Urteilskopf
120 II 177
33. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 25 mai 1994 dans la cause P. contre P. (recours en réforme)
Regeste
Abänderung eines Scheidungsurteils (
Art. 157 ZGB
). Verbot des Rechtsmissbrauchs (
Art. 2 ZGB
).
Da zwischen dem Recht der Eltern auf persönlichen Verkehr und deren Unterstützungspflicht kein Zusammenhang besteht, stellt eine neue, den persönlichen Verkehr betreffende Tatsache - hier die Unmöglichkeit der Ausübung des Besuchsrechts - grundsätzlich keinen triftigen Grund für eine Abänderung des Unterhaltsbeitrages dar (E. 3).
Dieser Grundsatz findet seine Schranke am Verbot des Rechtsmissbrauchs. In wirklichen Ausnahmefällen kann ein missbräuchliches Verhalten der Mutter oder des Kindes eine Herabsetzung des Unterhaltsbeitrages rechtfertigen. Verneinung eines solchen Verhaltens im konkreten Fall (E. 4).
Extrait des considérants:
3.
Le recourant invoque une violation de l'
art. 157 CC
. Le refus de son fils d'entretenir le moindre contact avec lui constituerait, contrairement à ce qu'a retenu la Cour cantonale, un fait nouveau justifiant une réduction du montant de la pension d'entretien mise à sa charge.
a) La contribution à l'entretien de l'enfant que doit fournir, en cas de divorce, celui des parents qui n'a ni l'autorité parentale, ni la garde (art. 156 al. 2, 276 al. 2 et 277 CC) peut être réduite en vertu de l'
art. 157 CC
. La modification du jugement de divorce sur ce point n'est toutefois possible que si des faits nouveaux importants commandent une réglementation différente, et le changement de situation doit être durable. Cette procédure n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles survenant chez les parents ou chez l'enfant (
ATF 100 II 76
consid. 1 p. 78,
ATF 95 II 385
consid. 4 p. 389; BÜHLER/SPÜHLER, Berner Kommentar, n. 82 et 144 ss ad
art. 157 CC
; SPÜHLER, Ergänzungsband, n. 145 ad
art. 157 CC
; HINDERLING, Das schweizerische Ehescheidungsrecht, 3e éd., p. 146 ss; DESCHENAUX/TERCIER, Le mariage et le divorce, 3e éd., no 759 s.). Seules cependant entrent en ligne de compte les circonstances nouvelles - par rapport à la situation existant au moment du divorce - qui sont déterminantes pour fixer les droits et devoirs des parents selon les
art. 156, 285 et 286 CC
(BÜHLER/SPÜHLER, n. 73 et 102 ad
art. 157 CC
).
b) Le devoir d'entretien des parents résulte du lien de filiation (
art. 276 al. 1 CC
) et subsiste jusqu'à la majorité de l'enfant (
art. 277 al. 1 CC
;
ATF 111 II 413
consid. 2 p. 416). La prétention d'entretien de l'enfant contre ses parents est inaliénable. Ceux-ci ne sont déliés de leur obligation que dans la mesure où l'on peut attendre de l'enfant bénéficiaire qu'il subvienne lui-même à son entretien par le produit de son travail ou par d'autres ressources (
art. 276 al. 2 CC
; HEGNAUER, Droit suisse de la filiation, 3e éd., nos 20.02 ss).
Selon la jurisprudence et la doctrine, le devoir d'entretien est indépendant du droit aux relations personnelles et n'est soumis à aucune condition (
ATF 95 II 385
consid. 3 p. 388; BÜHLER/SPÜHLER, n. 317 ad
art. 156 CC
, n. 121, 159 et 166 ad
art. 157 CC
; SPÜHLER, Ergänzungsband, n. 166 ad
art. 157 CC
; HEGNAUER, Berner Kommentar, n. 59 ad art. 273 et n. 133 ad
art. 275 CC
; id. in Revue du droit de tutelle [ci-après: RDT] 1993, p. 12; M. MARTHALER, Essai sur le droit aux relations personnelles ..., thèse Neuchâtel 1963, p. 105).
L'absence de tout lien entre le droit aux relations personnelles et le devoir d'entretien des parents a pour conséquence qu'un fait nouveau relatif aux relations personnelles ne saurait en principe constituer un motif valable de modification de la contribution d'entretien, ce "fait nouveau" n'étant pas de nature à exercer la moindre influence sur la question de l'obligation d'entretien (cf. dans ce sens
ATF 95 II 385
consid. 5 p. 389 à propos de l'influence du remariage de la détentrice de l'autorité parentale sur l'exercice du droit de visite du père).
Ainsi, le moyen du recourant tiré de l'impossibilité d'exercer son droit de visite pour justifier une modification du jugement de divorce dans le sens d'une diminution de la contribution d'entretien due à son fils n'est pas fondé.
c) La présente situation doit être distinguée de celle qui est visée par l'
art. 277 al. 2 CC
, disposition de caractère exceptionnel qui traite de l'obligation d'entretien des père et mère à l'égard de leur enfant majeur poursuivant sa formation. Dans ce cas, l'obligation d'entretien dépend expressément de l'ensemble des circonstances, et notamment des relations personnelles entre parents et enfant (
ATF 111 II 413
consid. 2 p. 416, 117 II 127 consid. 3b p. 130,
ATF 113 II 374
consid. 2 p. 376); il y a donc là un lien entre le devoir d'entretien et les relations personnelles, l'inexistence de celles-ci, attribuée au seul comportement de l'enfant, pouvant ainsi justifier un refus de la part des parents de toute contribution d'entretien. La jurisprudence exige toutefois
BGE 120 II 177 S. 180
que l'attitude de l'enfant lui soit imputable à faute (
ATF 117 II 127
consid. 3b p. 130). Cette jurisprudence est critiquée par STETTLER et HEGNAUER (RJB 1992, p. 138 ss, RDT 1988, p. 76/77).
4.
Les principes rappelés ci-dessus trouvent leur limite dans l'interdiction de l'abus de droit prescrite par l'
art. 2 CC
et dont le recourant se prévaut également en l'espèce.
a) Dans une jurisprudence déjà ancienne (
ATF 83 II 89
), le Tribunal fédéral a réduit aux normes usuelles les engagements alimentaires plus étendus qu'un père avait accepté d'assumer en raison des relations personnelles étroites qu'il devait conserver avec ses enfants selon la convention sur les effets accessoires du divorce. Le Tribunal fédéral avait justifié cette réduction par le comportement abusif de la mère, qui n'avait pas respecté les termes de ladite convention en partant avec ses enfants dans un pays lointain (Australie), en ne prenant aucune mesure pour permettre aux enfants de garder des rapports personnels avec leur père et en ne respectant pas ses obligations de renseigner son ex-mari sur l'éducation et le développement des enfants. Cet arrêt précisait toutefois que l'
art. 157 CC
ayant pour but la sauvegarde des intérêts des mineurs, la pension ne pourrait, même dans lesdites circonstances, être supprimée ou diminuée dans une mesure qui ne permettrait plus de couvrir normalement les frais d'entretien et d'éducation des enfants (arrêt précité consid. 2 p. 92, rappelé dans
ATF 95 II 385
consid. 3 p. 388). Cette jurisprudence, critiquée par MERZ in RJB 1959, p. 7/8, semble être approuvée par HEGNAUER (RDT 1993, p. 12 et Berner Kommentar n. 133 ad
art. 275 CC
).
Dans la mesure où elle touche aussi les intérêts des enfants, cette solution ne saurait toutefois être retenue que dans des cas très exceptionnels: par exemple, lorsque les engagements financiers du débiteur de la pension dépassent largement les normes usuelles, au point de constituer un complément significatif dont bénéficie directement le détenteur de l'autorité parentale (pension déguisée), et que ce dernier viole gravement ses devoirs. Cette réserve s'impose d'autant plus lorsqu'il s'agit de sanctionner le comportement abusif d'un enfant mineur, même proche de la majorité, qui refuserait sans motif, consciemment et contrairement à ses devoirs filiaux, toute relation personnelle avec l'autre parent. Cette attitude est souvent l'une des conséquences de la procédure de divorce qui a opposé les parents et qui peut avoir des effets encore après l'adolescence. Il convient dès lors de tenir compte des émotions que la séparation des parents peut faire naître chez l'enfant et des tensions qui en résultent souvent,
BGE 120 II 177 S. 181
sans qu'on puisse en faire grief à celui-ci (
ATF 113 II 374
consid. 2 p. 376/377). Les relations entre parents divorcés et enfants sont en général complexes et il est particulièrement difficile de dégager à cet égard les responsabilités des uns et des autres (STETTLER, RDT 1982, p. 10).
b) En l'occurrence, la Cour cantonale constate, de manière à lier le Tribunal fédéral (
art. 63 al. 2 OJ
), que l'enfant (prénommé ci-après A.) se trouve dans un conflit de loyauté à l'égard de ses parents, qui n'ont pas réussi depuis leur divorce à apaiser leurs dissensions, et qu'il en est résulté un climat tendu, peu propice au déroulement serein d'un droit de visite; dans ces conditions, on ne saurait reprocher à l'enfant de n'avoir pas encore résolu le conflit qui l'oppose à son père; par ailleurs, rien au dossier ne permettrait de conclure que la mère est responsable du comportement d'A.
Le recourant qualifie d'insoutenable cette appréciation des juges cantonaux. Il estime qu'à 17 ans, son fils devrait comprendre qu'il n'est pas admissible de refuser tout contact avec lui et de le réduire au seul rôle de "père payeur" ("Zahlvater"); à cet âge, on ne pourrait plus excuser un tel comportement en arguant de l'existence d'un conflit de loyauté; on ne saurait en outre nier la responsabilité de la mère qui, en laissant rapidement à son fils le libre choix au sujet de ses relations avec son père, ne l'aurait pas encouragé à maintenir des contacts avec celui-ci; de plus, en cachant au recourant l'adresse du collège fréquenté par A., la mère aurait démontré sa volonté d'empêcher le rétablissement des relations du fils avec son père; tant l'attitude d'A. que celle de l'intimée seraient donc constitutives d'abus de droit.
Ces reproches ne sont pas fondés. Sur la base de ses constatations, l'autorité cantonale ne pouvait que conclure à l'absence de tout comportement abusif d'A. et de sa mère. En effet, la situation conflictuelle qui a subsisté entre les parties après leur divorce a très probablement compliqué les relations personnelles entre parents et enfant, ce qui a inévitablement rejailli sur l'exercice du droit de visite du recourant. Ce résultat a son origine dans le climat de tension persistant entre les parties; il ne saurait être imputé au seul comportement du fils. Certes, à 17 ans, ce dernier devrait en principe être capable de comprendre la situation dans laquelle il se trouve; il paraît néanmoins très perturbé encore par la mésentente de ses parents. Dans ces circonstances difficiles, l'autorité cantonale pouvait donc admettre que l'impossibilité pour le recourant d'exercer normalement son droit de visite ne pouvait être imputée à faute à l'enfant.
BGE 120 II 177 S. 182
Quant à une éventuelle responsabilité de l'intimée, aucun fait retenu par l'autorité cantonale ne permet de la fonder. Les critiques du recourant sur ce point ne sont pas recevables, comme on l'a vu plus haut, dès lors qu'elles s'écartent des constatations du Tribunal cantonal.