BGE 116 IB 89 vom 9. März 1990

Datum: 9. März 1990

Artikelreferenzen:  Art. 35 EIMP, Art. 64 EIMP, Art. 78 EIMP , art. 161 CP, art. 78 al. 1 EIMP, art. 79 al. 1 EIMP, art. 23 et 79 al. 4 EIMP, art. 25 al. 1 EIMP, art. 83 EIMP, art. 101 let. a OJ, art. 101 let, art. 1 al. 1 CEEJ, art. 693 CPP, art. 1er al. 1 CEEJ, art. 5 CEEJ, art. 64 EIMP, art. 35 al. 2 EIMP

BGE referenzen:  113 IB 67, 118 IB 543, 120 IB 120, 124 II 184, 126 II 212, 126 II 409, 133 IV 40, 142 IV 250, 145 IV 294 , 110 IB 91, 113 IB 164, 112 IB 583, 113 IB 265, 113 IB 71, 112 IB 593, 112 IB 594, 109 IB 326, 113 IB 67, 113 IB 165, 113 IB 71, 112 IB 593, 112 IB 594, 109 IB 326, 113 IB 67, 113 IB 165

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

116 Ib 89


11. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 9 mars 1990 dans la cause Banque A. contre Chambre d'accusation du canton de Genève (recours de droit administratif)

Regeste

Internationale Rechtshilfe in Strafsachen; Anfechtbarkeit der Abschlussverfügung; zulässige Rügen; Zuständigkeit der Behörden des ersuchenden Staates; Grundsatz der beidseitigen Strafbarkeit; Verhältnismässigkeit.
1. Rügen betreffend die Zulässigkeit der Rechtshilfe sind im Eintretensverfahren vorzubringen. Im Beschwerdeverfahren gegen die Abschlussverfügung können sie nicht mehr vorgebracht werden. In dieser Phase können nur Rügen erhoben werden, die die eigentliche Weiterleitung der Auskünfte oder Tatsachen betreffen, die sich während des Instruktionsverfahrens ereignet oder herausgestellt haben (E. 1b).
2. Die Auslegung des Rechts des ersuchenden Staates ist vornehmlich Sache jener Behörden. Die Schweiz kann die Kompetenz der ersuchenden Behörde nur im Falle offensichtlich missbräuchlicher Gesuchstellung verneinen (E. 2c).
3. Die objektiven Strafbarkeitsbedingungen sowie die besonderen Formen der Absicht sind bei der Prüfung der beidseitigen Strafbarkeit nicht zu berücksichtigen (E. 3c).

Sachverhalt ab Seite 90

BGE 116 Ib 89 S. 90
Le 21 novembre 1988, la société française X S.A. est devenue actionnaire majoritaire de la société américaine Y. Pour l'acquisition des actions minoritaires, X S.A. a émis, le même jour, une offre publique d'achat (OPA) au prix de 56 US$ par action; ces titres étaient jusqu'alors cotés à une valeur bien inférieure.
Des enquêtes ont été ouvertes, relativement à des délits d'initiés, aux Etats-Unis par la United States Securities and Exchange Commission ("SEC") et en France par la Commission des opérations de bourse ("COB").
Tant les Etats-Unis que la France ont requis l'entraide judiciaire de la Suisse. En particulier, la banque A, à Genève, est soupçonnée d'avoir, pour elle ou le compte d'un tiers, acheté des actions Y avant l'annonce de l'offre publique d'achat, à un prix permettant de réaliser un gain important. Elle aurait bénéficié d'informations privilégiées provenant d'initiés.
Le 6 février 1989, un juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Paris a présenté une commission rogatoire, qui a été transmise à un juge d'instruction du canton de Genève.
Par ordonnance du 23 février 1989, le magistrat saisi a décidé d'entrer en matière sur la demande d'entraide.
Saisi d'une commission rogatoire complémentaire, il a, le 1er mars 1989, ordonné le blocage d'un montant de 114'000 fr. suisses, correspondant au bénéfice réalisé sur l'opération litigieuse.
Par arrêt du 12 avril 1989, la Chambre d'accusation a rejeté un recours dirigé contre les ordonnances précitées. Cet arrêt n'a point fait l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral.
Après avoir procédé à l'enquête sollicitée, le juge d'instruction a, le 27 juin 1989, ordonné la clôture de la procédure et la transmission des renseignements et documents nécessaires à l'autorité requérante.
Par arrêt du 15 novembre 1989, la Chambre d'accusation a rejeté le recours de la banque A.
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Contre cet arrêt, elle forme un recours de droit administratif. Elle conclut à l'annulation des décisions cantonales et au refus de l'entraide.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. a) La Suisse et la France sont toutes deux parties à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ). Les dispositions de ce traité l'emportent sur le droit autonome qui régit la matière, soit la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP). Ce dernier texte reste applicable aux questions qui ne sont pas réglées, explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel ( ATF 112 Ib 583 consid. 2).
b) La procédure à suivre devant des autorités suisses est régie avant tout par l'EIMP.
Lorsqu'une demande lui est transmise par l'Office fédéral ( art. 78 al. 1 EIMP ), l'autorité cantonale rend une décision sur l'admissibilité de l'entraide ( art. 79 al. 1 EIMP ), susceptible de faire l'objet d'un recours cantonal ( art. 23 et 79 al. 4 EIMP ). Le recours de droit administratif est "directement ouvert" contre les décisions cantonales de dernière instance concernant l'entrée en matière ( art. 25 al. 1 EIMP ; ATF 113 Ib 265 consid. 3a). Lorsque l'autorité estime avoir terminé son enquête, elle rend une ordonnance de clôture relative à la transmission des actes d'exécution à l'Etat requérant ( art. 83 EIMP ). Cette décision peut à son tour faire l'objet d'un recours cantonal, puis d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral.
Il résulte de ce système que les questions relatives à l'admissibilité de l'entraide doivent être soulevées au stade de l'entrée en matière. Elles ne sauraient être examinées dans le cadre d'un recours contre la décision de clôture. Seuls peuvent alors être invoqués les moyens ayant trait à la transmission proprement dite ou à des faits qui se sont produits ou révélés pendant la procédure d'instruction ( ATF 110 Ib 91 consid. 2c, arrêt non publié N. du 6 octobre 1987). Ainsi les intéressés n'ont-ils pas le loisir de se "réserver" des moyens en vue d'un recours contre l'ordonnance de clôture. Ces considérations valent également pour le recours de droit administratif au Tribunal fédéral; dès lors que, selon la législation en vigueur, le recours est "immédiatement ouvert" contre la décision de dernière instance cantonale relative à
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l'admissibilité de l'entraide, cette décision ne peut être tenue pour une décision incidente au sens de l' art. 101 let. a OJ ; en l'absence de recours, elle acquiert la force de chose jugée et ne saurait être attaquée au stade de son exécution ( art. 101 let . c OJ; ATF 110 Ib 91 consid. 2c, arrêts non publiés G. du 21 avril 1986, K. du 8 février 1990).
Sans doute, dans son arrêt relatif à la décision sur l'admissibilité, la Chambre d'accusation a-t-elle indiqué que les moyens invoqués par la recourante pourraient être réexaminés à l'occasion de la décision de clôture.
Cette opinion ne saurait être partagée.
La recourante ne pâtira cependant pas de cette information erronée, le présent arrêt examinant à titre subsidiaire la valeur des moyens invoqués au fond contre l'admissibilité de l'entraide.

2. a) La banque A fait valoir en premier lieu que le juge français serait territorialement incompétent pour instruire et juger les infractions reprochées; il n'y aurait pas de lien territorial ou personnel entre les faits à l'origine de la demande de l'Etat requérant ( art. 1 al. 1 CEEJ ). En effet, les titres litigieux auraient été négociés à la bourse de New York; l'achat et la vente des titres auraient eu lieu sur ordre d'un client étranger. Au reste, la législation française sur les délits d'initiés ne se rapporterait qu'aux opérations effectuées dans les bourses françaises.
b) Cet argument se rapporte à l'admissibilité de principe de l'entraide et non à son exécution. La recourante n'invoque aucun fait qui se serait produit ou révélé pendant la procédure d'exécution. Ce moyen ne peut donc en principe plus être examiné à l'occasion de la décision de clôture (consid. 1b ci-dessus).
c) Fût-il recevable, il serait de toute manière mal fondé.
aa) L'interprétation du droit de l'Etat requérant ressortit en premier lieu aux autorités de cet Etat. Aussi la Suisse ne saurait-elle dénier à l'autorité requérante sa compétence que si cette dernière fait clairement défaut, au point de rendre abusive la demande d'entraide ( ATF 113 Ib 164 consid. 4). Lorsque les renseignements demandés ont précisément pour but de déterminer si, dans le cas particulier, le judex fori est compétent, il est conforme au but de la CEEJ d'accorder l'entraide.
En l'espèce, l'instruction pénale est menée par les autorités françaises sur la base de l'art. 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs
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mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse. Cette disposition réprime pénalement le fait, pour certaines personnes au bénéfice d'informations privilégiées, de réaliser ou de permettre sciemment de réaliser, sur le marché, soit directement, soit par une personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations (cf. ATF 113 Ib 71 ). L'art. 693 du code de procédure pénale français (CPP français) prévoit par ailleurs qu'"est réputée commise sur le territoire de la République toute infraction dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs a été accompli en France".
Ecartant un déclinatoire, le juge d'instruction français a estimé que le délit d'initié n'était limité ni aux opérations effectuées dans des bourses françaises, ni aux titres français. D'autre part, il apparaissait que les informations privilégiées avaient leur source en France, d'où elles avaient été diffusées, de sorte que l' art. 693 CPP français devait s'appliquer. La Cour d'appel de Paris a, le 12 juillet 1989, confirmé cette décision. Elle a jugé qu'"en matière de délits d'initiés, ce sont les ordres passés en bourse et non leur exécution qui réalisent l'exploitation de l'information privilégiée avant que le public en ait connaissance"; l'ordre public était intéressé parce que X S.A. est une société française; l'opération d'initiés en cause pouvait avoir lésé des vendeurs français de titres Y, ignorant le bénéfice qu'ils auraient pu réaliser eux-mêmes par l'effet de l'OPA. La Cour de cassation n'est pas entrée en matière sur un recours dirigé contre cet arrêt.
Nonobstant les avis de droit contraires demandés par la recourante, rien ne permet d'affirmer que l'avis exprimé par la Cour d'appel serait manifestement mal fondé. Il n'y a pas lieu de s'en écarter. Les informations requises permettront le cas échéant aux autorités françaises de déterminer si toutes les conditions fondant leur compétence sont réunies.
bb) La recourante paraît soutenir que la législation française ou son application violerait des principes du droit des gens; d'une part, en soumettant abusivement à sa loi pénale un comportement sans relation avec son territoire, la France porterait atteinte à la souveraineté des Etats étrangers; d'autre part, la compétence des Etats-Unis exclurait celle de la France pour juger le même comportement.
Point n'est besoin de rechercher si cette argumentation serait admissible dans le cadre de l' art. 1er al. 1 CEEJ , car elle n'est pas fondée.
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L'existence d'un lien suffisant entre les infractions reprochées et l'Etat français n'est pas contestable, soit que les faits reprochés aient été commis à distance, par l'exploitation (ou la diffusion) à l'étranger d'informations privilégiées ayant leur source en France, soit qu'ils aient été commis directement sur sol français par la simple diffusion de ces informations. La recourante n'expose pas quel principe de droit international public empêcherait un Etat de poursuivre des infractions commises depuis son territoire et de réprimer tant l'utilisation d'informations privilégiées que leur seule diffusion.
L'exercice de la souveraineté étatique peut aboutir à ce qu'un même comportement puisse être réprimé par différents Etats, en raison de l'interférence entre les rattachements territorial et personnel, ou parce que les divers éléments constitutifs du délit se réalisent en des endroits différents. Aussi les réglementations nationales et conventionnelles s'efforcent-elles de résoudre ces conflits positifs, pour éviter que l'individu n'ait à en pâtir. Toutefois, à la différence de ce qui est prévu pour les actes d'entraide visés par le titre III CEEJ, aucune règle du droit conventionnel ou du droit suisse interne n'empêche la remise d'informations à deux Etats différents réprimant le même comportement. A ce stade, la Suisse n'a donc pas à déterminer à quel Etat elle devrait donner la priorité.

3. a) Faisant référence à la réserve émise par la Suisse à propos de l' art. 5 CEEJ , la recourante prétend que la condition de la double incrimination ne serait pas remplie. Le comportement reproché ne serait pas punissable en Suisse; l' art. 161 CP ne viserait que les opérations "en bourse ou avant bourse suisse"; l'art. 162 (violation du secret commercial) serait également inapplicable.
b) Relative, elle aussi, à l'admissibilité du principe de l'entraide et non à son exécution, cette argumentation ne peut plus être examinée à l'occasion du recours contre la décision de clôture (consid. 1b ci-dessus).
c) Supposé recevable, le moyen serait, lui aussi, mal fondé.
aa) En vertu de l' art. 64 EIMP , même dans les relations avec les Etats parties à la CEEJ, l'autorité suisse se borne en principe à examiner la punissabilité de l'infraction selon le droit suisse, sans avoir à contrôler si cette dernière est aussi punissable selon le droit de l'Etat requérant ( ATF 113 Ib 164 consid. 4, ATF 112 Ib 593 consid. 11ba et les références citées).
bb) Selon la jurisprudence, l'examen de la punissabilité comprend, par analogie avec l' art. 35 al. 2 EIMP applicable en
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matière d'extradition, les éléments constitutifs objectifs de l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières du droit suisse en matière de culpabilité et de répression ( ATF 112 Ib 594 consid. 11bb). Ainsi, le prononcé d'une faillite, condition objective de punissabilité de la banqueroute frauduleuse, n'a pas à être pris en considération ( ATF 109 Ib 326 ), de même que les formes particulières d'intention exigées par la loi, l'existence d'actes de défaut de biens, etc. (FF 1976 II 447/448). Tel est également le cas de la référence aux bourses suisses mentionnée à l' art. 161 CP , qui définit le champ d'application territorial de cette disposition. Cet élément doit donc être ignoré pour juger de la punissabilité du délit d'initié selon le droit suisse.
Pour le surplus, il n'est pas contesté, à juste titre, que les faits reprochés correspondent aux conditions objectives de l' art. 161 CP (cf. ATF 113 Ib 67 ).
cc) Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner si l'art. 162 peut également s'appliquer.

4. a) La recourante estime que l'autorité cantonale aurait violé le principe de la proportionnalité en faisant droit à une requête insuffisamment précise qui constituerait une recherche indéterminée de moyens.
b) Dans une large mesure, si ce n'est exclusivement, ces griefs pouvaient être soulevés lors de la décision relative à l'admissibilité de l'entraide; ils sont, partant, tardifs (consid. 1b).
Le moyen tiré de la violation du principe de la proportionnalité pourrait être recevable, en tant qu'il se rapporterait au choix de la mesure d'exécution, sans avoir pu être soumis à l'autorité lors de la décision précédente.
c) Quoi qu'il en soit, ces arguments ne sont pas fondés.
Très circonstanciée en fait et en droit, la commission rogatoire permet une compréhension aisée des faits reprochés (cf. ATF 113 Ib 165 consid. 5a). Son objet est suffisamment circonscrit, spécialement en début d'instruction, pour qu'on puisse lui dénier tout caractère exploratoire. En tant qu'il est recevable, le recours se révèle ainsi en tous points mal fondé.

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