Urteilskopf
116 IV 19
5. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 26 mars 1990 dans la cause Ministère public du canton de Neuchâtel contre B. et A. (pourvoi en nullité)
Regeste
Art. 128 StGB
; Unterlassen der Nothilfe.
Die Rüge, es sei zu Unrecht kantonales statt eidgenössisches Recht angewendet worden, ist im Verfahren der eidgenössischen Nichtigkeitsbeschwerde zulässig (E. 1).
Mit dem Inkrafttreten des neuen
Art. 128 StGB
haben die Kantone jegliche Gesetzgebungskompetenz in diesem Bereich verloren (E. 3).
A.-
Dans la nuit du 28 au 29 juin 1989, A., B. et Z. se sont retrouvés au bord du lac de Neuchâtel, à Cortaillod, pour y boire de la bière. A un moment donné, B. et Z. ont grimpé dans un arbre. Alors qu'il se trouvait à environ 11 m 50 du sol, Z. est tombé à terre. A. et B. ont constaté que Z. saignait du nez et était sans connaissance. Peu après, ils se sont endormis. A. est rentré chez lui vers 4 heures, tandis que B. a regagné son domicile à une heure indéterminée.
Découvert par un passant, Z. a été transporté à l'hôpital à Neuchâtel, où il est décédé des suites de ses blessures, le 5 juillet 1989, sans avoir repris connaissance.
B.-
Le 29 novembre 1989, le Tribunal de police du district de Boudry a condamné A. à une peine de 7 jours d'arrêts avec sursis durant un an et 120 francs d'amende, et B. à 120 francs d'amende pour différentes infractions. Estimant que les deux
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prévenus n'avaient pas fait preuve d'imprévoyance coupable, le Tribunal n'a toutefois pas fait application de l'art. 9 du code pénal neuchâtelois (ci-après: CPN), réprimant l'obligation de porter secours.
Le Ministère public neuchâtelois a recouru contre ce jugement, estimant que A. et B. avaient enfreint l'art. 9 CPN par négligence.
Le 29 janvier 1990, la Cour de cassation pénale neuchâteloise a rejeté le recours du Ministère public, estimant que depuis le 1er janvier 1990, un tel acte n'était répréhensible ni en vertu du code pénal suisse ni en application de la législation pénale cantonale accessoire.
C.-
Le Ministère public s'est, en temps utile, pourvu en nullité auprès du Tribunal fédéral. Il conclut, sous suite des frais, à la cassation de l'arrêt attaqué.
D.-
La cour cantonale a déclaré n'avoir pas d'observations à formuler. Au surplus, il n'a pas été demandé d'observations.
Extrait des considérants:
1.
La première question qui se pose est celle de la recevabilité du pourvoi en nullité. En effet, le recourant invoque une violation de l'
art. 335 ch. 1 CP
alors que, dans la procédure cantonale, il demandait l'application d'une disposition de droit cantonal, à savoir l'art. 9 CPN. Or le pourvoi en nullité au Tribunal fédéral n'est recevable que pour violation du droit fédéral (
art. 268 ch. 1 PPF
).
L'autorité cantonale a fondé sa décision sur l'
art. 335 ch. 1 CP
, lequel confère aux cantons le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police. Relevant que l'absence d'incrimination d'un fait par le code pénal peut signifier que le législateur a voulu en assurer l'impunité, elle a jugé que l'entrée en vigueur de l'
art. 128 CP
dans sa nouvelle teneur a fait perdre aux cantons leur compétence législative en matière d'obligation générale de porter secours en cas d'urgence et a prononcé l'acquittement des recourants. L'autorité cantonale a donc appliqué l'
art. 335 CP
, de sorte qu'il s'agit bien d'un jugement fondé sur le droit fédéral qui épuise l'instance au sens de l'
art. 268 ch. 1 PPF
.
Le grief selon lequel le droit cantonal a été appliqué à tort en lieu et place du droit fédéral est recevable dans un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. La Cour de cassation est en particulier habilitée à examiner si la répression d'un comportement non visé par
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le droit fédéral peut être laissée au canton (
ATF 104 IV 290
consid. 2 et les arrêts cités).
2.
Il y a en outre lieu de relever, à titre préalable, que le recourant ne conteste, avec raison, pas le fait que la Cour cantonale ait appliqué l'
art. 128 CP
dans sa nouvelle version. En effet, l'appréciation qu'elle a ainsi faite de sa propre compétence au regard du droit cantonal était d'une part tout à fait conforme à la jurisprudence citée et n'était, au demeurant, pas susceptible d'être attaquée par la voie du pourvoi en nullité.
3.
L'
art. 335 ch. 1 CP
réserve le pouvoir des cantons de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale (al. 1). Il les autorise en outre à édicter des peines pour les contraventions aux prescriptions cantonales d'administration et de procédure (al. 2).
Selon la jurisprudence, il ne suffit pas, pour que les cantons soient en droit de sanctionner un acte à titre de contravention, que celui-ci ne soit pas réprimé par une disposition du droit fédéral. En effet, si un comportement échappe aux prévisions du code pénal ou du droit pénal fédéral, cela peut signifier qu'il doit rester impuni. Tel est le cas lorsque la loi règle les atteintes à un bien juridiquement protégé par un ensemble complet de prescriptions. En revanche, si le code pénal - ou le droit pénal fédéral - laisse de côté tout un domaine du droit pénal, ou s'il ne sanctionne que certains comportements, abandonnant à chaque canton la liberté de réprimer ou de laisser impuni tel ou tel acte, pour tenir compte des différences régionales, alors il y a place pour des prescriptions cantonales relatives aux contraventions (
ATF 104 IV 290
, consid. 3 et les arrêts cités).
Dans son exposé intitulé "Le droit pénal réservé aux cantons par l'art. 335 du Code pénal suisse", publié dans la ZSR 1939 p. 55a ss, PANCHAUD relève (p. 72a s.) que tout le droit pénal commun est fédéral et que par conséquent les délits contre la vie et l'intégrité corporelle, qui sont nettement de droit commun, sont soustraits à la compétence législative des cantons. Selon lui, à l'égard de ces délits, la force dérogatoire du droit fédéral est complète. Elle sera aussi bien positive que négative. Autrement dit, si le législateur fédéral punit un fait, le législateur cantonal ne peut punir le même fait. Mais si le législateur fédéral laisse un fait impuni, le législateur cantonal n'a pas la faculté d'en introduire la répression. C'est ce que les auteurs ont appelé le silence qualifié (qualifiziertes Schweigen). On peut citer aussi à ce sujet HAFTER,
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(Das eidgenössische Strafrecht und die Vorbehalte zu Gunsten der Kantone im Sinne des Art. 335 des Schweizerischen Strafgesetzbuches, ZSR 1939, p. 1a ss, notamment p. 17a, 45a et 53a ch. 3).
L'art. 9 CPN a une teneur semblable à celle de l'
art. 128 CP
dans sa nouvelle version entrée en vigueur le 1er janvier 1990. Contrairement à l'
art. 128 CP
ancienne teneur, tous deux prévoient en effet une généralisation de la répression de l'omission de prêter secours. Ainsi, alors que dans l'ancien texte l'obligation de prêter secours ne s'appliquait qu'à l'égard d'une personne blessée par l'auteur lui-même, la nouvelle version de l'
art. 128 CP
ne mentionne pas que la personne blessée par l'auteur lui-même, mais également toute personne en danger de mort imminent. Le texte neuchâtelois parle de manière générale de personne en détresse, sans préciser par qui elle aurait été mise dans cet état.
La Cour de cassation pénale neuchâteloise avait effectivement, le 20 novembre 1984, c'est-à-dire sous l'empire de l'ancien
art. 128 CP
, rendu un arrêt dans lequel elle disait, à juste titre, que l'omission de porter secours n'était pas réprimée comme telle par le code pénal suisse. Elle relevait les raisons pour lesquelles cette infraction avait été abandonnée dans le projet définitif alors qu'elle figurait dans les différents avant-projets du code pénal. Il s'agissait de motifs d'ordre politique et non juridique, tendant à éviter un référendum pour des questions de fédéralisme. La situation s'est évidemment trouvée modifiée dès l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1990, du nouvel article 128 CP précité.
Dans les considérants de l'arrêt attaqué, l'autorité cantonale cite avec raison le message du Conseil fédéral (FF 1985 II p. 1021 ss) selon lequel il existe bien une obligation générale de porter secours, comme cela est prévu dans plusieurs pays voisins et par le droit de police de certains cantons. Or, la doctrine récente paraît unanime à admettre que l'introduction du nouvel
art. 128 CP
fait perdre aux cantons toute compétence législative à ce sujet. Selon HURTADO POZO, Droit pénal, Partie spéciale I p. 163, cité dans l'arrêt attaqué, les cantons gardent leur compétence dans ce domaine aussi longtemps qu'une disposition du type du nouvel
art. 128 CP
ne sera pas insérée dans le code. TRECHSEL, également cité dans l'arrêt attaqué, déclare expressément qu'après l'entrée en vigueur de la révision, il n'y a plus place pour l'application du droit cantonal (n. 9 ad art. 128). SCHUBARTH, dans son commentaire sur le code pénal, Bes. Teil I, relève (n. 42 ad art. 128) que par l'introduction de la nouvelle disposition on obtiendrait une réglementation
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unique de la matière sur le plan fédéral. Les mêmes conclusions peuvent être tirées de l'exposé d'ULLRICH (Strafrechtlich sanktionierte Hilfeleistungspflichten in der Schweiz, thèse Berne 1980, p. 75). REHBERG (Strafrecht III p. 25 n. 2.4) parle d'une obligation de porter secours générale au niveau fédéral.
Il en ressort que l'intention du législateur ne fait aucun doute, même si le message précité du Conseil fédéral n'évoque pas expressément cette conséquence. Il y a lieu de relever de surcroît que l'infraction prévue par le nouvel
art. 128 CP
, laquelle peut être sanctionnée par une peine d'emprisonnement, est, conformément à l'
art. 18 al. 1 CP
, un délit intentionnel, passible de peines plus lourdes que celles prévues par les dispositions cantonales qui ne pouvaient être que des contraventions de police. Cet élément concourt également à faire admettre que le législateur fédéral n'a pas entendu laisser aux cantons la liberté d'édicter dans ce domaine des dispositions plus strictes dans le sens qu'elles permettraient de réprimer également le même délit lorsqu'il a été commis par négligence. Le fait que le texte de l'art. 9 CPN soit très proche de l'
art. 128 CP
nouveau nous amène dès lors à admettre qu'il n'est plus applicable depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle disposition fédérale. Le pourvoi du Ministère public doit donc être rejeté.