Urteilskopf
114 II 349
65. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 novembre 1988 dans la cause dame B. contre Compagnie d'assurances X. (recours en réforme)
Regeste
Übergang und Ende des Arbeitsverhältnisses.
1. Sinn des
Art. 333 Abs. 4 OR
(E. 3).
2. Auch wenn das Arbeitsverhältnis übernommen wird, können die Parteien einen neuen Vertrag abschliessen (E. 3).
3. Rechtsnatur des Arbeitsvertrages, den die Parteien unter Beachtung der gesetzlichen Kündigungsfristen auflösen können, der jedoch ohne weiteres endet, sobald der Arbeitnehmer die durch das Reglement einer Vorsorgeeinrichtung festgesetzte Altersgrenze erreicht (E. 2).
A.-
La Compagnie d'assurances X. (ci-après: X.) était représentée à Genève par deux agences exploitées, l'une en régie, l'autre de manière autonome par W. & Cie.
Dame B., née le 5 décembre 1924, a travaillé dès le 15 septembre 1980 pour le compte de W. & Cie en qualité d'employée de bureau. Elle a été admise au fonds de prévoyance de cette société, dont l'art. 10 du règlement fixait l'âge terme à 62 ans pour le personnel féminin.
En 1982, X. s'est séparée de W. & Cie. Elle a néanmoins accepté d'engager tout ou partie du personnel de son ancien agent.
B.-
Par lettre du 17 décembre 1982, X. a indiqué à dame B. les conditions auxquelles elle était d'accord d l'engager à partir du 1er janvier 1983. Dame B. a contresigné cette lettre, le 23 décembre 1982, en y ajoutant: "sous réserve de garder le capital retraite (cause âge)".
Le 8 février 1983, la Fondation de prévoyance de X. a informé la nouvelle employée qu'elle l'admettait au sein de sa Caisse de
BGE 114 II 349 S. 350
retraite des services intérieurs (ci-après: la Caisse de retraite) avec effet au 1er janvier 1983, ce qui impliquait la reconnaissance sans réserve du "Règlement 1971" de ladite Caisse dont un exemplaire était remis à l'intéressée. L'art. 31 de ce règlement fixait l'âge de la retraite à 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes.
Dans le courant du mois de mai 1984, la Fondation de prévoyance de X. a indiqué aux membres de la Caisse de retraite les modifications du règlement rendues nécessaires par l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1985, de la loi fédérale sur le prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP; RS 831.40). Elle y précisait, notamment, que l'âge de la retraite des assurés du sexe féminin serait nouvellement fixé à 62 ans.
Par lettre du 29 mai 1984, confirmant un entretien du 30 avril 1984, X. a informé dame B. que son activité cesserait le 31 décembre suivant, mois dans lequel elle aurait atteint 60 ans. L'employée a sollicité en vain la poursuite des rapports de travail pendant les deux années qui devaient encore s'écouler avant qu'elle ait droit à une rente de vieillesse.
C.-
Le 20 octobre 1986, dame B. a ouvert action contre X. en concluant notamment au paiement de 54'603 francs § titre de perte de salaire pour 1985 et 1986. La défenderesse a conclu à libération.
Par jugement du 16 février 1987, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a admis la conclusion précitée, tandis que la Chambre d'appel des prud'hommes statuant le 18 septembre 1987, l'a rejetée.
D.-
Parallèlement à un recours de droit public (cf. ATF 114 Ia, 4e livraison), la demanderesse interjette un recours en réforme dans lequel elle reprend ses précédentes conclusions.
Le Tribunal fédéral rejette le recours, dans la mesure où il est recevable, et confirme l'arrêt attaqué.
Extrait des considérants:
2.
a) La demanderesse voit dans le contrat de travail qui la liait à W. & Cie un contrat de durée déterminée proprement dit, au sens de l'art. 335 al. 1 CO, qui devait s'éteindre automatiquement lorsqu'elle aurait atteint l'âge terme, fixé en l'occurrence à 62 ans, et auquel il ne pouvait être mis fin pendant la durée convenue, hormis le cas de la résiliation anticipée pour justes motifs. Elle a tort. En effet, rien de tel ne peut être déduit
BGE 114 II 349 S. 351
de la lettre d'engagement du 11 août 1980 qui ne contient aucune précision quant à la durée du contrat et qui fournit, au contraire, des indices qui tendraient plutôt à infirmer la thèse de la demanderesse, à savoir l'octroi d'un "treizième mois au prorata temporis" et l'instauration d'une période d'essai. Il va sans dire, au demeurant, que la durée du contrat ne résultait pas du but auquel visait le travail convenu. Enfin, comme le souligne à juste titre la cour cantonale, l'indication, dans le règlement d'une institution de prévoyance, d'un âge terme ne signifie pas que le contrat de travail doive nécessairement se poursuivre jusqu'à ce que l'assuré ait atteint cette limite d'âge, ce qui reviendrait à exclure d'une manière générale tout licenciement avant l'âge de la retraite.
En revanche, on ne saurait conclure en l'espèce, comme l'ont fait les juges précédents, à l'existence d'un contrat de durée indéterminée. Ce serait dénier toute portée juridique à la disposition du règlement du fonds de prévoyance de W. & Cie fixant un âge terme, alors que la demanderesse affirme, dans son recours en réforme, que cette disposition "constituait à cet égard une base contractuelle". Il faut bien plutôt admettre, sur le vu de cette allégation, que les parties étaient convenues - tacitement d'une durée maximale, pendant laquelle elles pouvaient résilier le contrat en observant les délais légaux et à l'expiration de laquelle le contrat prendrait fin de lui-même (voir à ce sujet: KUHN, Aktuelles Arbeitsrecht für die betriebliche Praxis, 7/2.6; STREIFF, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 4e éd., n. 4 ad art. 336 CO; SCHNEITER, Die Rechtsbeziehungen zwischen Dienst- und Vorsorgeverhältnis bei privatrechtlichen Wohlfahrtseinrichtungen, thèse Zurich 1966, p. 106 in fine). La doctrine range un tel accord dans la catégorie des contrats de durée déterminée (HUG, Das Kündigungsrecht, thèse Zurich 1926, II, p. 23/24, lettre b.; BRENDER, Rechtsprobleme des befristeten Arbeitsvertrages, thèse Zurich 1976, p. 18/19; dans le même sens, cf. les considérations émises par le Conseil fédéral, in FF 1984 II 616/617, à propos du nouvel art. 334 CO [RO 1988 1472] qui entrera en vigueur le 1er janvier 1989). Cette opinion mérite d'être suivie.
b) La nature juridique des liens contractuels noués par la demanderesse avec la défenderesse, sur la base de la lettre d'engagement du 17 décembre 1982, est la même que celle de la convention passée avec W. & Cie. La durée déterminée du contrat en question ressort d'ailleurs nettement de la formulation de
BGE 114 II 349 S. 352
l'art. 31 du règlement de la Caisse de retraite qui prévoit la mise à la retraite, "sans avis particulier", des assurés ayant atteint la limite d'âge, ainsi que la conclusion d'une nouvelle convention pour la continuation des rapports de travail.
Il suit de là que la demanderesse est dans le vrai lorsqu'elle soutient, contrairement à l'avis de la cour cantonale, que la lettre de la défenderesse du 29 mai 1984 ne constituait pas une résiliation ordinaire, mais simplement la confirmation de l'extinction du contrat à la fin du mois dans lequel elle aurait atteint l'âge terme prévu par le règlement de la Caisse de retraite.
3.
La Chambre d'appel considère que W. & Cie a transféré à la défenderesse le droits et obligations découlant du contrat qui la liait à la demanderesse; elle se réfère à cet égard à l'art. 333 al. 4 CO. A supposer que l'on admette le bien-fondé de cette prémisse, il faudrait alors constater, avec les juges précédents, que l'âge terme déterminant pour la durée du contrat était en l'occurrence celui qui ressortait du règlement du fonds de prévoyance du premier employeur - 62 ans -, de sorte que la mise à la retraite de la demanderesse à l'âge de 60 ans constituait effectivement une résiliation anticipée du contrat de travail.
Toutefois, la prémisse du raisonnement n'est pas exacte, car les circonstances de fait de la présente affaire n'entrent pas dans les prévisions de l'art. 333 al. 4 CO, quoi qu'en dise la cour cantonale. Cette disposition, selon sa teneur même, a trait à la cession par l'employeur des droits - sans les obligations - découlant des rapports de travail; elle vise l'hypothèse où le travailleur est "prêté" ou "loué" à un tiers (TERCIER, La partie spéciale du code des obligations, n. 2108). Or, en l'espèce, une telle hypothèse peut être écartée d'emblée. Force est en effet de constater qu'il y a bien eu conclusion d'un contrat entre la demanderesse et la défenderesse. On en veut pour preuve la lettre d'engagement du 17 décembre 1982 qui fixe de nouvelles conditions s'agissant des droits et obligations respectifs des contractants. Au surplus, rien au dossier ne permet de penser que l'ancien employeur ait accepté de demeurer obligé envers la demanderesse. Sans doute n'y a-t-il pas eu de résiliation formelle du contrat, ni d'interruption du travail, mais poursuite de celui-ci au même endroit après négociations entre W. & Cie et la défenderesse. Cela ne change pourtant rien à l'affaire. Un tel mode de procéder n'apparaît nullement critiquable en droit, car les parties à un contrat de travail peuvent convenir tacitement d'y mettre un terme, comme
BGE 114 II 349 S. 353
elles l'ont fait dans le cas particulier (cf. KNUS, Betriebsübergang und Arbeitsverhältnis nach schweizerischem Recht, thèse Zurich 1978, p. 64).
Quoi qu'il en soit, la doctrine enseigne que les parties peuvent négocier un nouveau contrat, en tout ou partie, même en cas de transfert des rapports de travail au sens de l'art. 333 CO (BRÜHWILER, Handkommentar zum Einzelarbeitsvertrag, n. 3 ad art. 333 CO; KUHN, op.cit., 4/3.14, p. 5; TERCIER, op.cit., n. 2120). Or, c'est ce que la demanderesse et la défenderesse ont fait en l'espèce. Il s'ensuit que leur contrat s'est éteint ipso jure à la date convenue, soit le 31 décembre 1984, et qu'il 'a donc pas été résilié. Point n'est dès lors besoin d'examiner l'argumentation subsidiaire de la demanderesse, qui tend à faire constater le caractère abusif de la prétendue résiliation du contrat.