Urteilskopf
117 Ib 101
14. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 15 août 1991 dans la cause Léon et Anne-Marie Mornod contre Société de tir "L'Arquebuse" et Conseil d'Etat du canton de Fribourg (recours de droit administratif)
Regeste
Ausnahmebewilligung gemäss
Art. 24 RPG
für den Ausbau eines Schiessstands; Einhaltung der Anforderungen der bundesrechtlichen Gesetzgebung im Bereiche des Umweltschutzes (LSV) und des Naturschutzes (
Art. 18 ff. NHG
).
Der Einbau einer elektronischen Trefferanzeige und die Verbesserung der sanitären Einrichtungen in einem alten Schiessstand sind Modernisierungsarbeiten, die eine wesentliche Änderung im Sinne des
Art. 8 LSV
darstellen. Im kantonalen Verfahren wurden keine Untersuchungen über die zulässige Lärmbelastung durchgeführt. Auch eine gewissenhafte Abwägung der vorhandenen Interessen fehlt, obschon der Schiessstand sich in einer geschützten Landschaft befindet. Gutheissung der Beschwerde, da der rechtserhebliche Sachverhalt unvollständig festgestellt wurde (
Art. 104 lit. b OG
) (Erw. 3 und 4).
Les époux Léon et Anne-Marie Mornod sont propriétaires sur le territoire de la commune d'Echarlens, au sud-ouest de la tourbière, de la parcelle No 6036, bâtie d'une maison familiale. Sur la parcelle voisine No 6034, propriété de la commune, se trouve, à quelque 280 m de la villa Mornod, le stand de tir exploité par la société de tir privée "L'Arquebuse" d'Echarlens. Ce stand existe depuis 1908, le bâtiment actuel datant de 1963/1964. Il ne sert pas seulement aux tireurs de la commune d'Echarlens, mais aussi à ceux des communes de Marsens, Morlon et Riaz.
Le 22 février 1989, la société de tir "L'Arquebuse" a déposé une demande de permis de construire pour le raccordement du stand et de la ciblerie aux réseaux d'électricité et d'eau, et pour la pose d'une fosse étanche à vidanger. Le raccordement en électricité devait permettre à la société d'installer un système électronique pour le marquage des touchés. Les époux Mornod se sont opposés à ce projet, en invoquant que le stand de tir ne remplissait pas les exigences minima requises par l'ordonnance fédérale du 15 décembre 1986 sur la protection contre le bruit (OPB), et qu'il était impératif d'éviter de rendre plus difficile encore, voire impossible, l'adaptation de cette installation aux exigences fédérales; en outre, une atteinte serait irrémédiablement portée au biotope protégé constitué par la tourbière d'Echarlens. Le 26 avril 1990, la Direction des travaux publics du canton de Fribourg délivra à la société requérante une autorisation spéciale au sens de l'art. 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT), le stand de tir étant situé à l'extérieur des zones à bâtir communales, en zone de protection naturelle. Le stand fait par
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ailleurs partie d'un site de protection intégrale, absolue et obligatoire, selon l'inventaire des sites naturels du canton de Fribourg (objet No 91) et, actuellement, il figure à l'inventaire fédéral des hauts-marais et des marais de transition d'importance nationale (cf. ordonnance sur les hauts-marais du 21 janvier 1991, annexe 1, No 67).
Saisi d'un recours des époux Mornod contre la décision de la Direction des travaux publics du 26 avril 1990, le Conseil d'Etat l'a rejeté par arrêté du 21 août 1990. Agissant par la voie du recours de droit administratif, les époux Mornod ont fait valoir devant le Tribunal fédéral que cette décision violait le droit de l'aménagement du territoire, en particulier l'
art. 24 LAT
, le droit de l'environnement, notamment les art. 16 à 18 LPE, 8 et 13 ss OPB, ainsi que les dispositions sur la protection des biotopes (
art. 18 ss LPN
). En cours de procédure, le 8 novembre 1990, la société de tir a déposé un rapport de l'Officier fédéral de tir du 5e arrondissement sur l'intensité du bruit du stand de tir d'Echarlens. Selon ce rapport, les mesures effectuées à la villa Mornod, conformément à l'annexe 7 de l'OPB, donnaient un résultat de 67,32 décibels (dB). Les recourants faisaient état, eux, de valeurs plus élevées (90 dB). En outre, le rapport de l'Officier fédéral de tir parlait d'un degré de sensibilité III (avec un point d'interrogation et la mention "décision du Conseil communal"), alors que les recourants se référaient au degré de sensibilité I. L'arrêté attaqué ne parlait, lui, ni de mesures d'intensité du bruit, ni de degrés de sensibilité. Le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêté attaqué et renvoyé la cause à la Direction des travaux publics pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Extrait des considérants:
3.
Les autorités cantonales partent visiblement de l'idée que les travaux d'aménagement autorisés ne tendant qu'à améliorer une situation déjà existante, l'autorisation peut être accordée sans problème tant au regard de l'
art. 24 al. 2 LAT
que des dispositions d'assainissement de la LPE. Pareille conclusion présuppose cependant l'établissement des valeurs actuelles d'exposition au bruit et une analyse de toutes les conséquences des travaux projetés. Une installation automatique pour le marquage des touchés accroît l'efficacité d'un stand. Pour évaluer le bruit d'une
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installation de tir, il y a lieu de déterminer l'intensité d'utilisation de cette installation au cours des trois années précédentes (ch. 32 al. 3 de l'annexe 7 à l'OPB) et la nature des tirs effectués (tirs obligatoires ou exercices volontaires subventionnés par la Confédération et également tirs de compétition). La détermination des valeurs admissibles d'exposition au bruit présuppose en outre la fixation des degrés de sensibilité au sens de l'
art. 43 OPB
(cf.
ATF 117 Ib 20
ss).
En l'espèce, de telles investigations n'ont pas du tout été faites en procédure cantonale. Ce n'est que devant le Tribunal fédéral que des indications ont été apportées quant à la nature et au nombre des séances de tir et qu'un calcul du bruit du stand par l'Officier fédéral de tir a été produit, dont les recourants contestent d'ailleurs l'exactitude. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de procéder, pour ainsi dire en première instance, à l'établissement correct des faits pertinents, ce d'autant moins qu'il doit faire preuve de retenue dans l'appréciation des circonstances locales. Les recourants ont par ailleurs fait valoir, en instance cantonale déjà, qu'en 1983 la société de tir intimée avait aménagé une place de parc sans autorisation. Dans sa détermination du 3 mai 1991, le Conseil d'Etat admet qu'il en a bien été ainsi. Des éclaircissements à cet égard auraient néanmoins dû être apportés également en procédure cantonale. S'il était vrai que, sous l'empire de la LAT, une place de parc avait bel et bien été aménagée sans autorisation en zone de protection - ce qui est en principe inadmissible (cf.
ATF 115 Ib 508
) - la question de l'autorisation selon l'
art. 24 LAT
se devait alors d'être élucidée en tout cas au moment de la demande de modernisation ultérieure. Toutes ces insuffisances dans les constatations de fait commandent, à elles seules déjà, d'admettre le recours.
4.
Sur le fond, il faut constater tout d'abord que les travaux de modernisation d'un ancien stand de tir, qu'on dote d'un système électronique de marquage des touchés et dont on améliore les installations sanitaires, constituent une modification notable au sens de l'
art. 8 OPB
; à plus forte raison, si la place de parc en zone de protection devait être autorisée après coup. On note en outre, s'agissant du problème de la protection des hauts-marais, que l'arrêté attaqué omet de peser consciencieusement les intérêts en présence. Le Conseil d'Etat se réfère simplement à la prise de position favorable de la Commission cantonale pour la protection de la nature et du paysage, qui n'est arrivée à ce pronostic positif
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qu'après reconsidération d'un premier préavis négatif. On relève enfin que pour pouvoir autoriser les modifications sollicitées, il faut encore fixer, au cours d'une procédure irréprochable, les degrés de sensibilité au sens de l'
art. 43 OPB
(cf.
ATF 117 Ib 20
ss). L'omission d'une telle opération en l'espèce ne peut conduire, elle aussi, qu'à l'admission du recours.
S'il devait résulter des mesures d'instruction complémentaires qu'il faille accorder, au terme d'une pesée correcte des intérêts en présence, l'autorisation exceptionnelle requise, celle-ci devrait être assortie des charges et conditions nécessaires, qu'il conviendrait d'énoncer avec précision. A cet égard, les réserves générales formulées par la Direction des travaux publics ne sont pas suffisantes. Il faudrait bien plutôt fixer impérativement le nombre maximum admissible de demi-journées de tir, tout en veillant à ce que les valeurs limites d'immission ne puissent pas être dépassées, si les installations devaient aussi être utilisées pour du tir de compétition (cf.
ATF 117 Ib 20
ss).