Urteilskopf
117 V 160
18. Arrêt du 22 août 1991 dans la cause V. contre Fondation paritaire de prévoyance de l'artisanat, du commerce, de l'industrie et des métiers et Tribunal des assurances du canton de Vaud
Regeste
Art. 30 Abs. 2 lit. b BVG
, Art. 331c Abs. 4 lit. b Ziff. 2 OR, Art. 7 Abs. 2 lit. b Ziff. 2 Verordnung über die Erhaltung des Vorsorgeschutzes und die Freizügigkeit: Anspruch auf Barauszahlung der Freizügigkeitsleistung.
- Die gesetzlichen und reglementarischen Bestimmungen über die Barauszahlung einer Freizügigkeitsleistung an einen Arbeitnehmer, der eine selbständige Erwerbstätigkeit aufnimmt, sind nicht anwendbar, wenn ein freiwillig versicherter Selbständigerwerbender die Vorsorgeeinrichtung verlässt und die Barauszahlung dieser Leistung verlangt (Erw. 2b).
- Es besteht keine gesetzliche Einschränkung des Rechts eines freiwillig versicherten Selbständigerwerbenden, die Barauszahlung seiner Freizügigkeitsleistung zu verlangen, wenn er die Versicherung bei einer Vorsorgeeinrichtung beendet (Erw. 2c).
A.-
Raymond V., né en 1945, a exercé depuis le 1er mai 1985 une activité lucrative indépendante, d'abord en qualité de dessinateur puis d'architecte. A ce titre, il est inscrit au registre du commerce en raison individuelle depuis le 19 mai 1987. Jusqu'au 30 juin 1988, il était affilié en qualité d'indépendant et à titre facultatif à la Fondation autonome de prévoyance des ingénieurs et des architectes vaudois (ci-après: la FAPIAV). En outre, il travaillait en qualité de maître auxiliaire à l'Ecole professionnelle de la Société industrielle et commerciale (ci-après: l'EPSIC), à raison de dix heures de cours par semaine durant l'année scolaire 1987/88 et était, à ce titre, affilié à la Fondation paritaire de prévoyance de l'artisanat, du commerce, de l'industrie et des métiers (ci-après: la PREVACIM) depuis le 3 août 1987.
Le 2 mars 1988, Raymond V. a fait part de sa démission à la FAPIAV. A la demande du prénommé, celle-ci a transféré à la PREVACIM la prestation de libre passage à laquelle avait droit son assuré au 30 juin 1988 et qui s'élevait à 28'298 fr. 45.
Au mois de janvier 1990, Raymond V. a posé sa candidature à un poste d'enseignant à l'EPSIC, mais celle-ci l'a informé, par lettre du 12 février 1990, que son offre de services n'avait pas été retenue. Depuis lors, son activité d'enseignant s'est réduite à une demi-journée par semaine.
Le 22 février 1990, l'assuré s'est adressé à la PREVACIM pour demander à "bénéficier de la prestation de libre passage". Son activité à l'EPSIC s'étant considérablement réduite, il alléguait être "libéré de l'obligation de cotiser à un plan de prévoyance". Par lettre du 28 février suivant, la PREVACIM a informé Raymond V. qu'aux termes de son règlement seule la personne "qui s'établit" à son propre compte peut obtenir le versement en espèces de la prestation de libre passage lui revenant; dans la mesure où le prénommé était déjà indépendant auparavant et n'avait cotisé à la FAPIAV que de manière facultative, il ne pouvait donc pas bénéficier de cette mesure. En conséquence, la PREVACIM se déclarait disposée à transférer, à titre de prestation de libre passage exigible au 31 décembre 1989, la somme de 31'169 fr. 90, plus les intérêts courus, sur un compte de libre passage ouvert dans l'établissement bancaire que désignerait Raymond V.
Celui-ci ayant manifesté son désaccord avec cette prise de position, la PREVACIM a rendu, le 13 mars 1990, une "décision" par laquelle elle confirmait son point de vue, en invoquant notamment un exposé de l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après: l'OFAS) publié dans le bulletin de la prévoyance professionnelle édité par cet office.
B.-
Raymond V. a saisi le Tribunal des assurances du canton de Vaud d'un "recours" (recte: d'une action), en concluant à ce qu'il soit constaté que son obligation de cotiser auprès d'une caisse de prévoyance s'était éteinte au mois de septembre 1988 et, implicitement, au paiement en espèces de la prestation de libre passage due par la PREVACIM.
Par jugement du 18 juin 1990, la juridiction cantonale a rejeté la demande au motif que seul un changement d'activité professionnelle - ou une "modification fondamentale" de l'activité lucrative indépendante - permettrait le versement en espèces de la prestation de libre passage à un indépendant ayant cotisé à titre facultatif à une institution de prévoyance.
C.-
Raymond V. interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Il conclut à l'annulation ou à la réforme du jugement entrepris et à ce que "ordre (soit) donné à la PREVACIM de faire toutes démarches utiles en vue de libérer en espèces la prestation de libre passage, soit le montant, au 31 décembre 1989, de 31'169 fr. 90 plus intérêts".
La PREVACIM s'abstient de formuler des conclusions, tandis qu'au terme d'un long préavis l'OFAS ne fait pas de proposition précise, mais penche plutôt pour un rejet du recours.
Considérant en droit:
2.
a) D'après l'
art. 30 al. 2 let. b LPP
, la prestation de libre passage est payée en espèces lorsque la demande en est faite par un ayant droit qui s'établit à son propre compte et cesse d'être soumis à l'assurance obligatoire. Selon l'art. 331c al. 4 let. b ch. 2 CO, l'institution de prévoyance qui est débitrice d'un travailleur en vertu des
art. 331a ou 331b CO
est tenue de s'acquitter de son obligation par un versement en espèces lorsque la demande en est faite par un travailleur qui s'établit à son propre compte. Quant à l'art. 7 al. 2 let. b ch. 2 de l'ordonnance du Conseil fédéral sur le maintien de la prévoyance et le libre
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passage du 12 novembre 1986, il dispose que le capital de prévoyance ne peut faire l'objet d'un versement anticipé que lorsque la demande en est faite par un preneur de prévoyance qui s'établit à son propre compte et n'est pas soumis à l'assurance obligatoire.
En l'espèce, l'art. 25 ch. 2 let. b du règlement de la PREVACIM est conforme à ces dispositions légales.
b) Le point de vue de la fondation intimée et des premiers juges repose essentiellement sur un avis de l'OFAS concernant le versement en espèces de la prestation de libre passage lorsqu'un indépendant dénonce son assurance facultative (RCC 1989 p. 151 ss). Selon l'autorité fédérale de surveillance, si l'on autorisait un indépendant affilié à une institution de prévoyance à titre facultatif (cf.
art. 4 et 44 LPP
) à requérir le versement en espèces de la prestation de libre passage au motif qu'il démissionne de l'institution de prévoyance, on créerait une inégalité de traitement par rapport au salarié. Pour bénéficier de cette mesure, celui-ci doit en effet entreprendre une activité lucrative indépendante, "ce qui implique pour lui une certaine adaptation". C'est pourquoi, toujours selon l'OFAS, le versement en espèces de la prestation de libre passage à un indépendant qui démissionne d'une institution de prévoyance ne peut intervenir qu'à la condition que "sa situation économique s'apparente à celle d'un salarié qui s'établit à son compte". Or, une telle situation "ne se présente que lorsque l'assuré exerce une activité lucrative indépendante qui n'a plus aucun lien avec celle qu'il a exercée jusqu'alors", ce qui serait généralement le cas lorsque l'assuré change de branche d'activité.
Cette théorie - indépendamment du fait qu'elle entraînerait des difficultés d'application considérables - se fonde sur une interprétation erronée de la loi. En effet, la LPP distingue clairement deux catégories d'assurés: les salariés (Arbeitnehmer) et les indépendants (Selbständigerwerbende) ou "les personnes de condition indépendante" (
art. 34quater al. 3 let
. d Cst.). Or, ce qui caractérise l'indépendant, dans cette acception, c'est précisément le fait qu'il exerce une activité lucrative à son propre compte et non pour le compte d'un employeur (JAAC 51/1987 N 16 p. 100 ss; BRÜHWILER, Die betriebliche Personalvorsorge in der Schweiz, p. 287 ss; v. aussi SZS 1989 p. 280). Dès lors, à la rigueur du droit, un indépendant affilié à une institution de prévoyance, que ce soit à titre obligatoire (
art. 3 LPP
) ou facultatif (
art. 4 al. 1 LPP
), ne peut jamais se trouver dans la situation envisagée par les dispositions légales et réglementaires exposées au consid. 2a puisque, par
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définition, il est déjà établi à son propre compte lorsqu'il s'affilie à une institution de prévoyance. Au demeurant, si la personne pouvant - aux conditions fixées par la loi - prétendre le paiement en espèces de la prestation de libre passage est désignée à l'
art. 30 LPP
comme l'"ayant droit", l'
art. 331c al. 4 CO
utilise l'expression "travailleur" dont le sens, rapporté au contexte, à savoir la réglementation du contrat de travail, est parfaitement clair et ne saurait viser les personnes de condition indépendante.
Cela étant, et contrairement à l'avis de l'OFAS et des juges cantonaux, le problème posé par la demande de l'indépendant affilié à une institution de prévoyance, qui démissionne de celle-ci et souhaite obtenir le versement en espèces de la prestation de libre passage, ne peut être résolu par le recours à une quelconque analogie entre le salarié qui s'établit à son compte et l'indépendant qui change d'activité. Il faut bien plutôt constater que les dispositions légales et réglementaires précitées sont inapplicables dans un tel cas, même par analogie.
c) Lorsqu'un indépendant met fin au rapport de prévoyance avant la survenance d'un cas d'assurance, le besoin de protection sociale qui est à l'origine des restrictions au droit des assurés de disposer du montant de la prestation de libre passage sous la forme d'un paiement en espèces, à savoir une stricte garantie de la prévoyance professionnelle des travailleurs au sens du CO (ATF
ATF 112 II 40
consid. 4a,
ATF 111 II 168
consid. 2a; BRUNNER/BÜHLER/WAEBER, Commentaire du contrat de travail, n. 4 ad
art. 331c CO
) et des salariés au sens de la LPP (
ATF 113 V 124
consid. 3), n'existe pas. C'est en tout cas ce qu'il faut logiquement déduire du fait que le législateur a précisément voulu faire une exception au principe du non-versement en espèces de la prestation de libre passage dans le cas du salarié qui devient indépendant et cesse d'être assujetti à l'assurance obligatoire. Or, par définition, cette double exigence est toujours réalisée par l'indépendant qui s'affilie à titre facultatif à une institution de prévoyance et elle le reste quand il décide de mettre fin à son affiliation. Aussi bien, comme le fait observer avec raison ELROD (Der Arbeitnehmerbegriff des BVG im Rahmen der schweizerischen Rechtsordnung, thèse Zurich 1989, p. 45), à la double condition posée par l'
art. 30 al. 2 let. b LPP
s'en ajoute une troisième: que l'assuré qui se trouve dans cette situation ne choisisse pas de rester affilié à l'institution de prévoyance à titre facultatif. On doit dès lors conclure qu'il n'existe aucune restriction légale au droit d'un indépendant assuré à titre
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facultatif d'exiger le paiement en espèces du montant de sa prestation de libre passage lorsqu'il décide de mettre fin à son assurance auprès d'une institution de prévoyance. A cet égard, il ne saurait être question d'une quelconque inégalité de traitement entre l'assuré salarié et l'assuré de condition indépendante puisque c'est justement cette différence de statut qui justifie, selon la volonté du législateur, le versement en espèces de la prestation de libre passage à la fin du rapport de prévoyance (
ATF 111 II 169
consid. 2b).
Il est vrai qu'aux termes de l'
art. 4 al. 2 LPP
les dispositions sur l'assurance obligatoire s'appliquent par analogie à l'assurance facultative. Et cela vaut aussi, en principe, pour les prescriptions relatives à la prestation de libre passage, y compris l'
art. 30 LPP
(BRÜHWILER, op.cit., p. 279). Toutefois, en ce qui concerne la question précise de l'application de l'
art. 30 al. 2 let. b LPP
aux personnes assurées facultativement, on doit nécessairement faire une distinction entre salariés et indépendants, pour les motifs ci-dessus exposés et qui découlent de la loi elle-même.
3.
En l'espèce, le recourant n'a jamais été affilié à la PREVACIM à titre d'indépendant mais toujours en qualité de salarié. On peut se demander, comme le fait l'OFAS dans son préavis sur le recours de droit administratif, si l'intéressé n'aurait pas dû être exempté de l'assurance obligatoire en vertu de l'
art. 1er al. 1 let
. c in fine OPP 2. Dans ce cas, le recourant n'aurait jamais eu le statut d'assuré obligatoire et l'on devrait considérer qu'il était affilié à titre facultatif tant à la FAPIAV qu'à la fondation intimée. Cela ne change cependant rien au problème que pose la présente affaire puisque ce qui est décisif pour l'application des dispositions sur le versement en espèces de la prestation de libre passage à l'assuré qui s'établit à son propre compte, c'est son statut d'indépendant et non sa qualité d'assuré obligatoire ou facultatif (cf. consid. 2b).
Cela étant, deux éventualités peuvent être envisagées:
- si l'on considère que la prestation de libre passage dont le versement en espèces est requis par le recourant lui est due intégralement en sa qualité de salarié affilié à la PREVACIM, le litige doit être tranché exclusivement en application des dispositions légales et réglementaires exposées au consid. 2a; c'est l'opinion défendue par la fondation intimée et par les juges cantonaux et que semble partager le recourant; - si l'on considère que la prestation de libre passage doit être divisée en deux parts - à savoir celle qui provient de la FAPIAV et celle qui résulte des cotisations versées par le recourant à la PREVACIM
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en qualité de salarié -, la question du paiement en espèces doit être résolue pour la première part selon les principes applicables aux personnes de condition indépendante assurées facultativement (cf. consid. 2c) et pour la seconde part d'après les règles applicables aux assurés salariés; c'est le point de vue que paraît soutenir l'OFAS dans son préavis.
En l'occurrence, il n'est toutefois pas nécessaire de trancher formellement entre ces deux opinions car, dans l'une et l'autre éventualité, le recourant peut prétendre le versement intégral de la prestation de libre passage en espèces. Il y a lieu de considérer que le 22 février 1990, date à laquelle il a requis de la fondation intimée le versement en espèces de la prestation de libre passage, cessant du même coup d'être affilié à cette institution de prévoyance, le recourant avait le statut d'indépendant à part entière. En effet, le 12 février précédent était intervenu un événement décisif dans sa carrière professionnelle, à savoir l'échec de sa candidature à un poste d'enseignant titulaire à l'EPSIC. Or, dès ce moment-là et bien qu'il conservât une activité réduite auprès de cette école, le recourant devait consacrer l'essentiel de son temps et de ses ressources au développement de son bureau d'architecte et sa situation était en tout point comparable à celle d'un assuré salarié qui s'établit à son propre compte et cesse d'être soumis à l'assurance obligatoire.
Vu ce qui précède, le recours se révèle bien fondé et la fondation intimée doit être condamnée à payer en espèces au recourant le montant - non contesté - de la prestation de libre passage qu'elle a fixé à 31'169 fr. 90, plus intérêts à 5 pour cent l'an dès l'échéance (cf.
ATF 115 V 37
consid. 8c).