BGE 116 IA 113 vom 2. März 1990

Datum: 2. März 1990

Artikelreferenzen:  Art. 4 Cst. , Art. 31 Abs. 2 BV, art. 4 et 31 Cst., art. 31ter et 32quater Cst.

BGE referenzen:  120 IA 67 , 112 IA 258, 114 IA 323, 111 IA 91, 110 IA 113, 115 IA 121, 114 IA 36, 113 IA 40, 115 IA 121, 114 IA 36, 113 IA 40

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

116 Ia 113


21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 2 mars 1990 en la cause Claude et Anita Stoll c. Genève, Tribunal administratif et Département de justice et police (recours de droit public)

Regeste

Art. 4 BV : Die vom Genfer Gesetzgeber vorgenommene Einteilung von Betrieben zur Abgabe von Speisen und Getränken ist nicht willkürlich und führt für sich allein zu keiner rechtsungleichen Behandlung (E. 2).
Art. 31 Abs. 2 BV : Die vom Gesetz vorgesehene Verpflichtung, Betriebe mit Alkoholausschankbewilligung zwischen 11 und 14 Uhr offenzuhalten, entspricht keinem öffentlichen Interesse, soweit diese Verpflichtung für eine Bar gilt, die über Mittag keine warmen Speisen anbietet. In Anbetracht der persönlichen Situation der Beschwerdeführer ist diese Verpflichtung auch unverhältnismässig (E. 3).

Sachverhalt ab Seite 113

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Depuis le mois de décembre 1984, Claude et Anita Stoll exploitent le "Bar Mexico", rue Sismondi 12, à Genève. Au bénéfice d'une autorisation d'exploiter en qualité de gérant, Claude Stoll s'occupe de la gestion du bar et assume tous les soirs la fonction de musicien-chanteur, tandis que son épouse accueille
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la clientèle et supervise l'activité des deux employées exerçant la fonction de barmaid.
L'établissement est ouvert six jours par semaine, de 18 heures jusqu'à la fermeture légale. Il n'y est pas servi de repas, mais une petite restauration, dont s'occupe Madame Stoll.
Le 22 décembre 1988, le Département de justice et police du canton de Genève a informé Claude et Anita Stoll qu'à partir du 1er janvier 1989, la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH) et son règlement d'exécution du 31 août 1988 entreraient en vigueur en lieu et place de la loi sur les auberges, débits de boissons et autres établissements analogues du 12 mars 1892 et ses règlements d'application.
Selon la nouvelle loi, le "Bar Mexico" entre dans la catégorie des cafés-restaurants, qui constitue la catégorie principale et résiduelle des établissements voués à la restauration et au débit de boissons. A ce titre, il est soumis au temps d'exploitation minimal de l'art. 50 LRDBH, fixé à 10 heures par jour, et en tout cas de 11 à 14 heures et de 18 à 22 heures.
Par lettre du 9 janvier 1989, Claude et Anita Stoll ont fait part de leurs critiques à l'égard de l'art. 50 de la nouvelle loi, et ont demandé à être dispensés de l'obligation qui leur était faite d'ouvrir leur établissement entre 11 et 14 heures.
A l'appui de leur demande les recourants invoquaient l'état de santé de Madame Stoll qui, diabétique, dépend de l'insuline et a absolument besoin de la présence de son mari en cas d'hypoglycémie, notamment en fin de matinée où ses problèmes de santé sont les plus aigus. Une ouverture entre 11 et 14 heures les obligerait à engager du personnel supplémentaire et bouleverserait complètement le fonctionnement de leur entreprise familiale.
Le 24 janvier 1989, le Département de justice et police a refusé la dérogation sollicitée et a imparti aux époux Stoll un délai au 1er mars 1989 pour prendre les mesures nécessaires à l'ouverture de leur établissement pendant les heures légales. Il relevait que la licence d'alcool n'étant octroyée que si elle répondait à un besoin, le temps d'exploitation minimum devait être respecté. Les requérants n'étaient cependant pas tenus d'assurer un service de restauration chaude entre 11 et 14 heures, car celui-ci n'était exigé que pour les établissements titulaires d'une demi-licence.
Claude et Anita Stoll ont saisi ensuite le Tribunal administratif du canton de Genève, en insistant sur le genre spécifique du
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"Bar Mexico" et sur le fait qu'ils ne pouvaient supporter des heures d'ouverture plus longues.
Par arrêt du 21 juin 1989, le Tribunal administratif a rejeté le recours, en retenant que le texte clair de l'art. 50 LRDBH ne souffrait aucune dérogation pour des motifs non prévus par le législateur. Par ailleurs, les intéressés ne pouvaient ni se prévaloir des raisons majeures mentionnées à l'art. 50 al. 1 de la loi, qui ne concernaient pas les heures d'ouverture journalières de l'alinéa 2, ni bénéficier d'éventuels droits acquis, dont les conditions n'étaient pas remplies en l'espèce.
Claude et Anita Stoll ont formé contre cet arrêt un recours de droit public pour violation des art. 4 et 31 Cst.
Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'arrêt attaqué.

Erwägungen

Extrait des considérants:

2. a) Les recourants estiment tout d'abord que le rattachement des bars à la catégorie, considérée comme résiduelle, des cafés-restaurants, violerait le principe de l'égalité de traitement et constituerait un acte arbitraire, dans la mesure où il s'agit de deux sortes d'établissements nettement distincts, pour lesquels la loi aurait dû prévoir une réglementation différente.
b) L'art. 16 LRDBH classe les établissements voués à la restauration et au débit de boissons en 9 catégories, soit les cafés-restaurants, les cantines, les cercles, les clubs sportifs, les pensions, les dancings, les cabarets-dancings, les buvettes permanentes et les buvettes temporaires.
L'art. 17 al. 1 lettre A LRDBH définit les cafés-restaurants comme "des établissements à caractère public où sont servis à toute personne des mets et des boissons, et qui n'entrent pas dans la définition d'une autre catégorie d'établissements voués à la restauration et au débit de boissons". Les définitions des différentes catégories d'établissements ne sont toutefois que générales et relativement schématiques et n'excluent nullement que les exploitants confèrent un style particulier et original à leur établissement, dans les limites de la loi (voir Mémorial des séances du Grand conseil 1985, p. 4234 et 4246; voir également Mémorial des séances du Grand Conseil 1987, p. 6424/6425).
c) Selon la jurisprudence, le principe de l'égalité de traitement ne permet pas de faire, entre divers cas, des distinctions qu'aucun fait important ne justifie ou de soumettre à un régime identique
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des situations de fait qui présentent entre elles des différences importantes et de nature à rendre nécessaire un traitement différent ( ATF 112 Ia 258 consid. 4a et les arrêts cités). On admet également qu'une réglementation viole l' art. 4 Cst. lorsqu'elle ne repose pas sur des motifs sérieux, n'a ni sens ni but, opère des distinctions qui ne trouvent pas de justification dans les faits à réglementer ou n'opère pas celles qui s'imposent en raison de ces faits (ATF ATF 114 Ia 323 consid. 3a, ATF 111 Ia 91 consid. 3a, ATF 110 Ia 113 consid. 2b).
La réglementation relative à l'exploitation des cafés, restaurants et autres établissements du même genre est du domaine des cantons qui disposent en la matière d'un pouvoir formateur étendu ( art. 31ter et 32quater Cst. ). Le Tribunal fédéral n'examine donc que sous l'angle de l'arbitraire et avec retenue la question de la classification des établissements voués à la restauration et au débit de boissons.
d) En l'espèce, il est constant que le législateur genevois entendait lutter contre la prolifération des "bars à champagne" et des abus relevés dans cette catégorie d'établissements. Il a ainsi écarté volontairement la possibilité de créer une catégorie spéciale pour les bars, tout en reconnaissant un caractère général à la catégorie des cafés-restaurants, qui permettait certains aménagements en fonction du style particulier des différents établissements.
Dans ces circonstances, même si la façon dont le législateur a réparti les établissements voués à la restauration et au débit de boissons peut paraître surprenante à certains égards, la réglementation des art. 16 et 17 LRDBH n'a pas été adoptée sans motifs et n'est, comme telle, pas insoutenable. L'absence de distinction entre les cafés-restaurants et les bars n'est donc pas, à elle seule, constitutive d'une inégalité de traitement ou d'un acte arbitraire. Le recours doit dès lors être rejeté en tant qu'il porte sur l'inconstitutionnalité des art. 16 et 17 LRDBH.

3. a) Les recourants invoquent ensuite une violation de l' art. 31 al. 2 Cst. et soutiennent que le temps d'exploitation minimal qui leur est imposé par l'art. 50 al. 2 LRDBH n'est pas justifié par un intérêt public suffisant et ne respecte pas le principe de la proportionnalité.
b) Les cantons peuvent apporter des restrictions de police au droit d'exercer librement une activité économique ( art. 31 al. 2 Cst. ); ces restrictions doivent cependant reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et, selon
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le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation des buts d'intérêt public poursuivis ( ATF 115 Ia 121 , ATF 114 Ia 36 ; ATF 113 Ia 40 consid. 4a et les arrêts cités).
En l'espèce, l'art. 50 LRDBH dispose ce qui suit:
"1 Sauf raisons majeures, les cafés-restaurants au bénéfice d'une licence d'alcool doivent être exploités au moins 44 semaines par année, sous réserve du caractère saisonnier de l'exploitation et 4 1/2 jours par semaine.
2 Ils doivent être ouverts au moins 10 heures par jour d'exploitation, et en tout cas de 11 h à 14 h et de 18 h à 22 h.
3 Le Conseil d'Etat est habilité à fixer le temps d'exploitation minimal pour les établissements au bénéfice d'une demi-licence."
c) S'agissant de l'intérêt public, le Département de justice et police relève que les heures d'ouverture prévues à l'art. 50 al. 2 LRDBH tiennent compte des moments où traditionnellement la demande en boissons alcoolisées est la plus forte, soit aux heures des repas. La non-ouverture d'un établissement bénéficiant d'une licence d'alcool aux heures indiquées fausserait l'appréciation qu'il est appelé à faire de la notion du besoin contenue à l'art. 39 al. 1 LRDBH, en ce sens qu'il serait paradoxal qu'une licence accordée sur la base de la clause de besoin ne soit pas effectivement utilisée, puisque le besoin qu'elle est censée couvrir ne le serait ainsi pas dans les faits.
Cette argumentation n'est pas pertinente, dans la mesure où elle ne tient pas compte de la nature de l'établissement des recourants qui ne servent aucun repas à midi. En réalité, l'obligation d'ouverture des bars ne servant pas de repas entre 11 et 14 heures entraîne une consommation accrue d'alcool qui va directement à l'encontre des autres mesures prises par le législateur en vue de lutter contre l'alcoolisme (voir, au sujet des buts poursuivis par la loi, l'art. 2 al. 1 lettre b LRDBH). On ne voit donc pas en quoi cette obligation, faite aux recourants d'ouvrir leur bar en dehors des heures de fréquentation ordinaire, peut correspondre à un intérêt public quelconque. Si une réglementation linéaire paraît justifiée, et même souhaitable, pour les cafés-restaurants, elle est manifestement trop rigide pour des bars qui ne servent pas de repas à midi. Du moment que la clientèle des bars est essentiellement nocturne, une telle réglementation revient pratiquement à nier le caractère spécifique des bars ou à imposer leur transformation en cafés-restaurants susceptibles de servir des repas à midi. A ce titre, l'intérêt privé des exploitants l'emporte manifestement sur l'intérêt public à l'ouverture des bars entre 11 et 14 heures, et cela même
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en faisant abstraction des raisons personnelles invoquées par les recourants.
d) L'obligation imposée par l'art. 50 al. 2 de la loi genevoise apparaît également disproportionnée, dès lors qu'elle ne prévoit aucune dérogation pour tenir compte des cas particuliers qui peuvent se présenter. En l'espèce, les autorités cantonales se sont donc contentées d'appliquer le texte clair de la loi, sans examiner les raisons, pourtant pertinentes, invoquées par les recourants pour bénéficier d'une dérogation. Or, la rigidité des heures d'ouverture de l'art. 50 al. 2 LRDBH leur imposerait des heures de travail excessives par rapport à leur situation personnelle ou les obligerait à engager des employés supplémentaires, ce qui serait incompatible avec le caractère familial de leur entreprise ou le chiffre d'affaires qu'ils sont susceptibles de réaliser entre 11 et 14 heures. De telles exigences dépassent donc largement le but de police visé; les recourants font d'ailleurs valoir à juste titre que leur établissement n'a jamais troublé l'ordre public, contrairement aux abus qui ont pu être constatés dans certains bars.
e) Il en résulte que la réglementation prévue par l'art. 50 al. 2 LRDBH viole l' art. 31 Cst. dans la mesure où elle ne répond pas à un intérêt public suffisant et institue une exigence disproportionnée.
Le recours doit dès lors être admis sur ce point et la décision attaquée annulée, en tant qu'elle impose aux recourants l'obligation d'ouvrir leur établissement entre 11 et 14 heures.

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