BGE 119 II 361 vom 8. Oktober 1993

Datum: 8. Oktober 1993

Artikelreferenzen:  Art. 45 OR, Art. 72 und 96 VVG, Art. 41 UVG, art. 72 LCA, art. 151 CC

BGE referenzen:  97 II 123, 100 II 453, 104 II 44, 115 II 6, 124 III 222, 128 III 34, 132 III 359, 133 III 527, 145 III 225, 146 III 339 , 104 II 44, 100 II 453, 97 II 123, 113 II 323, 115 II 6, 115 II 6

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

119 II 361


74. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 8 octobre 1993 dans la cause Compagnie d'assurances X. contre dame B. (recours en réforme)

Regeste

Versorgerschaden; Anrechnung von Versicherungsleistungen und des Gehalts der Witwe ( Art. 45 OR , Art. 72 und 96 VVG , Art. 41 UVG ).
1. Da das UVG die Subrogation für Zusatzleistungen des Versicherers nicht vorsieht, ist die Frage der Anrechnung dieser Leistungen mit Blick auf das VVG zu lösen. Kriterium für die Unterscheidung von Schadensversicherung und Summenversicherung. Die im Falle des Ablebens eines Menschen erbrachten Leistungen werden in der Regel - wie hier - aus Summenversicherung erbracht (E. 4).
2. Der Umstand, dass eine Frau nach dem Tode ihres Mannes eine Arbeit gegen Entgelt annimmt, vermag für sich alleine eine Herabsetzung der von ihr geforderten Entschädigung für Versorgerschaden nicht zu rechtfertigen (E. 5).

Sachverhalt ab Seite 362

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A.- Le 18 août 1987, B., médecin-dentiste indépendant, a été percuté par un véhicule automobile alors qu'il circulait à bicyclette à Genève; il est décédé sur place. La Compagnie d'assurances X. a admis que l'accident était dû à la faute exclusive du détenteur du véhicule automobile, dont elle couvre la responsabilité civile. Elle n'a cependant pas pu s'entendre avec la femme et les enfants de la victime au sujet du montant des indemnités réclamées par eux et leur a versé hors procès la somme de 80'000 francs.

B.- Par jugement du 16 janvier 1992, le Tribunal de première instance du canton de Genève, admettant partiellement l'action introduite par les survivants contre la Compagnie d'assurances X., a condamné la défenderesse à payer, outre le montant de 700 francs pour le dommage matériel, les sommes de 886'640 francs, 63'443 francs et 65'487 francs, respectivement, à la veuve et aux deux enfants de la victime, à titre de perte de soutien, ainsi qu'une indemnité pour tort moral de 20'000 francs à dame B. et de 10'000 francs à chaque enfant, le tout avec intérêts et sous imputation des 80'000 francs déjà versés.
Statuant le 23 avril 1993, sur appel de la défenderesse, la Cour de justice civile du canton de Genève a ramené à 423'392 fr. 40 le montant alloué à la veuve pour couvrir sa perte de soutien et rejeté les conclusions prises à ce titre par les enfants du de cujus. A cet égard, elle a estimé à 200'000 francs le revenu annuel déterminant du défunt
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et elle a fixé la quote-part de soutien à 30% de ce revenu pour la veuve et à 10% pour chaque enfant. Sur les 60'000 francs portés en compte en faveur de dame B., les juges cantonaux ont imputé le montant des prestations de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS), par 12'720 francs, et celui de l'assurance-accidents (LAA) facultative, par 23'640 francs. Ils ont ensuite capitalisé le solde (23'640 francs) au moyen de la table d'activité no 25 de STAUFFER/SCHAETZLE (Tables de capitalisation, 4e éd.; facteur 17,91 pour un soutien actif masculin de 38 ans et une femme soutenue de 41 ans) pour arriver aux 423'392 fr. 40 susmentionnés. Quant aux prétentions élevées au même titre par les deux enfants, la cour cantonale les a rejetées au motif que la perte de soutien de 20'000 francs pour chacun d'eux était déjà couverte par les prestations de l'AVS et de la LAA ainsi que par les revenus de la fortune héritée.

C.- La défenderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral. Estimant avoir totalement indemnisé les demandeurs par le versement du montant de 80'000 francs, elle conclut à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et au rejet intégral de la demande.
Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. La défenderesse reproche à la Cour de justice d'avoir violé le droit fédéral en renonçant à imputer les prestations de l'assurance-accidents complémentaire sur l'indemnité pour perte de soutien.
En vertu de l' art. 41 LAA , dès la survenance de l'éventualité assurée, l'assureur est subrogé, jusqu'à concurrence des prestations légales, aux droits de l'assuré et de ses survivants contre tout tiers responsable de l'accident. Comme cela ressort expressément du texte de cette disposition, l'étendue du droit de recours est déterminée par le montant des prestations légales de l'assurance-accidents (Message du Conseil fédéral du 18 août 1976, in FF 1976 III 202). En d'autres termes, la LAA ne prévoit pas de subrogation pour les prestations complémentaires de l'assureur (GHÉLEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents, p. 161, ch. 2; MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 544 et p. 564 ad note de pied 1465; RUSCONI, Le recours de l'assureur dans la loi fédérale sur l'assurance-accidents, in Publications juridiques du Touring Club Suisse, no 7, p. 25 ss, 28; STEIN, Der Regress gemäss Unfallversicherungsgesetz, in dernier op. cit., p. 41; SCHAER, Grundzüge des Zusammenwirkens von Schadensausgleichssystemen, p. 235, note
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de pied 16). C'est donc au regard de la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA) qu'il convient d'examiner si la défenderesse, en tant qu'assureur privé, est au bénéfice d'un droit de recours pour les prestations qu'elle a effectuées sur la base du contrat d'assurance-accidents complémentaire à la LAA et si elle peut, de ce fait, réduire, jusqu'à concurrence du montant desdites prestations, l'indemnité pour perte de soutien qu'elle est tenue de verser à la demanderesse en sa qualité d'assureur en responsabilité civile du détenteur du véhicule qui a provoqué l'accident. Comme il n'est pas établi, ni même allégué, que le droit de recours de la défenderesse ait été stipulé dans le contrat en question (sur l'admissibilité, douteuse, d'une telle clause, cf. l' ATF 100 II 453 consid. 6 p. 461 ss), le seul problème à résoudre consiste à rechercher si les prestations litigieuses découlent d'une assurance contre les dommages ou d'une assurance de sommes, partant si elles sont régies par l' art. 72 LCA ou par l' art. 96 LCA ( ATF 104 II 44 ).
Pour ranger une prestation donnée dans l'une ou l'autre de ces deux catégories, il ne faut pas procéder à une qualification globale, en fonction du contenu principal de la police, qui peut inclure plusieurs assurances distinctes, mais bien plutôt examiner la nature juridique de la prestation en cause, prise isolément ( ATF 104 II 44 consid. 4a p. 48). Il faut se demander si ladite prestation couvre un dommage concret ou si elle doit être effectuée indépendamment de l'existence d'un dommage. Elle revêt un caractère compensatoire lorsqu'elle ne dépend pas uniquement d'une atteinte subie par une personne, mais suppose, de surcroît, que cette atteinte ait entraîné une perte patrimoniale (SCHAER, op.cit., p. 164, n. 471ter; MAURER, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 2e éd., p. 162/163). Autrement dit, dans l'assurance contre les dommages, la prétention de l'ayant droit n'est pas seulement attachée à un événement déterminé (une lésion corporelle dans l'assurance-accidents); elle est subordonnée, en outre, à l'existence d'un dommage, au sens juridique du terme, causé par cet événement ( ATF 104 II 44 consid. 4d p. 52/53).
Les prestations versées en cas de décès d'une personne n'ont généralement pas pour fonction de couvrir un dommage déterminé et découlent dès lors d'une assurance de sommes (SCHAER, op.cit., p. 7, note de pied 12; MAURER, Privatversicherungsrecht, p. 253; KOENIG, Der Versicherungsvertrag, in Traité de droit privé suisse, vol. VII/2, p. 692; OFTINGER, Schweizerisches Haftpflichtrecht, 4e éd., p. 394 ss; BREHM, n. 61 ss ad art. 45 CO ; STAUFFER/SCHAETZLE, op.cit., p. 221,
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n. 559; STARK, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, Skriptum, 2e éd., p. 204, n. 982; ZEN-RUFFINEN, La perte de soutien, p. 151 ss). Peu importe, à cet égard, qu'elles permettent de couvrir, le cas échéant, une perte de soutien réelle et que cela corresponde à la volonté du preneur d'assurance. En effet, le propre de toute assurance, qu'il s'agisse d'une assurance contre les dommages ou d'une assurance de sommes, est de parer à d'éventuels revers de fortune. Le critère de distinction décisif ne réside donc pas dans le but, mais dans les conditions de la prestation. Ainsi, pour que l'on puisse parler d'une assurance contre les dommages, il faut que le sinistre assuré ait causé réellement une perte patrimoniale. Une telle exigence est, en revanche, étrangère à l'assurance de sommes; ici, la prestation de l'assureur n'est subordonnée qu'à la survenance de l'événement assuré - une atteinte portée au corps humain, à certaines conditions, dans l'assurance-accidents - sans égard à ses conséquences pécuniaires. Il suit de là qu'une assurance-accidents ne doit pas être rangée dans la catégorie des assurances contre les dommages du seul fait que les prestations auxquelles elle donne droit sont fixées sur la base du revenu de la victime - ce qui est d'ailleurs tout à fait usuel (MAURER, Privatversicherungsrecht, p. 466) -, car ce mode de calcul ne sert à déterminer que l'ampleur de ces prestations et non pas leur fondement juridique. En résumé, pour que l'on puisse parler d'une assurance contre les dommages en droit des assurances privées, il faut que les parties au contrat d'assurance aient fait de la perte patrimoniale une condition autonome du droit aux prestations ( ATF 104 II 44 consid. 4c p. 50 et les références; MAURER, Privatversicherungsrecht, p. 163 et p. 253, note de pied 610). Dans le cas particulier, il ne saurait donc être question d'une telle assurance que si le contrat d'assurance-accidents complémentaire à la LAA faisait dépendre le droit des survivants aux prestations qu'il inclut d'une perte de soutien effectivement subie par les intéressés. Or, rien de tel n'a été retenu par la cour cantonale ni établi par la défenderesse, et la lecture de la police ainsi que des conditions générales d'assurance ne permet pas de tirer une quelconque conclusion allant dans ce sens. L'assurance complémentaire doit dès lors être qualifiée d'assurance de sommes, ce qui entraîne l'application de l' art. 96 LCA qui consacre le cumul des prétentions de l'ayant droit contre l'auteur du dommage (en l'occurrence, son assureur en responsabilité civile) et contre l'assureur. C'est dire que la Cour de justice n'a pas violé le droit fédéral en refusant d'imputer la rente de veuve versée à la
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demanderesse en exécution du contrat d'assurance-accidents complémentaire sur l'indemnité pour perte de soutien qu'elle lui a allouée.

5. a) La défenderesse fait valoir, par ailleurs, qu'il était contraire au droit fédéral de ne pas prendre en considération le revenu de la veuve pour déterminer le besoin de soutien effectif de celle-ci. A cet égard, la Cour de justice constate que la demanderesse, âgée de 41 ans au moment du décès de son mari, n'exerçait plus d'activité lucrative depuis quelques années et consacrait tout son temps à sa famille qui comprenait, en plus des deux enfants demandeurs, deux autres enfants issus d'un premier mariage. Elle retient en outre que, si la demanderesse a néanmoins accepté de travailler pour le compte d'un tiers ..., c'est, sur le conseil de son médecin, pour surmonter le drame familial qu'elle avait vécu. Dès lors, compte tenu de ce que le salaire de la femme constitue un acquêt (sic) et du fait que la demanderesse participe à l'entretien des enfants de son premier mariage, il n'y a pas lieu d'imputer une partie de ce salaire sur la perte de soutien, de l'avis des juges précédents. Ceux-ci ne tiennent pas non plus compte de l'activité déployée par la demanderesse dans un autre établissement public genevois, étant donné que ce commerce n'a pu survivre que grâce à une mise de fonds de 400'000 francs de l'intéressée, effectuée postérieurement au moment déterminant pour le calcul de la perte de soutien.
b) Contrairement au dommage qui résulte d'une invalidité, celui qui dérive de la perte de soutien ne doit pas être calculé de façon concrète jusqu'au jour du jugement rendu en dernière instance cantonale et de façon abstraite pour la période postérieure seulement; le calcul abstrait doit être fait au jour du décès, attendu que l'on ne sait pas si, sans l'accident, la victime aurait vécu jusqu'à la date du jugement. Cela ne signifie pas que le juge doive faire abstraction, dans l'appréciation de la perte de soutien, des faits postérieurs à la mort du soutien. Mais il doit faire preuve de retenue dans l'appréciation de ces faits ( ATF 97 II 123 consid. 6 p. 131; voir aussi l' ATF 113 II 323 consid. 3a p. 333); il ne saurait, en particulier, apprécier les circonstances existant au moment du jugement de façon unilatérale, dans l'intérêt d'une seule partie. Aussi le fait qu'une veuve, qui n'avait pas exercé d'activité lucrative jusque-là, ait pris un emploi rémunéré après le décès de son mari ne justifie-t-il pas à lui seul une réduction de l'indemnité pour perte de soutien qu'elle réclame ( ATF 59 II 461 consid. 2b p. 464); inversement, s'agissant du devoir qui est fait au lésé de diminuer son dommage, il n'est pas déterminant qu'une veuve renonce, pour des motifs d'ordre subjectif, à exercer
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une activité lucrative après la mort du soutien. Seul est décisif, à cet égard, le point de savoir si l'on peut raisonnablement et objectivement exiger de sa part qu'elle acquière un revenu propre. Cette question doit être résolue en fonction de la situation personnelle de l'intéressée, notamment de son âge, de sa formation professionnelle et de ses charges familiales.
La demanderesse avait 41 ans au moment du décès du soutien; elle se consacrait à son ménage et à l'éducation de ses deux enfants âgés de 4 et 3 ans ainsi que de ses deux autres enfants, déjà adolescents, issus d'un premier mariage. Dans de telles conditions, la doctrine exclut, en règle générale, le devoir de la veuve de prendre un emploi rémunéré pour diminuer son dommage (BREHM, n. 130/131 ad art. 45 CO et les références). Certes, le nouveau droit du mariage, qui met notamment l'accent sur la notion d'égalité des devoirs au sein du couple, n'est pas sans incidence sur le droit de la responsabilité civile (SCHAER, Der Versorgerschaden in einer sich wandelnden Wertordnung, in Mélanges Assista, 1989, p. 76 ss). Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le droit de la veuve au maintien du genre de vie qu'elle a eu jusqu'au décès de son mari va plus loin que le droit à l'entretien découlant des effets généraux du mariage (BREHM, n. 130 ad art. 45 CO ). De plus, selon la jurisprudence, on ne peut, en principe, imposer à la femme divorcée qui n'exerce pas d'activité lucrative qu'elle le fasse après avoir atteint sa 45e année ou avant que le plus jeune de ses enfants ne soit âgé de 10, voire de 16 ans ( ATF 115 II 6 consid. 3c p. 10 et consid. 5a p. 11), tout cela sous réserve des conditions régnant sur le marché du travail, qui doivent également être prises en considération (BÜHLER/SPÜHLER, Ergänzungsband, n. 42 ad art. 151 CC ). Examinée à la lumière de ces critères, qu'il convient encore de relativiser en droit de la responsabilité civile, la décision des juges précédents de ne pas imputer sur la perte de soutien les revenus tirés par la demanderesse de l'activité lucrative qu'elle exerce depuis la mort de son second mari ne prête pas le flanc à la critique.

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