Urteilskopf
119 III 18
6. Extrait de l'arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 20 janvier 1993 dans la cause Banque X. (recours LP)
Regeste
Art. 92 Ziff. 13 und
Art. 275 SchKG
;
Art. 30 Abs. 2 BVG
;
Art. 331c Abs. 4 lit. b OR
; Eintreibung und Arrestierung einer Freizügigkeitsleistung zugunsten eines Anspruchsberechtigten, der die Schweiz endgültig verlassen hat.
Solange nicht das ausdrückliche Begehren auf Barauszahlung gestellt worden ist, bleibt die Freizügigkeitsleistung zugunsten eines Anspruchsberechtigten, der die Schweiz endgültig verlassen hat, unpfändbar im Sinne von
Art. 92 Ziff. 13 SchKG
und kann somit auch nicht mit Arrest belegt werden.
Sur requête de la Banque X., le Tribunal de première instance de Genève a ordonné le séquestre en mains de la Caisse Y. du montant revenant à Z. "à titre de caisse de pension suite à son départ à l'étranger". La Caisse Y. a contesté cette mesure en faisant valoir qu'en l'absence de demande de paiement de la part de Z. (art. 30 al. 2 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, LPP), la prestation de libre passage n'était pas exigible. L'Office des poursuites de Genève constata alors l'insaisissabilité de la créance du débiteur envers la caisse, conformément à l'
art. 92 ch. 13 LP
, décision que la Banque X. déféra à l'Autorité de surveillance des offices de poursuite pour dettes et de faillite du canton de Genève par la voie d'une plainte. Elle estimait, en effet, que la créance en question était exigible depuis le départ définitif de Z. à l'étranger, même en l'absence d'une demande de paiement de sa part. L'autorité cantonale de surveillance ayant rejeté
BGE 119 III 18 S. 19
sa plainte, la Banque X. a recouru à la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral. Celle-ci a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.
Extrait des considérants:
2.
Aux termes de l'
art. 92 ch. 13 LP
, sont insaisissables les droits à des prestations non encore exigibles à l'égard d'une institution de prévoyance en faveur du personnel. En l'espèce, la question est de savoir si la prestation de libre passage constituée auprès de la Caisse Y. en faveur de Z. est ou non exigible au sens de la disposition précitée, du simple fait que cet assuré est parti à l'étranger.
a) Le droit de la prévoyance professionnelle - obligatoire (LPP) et plus étendue (art. 331a-c CO) - pose le principe du maintien de la prévoyance en cas de dissolution des rapports de travail (
art. 27 LPP
et 331c al. 1 CO). La prestation de libre passage est en général transférée à l'institution de prévoyance du nouvel employeur; si ce transfert ne peut avoir lieu et que la prestation ne puisse être laissée auprès de l'ancienne institution de prévoyance, le maintien de la prévoyance doit être garanti au moyen d'une police de libre passage ou par une forme équivalente (
art. 29 LPP
, 331c al. 1 CO et 2 de l'ordonnance sur le maintien de la prévoyance et le libre passage, du 12 novembre 1986 [RS 831.425]; cf. Message du CF du 19 décembre 1975, FF 1976 I 140; OFAS, Bulletin de la prévoyance professionnelle no 2 du 19 janvier 1987, no 13).
b) Un versement en espèces n'entre qu'exceptionnellement en ligne de compte (Message précité, FF 1976 I 140), dans les cas énumérés de façon exhaustive dans la loi (
ATF 116 V 108
consid. 2b). Il a lieu lorsque l'affiliation a été inférieure à neuf mois en tout (
art. 30 al. 1 LPP
et 331c al. 4 let. a CO). Il est possible aussi en cas de départ définitif à l'étranger, d'établissement à son propre compte ou de cessation d'activité pour une femme mariée, mais - dans ces trois hypothèses - seulement lorsque la demande en est faite par l'ayant droit (
art. 30 al. 2 LPP
et 331c al. 4 let. b CO).
3.
a) Selon la jurisprudence constante, la prestation de libre passage au sens des
art. 27 LPP
et 331a/b CO devient exigible au moment où le rapport de prévoyance prend fin, c'est-à-dire à la dissolution des rapports de travail (
ATF 117 V 308
consid. 2c,
ATF 116 V 109
consid. 3,
ATF 115 V 33
consid. 5,
ATF 114 V 39
consid. d). Pour la majorité des cas, cette exigibilité avant la survenance d'un cas d'assurance (
art. 27
BGE 119 III 18 S. 20
al. 2 LPP
) coïncide donc avec la fin du contrat de travail, mais elle n'est déterminante que pour le transfert de la prestation de libre passage à la nouvelle institution de prévoyance et, le cas échéant, pour la constitution d'une police de libre passage ou pour une autre forme de prévoyance équivalente; l'affectation du montant de la prestation au but de prévoyance poursuivi jusqu'alors doit être maintenue. Bien qu'exigible au sens des dispositions précitées, la prestation de libre passage n'est pas encore exigible selon l'
art. 92 ch. 13 LP
. Cette disposition, introduite dans la LP par la LPP, tient compte en effet du principe fondamental de cette loi, qui veut que la protection offerte par les institutions de prévoyance soit maintenue jusqu'à la survenance du décès ou de l'invalidité, l'insaisissabilité absolue valant tant pour la prévoyance professionnelle obligatoire que pour celle plus étendue (Message du CF du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III 94).
b) Quant à l'exigibilité des paiements exceptionnels en espèces, il convient de distinguer les deux premiers cas (assujettissement inférieur à neuf mois, montant insignifiant de la créance) des trois autres cas (départ définitif à l'étranger, établissement à son propre compte, cessation d'activité de la femme mariée).
aa) En vertu des
art. 30 al. 1 LPP
et 331c al. 4 let. a CO, le paiement a obligatoirement lieu en espèces si, au moment où survient le cas de libre passage, l'assuré n'a, durant sa carrière professionnelle, été assujetti que pendant moins de neuf mois à des institutions de prévoyance (cf. Message du CF du 19 décembre 1975, FF 1976 I 207); de même - en ce qui concerne la seule prévoyance plus étendue - si la créance de l'affilié ne représente qu'un montant insignifiant. Dans ces deux cas, la prestation est exigible à teneur de la loi - en droit de l'exécution forcée comme en droit de la prévoyance professionnelle - au moment où prend fin le rapport de prévoyance, c'est-à-dire à la dissolution des rapports de travail.
bb) Les
art. 30 al. 2 LPP
et 331c al. 4 let. b CO, applicables aux cas du départ définitif à l'étranger, de l'établissement à son propre compte et de la cessation par la femme mariée de son activité lucrative, subordonnent quant à eux le versement en espèces à une demande de l'ayant droit.
Dans le cas du départ à l'étranger, il y a lieu d'ailleurs d'obtenir de l'intéressé, en plus de la demande de paiement en espèces, des documents prouvant le caractère définitif de son départ, afin d'éviter des abus. La preuve peut être apportée notamment par la présentation d'une attestation de la police des étrangers, du nouveau contrat
BGE 119 III 18 S. 21
de travail passé avec un employeur à l'étranger, d'un contrat de location d'appartements ou d'un contrat d'achat d'habitation, etc. (Message du CF du 19 décembre 1975, FF 1976 I 208; CARL HELBLING, Les institutions de prévoyance et la LPP, Berne et Stuttgart 1991, p. 168 s.; R. TSCHUDIN/R.-M. UMBRICHT-MAURER, Das neue Pensionskassengesetz, vol. 2, 5e partie, ch. 9.2.2 p. 2-4 et ch. 9.3.3.1). Dans certains cas, si l'assuré ne fournit pas de preuves suffisantes quant au caractère définitif de son départ, le paiement en espèces peut être subordonné à l'observation d'un délai d'attente de six mois ou une année par exemple (cf. OFAS, Bulletin de la prévoyance professionnelle no 1 du 24 octobre 1986, nos 4 et 5).
cc) A défaut d'une demande de paiement en espèces et aussi longtemps qu'une telle demande n'est pas présentée - elle peut l'être jusqu'à la naissance du droit à la prestation de vieillesse (
ATF 117 V 308
/309 consid. d) -, la prestation de libre passage doit rester affectée au maintien de la prévoyance, conformément au principe général inscrit dans la législation fédérale et selon les modalités prévues par celle-ci (art. 27 al. 1 et 29 al. 2 et 3 LPP;
art. 331c al. 1 CO
; art. 2 de l'ordonnance sur le maintien de la prévoyance et le libre passage). Du reste, à teneur de l'art. 13 de cette ordonnance, l'assuré sortant doit, une fois informé de toutes les possibilités de maintien de sa prévoyance (al. 2), communiquer à l'institution à laquelle il était affilié à quel nouvel établissement la prestation de libre passage doit être transférée; si celle-ci ne peut être ni transférée ni payée en espèces, il doit faire savoir sous quelle forme il entend maintenir sa prévoyance (al. 3); s'il ne fait pas connaître son choix dans les trente jours, l'institution concernée décide elle-même du mode de maintien de sa prévoyance (al. 4). En cas de départ définitif à l'étranger, le silence de l'assuré ne peut donc être interprété que comme un acquiescement au blocage de la prestation à des fins de prévoyance (le principe), plutôt qu'au paiement en espèces (l'exception), lequel n'est de toute façon pas envisageable sans demande expresse de la part de l'ayant droit (cf. TSCHUDIN/UMBRICHT-MAURER, op.cit., vol. 5, 10e partie, ch. 11.3 et le jugement commenté du Tribunal du district d'Uster publié in SZS 28/1984, p. 165 ss).
c) Est exigible, dans le langage juridique, ce qui peut être aussitôt exigé, ce qui est dû sans terme ni condition. Il en est ainsi d'une créance ou d'une dette dont le paiement peut être immédiatement réclamé, au besoin en justice, sans attendre l'échéance d'un terme ou l'avènement d'une condition (Vocabulaire juridique, Presses Universitaires de France, 3e éd. 1992, p. 337; GAUCH/SCHLUEP/TERCIER,
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Partie générale du droit des obligations, t. II, 2e éd. Zurich 1982, p. 21 nos 1288 ss et p. 23 s. nos 1307 ss). Le paiement en espèces, en cas de départ définitif à l'étranger, étant subordonné, ainsi qu'on l'a vu, à une demande expresse de la part de l'ayant droit et à la présentation par lui de certains documents devant attester le caractère définitif du départ, on ne saurait soutenir, comme le fait la recourante, qu'il s'agit d'une prestation échue dès le départ à l'étranger et exigible de ce seul fait. Il y a lieu, au contraire, de considérer avec l'autorité cantonale de surveillance que la demande de l'assuré est une condition potestative et suspensive, dont dépend l'exigibilité du droit au paiement. En conséquence, tant qu'une demande expresse de paiement en espèces n'est pas présentée, la prestation de libre passage de l'assuré qui a quitté définitivement la Suisse demeure insaisissable au sens de l'
art. 92 ch. 13 LP
et soustraite à tout séquestre (
art. 275 LP
).
Mal fondé, dans la mesure où il est recevable, le recours ne peut dès lors qu'être rejeté.