Urteilskopf
116 II 436
81. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 24 septembre 1990 dans la cause MTE S.A. contre Omninut Handels GmbH (recours en réforme)
Regeste
Verzug des Verkäufers im kaufmännischen Verkehr.
Art. 107 und 190 OR
.
1. Bedingungen, unter denen der Käufer auf die gesetzliche Vermutung von
Art. 190 Abs. 1 OR
verzichten und Erfüllung des Vertrages verlangen kann (E. 1).
2. Vorgehen des Schuldners bei zu kurz bemessener Frist (
Art. 107 Abs. 1 OR
). Wann ist die Ansetzung einer Frist nicht erforderlich (
Art. 108 OR
) (E. 2).
3. Die Wahlerklärung nach
Art. 107 Abs. 2 OR
muss unverzüglich erfolgen (E. 3).
A la suite d'un paiement en nature, MTE S.A. s'est trouvée en possession de pistaches exportées d'Iran. Par contrat oral du 17 septembre 1985, Omninut Handels GmbH (ci-après: Omninut) a acheté à MTE S.A. 400 tonnes de pistaches, qualité 26/28 rond, au prix de 2'675 US$ dollars la tonne; pour les 300 premières tonnes, la marchandise était livrable à la fin octobre 1985 et pour les 100 tonnes suivantes à mi-novembre 1985. Omninut bénéficiait également d'une option d'achat pour 100 tonnes supplémentaires, même qualité, au prix de 2'625 US$ dollars la tonne, livrables en novembre/décembre 1985.
Par télex du 21 octobre 1985, Omninut a confirmé qu'elle exerçait l'option d'achat pour les 100 tonnes supplémentaires; elle a également demandé à MTE S.A. de lui préciser le jour de la livraison des 300 premières tonnes. Par télex du lendemain, MTE S.A. a répondu que la livraison, prévue initialement pour la fin octobre 1985, serait retardée d'un mois environ. Une semaine plus tard, Omninut a averti MTE S.A. des conséquences de son exécution tardive (différence de prix). Elle maintenait néanmoins le contrat tout en exigeant à nouveau la date exacte d'expédition des 300 tonnes de pistaches. Le 31 octobre 1985, MTE S.A. a invoqué la force majeure pour expliquer les retards dans la livraison.
Le 19 décembre 1985, Omninut a réclamé l'exécution du contrat selon les conditions stipulées le 17 septembre et fixé à MTE S.A. un ultime délai de livraison au 23 décembre 1985; si aucune livraison n'était effectuée à cette date, Omninut se verrait dans l'obligation de refuser toute exécution postérieure et d'exiger des dommages-intérêts pour cause d'inexécution. Par télex du 6 janvier 1986, Omninut a averti MTE S.A. que dorénavant elle refuserait l'exécution du contrat et intenterait une action en dommages et intérêts.
Le 15 avril 1986, Omninut a ouvert action en paiement de 1'176'325 francs contre MTE S.A., montant équivalant à la différence entre le prix convenu contractuellement et la valeur actuelle sur le marché des pistaches.
Par jugement du 8 juin 1989, le Tribunal de première instance de Genève a alloué l'entier de ses conclusions à Omninut.
BGE 116 II 436 S. 438
Statuant sur appel de MTE S.A., la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 23 mars 1990, annulé le jugement de première instance et, statuant à nouveau, a condamné MTE S.A. à verser à Omninut la somme de 367'500 US$ dollars, plus intérêts à 5% dès le 23 décembre 1985.
MTE S.A. interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au rejet de l'action.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
Extrait des considérants:
1.
Si, à l'instar d'ailleurs de la partie intimée, la recourante ne remet pas en cause l'application du droit suisse à la présente espèce, elle invoque, en revanche, une violation de l'
art. 107 CO
, aucun délai ne lui ayant été imparti pour fixer une date de livraison. Elle admet avoir été en demeure pour ne pas avoir fixé cette date, mais non pour n'avoir pas procédé à la livraison. En lui impartissant, le 19 décembre 1985, un délai pour livrer la marchandise au 23 décembre au plus tard et non pour obtenir une date de livraison, la demanderesse aurait "sauté les étapes contractuelles".
a) Il n'y a pas lieu de revenir en détail sur les principes régissant les conséquences du non-respect d'un délai de livraison dans la vente commerciale et dans la vente ordinaire, l'arrêt attaqué les exposant de manière complète. Aussi suffit-il de rappeler que, en matière de vente commerciale, le terme de livraison est présumé être un "Fixgeschäft". En vertu de l'
art. 190 al. 1 CO
, le vendeur est, à l'échéance du terme convenu, non seulement en demeure du débiteur, mais ipso jure en demeure "qualifiée" au sens de l'
art. 107 CO
, avec la particularité que l'
art. 190 al. 1 CO
crée une présomption légale en faveur de la renonciation à l'exécution et des dommages-intérêts pour cause d'inexécution. Mais, au lieu de bénéficier d'une telle présomption de renonciation à l'exécution, l'acheteur peut exiger l'exécution s'il le déclare immédiatement après l'échéance du terme d'exécution. Le "Fixgeschäft" est alors transformé en un "Mahngeschäft". L'acheteur renonce à attribuer un caractère essentiel au terme dont le contrat est assorti; l'
art. 190 CO
cesse donc de s'appliquer au marché, qui est ainsi soumis au régime commun des art. 107 à 109 CO. S'il désire des dommages-intérêts
BGE 116 II 436 S. 439
pour inexécution, l'acheteur qui maintient l'exigence de l'exécution doit fixer un délai supplémentaire à son débiteur et, immédiatement après l'échéance de ce délai, déclarer sa volonté de ne pas maintenir le contrat et de réclamer des dommages-intérêts positifs (cf. notamment CAVIN, in Traité de droit privé suisse VII/1, p. 48; STANISLAS, Le droit de résolution dans le contrat de vente, Genève 1979, p. 84).
b) En l'espèce, la recourante ne conteste pas qu'il s'agisse d'une vente commerciale.
Selon les faits retenus par la cour cantonale, à l'échéance du terme convenu au 29 octobre 1985, l'acheteur a informé la recourante des conséquences de son exécution tardive, tout en déclarant maintenir le contrat; comme il l'avait déjà fait auparavant, il a demandé à la venderesse de préciser la date à laquelle les 300 tonnes de pistaches seraient expédiées, cela à plusieurs reprises jusqu'au 12 décembre 1985. En droit, cela signifie que, au lieu de se mettre au bénéfice de la présomption de renonciation à l'exécution prévue à l'
art. 190 al. 1 CO
, l'acheteur a choisi d'exiger l'exécution. Il s'est ainsi soumis aux dispositions générales des art. 107 à 109 CO.
Contrairement à ce qu'elle soutient, la venderesse était, dès la fin octobre 1985, en demeure non pas de fixer simplement une date de livraison, mais de livrer; une interpellation particulière n'était pas nécessaire, la demeure résultant de la fixation du délai convenu à fin octobre 1985 ("dies interpellat pro homine";
art. 102 al. 2 CO
). La demeure étant encourue par la seule expiration du jour fixé, la demanderesse était obligée de fixer à la défenderesse un délai supplémentaire pour pouvoir exercer les droits consacrés par l'
art. 107 CO
(
ATF 51 II 326
consid. 2); elle avait, en effet, expressément déclaré qu'elle entendait recevoir la marchandise (
art. 109 al. 2 CO
), se soumettant ainsi aux art. 107 à 109 CO. En revanche, elle n'était nullement obligée de fixer au préalable un nouveau terme de livraison à la recourante ou de la mettre en demeure de lui indiquer une date de livraison; de telles opérations sont étrangères au système suisse relatif aux conséquences de l'inexécution des obligations.
Aussi la cour cantonale a-t-elle à juste titre considéré - même si elle ne l'a pas expressément relevé - que la demanderesse bénéficiait dès la fin octobre 1985 du droit de fixer à la recourante un délai convenable pour s'exécuter (
art. 107 CO
) et que, au terme
BGE 116 II 436 S. 440
de ce délai, elle pouvait renoncer à l'exécution et exiger le versement de dommages-intérêts.
Enfin - contrairement à ce que prétend la recourante -, la Cour de justice ne se met pas en contradiction avec les faits lorsqu'elle énonce que "à l'échéance de ce terme, Omninut déclara (comme elle l'avait annoncé préalablement) qu'elle renonçait à l'exécution du contrat". Elle n'a fait que constater l'option de la demanderesse à l'échéance de l'ultime délai d'exécution fixé au 23 décembre 1985 en application de l'
art. 107 CO
.
2.
A titre subsidiaire, la recourante fait valoir que la cour cantonale aurait également violé l'
art. 107 al. 1 CO
en considérant - implicitement - qu'un délai convenable pour s'exécuter lui aurait été imparti; le délai donné le 19 décembre 1985 (un jeudi) pour le 23 décembre 1985 (un lundi) étant en réalité de deux jours ouvrables, il n'était pas, dans les circonstances particulières, convenable au sens de la disposition précitée, cela même s'il a été prolongé "de facto" au 6 janvier 1986 (date de la résiliation du contrat par la demanderesse).
a) Lorsque le délai imparti est objectivement trop court, le débiteur n'a pas le droit de l'ignorer purement et simplement. Il doit protester et demander une prolongation à son cocontractant. S'il s'en abstient, il est censé agréer le délai fixé (
ATF 105 II 34
et les références). En outre, la conversion d'un délai trop court en un délai convenable n'a de sens que si le débiteur s'exécute dans le délai jugé convenable ou, en tout cas, s'il offre sérieusement de le faire dans un laps de temps pouvant être considéré comme convenable (même arrêt).
b) En l'espèce, il n'est pas nécessaire de déterminer si le délai fixé par la demanderesse était convenable. En effet, l'arrêt ne constate pas que la recourante a réagi à l'encontre du délai fixé et qu'elle en a demandé une prolongation, en indiquant la date à laquelle elle estimait pouvoir s'exécuter. L'absence d'une telle réaction de la part de la défenderesse permet de considérer soit que le délai fixé a été agréé, soit qu'il ne peut pas être invalidé.
En tout état de cause, l'attitude de la recourante fait même douter que la fixation d'un délai convenable ait été véritablement nécessaire. Alors que la demanderesse persistait dans son exigence ou son désir d'une exécution rapide, la défenderesse n'a cherché qu'à renégocier les prix; encore lors de l'entrevue du 19 décembre 1985, soit avant que la demanderesse ne fixe le délai d'exécution
BGE 116 II 436 S. 441
litigieux, elle a persisté à vouloir discuter les conditions de la vente. Un tel comportement permettait à la créancière de la prestation d'inférer que la fixation d'un délai resterait sans effet au sens de l'
art. 108 ch. 1 CO
.
3.
A supposer que le terme du délai soit convenable, la recourante soutient encore que la déclaration du créancier prévue à l'
art. 107 al. 2 CO
ne serait pas immédiate, dès lors qu'elle n'a été faite que le 6 janvier 1986.
Le moyen n'est pas fondé. La recourante perd, en effet, de vue que, lorsque la demanderesse a, le 19 décembre 1985, fixé un ultime délai au 23 décembre 1985, elle a indiqué que "si aucune livraison n'a été effectuée à cette date, (elle) se verrait dans l'obligation de refuser toute exécution postérieure et d'exiger des dommages-intérêts 'pour cause' d'inexécution". Or, bien que cela ne soit pas nécessaire, il est parfaitement loisible au créancier d'annoncer au débiteur, au stade de la fixation du délai, quel parti il prendra si l'exécution n'a pas lieu (cf. notamment ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, p. 492;
ATF 86 II 235
et les arrêts cités). Un tel procédé est donc conforme à l'exigence d'immédiateté de l'option prévue à l'
art. 107 al. 2 CO
, de sorte que le choix de la demanderesse est intervenu à temps.