BGE 113 IA 38 vom 13. Februar 1987

Datum: 13. Februar 1987

Artikelreferenzen:  Art. 31 BV, art. 103 LSP, art. 31ter et 32quater al. 1 Cst., art. 93 al. 2 LSP, art. 93 al. 6 LSP, art. 100 al. 1 LSP, art. 186 al. 1 LSP

BGE referenzen:  125 I 322, 125 I 335 , 111 IA 186, 109 IA 70, 106 IA 269, 111 IA 105, 110 IA 102, 110 IA 102

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

113 Ia 38


7. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 13 février 1987 en la cause Dr K. contre Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit public)

Regeste

Art. 31 BV : Schliessung einer Zahnarztpraxis.
Ein allgemeines Verbot zur Führung von mehr als zwei Zahnarztpraxen, wie es das Waadtländer Gesetz kennt, wird nicht durch ein überwiegendes öffentliches Interesse am Schutz der Gesundheit gerechtfertigt und verletzt das Verhältnismässigkeitsprinzip.

Sachverhalt ab Seite 38

BGE 113 Ia 38 S. 38
La loi vaudoise sur l'organisation sanitaire du 9 décembre 1952 (LOS) prévoyait que:
"Le médecin-dentiste exerce son art personnellement dans son cabinet.
Il peut avoir deux cabinets, dans deux localités différentes. Dans ce
cas, il exerce son art personnellement dans chacun de ces cabinets, qui ne
seront ainsi ouverts qu'alternativement."
Cette disposition a été remplacée par l'art. 103 de la loi vaudoise du 29 mai 1985 sur la santé publique (LSP), entrée en vigueur le 1er janvier 1986, qui dispose:
"Un médecin-dentiste ne peut pratiquer dans plusieurs cabinets. Le
Département peut toutefois autoriser, à titre temporaire, l'ouverture d'un
cabinet secondaire lorsque les besoins de la santé publique l'exigent.
Dans ce cas, le médecin-dentiste exerce son art personnellement dans
chacun de ses cabinets, qui ne seront ainsi ouverts qu'alternativement.
Aucun médecin-dentiste ne peut pratiquer dans plus d'un cabinet
secondaire."
Le Dr K., médecin-dentiste, exploite trois cabinets: le premier à Morat (Fribourg), le deuxième à Chavornay (Vaud) et le troisième au Landeron (Neuchâtel).
BGE 113 Ia 38 S. 39
Estimant que cette situation était contraire à la loi, le Département de l'intérieur et de la santé publique du canton de Vaud demanda au Dr K. de renoncer à l'exploitation de l'un de ses cabinets. L'intéressé n'ayant jamais donné suite à cette injonction, le Département le dénonça à la Préfecture du district d'Orbe le 3 juillet 1981. Le Dr K., qui n'avait pas fait opposition en temps utile, paya l'amende de 1'000 fr. prononcée contre lui.
Comme il poursuivait l'exploitation de ses trois cabinets dentaires, une nouvelle procédure pénale fut ouverte le 30 septembre 1982. Le Dr K. contesta cependant la nouvelle amende qui lui fut infligée et fut acquitté par le Tribunal de police du district d'Orbe. Cette décision fut ensuite confirmée par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois le 16 janvier 1984. La Cour estima que l'exploitation du cabinet de Chavornay ne pouvait constituer une infraction aussi longtemps que l'autorisation de pratiquer accordée au Dr K. ne lui avait pas été retirée.
Le 10 juillet 1985, le Département de l'intérieur et de la santé publique, se fondant sur l'art. 133 LOS, retira ainsi au Dr K. l'autorisation de pratiquer la médecine dentaire dans le canton de Vaud.
Saisi d'un recours contre cette décision, le Conseil d'Etat vaudois estima que les conditions de l'art. 133 LOS n'étaient pas remplies et qu'une sanction disciplinaire ne pouvait donc pas être prononcée. Par décision du 26 mars 1986, il admit alors partiellement le recours en ce sens que l'autorisation de pratiquer la médecine dentaire n'était pas retirée au recourant, mais qu'il lui était ordonné de fermer son cabinet de Chavornay dans un délai échéant au 15 mai 1986. Le Conseil d'Etat prononça également que, si le Dr K. procédait à la fermeture de l'un de ses deux cabinets dentaires situés à l'extérieur du canton, il pourrait solliciter l'autorisation du Département de continuer à pratiquer la médecine dentaire dans son cabinet de Chavornay.
Le Dr K. a formé un recours de droit public contre la décision du Conseil d'Etat vaudois, en invoquant une violation des art. 4 et 31 Cst.
Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision attaquée dans le sens des considérants.
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Erwägungen

Extrait des considérants:

4. Le recourant soutient principalement que l'ordre de fermer son cabinet de Chavornay constitue une violation de la liberté du commerce et de l'industrie.
a) Le médecin qui exerce sa profession de manière indépendante et qui déploie l'activité économique correspondante est en principe protégé par l' art. 31 Cst. ( ATF 111 Ia 186 consid. 2a et les arrêts cités).
Les cantons peuvent cependant apporter à la liberté constitutionnelle du commerce et de l'industrie des restrictions consistant notamment en des mesures de police justifiées par l'intérêt public. Ces mesures doivent tendre à sauvegarder la tranquillité, la sécurité, la santé et la moralité publiques, à préserver d'un danger ou à l'écarter, ou encore à prévenir les atteintes à la bonne foi en affaires par des procédés déloyaux et propres à tromper le public ( ATF 109 Ia 70 consid. 3a, ATF 106 Ia 269 consid. 1). Ne sont toutefois pas admises les mesures qui tendent à porter atteinte à la libre concurrence, à avantager certaines entreprises ou certaines formes d'entreprises et qui tendent à diriger la vie économique selon un plan déterminé ( ATF 111 Ia 186 consid. b).
L'atteinte doit en outre reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation des buts d'intérêt public poursuivis ( ATF 111 Ia 105 consid. 4, ATF 110 Ia 102 consid. 5a et les arrêts cités).
b) La loi cantonale interdit aux médecins-dentistes d'avoir plus de deux cabinets. Ce principe, contenu déjà à l'art. 56 LOS, a été repris à l' art. 103 LSP qui pose des conditions plus restrictives pour l'ouverture d'un second cabinet. Toutefois, en l'espèce, il s'agit uniquement de déterminer si l'interdiction générale d'exploiter plus de deux cabinets est justifiée par un motif suffisant d'intérêt public.
Il découle de la liberté du commerce et de l'industrie que l'exercice d'une activité économique ne peut en principe pas être subordonné à l'exigence d'un besoin. Il n'existe, en ce qui concerne les cabinets dentaires, aucune disposition comparable aux art. 31ter et 32quater al. 1 Cst. En soi, l'augmentation du nombre des cabinets ne constitue d'ailleurs pas un risque pour la santé publique. Le canton ne peut donc pas justifier la disposition querellée par le souci d'éviter une trop forte
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concurrence entre les médecins-dentistes; il ne saurait davantage empêcher que ceux qui peuvent faire les investissements nécessaires à l'acquisition de plusieurs cabinets soient avantagés par rapport aux autres membres de la profession. En effet, de telles mesures devraient être considérées comme des mesures de politique économique, tendant à influer sur la libre concurrence, que les cantons n'ont précisément pas la compétence d'adopter.
Ainsi, l'intérêt à prendre en considération est celui de la population, sous l'angle de la protection de la santé publique, et non pas l'intérêt économique des membres de la profession. Or, il peut être dans l'intérêt public, surtout dans une zone rurale, d'avoir un cabinet dentaire ouvert dans un village, par exemple un jour par semaine, plutôt que d'obliger la population à faire un déplacement important, ce qui pourrait l'inciter à négliger les soins dentaires. Dans ce cas, il existe un intérêt public qui s'oppose à l'application d'une règle absolue limitant à deux le nombre des cabinets exploités par un seul et même médecin-dentiste.
c) L'autorité cantonale entend certes "réfréner les abus qui pourraient résulter de l'industrialisation de la médecine dentaire". Cette argumentation est cependant peu claire, dans la mesure où la mécanisation ne saurait supprimer les soins en bouche donnés par le médecin-dentiste, celui-ci ayant en outre l'obligation d'exercer son art personnellement. On ne conçoit pas non plus que la qualité des soins soit inférieure lorsque le médecin exerce son activité le lundi dans un village et le mardi dans un autre. Si les cabinets devaient être sous-équipés en installations, il suffirait d'adopter des dispositions imposant l'équipement minimum.
Le Conseil d'Etat explique aussi qu'il convient d'éviter "que le médecin-dentiste disperse ses efforts". Il semble qu'il envisage ici la fatigue qui pourrait résulter des déplacements. Outre que les causes de fatigue sont innombrables et que l'on pourrait s'inquiéter aussi de la distance séparant le logement du lieu de travail, cette argumentation n'a de sens que si l'on examine de manière concrète l'importance et la fréquence des déplacements. On ne peut pas raisonnablement soutenir qu'un médecin-dentiste ne pourrait pas parcourir, en voiture ou à l'aide des transports publics, 50 ou 100 km par semaine sans qu'il en résulte pour lui une fatigue préjudiciable à la qualité des soins. Cet argument ne peut donc pas être admis pour justifier de manière absolue et dans tous les cas l'interdiction d'avoir plus de deux cabinets.
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L'autorité cantonale envisage encore le risque que le médecin-dentiste engage des aides moins qualifiés que lui pour exercer certains travaux qui lui incombent. Ce risque constitue un argument sérieux. Il faut cependant observer que le droit cantonal soumet à autorisation l'engagement d'un assistant ( art. 93 al. 2 LSP ) et interdit à un médecin-dentiste de s'adjoindre plus d'un assistant ( art. 93 al. 6 LSP ). L'accomplissement de certains actes est réservé exclusivement au médecin-dentiste ( art. 100 al. 1 LSP ) et l'exercice illégal de la médecine dentaire est pénalement réprimé ( art. 186 al. 1 LSP ). L' art. 103 LSP prévoit enfin que, si le médecin-dentiste pratique dans plus d'un cabinet, il doit exercer son art personnellement dans chacun de ses cabinets, qui ne seront ainsi ouverts qu'alternativement. Il s'agit là d'un éventail de mesures très large, qui devrait garantir que les soins soient donnés par le médecin-dentiste lui-même.
Dans la mesure où l'autorité cantonale éprouve des difficultés de contrôle, on pourrait concevoir que le médecin-dentiste doive indiquer très précisément au Département les jours d'ouverture de chacun de ses cabinets et qu'il soit contraint de les fermer lorsqu'il ne s'y trouve pas. Compte tenu des mesures qui peuvent être prises, les difficultés de contrôle ne suffisent cependant pas à justifier une décision aussi lourde que celle d'ordonner la fermeture d'un cabinet. Le recourant observe d'ailleurs à juste titre que, si un médecin-dentiste dispose de plusieurs fauteuils dans le même cabinet, il existe un risque tout à fait comparable que des soins soient donnés par des personnes non qualifiées.
d) Il s'ensuit que la décision attaquée n'est pas fondée sur des motifs précis et convaincants, déduits d'une analyse de la situation particulière du recourant. En réalité, l'autorité cantonale a appliqué strictement l' art. 103 LSP , prévoyant qu'aucun médecin-dentiste ne peut pratiquer dans plus d'un cabinet secondaire. Une règle aussi absolue, qui ne tient pas compte des intérêts en jeu, viole le principe de la proportionnalité auquel est soumise toute atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie.
Le recours doit dès lors être admis pour violation de l' art. 31 Cst. et la décision attaquée annulée en tant qu'elle ordonne au recourant de fermer son cabinet de Chavornay ou l'invite à procéder à la fermeture de l'un de ses deux autres cabinets situés à l'extérieur du canton.

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