Urteilskopf
115 IV 38
8. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 16 janvier 1989 dans la cause C. c. Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste
Art. 165 Ziff. 1 StGB
; leichtsinniger Konkurs und Vermögensverfall.
Die Erfüllung dieses Tatbestandes setzt grobe Fahrlässigkeit voraus. Grob fahrlässig handelt der Schuldner, der das Risiko seiner Zahlungsunfähigkeit kannte und bewusst einging oder der es in unverantwortlicher Weise verneinte (Bestätigung der Rechtsprechung).
A.-
Au mois de septembre 1983, C., de nationalité portugaise, a fondé la société T. SA dont le but était de vendre des bouchons de bouteille et du liège de décoration. Le capital de 50'000 francs a été libéré initialement par un versement de 20'000 francs en espèces. C. a emprunté ce montant à une banque. Le solde du capital a été libéré à raison de 20'000 francs en mai et de 10'000 francs en août 1984. R., de nationalité suisse, était administrateur unique de T. SA, avec signature individuelle. Il prêtait son nom et s'occupait uniquement de la comptabilité.
T. SA a fondé son activité sur les crédits accordés par la société portugaise S., principal fournisseur de liège. Un premier bilan établi au 31 décembre 1983 se soldait par un bénéfice net de 15'800 francs. C. a été victime d'un infarctus. Il a dû interrompre son activité durant deux mois et les ventes ont chuté. Il a rencontré des difficultés avec des clients en faillite et avec son transitaire. Des
BGE 115 IV 38 S. 39
pourparlers en vue de la participation de S. au capital de T. SA, a concurrence de 60'000 francs, n'ont pas abouti.
Du 14 septembre 1983 au 31 juillet 1984, T. SA a enregistré une perte nette de 22'581 francs 31. Le 4 juin 1984, R. avait écrit à C. en le rendant attentif au fait qu'au 31 mars 1984 les comptes indiquaient une perte cumulée de 29'247 francs 93, ce qui signifiait l'absorption de l'entier du capital libéré à l'époque et la faillite virtuelle de l'entreprise. L'administrateur ajoutait que l'aboutissement des pourparlers engagés, au plus tard le 15 juillet 1984, était indispensable. Par une lettre du 9 juillet 1984, il a fait état d'une perte au 31 juillet 1984 de l'ordre de 100'000 francs et de l'urgence de faire entrer de nouveaux actionnaires pour le 1er août 1984; il jugeait indispensable une solution avant le passage des contrôleurs aux comptes et indiquait que des mesures différées ne pourraient amener que le dépôt du bilan avec la mise en faillite de T. SA; il exposait ne voir vraiment aucune autre possibilité de poursuivre l'exploitation de T. SA, en l'état des affaires d'alors, sans que la responsabilité de l'administrateur ne puisse être engagée. L'activité de l'entreprise a néanmoins continué, C. annonçant toujours un apport d'argent frais consenti par S. Il n'a déposé le bilan qu'après l'échec des derniers pourparlers, soit le 30 janvier 1985.
Le 8 mars 1985, T. SA a été déclarée en faillite. Dès le 31 juillet 1984 son activité était passablement réduite et pratiquement éteinte au 31 décembre 1984. Lors de la faillite, la créance de S. s'élevait à 175'640 francs. L'état de collocation du 8 juin 1985 indique un passif de plus de 200'000 francs et des actifs pratiquement nuls.
C. s'octroyait un salaire mensuel de 5'280 francs, le remboursement de ses frais de voyage et de représentation ainsi que la jouissance d'un appartement dont le loyer était de 1'800 francs par mois. T. SA employait une secrétaire et un agent, rétribué à la commission.
Avant de créer T. SA, C. était administrateur délégué d'une autre société. Le bilan de celle-ci avait été déposé mais un concordat avait été mis sur pied grâce aux fonds d'une maison portugaise; les actifs ont été vendus et les locaux ont dû être fermés.
B.-
Le Tribunal correctionnel du district de Nyon a condamné C. à une peine de 10 jours d'emprisonnement avec sursis pendant 3 ans pour banqueroute simple. R. a été acquitté mais 1/3 des frais a été mis à sa charge.
La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par le condamné.
C.-
C. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il demande l'annulation de l'arrêt de la cour de cassation cantonale et le renvoi de la cause à cette autorité pour être libéré de l'accusation de banqueroute simple.
Considérant en droit:
1.
D'après le recourant, l'autorité cantonale a appliqué de façon erronée l'
art. 165 ch. 1 CP
relatif à la banqueroute simple, car il n'a nullement fait preuve de légèreté mais au contraire a déployé tous ses efforts pour sauver l'entreprise.
En bref, il fait valoir le bilan positif au 31 décembre 1983 (bénéfice de 15'800 francs), ses difficultés avec son principal fournisseur, sa maladie, l'emprunt contracté pour libérer le capital initial, ses prévisions convenables et la défection du bailleur de fonds prévu; il justifie le montant des rémunérations touchées qu'il estime conforme à ses efforts et aux premiers résultats encourageants; il soutient qu'il a suivi les conseils de R. en libérant le solde du capital social en mai et août 1984; il estime qu'en juillet 1984 la situation n'était pas désespérée vu l'intérêt montré par le bailleur de fonds à ce moment encore et qu'il est arbitraire de se fonder exclusivement sur la période difficile pour le condamner. A ses yeux, il a fait preuve d'assiduité, de compétence et d'acharnement, non pas de négligence grave ou de légèreté coupable. Ses seules erreurs seraient d'avoir été trop optimiste et d'avoir cru trop longtemps à l'intervention du bailleur de fonds espérés.
2.
Aux termes de l'
art. 165 ch. 1 CP
, se rend coupable de banqueroute simple le débiteur qui, notamment par une légéreté coupable ou par une grave négligence dans l'exercice de sa profession, aura causé sa propre insolvabilité ou aura aggravé sa situation alors qu'il se savait insolvable, s'il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui.
D'après l'
art. 172 ch. 1 CP
, la banqueroute simple commise dans la gestion d'une personne morale, notamment, peut être imputée au directeur ou à un membre de l'administration s'il a commis l'infraction.
L'
art. 165 ch. 1 CP
, pris dans son ensemble, ne laisse planer aucun doute sur le fait que tombe sous le coup de cette disposition
BGE 115 IV 38 S. 41
quiconque aura commis un acte - ou se rend coupable d'une omission - prévu par le texte légal, dès lors que cet acte est propre, ce que l'auteur doit savoir, à contribuer à causer l'insolvabilité ou à aggraver une insolvabilité qui existait déjà (arrêt du 26 mai 1983, publié dans SJ 1984 p. 171).
Quant à l'insolvabilité, il suffit que l'auteur l'ait causée ou favorisée par une négligence grave, l'intention de la provoquer n'étant pas nécessaire (
ATF 104 IV 165
). Il découle de la structure et de la fonction de l'
art. 165 ch. 1 CP
que sont réprimés celui qui connaissait le risque d'insolvabilité et a consciemment pris ce risque, ou celui qui en a nié l'existence de façon irresponsable; il y a légèreté coupable lorsque, par un comportement fautif, l'auteur fait preuve d'un manque du sens des responsabilités; il ne s'agit pas de la différence entre l'intention et la négligence, mais d'une qualification particulière des actes de l'auteur (voir REHBERG, Strafrecht, III, p. 120 ch. 2; STRATENWERTH, Bes. Teil, I, 3e éd., p. 305 n. 4; SCHWANDER, FJS No 1129, p. 2-4).
C'est en premier lieu en fonction des dispositions spécifiques qui définissent les devoirs de l'auteur qu'il convient de déterminer s'il a usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle (
ATF 106 IV 81
consid. 4b; SJ 1984, p. 173). En résumé, il ne s'agit pas de faire la différence entre l'intention et la négligence proprement dite, mais d'apprécier l'attitude de l'auteur d'une manière particulière. D'après la structure et la fonction de la norme pénale en cause, l'auteur est puni pour avoir dû reconnaître le risque de l'insolvabilité et pour l'avoir pris, ou pour l'avoir nié d'une manière irresponsable.
Quant au rapport de causalité adéquate, il existe lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, l'acte reproché à l'accusé est de nature à produire le résultat illicite ou à en favoriser l'avènement; il n'est pas nécessaire que les actes reprochés soient seuls à l'origine du résultat, ni qu'ils en soient la cause directe (SJ 1984 p. 173;
ATF 101 IV 70
consid. 2b,
ATF 95 IV 143
consid. 2b).
3.
a) Saisie d'un pourvoi en nullité, la cour de céans est liée par les constatations de fait de l'autorité cantonale (art. 273 al. 1 lettre b et 277bis al. 1 PPF). Dans la mesure où le recourant s'écarte de l'état de fait, par exemple lorsqu'il estime qu'en juillet 1984 la situation n'était pas désespérée, son pourvoi est irrecevable.
A juste titre, le condamné ne soutient pas que son activité au sein de T. SA ne tomberait pas sous le coup de l'
art. 172 CP
.
b) La cour cantonale se réfère à l'état de fait de la première instance. Il a été constaté que T. SA a été fondée par l'accusé peu de temps après le dépôt de bilan d'une société dont il était administrateur. Cette expérience aurait dû l'engager à la prudence. Or, malgré les avertissements limpides de R., il s'est entêté à poursuivre l'activité de T. SA, dont l'avenir était sans espoir. En juillet, la perte estimée était de l'ordre de 100'000 francs; la libération du solde du capital (30'000 francs) ne pouvait suffire; le bailleur des fonds espérés était lui-même en difficulté. Aucune mesure n'a été prise pour réduire les frais et mettre un terme à l'exploitation. Au lieu de se conformer à l'
art. 725 al. 2 et 3 CO
, commandant que le juge soit averti, le recourant a laissé la situation s'aggraver. Ce comportement fautif a contribué à augmenter les pertes. En juillet 1984, la perte était de 80'000 à 90'000 francs; le 8 juin 1985, l'état de collocation a révélé un passif de plus de 220'000 francs et des actifs pratiquement nuls. Alors qu'il lui incombait d'agir selon les règles du Code des obligations, ce qu'il n'ignorait pas, l'accusé a préféré se fier à des perspectives aléatoires. Cela peut être qualifié de légèreté coupable ou de grave négligence au sens de l'
art. 165 ch. 1 CP
.
Certes le recourant a été malade, mais le comportement qui lui est reproché se situe quelques mois après cette alerte. Quant aux efforts qu'il a déployés pour sauver T. SA, ils ne parviennent pas à faire disparaître sa faute consistant à aggraver la situation ou à en prendre le risque alors qu'il se savait insolvable. La peine, limitée à 10 jours d'emprisonnement avec sursis, montre que les instances cantonales ont tenu compte de ces éléments à la décharge de l'accusé.
Par ces motifs,
le Tribunal fédéral,
Rejette le pourvoi dans la mesure où il est recevable.