Urteilskopf
119 II 449
90. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 11 novembre 1993 dans la cause M. contre A. S.A. (recours en réforme)
Regeste
Arbeitsvertrag; Krankheit des Arbeitnehmers nach der Kündigung.
Berechnung der Kündigungsfrist nach
Art. 336c Abs. 2 OR
; Dauer und Ende der Kündigungsfrist; Parteivereinbarung (E. 2 und 3).
A.-
A. S.A., à Bevaix, a engagé, dès le 3 février 1986, M. en qualité de chef du centre "masques photographiques" sis dans cette même localité. Par lettre du 26 mars 1992, A. S.A. a, pour des motifs économiques, licencié cet employé pour la date contractuelle du 30 juin suivant, l'a libéré jusqu'à cette échéance de son obligation de travailler afin de faciliter sa recherche d'un nouvel emploi et lui a proposé:
"... de prolonger le délai contractuel d'un maximum de trois mois, ceci
pour le cas où vous ne trouveriez pas d'emploi rapidement et à condition
de rester à disposition de l'entreprise en cas de besoins..."
Le 30 mars 1992, M. a renvoyé, à la demande de A. S.A., un exemplaire de cette lettre signée pour accord auquel il a joint un autre courrier
BGE 119 II 449 S. 450
indiquant qu'il acceptait les modalités de son licenciement pour autant que certaines autres conditions soient réalisées.
M. a été incapable de travailler, pour cause de maladie, du 13 avril au 15 juin 1992. Le 29 septembre suivant, il a demandé à A. S.A. de lui confirmer que le délai de congé était prolongé jusqu'au 30 novembre 1992. A. S.A. s'y est refusée et a versé, le 30 septembre, le dernier salaire de M.
B.-
Le Tribunal de prud'hommes du district de Boudry a, par jugement du 19 mars 1993, rejeté une action de M. tendant à ce que A. S.A. soit condamnée à lui payer 18'102 fr. 50, plus intérêts, à titre de salaire d'octobre à décembre 1992 et de la part du treizième salaire afférente à cette période.
Par arrêt du 11 juin 1993, la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté un recours du demandeur.
C.-
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme interjeté par le demandeur et a confirmé l'arrêt attaqué.
Extrait des considérants:
2.
a) Après le temps d'essai, l'employeur ne peut pas résilier le contrat lorsque le travailleur est incapable de travailler en raison d'une maladie non imputable à faute; la durée maximale de la protection varie en fonction des années de service (
art. 336c al. 1 let. b CO
). Le congé qui intervient pendant la période de protection est nul; s'il a été donné avant et que le délai de résiliation n'a pas encore expiré, ce dernier est suspendu et ne continue à courir qu'après la fin de la période de protection (
art. 336c al. 2 CO
). Lorsque les rapports de travail doivent cesser à la fin d'un mois et que ce terme ne coïncide pas avec la fin du délai de congé qui a recommencé à courir, ce délai est prolongé jusqu'à la fin du mois (
art. 336c al. 3 CO
). Selon la jurisprudence, le délai - légal ou conventionnel - de congé au sens de l'
art. 336c al. 2 CO
ne commence pas à courir à sa réception, mais il doit être calculé rétroactivement à partir de l'échéance du contrat (
ATF 115 V 437
consid. 3b et les références). Le caractère relativement impératif de l'art. 336c n'interdit pas aux parties de rompre en tout temps le contrat d'un commun accord, pour autant qu'elles ne cherchent pas par ce biais à détourner une disposition impérative de la loi (
ATF 118 II 58
consid. 2a et les références).
b) Dans la présente affaire, le délai de résiliation courait du 1er avril au 30 juin 1992. II a été suspendu du 13 avril au 15 juin 1992 en raison de la maladie du demandeur. Selon la cour cantonale, la fin des
BGE 119 II 449 S. 451
rapports de travail a été reportée au 30 septembre 1992 en raison de la prolongation du délai de congé. D'après le demandeur, en revanche, l'échéance du contrat de travail est intervenue le 31 décembre suivant. Il fonde sa thèse sur l'accord qu'il aurait passé avec la défenderesse de porter de trois à six mois le délai de résiliation, conformément à ce que celle-ci lui aurait proposé dans sa lettre du 26 mars 1992. C'est donc avec raison que les parties ont uniquement discuté le sens que devait revêtir ce courrier.
3.
a) Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, faute d'avoir pu établir la volonté commune et réelle des parties (
art. 18 al. 1 CO
), le juge apprécie les clauses d'un contrat en procédant à une interprétation dite objective (application du principe de la confiance), il s'agit d'une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir en instance de réforme (
ATF 118 II 365
consid. 1 et les arrêts cités). Selon ce principe, les déclarations de volonté relatives à un contrat s'interprètent d'après le sens qu'un destinataire pouvait et devait leur donner. On en jugera, non seulement d'après le texte et le contexte de la déclaration, mais aussi d'après les circonstances qui l'ont précédée et accompagnée (
ATF 118 II 365
consid. 1 p. 366,
ATF 117 II 273
consid. 5a,
ATF 116 II 695
consid. 2a et les arrêts cités).
b) Malgré les termes "délai contractuel" utilisés par la défenderesse dans sa correspondance du 26 mars 1992, force est d'admettre qu'elle avait uniquement en vue le déplacement du terme du 30 juin 1992 au 30 septembre suivant, à l'exclusion de toute modification du délai de résiliation (cf.
art. 335c al. 2 CO
). Le terme du 30 septembre n'a été proposé par la défenderesse que pour l'éventualité où le demandeur serait sans emploi après le 30 juin, ce qui a été le cas. Si celui-ci avait au contraire trouvé un nouvel employeur dès cette dernière date, les rapports de travail auraient pris fin, indépendamment d'une suspension légale du délai de congé, le 30 juin 1992, soit dans le délai contractuel de résiliation de trois mois. Cette circonstance permet à elle seule de considérer que le demandeur ne pouvait pas, de bonne foi, comprendre le courrier litigieux comme étant une proposition d'augmenter de trois mois le délai de résiliation de son contrat de travail.
Au surplus, la convention par laquelle les parties diffèrent, à l'occasion d'un licenciement, le terme du congé ne modifie pas le délai dans lequel celui-ci doit être donné. La résiliation du contrat de travail ayant déjà été signifiée, la prolongation de ce délai serait un non-sens. On peut encore ajouter que la précision, selon laquelle la prolongation était accordée pour un maximum de trois mois, ne pouvait
BGE 119 II 449 S. 452
pas tromper le demandeur sur la portée de leur accord. Il n'est pas nécessaire de rechercher si l'
art. 341 al. 1 CO
trouverait application en l'espèce ou si l'on est en présence d'une transaction ayant notamment pour effet de priver le demandeur du droit que lui confère l'
art. 336c CO
(cf.
ATF 118 II 58
consid. 2b p. 61 et les arrêts cités). Une modification contractuelle du délai de résiliation étant à écarter, on peut, à l'instar de la cour cantonale, retenir un licenciement intervenu dans un délai plus long que celui prévu par le contrat. En pareille situation, le délai de congé minimum est seul déterminant sous l'angle d'une résiliation en temps inopportun au sens de l'
art. 336c CO
; ainsi, le temps écoulé entre le début du délai de congé ouvert par la résiliation et le début du mois où commence le délai de congé minimum ne compte pas (AUBERT, La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1985, in SJ 108/1986 p. 298 in fine; STREIFF/VON KAENEL, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd. 1992, n. 3 in fine ad
art. 336c CO
; WEBER, La protection des travailleurs contre les licenciements en temps inopportun, thèse Lausanne 1992, p. 155, cf. aussi p. 152 s.).
Il en découle que le demandeur ne pouvait bénéficier de la période de protection de l'
art. 336c al. 1 let. b CO
que du 1er juillet au 30 septembre 1992. Or, ce laps de temps s'est écoulé sans que survienne un facteur de suspension du délai de congé. Une prolongation des rapports de travail au-delà de cette dernière date n'est donc pas fondée.