Urteilskopf
117 II 68
15. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 15 janvier 1991 dans la cause Brasserie X. contre G. et I. (recours en réforme)
Regeste
Übernahme eines Geschäftes mit Aktiven und Passiven; vorzeitige Befreiung des Zedenten.
Da
Art. 181 Abs. 2 OR
insoweit dispositiver Natur ist, kann ein Gläubiger den früheren Schuldner vor dem Ablauf der zweijährigen Verjährungsfrist oder sogar schon vor der Entstehung der Forderung von der Schuld befreien. Die Befreiung des Zedenten beruht diesfalls auf einem Erlassvertrag im Sinne von
Art. 115 OR
.
A.-
Le 11 février 1982, I., tenancier d'un café à Morges, a conclu, avec la Brasserie X. (ci-après: la société), un contrat par lequel il s'engageait à s'approvisionner exclusivement auprès d'elle, durant quinze ans, pour ses achats de bière, en contrepartie de la mise à sa disposition, à titre de prêt d'usage, d'un comptoir notamment. En cas de transfert de l'établissement à un tiers, I. devait faire reprendre cette obligation par son successeur, faute de quoi il répondrait également des actes de celui-ci (art. 7 du contrat).
B.-
Le 30 novembre 1985, I. a remis le café à G. Le contrat de cession, signé par les parties le 14 septembre 1985, prévoyait le transfert de toutes les charges et obligations à la date de la reprise du commerce, pour autant qu'elles aient été portées à la connaissance de l'acheteur. G. a effectivement eu connaissance du contrat liant I. à la société. Par lettre recommandée du 4 décembre 1985, il l'a dénoncé après avoir passé une convention du même type avec une autre brasserie. Mis en demeure, par la suite, de respecter ses engagements, sous peine de se voir réclamer des dommages-intérêts pour cause d'inexécution, il a refusé d'obtempérer.
C.-
Le 13 mars 1986, la société a assigné I. et G., pris solidairement, en paiement de 92'209 francs, plus intérêts.
Par jugement du 2 novembre 1989, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a libéré I. des fins de la demande et reconnu G. débiteur de la demanderesse de la somme de 34'639 fr. 90 en capital.
D.-
La demanderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Le défendeur G. en fait de même. La première conclut à la condamnation solidaire des deux défendeurs au paiement de 84'209 fr. 04, plus intérêts. Le second reprend les conclusions libératoires qu'il avait formulées devant la cour cantonale.
Le défendeur I. conclut au rejet des deux recours et, subsidiairement, à ce que G. soit condamné à le relever s'il devait être reconnu débiteur solidaire de la demanderesse.
Le Tribunal fédéral rejette les deux recours, dans la mesure où ils sont recevables, et confirme le jugement attaqué.
Extrait des considérants:
3.
La demanderesse reproche, en premier lieu, à la Cour civile d'avoir violé le droit fédéral en considérant que les parties à la convention du 11 février 1982 avaient dérogé à l'art. 181 al. 2 CO au profit du défendeur I. Dans sa réponse, le défendeur G. lui emboîte le pas.
a) Celui qui, à l'instar du défendeur G., acquiert une entreprise avec actif et passif devient responsable des dettes envers les créanciers, dès que l'acquisition a été portée par lui à leur connaissance ou qu'il l'a publiée dans les journaux (art. 181 al. 1 CO). Toutefois, en vertu du deuxième alinéa de cette disposition, l'ancien débiteur reste solidairement obligé pendant deux ans avec le nouveau. Cela étant, rien n'empêche un créancier de convenir avec un futur
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cédant qu'il ne le tiendra pas, à certaines conditions, pour responsable solidaire des dettes de celui qui acquerra son entreprise avec actif et passif. Sous cet angle, l'art. 181 al. 2 CO est de droit dispositif. Le créancier peut libérer l'ancien débiteur avant l'expiration du délai de deux ans. La libération du cédant résulte alors d'une remise conventionnelle au sens de l'art. 115 CO, laquelle peut intervenir même avant que la créance ait pris naissance.
b) L'art. 7 du contrat du 11 février 1982 liant le défendeur I. à la demanderesse énonce ce qui suit:
"Si l'établissement exploité par le client est transféré pour une raison
quelconque à un tiers, soit à titre de propriété, soit à titre de gérance,
le client signataire du présent contrat répond de ce que les obligations
en résultant soient transférées à son successeur.
Si cette obligation de transfert n'est pas respectée, il répond aussi
pour les actes de ses successeurs."
Ce texte est clair, de sorte qu'il n'y pas lieu d'en dénaturer le sens par la recherche d'une interprétation fondée sur des éléments extrinsèques (ATF 111 II 287 consid. 2). Il en ressort nettement que la seule responsabilité assumée par le défendeur I. était d'imposer à son successeur la reprise des obligations découlant du contrat passé avec la demanderesse, soit, au premier chef, l'engagement de s'approvisionner exclusivement auprès de celle-ci pour l'ensemble de ses achats de bière. La demanderesse croit pouvoir étendre la responsabilité du cédant à l'inexécution du contrat par son successeur, sur le vu des termes suivants, extraits de la seconde phrase de l'article cité: "il répond aussi pour les actes de ses successeurs". Mais, pour arriver à cette conclusion, elle fait abstraction du début de la phrase ("Si cette obligation de transfert n'est pas respectée") et en dénature donc le sens. En réalité, par l'article litigieux, la demanderesse entendait, de toute évidence, attirer l'attention de son client sur le devoir qui lui incombait, en cas de remise de son établissement, de faire en sorte que l'acquéreur reprenne les obligations dérivant du contrat du 11 février 1982. Or, la responsabilité du reprenant pour les dettes afférentes à l'entreprise cédée découle déjà de la loi (art. 181 al. 1 CO). En précisant, dans la seconde phrase de l'art. 7, que, si l'obligation de transfert n'était pas respectée, le client répondrait aussi pour les actes de ses successeurs, la demanderesse admettait donc, a contrario, que le client qui satisferait à cette exigence serait libéré de toute responsabilité, en particulier de celle qu'institue l'art. 181 al. 2 CO, partant qu'il
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ne resterait pas solidairement obligé pendant deux ans avec le reprenant.
C'est, dès lors, à juste titre que la cour cantonale a vu, dans la clause susmentionnée, une remise de dette conventionnelle, stipulée d'avance et soumise à une condition. Il est admis, de part et d'autre, que la condition s'est accomplie. Par conséquent, les juges précédents n'ont pas violé le droit fédéral en libérant le défendeur I. des fins de la demande. Le premier moyen de la demanderesse doit ainsi être rejeté, de même que la conclusion subsidiaire du défendeur G. tendant à ce que I. le relève de la condamnation qui a été prononcée contre lui.