Urteilskopf
116 Ia 466
70. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 10 octobre 1990 dans la cause Association contre l'aérodrome d'Etagnières, X. et Y. contre Groupe de soutien au détournement de Cheseaux-sur-Lausanne et Commune de Cheseaux (recours de droit public)
Regeste
Art. 85 lit. a OG
; Referendum gegen einen kantonalen Kreditbeschluss über die Erstellung einer Umfahrungsstrasse; Fehler bei der Unterschriftensammlung.
1. Die Intervention der kommunalen Behörde im Vorfeld einer kantonalen Abstimmung über eine öffentliche Ausgabe ist nur unter bestimmten Voraussetzungen zulässig; Aufzählung derselben (E. 4).
2. Das von der Bundesverfassung gewährleistete Stimmrecht unterscheidet sich nicht wesentlich, ob sich nun der Bürger in einer Abstimmung, anlässlich einer Initiative oder bei der Referendumsergreifung äussert (E. 5).
3. Im konkreten Fall waren genügend Gründe für eine Intervention der Gemeindebehörden in der Referendumskampagne gegeben: Die Gemeinde war von der Abstimmung als einzige im Kanton direkt betroffen; die Darlegung der Argumente durch das Referendumskomitee konnte zum Irrtum verleiten. Die von der kommunalen Behörde eingesetzten Mittel, insbesondere die Finanzierung der Informationskampagne und die Verteilung der Flugblätter an die Haushalte, waren nicht unzulässig (E. 6). Und selbst wenn sie es gewesen wären, hätte dies das Resultat der Unterschriftensammlung nicht wesentlich geändert (E. 7).
Par décret du 25 septembre 1989, le Grand Conseil du canton de Vaud a accordé au Conseil d'Etat un crédit de 48'500'000 francs pour la réalisation de l'évitement de Cheseaux par la nouvelle route cantonale No 401 b. Le 13 octobre 1989, l'Association contre l'aérodrome d'Etagnières, dont le but statutaire est "de veiller à la sauvegarde de l'environnement du Nord-Ouest lausannois, notamment en s'opposant à l'implantation de toute place d'aviation à Etagnières", a déposé une demande de référendum contre ce décret. Le délai référendaire est arrivé à échéance le 22 novembre 1989.
Le 29 novembre 1989, alors que le décompte des signatures de la demande de référendum n'était pas encore connu, l'Association contre l'aérodrome d'Etagnières ainsi que X. à Epalinges et Y. à Etagnières ont déposé auprès du Tribunal fédéral un recours de droit public pour violation du droit de vote. Les recourants y alléguaient que la récolte des signatures avait été perturbée par les membres d'un "Groupe de soutien au détournement de Cheseaux-sur-Lausanne", ainsi que par le Conseil communal et la Municipalité de Cheseaux qui étaient intervenus dans la campagne
BGE 116 Ia 466 S. 468
référendaire. Ils concluaient au renvoi de la cause au Conseil d'Etat pour nouvelle publication du décret du 25 septembre 1989, avec indication d'un nouveau délai référendaire.
Les recourants ont saisi simultanément le Conseil d'Etat d'une requête visant à obtenir une prolongation de quarante jours du délai référendaire et, subsidiairement, une nouvelle publication du décret du 25 septembre 1989, avec nouveau délai référendaire. Le 1er décembre 1989, le Conseil d'Etat leur fit savoir qu'il n'avait pas de pouvoir pour prolonger ou modifier le délai référendaire fixé par l'art. 27 de la Constitution vaudoise. Le 8 décembre 1989, il les informa en outre que la demande de référendum n'avait pas abouti: en effet, 7396 signatures valables avaient été recueillies, alors que la loi en requérait 12 000 au minimum.
Agissant le 4 janvier 1990 par la voie d'un nouveau recours de droit public, l'Association contre l'aérodrome d'Etagnières, X. et Y. ont demandé au Tribunal fédéral d'annuler ces décisions des 1er et 8 décembre 1989 et de renvoyer la cause au Conseil d'Etat pour nouvelle publication du décret du 25 septembre 1989, avec indication d'un nouveau délai référendaire. Comme dans leur premier recours, ils se fondaient essentiellement sur la violation du droit de vote. Le Tribunal fédéral a rejeté les recours dans la mesure où ils étaient recevables.
Extrait des considérants:
4.
Le droit de vote garanti par la Constitution fédérale reconnaît à tout citoyen la faculté d'exiger qu'aucun résultat de votation ou d'élection ne soit reconnu s'il ne traduit pas d'une manière fidèle et sûre la volonté librement exprimée du corps électoral (
ATF 115 Ia 206
consid. 4,
ATF 114 Ia 43
et 432 consid. 4a,
ATF 113 Ia 52
consid. 4a et 294 consid. 3a et les arrêts cités).
Cela ne signifie pas que les autorités soient privées de par le droit fédéral de toute possibilité d'intervenir dans la formation de la volonté du corps électoral. Si une telle possibilité est exclue en matière d'élections populaires (
ATF 114 Ia 433
consid. b), elle est en revanche admise en tout cas lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, de l'intervention de l'autorité communale dans une campagne précédant un scrutin cantonal portant sur un acte administratif ou sur une dépense publique (
ATF 105 Ia 244
; cf. E. GRISEL, Initiative et référendum populaires, Lausanne 1987, p. 94/95, et L'information des citoyens avant les votations, in Festschrift Hans Nef, 1981,
BGE 116 Ia 466 S. 469
p. 61; A. AUER, L'intervention des collectivités publiques dans les campagnes référendaires, in RDAF 1985, p. 191 ss). Mais une telle intervention n'est admissible qu'exceptionnellement (
ATF 113 Ia 295
/296 consid. 3), à certaines conditions, et elle doit respecter certaines règles, à défaut de quoi la campagne est affectée d'un vice qui peut conduire à l'annulation des opérations.
a) L'autorité communale ne peut intervenir dans une campagne relative à un scrutin cantonal que si elle y est conduite par des motifs pertinents (
ATF 113 Ia 296
consid. 3b,
ATF 112 Ia 335
ss consid. 4d). Tel est le cas lorsqu'elle entend donner une information objective aux citoyens ou redresser des informations manifestement erronées de la propagande adverse, ou lorsque la commune et ses citoyens ont à l'issue du scrutin un intérêt direct et spécial, qui dépasse largement celui des autres communes du canton (
ATF 114 Ia 433
consid. 4c et les arrêts cités).
b) L'autorité communale ne saurait intervenir de manière inadmissible dans la campagne précédant une votation cantonale, en utilisant des moyens répréhensibles. Elle peut certes mettre en oeuvre les mêmes moyens d'information que ceux que les partisans et adversaires du projet utilisent généralement dans une campagne précédant une votation. Mais elle doit faire preuve d'objectivité, sans toutefois être tenue d'exposer les différents points de vue en cas d'opinions divergentes dans la commune (
ATF 113 Ia 295
/296 consid. 3b,
ATF 112 Ia 335
ss consid. 4b-d,
ATF 108 Ia 161
/162 consid. 5b).
c) L'autorité communale qui intervient dans une campagne précédant un scrutin cantonal peut utiliser à cet effet des moyens financiers communaux, à condition qu'ils ne soient pas disproportionnés. Afin d'assurer autant que possible l'égalité entre les participants à la votation, la commune ne doit pas - indépendamment du message explicatif officiel - dépenser davantage que ne peuvent le faire sans sacrifices importants les partis et les autres groupes intéressés (
ATF 108 Ia 157
consid. 3b; arrêt Bauert du 11 mai 1979, consid. 3, publié in ZBl 1980, p. 21; arrêt Pfenninger du 24 novembre 1982, consid. 3, in JAB 1983, p. 4).
d) L'intervention de personnes, de comités ou autres groupements privés dans la campagne précédant une votation n'est pas soumise aux mêmes restrictions que ne l'est celle d'une autorité; sauf cas exceptionnels, une telle intervention est libre (
ATF 102 Ia 268
consid. 3,
ATF 98 Ia 80
ss consid. 3b).
Dans l'arrêt Aebi et consorts du 20 décembre 1988 concernant le Laufonnais (
ATF 114 Ia 427
ss), le Tribunal fédéral a examiné
BGE 116 Ia 466 S. 470
la licéité de l'intervention d'une autorité consistant en un soutien financier à un comité privé engagé dans une campagne en vue d'un scrutin public. Rappelant son arrêt Reist (JAB 1984, p. 97 ss), il a laissé ouverte la question de savoir s'il y a lieu de s'en tenir à la jurisprudence selon laquelle, lorsque l'autorité est représentée dans un tel comité, le soutien financier est admissible, l'action dudit comité devant alors être appréciée selon les critères régissant l'intervention de la commune elle-même (cf. sur cette question
ATF 112 Ia 335
consid. 4c i.f.,
ATF 101 Ia 243
/244; arrêt du 5 janvier 1982 in ZBl 1982, p. 206 consid. 2b). Constatant qu'à la différence de l'affaire Reist, il s'agissait d'un comité purement privé, et se fondant a contrario sur son arrêt Pfenninger (JAB 1983, p. 6), il a jugé qu'une propagande indirecte, faite grâce à des fonds publics par l'intermédiaire d'un comité d'action privé, est en principe illicite, l'autorité n'ayant alors pas un contrôle suffisant de l'utilisation des deniers publics, ainsi que de la sauvegarde de l'objectivité et de la réserve nécessaires (
ATF 114 Ia 442
/443).
On ne saurait toutefois donner à la formule utilisée dans l'arrêt précité une portée générale et absolue que les particularités du cas ne peuvent lui conférer. Elle n'est à tout le moins pas applicable dans l'hypothèse où le comité privé est composé en grande ou en majeure partie de représentants de la collectivité publique, car alors précisément l'autorité a, par ses représentants, un contrôle suffisant de l'activité dudit comité, de sorte que le soutien financier en cause n'est en soi pas critiquable.
e) Le Tribunal fédéral examine librement si le principe constitutionnel de la liberté de vote a été respecté; il revoit donc tout aussi librement l'interprétation et l'application du droit constitutionnel cantonal ainsi que des dispositions de rang inférieur qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le contenu et l'étendue (
ATF 113 Ia 396
consid. 3,
ATF 112 Ia 134
consid. 3a i.f. et 334 consid. 4a). En dehors de ces normes, et pour les constatations de fait, il se limite à vérifier si l'autorité intimée n'est pas tombée dans l'arbitraire.
5.
Les recourants soutiennent principalement que la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'atteinte à la liberté de vote, telle qu'elle est exposée plus haut, est dénuée de pertinence en l'espèce, étant donné qu'elle concerne les campagnes précédant une votation cantonale, et donc la liberté du citoyen de se déterminer dans un sens ou dans un autre sur l'objet qui lui est soumis, tandis qu'il s'agit ici d'une campagne qui s'est déroulée pendant le délai
BGE 116 Ia 466 S. 471
référendaire et qui mettait en cause non pas le vote du citoyen, mais la possibilité qui devait ou non lui être concrètement donnée de se prononcer dans une votation populaire. L'assimilation de ces deux situations procéderait d'une conception inexacte du droit de référendum, dont le libre exercice devrait être protégé plus sévèrement que ne l'est celui du droit de vote dans un scrutin populaire.
Cette argumentation ne saurait être suivie. La garantie que la Constitution fédérale donne au droit de vote n'est pas substantiellement différente selon que le citoyen s'exprime dans une votation ou à l'occasion d'une initiative ou d'une demande de référendum. Elle englobe au même titre les activités et campagnes qui précèdent ou accompagnent l'exercice de ces trois droits, nonobstant leurs différences (cf. sur ce dernier point E. GRISEL, Initiative et référendum populaires, p. 45 ss;
ATF 97 I 895
). Lorsqu'il vote, qu'il adhère à une initiative ou qu'il signe une demande de référendum, le citoyen accomplit des actes certes distincts. Mais dans tous ces cas, il exprime sa volonté politique en tant que citoyen; l'expression de cette volonté doit être également libre; et c'est pour les mêmes motifs et selon les mêmes critères qu'il doit être assuré que le résultat de la volonté ainsi exprimée par l'ensemble des citoyens qui ont fait usage de leur droit ne sera pas faussé. On ne voit pas pourquoi le seul fait que dans un cas le citoyen se prononce pour trancher la question qui lui est posée, tandis que dans les autres il se prononce pour dire s'il entend que cette question soit posée au peuple, devrait entraîner, du point de vue de la garantie constitutionnelle de la liberté de vote, des modalités différentes à un point tel qu'une autorité communale pourrait intervenir de manière plus incisive dans la campagne précédant une votation cantonale qu'elle ne serait autorisée à le faire dans une campagne référendaire de même niveau.
6.
L'application au cas d'espèce des principes jurisprudentiels rappelés plus haut conduit aux résultats suivants.
a) La commune de Cheseaux est pratiquement la seule commune du canton de Vaud à être touchée directement par la nouvelle route de déviation pour la construction de laquelle le Grand Conseil vaudois a accordé un crédit de 48'500'000 francs. En tout cas, son intérêt y est incomparablement plus grand que celui de n'importe quelle autre commune du canton. Les autorités communales de Cheseaux étaient donc manifestement en droit d'intervenir dans la campagne référendaire pour faire connaître leur point de vue, à savoir plus précisément pour faire en sorte que le crédit
BGE 116 Ia 466 S. 472
octroyé par le Grand Conseil ne soit pas remis en discussion à la suite du référendum. Les recourants reconnaissent expressément, dans leur mémoire du 25 mars 1990, que l'évitement de Cheseaux est nécessaire; ils ne contestent pas par ailleurs l'allégation de l'Etat et de la commune selon laquelle la situation serait devenue intolérable dans cette localité, traversée quotidiennement par plus de 20 000 voitures.
Le droit de la commune de Cheseaux d'intervenir dans la campagne référendaire se justifiait en outre par la nature de l'argumentation utilisée par les partisans du référendum dans leur campagne. Contrairement à ce qu'allèguent les recourants, il ressort en effet clairement du dossier que pratiquement le seul motif invoqué par l'Association contre l'aérodrome d'Etagnières à l'appui de sa demande de référendum était d'empêcher la réalisation d'un aérodrome à Etagnières. Si le texte des listes de signatures mentionne bien, à son chiffre 1, l'évitement de Cheseaux selon un tracé différent et "tout aussi valable que le projet adopté par le Grand Conseil", ses dix autres chiffres concernent uniquement la lutte contre l'aérodrome d'Etagnières. Les photographies du stand dressé à Lausanne pour recueillir les signatures de la demande de référendum, produites par le Groupe de soutien au détournement de Cheseaux-sur-Lausanne, confirment ce qui ressort déjà du texte des listes de signatures ("l'aéroport d'Etagnières? NON. Signez ici le référendum"). La discussion des recourants sur l'autre variante préconisée par le comité référendaire se réfère à des documents émanant des autorités cantonales et de la Ville de Lausanne, qui sont antérieurs au décret du 25 septembre 1989 et dont rien ne permet de penser qu'ils ont été utilisés par le comité référendaire dans sa campagne.
Or, il est manifeste que le crédit voté par le Grand Conseil ne portait que sur la réalisation de l'évitement de Cheseaux par la nouvelle route cantonale No 401 b. Dans aucun de leurs mémoires les recourants ne prétendent qu'en réalité cette route s'inscrirait dans le cadre de l'installation future d'un aérodrome à Etagnières. Il faut dès lors admettre que l'argumentation du comité référendaire était de nature à induire les citoyens en erreur, et que de ce fait les autorités communales de Cheseaux avaient non seulement le droit, mais aussi le devoir d'intervenir dans le débat politique.
b) Il reste à vérifier si les autorités communales de Cheseaux étaient en droit d'intervenir dans la campagne référendaire par les moyens qu'elles ont utilisés.
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Dans la mesure où des membres de ces autorités sont intervenus dans le cadre du Groupe de soutien au détournement de Cheseaux-sur-Lausanne, fondé le 15 juin 1988, indépendamment d'un appui financier communal, ils pouvaient le faire librement. Le recours apparaît dès lors en tout cas mal fondé dans la mesure où il invoque des faits antérieurs à la décision du Conseil communal du 7 novembre 1989 de soutenir une campagne d'information au sujet de l'évitement de Cheseaux, à moins que ces faits ne puissent impliquer une atteinte au droit de vote par des personnes privées. Tel n'est toutefois pas le cas, sauf dans l'hypothèse d'actes par lesquels, ainsi que l'allèguent les recourants, des membres dudit Groupe, et notamment le président du Conseil communal de Cheseaux, auraient tenté par la force d'empêcher la récolte des signatures du référendum au marché de Lausanne. Ces allégués, contestés par les intimés, ne sont pas établis, les recourants n'indiquant en aucune manière à quelles dates les actes en question se seraient produits et quelles personnes auraient été molestées. Il n'y a pas lieu pour le Tribunal fédéral, dans ces circonstances, de procéder dans le cadre de l'
art. 95 OJ
à l'audition de témoins suggérée par les recourants, d'autant moins qu'il n'est pas contesté qu'aucun incident de cette nature n'a été signalé à la Police municipale de Lausanne.
En tout état de cause, les recourants n'invoquent les actes susmentionnés que pour autant qu'ils se soient passés dans les trente jours avant le dépôt du recours, donc postérieurement au 30 octobre 1989. Il leur eût incombé à tout le moins d'indiquer avec précision les dates de ces prétendus incidents.
c) Au dire des recourants, les autorités communales de Cheseaux seraient intervenues illicitement dans la campagne référendaire de deux manières: le Conseil communal, en exprimant le 7 novembre 1989, dans la séance extraordinaire consacrée à cet objet, le voeu que la Municipalité soutienne financièrement une campagne d'information destinée à renseigner la population vaudoise en combattant la demande de référendum; la Municipalité qui, forte de cet appui du Conseil communal, a "participé et financé une vaste campagne d'annonces et de distribution de tracts tous ménages".
Les recourants ne mettent pas en doute que le soutien financier accordé par la Municipalité s'est traduit par une garantie financière de 15'000 francs au maximum. Les intimés affirment qu'en fait seul un montant de 5'000 francs a été remis par la Municipalité au
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Groupe de soutien au détournement de Cheseaux-sur-Lausanne, et ce fin décembre 1989, soit bien après l'expiration du délai référendaire. Sans contester formellement cette affirmation, les recourants allèguent que le chiffre indiqué "paraît bien modeste" et requièrent la production par le Groupe de soutien de sa comptabilité pour les mois d'octobre 1989 à décembre 1989. Indépendamment même de la cognition limitée du Tribunal fédéral en matière de constatation des faits, il convient de relever que le montant exact versé par la Municipalité n'est pas décisif, comme on le verra plus loin, compte tenu de l'ordre de grandeur de 5'000 à 15'000 francs dont il s'agit et du fait que les recourants ne prétendent pas que la totalité de la garantie accordée ait été mise à contribution.
Que le Conseil communal de Cheseaux ait souhaité un soutien financier de la Municipalité n'implique en soi aucune intervention dans la campagne référendaire. Seule la garantie financière, et plus précisément la mise à disposition effective d'un certain montant, constitue une telle intervention. Contrairement à l'opinion exprimée par les recourants, cette garantie et ce soutien financier effectif ne sont pas inadmissibles, même si la Municipalité n'est pas intervenue directement, mais uniquement pour soutenir un groupement privé, lequel a seul agi dans la campagne. En effet, aucune incertitude n'a pu régner - que ce soit au sein du Conseil communal ou de la Municipalité, ou chez les citoyens vaudois - sur le fait que le Groupe de soutien qui a agi dans la campagne était effectivement contrôlé par des personnes faisant partie des autorités communales. Ainsi que cela ressort du dossier, toutes les annonces (quatre, et non pas cinq comme cela a été prétendu dans l'acte de recours) et le tract tous ménages sont très visiblement signés, pour le Groupe de soutien au détournement de Cheseaux-sur-Lausanne, par le président du Conseil communal, le syndic de Cheseaux, quatre conseillers communaux, ainsi que par l'instituteur.
d) Quant à la question de savoir si les moyens utilisés par le Groupe de soutien, avec l'appui financier de la commune de Cheseaux, dans la campagne référendaire sont en soi répréhensibles, elle doit également être résolue, du point de vue de la proportionnalité, par la négative. Trois annonces, certes d'assez grand format, dans le quotidien lausannois "24 heures", une annonce dans "L'Echo du Gros de Vaud", entre le 10 et le 15 novembre 1989, et un tract tous ménages ne sauraient constituer une "vaste campagne", contrairement à ce qu'allèguent les recourants. Il s'agit au contraire d'une intervention relativement modeste au regard de
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l'importance et de l'urgence de la route cantonale d'évitement du village pour les autorités et la population de Cheseaux. Dans ce contexte, un soutien financier de l'ordre de 5'000 à 15'000 francs pris sur les fonds publics n'apparaît pas trop élevé, même si l'on tient compte du fait que l'on est en présence d'un référendum et non d'une votation, si on le compare avec ceux que le Tribunal fédéral n'a pas considérés comme excessifs dans d'autres cas (détournement d'Eglisau: 60'000 francs,
ATF 108 Ia 162
; détournement de Richterswil: 65'000 francs,
ATF 105 Ia 243
/244; détournement Randflüh/Zollbrück: 11'700 francs, JAB 1984, p. 104). Les recourants ne prétendent pas qu'ils n'auraient pas été en mesure de consacrer à leur campagne un montant équivalent sans sacrifices importants, et rien ne permet de penser que tel aurait été le cas.
Pour ce qui est du contenu des annonces et du tract, il s'agit d'un seul et même texte entièrement identique. Ce texte n'est certes pas en tous points d'une totale et parfaite objectivité. S'il n'est pas critiquable dans la mesure où il rappelle les raisons du crédit voté par le Grand Conseil et les objectifs poursuivis par l'Association contre l'aérodrome d'Etagnières, il l'est en revanche dans la mesure où, pour démontrer que le référendum est dangereux, il expose que: "Le signer c'est cautionner le maintien d'une situation chaotique..." En réalité, formellement, signer le référendum n'avait pas nécessairement un tel effet, mais pouvait tout au plus contribuer à remettre en question le tracé de la route litigieuse, ainsi qu'à retarder et à renchérir considérablement la réalisation de cet ouvrage. Compte tenu de l'urgence incontestable de celle-ci et du fait que le texte même de la demande de référendum était de nature à induire en erreur le citoyen, on ne peut pas dire que le libellé des annonces et du tract susmentionnés ait outrepassé les limites posées à l'intervention de l'autorité communale. Ce d'autant plus que, contrairement à ce qui était le cas dans l'affaire du Laufonnais, l'intervention de l'autorité s'est faite de manière parfaitement claire et transparente. Il y a lieu de considérer également qu'aucun des membres du comité référendaire n'était domicilié à Cheseaux, que le crédit avait été voté par le Grand Conseil à l'unanimité moins trois voix et que la proposition d'intervention de la Municipalité avait été acceptée par le Conseil communal à la quasi-unanimité.
Le résultat de la collecte de signatures n'ayant ainsi pas été faussé par une intervention illicite des autorités communales de Cheseaux, les recours s'avèrent mal fondés.
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7.
Même si l'appui financier donné par la Municipalité de Cheseaux au Groupe de soutien au détournement de Cheseaux-sur-Lausanne et l'intervention de membres d'autorités municipales dans la campagne référendaire avaient été illicites, cela ne suffirait pas encore pour annuler la décision du Conseil d'Etat du 8 décembre 1989 et faire courir un nouveau délai référendaire. Tel ne serait le cas que si le vice affectait ladite campagne à un point tel que le résultat de la collecte de signatures ait raisonnablement pu en être faussé. En l'absence de chiffres précis, cette question doit être jugée sur la base de l'ensemble des circonstances, en prenant en considération notamment l'importance des voix manquantes pour atteindre le nombre de voix exigé, la gravité des irrégularités et leur signification dans le contexte global du référendum. Si la possibilité que, sans ces irrégularités, le nombre de signatures exigé ait été atteint, apparaît si mince qu'elle ne puisse être prise en considération sérieusement, il ne saurait être question d'annuler le résultat et de faire courir un nouveau délai référendaire (
ATF 114 Ia 446
/447 consid. 7a et les arrêts cités). Si, en revanche, il apparaît pratiquement possible que le résultat eût été différent, alors il faut l'annuler (
ATF 112 Ia 134
consid. 3a et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine librement la question de savoir si la condition de l'annulation est remplie.
En l'espèce, il est établi que la demande de référendum a recueilli pendant le délai référendaire, pour tout le canton de Vaud, 7396 signatures valables sur les 12 000 requises. Elle a ainsi obtenu 62% des signatures nécessaires et il lui en a manqué 38%. Le déficit est considérable, et seuls des motifs très importants permettraient d'admettre la possibilité qu'il eût été comblé si le Groupe de soutien au détournement de Cheseaux n'avait pas disposé de la garantie financière communale. De tels motifs font défaut. La campagne menée par les adversaires du référendum, avec un soutien financier relativement faible, a été des plus modestes, ainsi qu'on l'a vu plus haut. La seule irrégularité qui l'a affectée, sur une phrase du texte des annonces et du tract, n'avait aucun caractère de gravité particulière dans le contexte global. Le Groupe de soutien précité agissait avec l'accord de la grande majorité de la population de Cheseaux, ainsi qu'il résulte des modalités de la décision du Conseil communal du 7 novembre 1989 et du fait que seuls 145 citoyens de Cheseaux, sur 1750 titulaires du droit de vote, à savoir environ 8% des électeurs de la commune, ont signé le référendum.
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Cela étant, l'on ne saurait admettre sérieusement que, sans l'intervention financière des autorités communales de Cheseaux, la demande de référendum aurait pu recueillir dans le canton de Vaud les 12 000 signatures nécessaires pour aboutir.