aussi la caisse de compensation a-t-elle réclamé à ce dernier des cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC sur la part des rémunérations non déclarées à l'AVS pour la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1982 soit dans les limites de la péremption quinquennale de l'
art. 16 al. 1 LAVS
(décisions du 25 mai 1984). En outre, elle lui a notifié une décision, du 18 juin 1984, par laquelle elle lui demandait le paiement d'une somme de Fr. ... au titre de réparation du dommage causé par la péremption des cotisations relatives aux salaires non déclarés pour les années 1974 à 1978.
B.-
Albert Bérard s'étant opposé à cette dernière décision, la caisse de compensation a porté le cas devant la Commission cantonale fribourgeoise de recours en matière d'assurances sociales, qui a admis l'action dont elle était saisie, par jugement du 8 novembre 1985.
C.-
Albert Bérard interjette recours de droit administratif contre ce jugement en concluant au "rejet de l'action" de la caisse de compensation.
La caisse intimée conclut au rejet du recours, ce que propose également l'Office fédéral des assurances sociales.
Considérant en droit:
1.
(Pouvoir d'examen limité.)
2.
Selon l'
art. 52 LAVS
, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation est tenu à réparation. En matière de cotisations, qui représente le champ d'application principal de cette disposition légale, un dommage se produit lorsque l'employeur ne déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse à ses employés et que les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l'
art. 16 al. 1 LAVS
(voir p.ex.
ATF 98 V 26
; ATFA 1961 p. 226, 1957 p. 215); ou lorsque des cotisations demeurent impayées en raison de l'insolvabilité de l'employeur (voir p.ex.
ATF 111 V 172
; RCC 1985 p. 602 et 646). Dans la première éventualité, le dommage est réputé survenu au moment de l'avènement de la péremption (
ATF 108 V 194
,
ATF 98 V 28
consid. 4; ATFA 1961 p. 230 consid. 2, 1957 p. 222-224 consid. 3). Dans la seconde, au moment où les cotisations ne peuvent plus être perçues selon la procédure ordinaire, eu égard à l'insolvabilité du débiteur (
ATF 111 V 173
consid. 3a; MAURER, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, vol. II, p. 69).
L'
art. 82 RAVS
règle la prescription du droit de la caisse de compensation de demander la réparation du dommage. Un tel droit se prescrit lorsque la caisse ne le fait pas valoir par une décision de réparation dans l'année après qu'elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait dommageable (al. 1). Lorsque ce droit dérive d'un acte punissable soumis par le code pénal à un délai de prescription de plus longue durée, ce délai est applicable (al. 2). En dépit
BGE 112 V 156 S. 158
de la terminologie dont use l'
art. 82 RAVS
, les délais institués par cette norme ont un caractère péremptoire (
ATF 112 V 7
consid. 4c).
3.
Le recourant invoque, à titre principal, la péremption du droit de la caisse de compensation de lui réclamer la réparation du dommage qu'elle a subi.
a) La caisse de compensation a eu "connaissance du dommage" au sens de l'
art. 82 al. 1 RAVS
au moment où elle aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (
ATF 108 V 52
consid. 5). La notion contenue à l'
art. 82 al. 1 RAVS
se rapproche de celle que connaît l'
art. 47 al. 2 LAVS
, relatif à la péremption du droit de la caisse de compensation de demander la restitution de rentes ou d'allocations pour impotents. Dans ce cas également, le délai d'un an commence à courir dès que l'administration aurait dû s'apercevoir, en faisant preuve de l'attention que les circonstances permettaient raisonnablement d'exiger d'elle, que les conditions d'une restitution étaient réalisées (
ATF 110 V 304
); l'administration doit cependant disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (
ATF 111 V 17
).
En application de ces principes, la jurisprudence considère par exemple, à propos de la demande en réparation d'un dommage causé par l'insolvabilité de l'employeur (faillite), que la caisse de compensation connaît suffisamment son préjudice, en règle ordinaire, lorsqu'elle est informée de sa collocation dans la liquidation: elle connaît ou peut connaître à ce moment-là le montant de l'inventaire, sa propre collocation dans la liquidation, ainsi que le dividende prévisible (
ATF 112 V 8
consid. 4d; dans le même sens,
ATF 111 V 173
consid. 3).
Dans le cas particulier, il y a lieu d'admettre que la caisse intimée n'a eu connaissance de l'existence et de l'étendue de son dommage qu'à réception des communications du Service cantonal fribourgeois des contributions, datées des 24 août 1983 et 25 mai 1984: c'est à ce moment-là qu'il est apparu que les salaires déclarés au fisc par le recourant ne correspondaient pas à ceux communiqués par ce dernier à l'administration de l'AVS, ce qui
BGE 112 V 156 S. 159
donnait la possibilité à la caisse d'exiger le paiement des cotisations non encore périmées et d'agir en réparation du dommage pour les cotisations frappées de péremption. Ainsi donc, le délai d'un an de l'
art. 82 al. 1 RAVS
n'était pas encore échu à la date du prononcé de la décision du 18 juin 1984.
b) Quant au délai subsidiaire de cinq ans, il commence à courir dès la survenance du dommage, conformément à la lettre des textes allemand et italien et au sens qu'il faut attribuer au texte français de l'
art. 82 al. 1 RAVS
. Car, s'il commençait à courir dès l'omission du décompte au terme usuel fixé par l'
art. 34 RAVS
, cela rendrait illusoire toute possibilité pour la caisse d'obtenir la réparation d'un dommage causé par le non-versement et la péremption de cotisations. Ou bien, en effet, la caisse découvrirait l'omission de l'employeur avant l'échéance du délai de péremption de l'
art. 16 al. 1 LAVS
; ayant encore la possibilité d'exiger le paiement des cotisations, elle ne subirait aucun dommage. Ou bien la caisse découvrirait l'omission après que les cotisations sont frappées de péremption; il y aurait alors dommage, mais l'échéance du délai de péremption de cinq ans de l'
art. 82 al. 1 RAVS
lui interdirait d'en demander la réparation (sur ces divers points, voir ATFA 1957 p. 223).
En l'espèce, les cotisations impayées pour les années 1974, 1975, 1976, 1977 et 1978 - soit les années visées par la décision litigieuse - étaient périmées, respectivement, à la fin des années 1979, 1980, 1981, 1982 et 1983 seulement (
art. 16 al. 1 LAVS
). Le délai de péremption de cinq ans de l'
art. 82 al. 1 RAVS
n'était donc pas non plus écoulé au moment où l'intimée a fait valoir son droit à réparation.
4.
Cela étant, l'exception de péremption soulevée par le recourant n'est pas fondée. Il convient donc d'examiner si ce dernier a commis une faute intentionnelle ou une négligence grave au sens de l'
art. 52 LAVS
. D'après l'
art. 18 al. 2 CP
est intentionnelle la faute dont l'auteur a agi avec conscience et volonté. Cette définition s'applique aussi en droit administratif (GRISEL, Traité de droit administratif, p. 804) et, notamment, en droit des assurances sociales (
ATF 111 V 202
). D'autre part, selon la jurisprudence, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'une personne raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit généralement attendre,
BGE 112 V 156 S. 160
en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé (
ATF 108 V 202
consid. 3a; RCC 1985 p. 51 consid. 2a et 648 consid. 3b).
Comme on l'a vu, le recourant n'a pas déclaré à l'AVS la totalité des rémunérations qu'il a versées à son fils, au cours des années 1974 à 1978 notamment; cela ressort des renseignements fournis par le Service cantonal fribourgeois des contributions à la caisse intimée et dont l'exactitude n'a pas été contestée par l'intéressé. Cependant, pour se disculper, le recourant fait valoir qu'il n'est pas "à la tête d'une entreprise organisée, comprenant plusieurs employés et connaissant les formalités à remplir dans toutes sortes de domaines". En outre, il se prévaut de son ignorance quant aux "incidences" de ses déclarations respectives à l'autorité fiscale et à l'administration de l'AVS.
Ces arguments ne sont pas de nature à infirmer le jugement attaqué. Le fait que le recourant a déclaré à l'AVS une partie des salaires versés à son fils démontre qu'il était conscient de son obligation de payer des cotisations paritaires en sa qualité d'employeur. Dès lors, sa situation ressemble fort à celle de l'employeur qui déduit des cotisations de salaires d'employés, prouvant par là avoir connaissance de la réglementation légale, et qui, selon la jurisprudence, commet de toute évidence une négligence grave, voire viole intentionnellement les prescriptions en matière d'AVS, s'il ne transmet pas à la caisse de compensation les cotisations paritaires correspondantes; seules des circonstances tout à fait exceptionnelles permettraient de conclure, le cas échéant, à une négligence légère (ATFA 1961 p. 232/233, 1957 p. 220; RCC 1985 p. 51 consid. 2a). De telles circonstances n'existent toutefois pas en l'occurrence et les motifs invoqués par le recourant ne sauraient, à cet égard, être décisifs. En particulier, ce dernier n'explique pas pourquoi il aurait eu des raisons sérieuses de supposer qu'une partie des rémunérations en cause ne représentait pas un salaire déterminant au sens de l'
art. 5 al. 2 LAVS
, soumis à cotisations paritaires. Dans ces conditions, l'existence d'une faute qualifiée doit être retenue à la charge du recourant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
Le recours est rejeté.