Urteilskopf
116 II 275
49. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 30 août 1990 dans la cause Communauté des propriétaires d'étage de l'immeuble Pré-Bouvier 27-29 contre Gillet et consorts (recours en réforme)
Regeste
Stockwerkeigentum; Nutzungsrecht bezüglich gemeinschaftlicher Teile.
1. Es ist nicht ausgeschlossen, für die Benutzung bestimmter gemeinschaftlicher Teile eines zu Stockwerkeigentum ausgestalteten Grundstückes abweichende Bestimmungen zu erlassen, namentlich um die Benutzung dieser Teile gewissen Miteigentümern vorzubehalten (E. 3b und c).
2. Wer einen Miteigentumsanteil veräussert, mit welchem nach dem Reglement die Berechtigung zur Benutzung eines zum gemeinschaftlichen Teil gehörenden Raumes verbunden ist, verfügt über ein eigenes Recht; der veräusserte Anteil umfasst wertmässig auch die Benutzung dieses Raumes. Weder die Zweckbestimmung der Sache noch die Miteigentumsanteile werden dadurch geändert; die Einwilligung der Beteiligten und die Zustimmung der Versammlung der Stockwerkeigentümer sind folglich nicht erforderlich (E. 3d).
A.-
Le 6 août 1985, Joël Gillet, Michel-André Bagnoud, Michel Escoffier, Pierre Wyss-Chodat, Werner Moschinger et la Société générale pour l'industrie (SGI) (ci-après: les associés) ont constitué une société simple, dont le but était la construction et la vente d'un immeuble artisanal et industriel. En 1986, un droit de superficie leur a été concédé sur cette parcelle. Le bâtiment a été construit. Par acte authentique des 12 juin et 19 août 1987, les associés sont convenus de soumettre le droit de superficie au régime de la propriété par étages.
Le règlement de copropriété de la communauté des propriétaires par étages a été annexé à l'acte des 12 juin et 19 août 1987 et inscrit au registre foncier à titre de mention. Son art. 19 dispose que les parties communes du bâtiment comprennent notamment le local de dépôt du matériel, les caves et les abris. Le chiffre II des dispositions particulières du règlement prévoit qu'à la propriété des locaux industriels Nos 3.05 et 2.02 est attachée la jouissance des dépôts a) et b), respectivement; il précise en outre que les dispositions légales dictant l'utilisation des abris antiatomiques sont applicables aux dépôts dans ces abris.
B.-
Par acte authentique des 10 juillet et 19 août 1987, les associés ont vendu la copropriété sur 632/1000e du droit de superficie, comprenant notamment les locaux industriels No 3.05; l'acte de vente précisait que cette unité d'étage donnait l'usage du dépôt a), compté dans le prix global pour la somme de 97'600 francs. Les 23 mars et 20 avril 1988, ils ont vendu la
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copropriété sur 74/1000e du droit de superficie, comprenant notamment les locaux industriels No 2.02; cette unité donnait l'usage du dépôt lettre b), compté dans le prix global pour la somme de 97'600 francs. Les dépôts se trouvent dans les abris antiatomiques, dans les sous-sols du bâtiment.
C.-
La Communauté des propriétaires d'étage de l'immeuble Pré-Bouvier 27-29 (ci-après: la CPE) a estimé que les sommes obtenues en contrepartie du droit d'usage sur les deux dépôts susmentionnés lui revenaient. A sa requête, des commandements de payer ont été notifiés à chacun des associés pour les sommes de 97'600 francs avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 1987 et de 97'600 francs avec intérêts à 5% dès le 1er avril 1988. Ces commandements de payer ont été frappés d'opposition.
Le 17 février 1989, la CPE a ouvert action en paiement des montants susdits et en mainlevée des oppositions contre les associés devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Les défendeurs ont conclu au déboutement de la demanderesse. Le 23 juin 1989, le tribunal a admis la demande, condamné les défendeurs au paiement des montants réclamés par la demanderesse et prononcé la mainlevée définitive des oppositions.
Sur appel des défendeurs, la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 2 février 1990, a annulé le jugement de première instance et débouté la CPE de sa demande.
D.-
La CPE exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral; elle reprend ses conclusions en paiement et en mainlevée de première instance cantonale. Les intimés s'en remettent à justice quant à la recevabilité du recours et concluent à son rejet au fond.
Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l'arrêt de la Cour de justice.
Considérants:
3.
b) En vertu du principe du numerus clausus qui domine la partie du code civil consacrée aux droits réels, la loi, lorsqu'elle définit le contenu des différents droits réels, a un caractère impératif, de sorte que seules les servitudes comprises dans l'une des catégories définies par le code civil peuvent être créées en droit suisse (
ATF 103 II 181
). Selon le principe de la limitation des charges, qui découle de l'
art. 730 al. 1 CC
, pour ne pas vider la propriété de sa substance, la servitude doit conférer à son titulaire
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un droit d'usage limité, notamment quant à son contenu. Ce principe est applicable aux relations entre propriétaires d'étages; ainsi, une restriction dans l'utilisation d'une part de copropriété constituée en propriété par étages peut, le cas échéant, avoir les effets pratiques d'une servitude; il en résulte la nécessité de tenir compte par analogie de l'
art. 730 al. 1 CC
et d'observer le principe de la limitation de l'étendue de la charge (
ATF 111 II 340
ss consid. 8).
La propriété par étages a été instituée comme un droit de copropriété spécialement aménagé, dont la particularité réside en ce que chaque part de copropriété comprend, par l'effet de la loi (
art. 712a CC
), le droit exclusif d'utiliser, d'administrer et d'entretenir certaines parties déterminées du bâtiment. Il s'agit d'un droit réel sui generis qui renferme deux éléments indissolublement liés: le premier est une part de copropriété de chaque copropriétaire qui porte sur l'immeuble tout entier et ses parties intégrantes, le second un droit exclusif de jouissance sur des parties délimitées de l'immeuble (
ATF 94 II 236
/237). Les parties communes sont aussi placées sous la copropriété de tous les propriétaires d'étages, mais le pouvoir de jouissance de chacun d'eux sur elles est sensiblement plus restreint, eu égard à leur affectation, par les droits des autres (
ATF 99 Ib 144
consid. 2; H.-P. FRIEDRICH, Propriété par étages, FJS No 1303, p. 3, let. b). Les droits de jouissance de tous les participants ne s'excluent pas, mais existent parallèlement. Le régime de la jouissance doit offrir la garantie que les installations et aménagements communs puissent être utilisés par tous dans les limites de leur destination. Mais toutes les parties communes ne sont pas nécessairement à la disposition de tous les propriétaires d'étages. Selon les conditions architecturales, on peut concevoir l'existence de parties communes (accès, escaliers, ascenseurs) qui ne pourraient ou ne devraient servir qu'à certains propriétaires d'étages; ces parties demeurent, certes, placées sous la copropriété de tous les propriétaires d'étages, mais cela n'empêche pas qu'il puisse y avoir des règles dérogatoires pour leur utilisation et pour les frais qui en résultent (H.-P. FRIEDRICH, op.cit., p. 3/4).
L'
art. 712b al. 2 CC
énumère exhaustivement les parties sur lesquelles les copropriétaires ne peuvent acquérir de droit exclusif et qui sont donc obligatoirement communes, de par la loi. En vertu de l'
art. 712b al. 3 CC
, les copropriétaires peuvent, dans l'acte constitutif de la propriété par étages ou dans une convention
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ultérieure soumise à la même forme, déclarer communes encore d'autres parties du bâtiment. Le cas échéant, les propriétaires d'étages ont en principe l'usage et la jouissance de ces parties dans la mesure de leur quote-part, mais les modalités d'utilisation doivent être définies par les propriétaires d'étages; ils peuvent notamment prévoir des règles dérogatoires en ce qui concerne leur utilisation, qui sont opposables à leurs ayants cause en vertu de l'
art. 649a CC
(P.-H. STEINAUER, Les droits réels, tome I, n. 1241 in fine et 1270 ss), par exemple réserver un usage accru de ces parties communes à certains copropriétaires.
Les abris antiatomiques ne sont pas des parties obligatoirement communes de par la loi (
art. 712b al. 2 CC
); ils sont susceptibles d'un droit exclusif (sonderrechtsfähig), grevés d'une restriction d'utilisation de droit public (MEIER-HAYOZ/REY, n. 33 ad
art. 712b CC
). Les copropriétaires peuvent cependant les déclarer parties communes, dans l'acte constitutif de la propriété par étages ou dans une convention ultérieure soumise à la même forme (
art. 712b al. 3 CC
; MEIER-HAYOZ/REY, n. 42 et 43 ad
art. 712b CC
). Le cas échéant, ils peuvent prévoir des règles dérogatoires quant à leur utilisation, notamment en réserver l'usage accru à certains copropriétaires. Il ne s'agit donc pas de parties qui doivent rester communes dans toutes leurs facultés.
c) En l'espèce, l'art. 19 du règlement de copropriété de la communauté des copropriétaires par étages - auquel se réfère l'acte constitutif des 12 juin et 19 août 1987 et qui y a été annexé - prévoit que les abris - utilisés comme dépôts - sont des parties communes du bâtiment. Mais le chiffre II des conditions particulières du règlement confère la jouissance des deux dépôts a) et b) aux locaux industriels Nos 3.05 et 2.02. Tout en déclarant les dépôts litigieux parties communes, le règlement en réserve donc l'utilisation à des copropriétaires déterminés, à savoir les propriétaires des unités d'étage formées par les locaux industriels Nos 3.05 et 2.02. En soi, cette réglementation n'apparaît pas critiquable. Comme on l'a vu (cf. supra, let. b), il n'est pas exclu de prévoir des règles dérogatoires pour l'utilisation de certaines parties communes, notamment de réserver l'usage de celles-ci à certains des copropriétaires. Ces parties communes restent la copropriété de tous les propriétaires d'étages; seule leur utilisation à une fin déterminée, le cas échéant exclusive dans cette mesure, est réservée à certains d'entre eux, au besoin moyennant contre-prestation proportionnée à leur utilisation. Il n'y a dès lors
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pas de contradiction entre le caractère de parties communes des abris litigieux et la jouissance spéciale qui en est conférée à certains copropriétaires.
Quoi qu'il en soit, la question peut, en l'espèce, demeurer indécise. En effet, la recourante déclare expressément ne pas remettre en cause l'usage exclusif, qu'elle dit accepter; en revanche, elle estime que sa contrepartie doit lui revenir.
d) Les ventes des 10 juillet et 19 août 1987, 23 mars et 20 avril 1988 avaient pour objet le droit propre des vendeurs associés, à savoir leur part de copropriété ou une partie de celle-ci - respectivement 632/1000e et 74/1000e -, qui comprend, selon le règlement et ses annexes, la jouissance de parties communes comme dépôts. La part aliénée dans chacune de ces deux ventes comprend donc, dans sa valeur économique, l'usage de l'abri-dépôt correspondant; aussi bien, il ressort des deux actes de vente que le montant, de 97'600 francs, perçu en contrepartie du droit d'usage conféré, n'est qu'un élément du calcul du prix de vente global, de 11'600'000 francs pour la première vente et de 1'750'000 francs pour la seconde.
Il n'y a donc pas eu de changement dans la destination de la chose en copropriété, ni de modification des parts de copropriété, qui, le cas échéant, eussent nécessité le consentement des intéressés et l'approbation de l'assemblée des copropriétaires (
ATF 112 II 310
/311 consid. 3). La question de savoir si le droit d'usage exclusif conféré à certains copropriétaires appellerait une nouvelle répartition des frais communs (
art. 712h al. 3 CC
) n'est pas litigieuse.
En outre, contrairement à l'opinion de la recourante, il n'y a donc pas de différences entre les deux ventes: dans les deux cas, les associés disposaient de leurs droits; dès lors, il importe peu qu'il y ait eu, successivement, deux communautés différentes de copropriétaires. Quant au droit de jouissance sur les abris-dépôts, il n'est pas séparé de la vente proprement dite; il n'y a dès lors pas lieu d'en examiner la nature juridique. Enfin, peu importe une éventuelle contradiction entre le caractère de parties communes des abris litigieux et la jouissance "exclusive" qui en est conférée à certains copropriétaires; au demeurant, comme on l'a vu (cf. supra, let. c), une telle contradiction n'existe pas en l'espèce; l'octroi d'un droit d'usage exclusif sur les parties communes que constituent les abris-dépôts était déjà prévu dans le règlement.
Au vu de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.