Urteilskopf
120 II 240
45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 31 août 1994 dans la cause Société Immobilière X. contre sieurs O. (recours en réforme)
Regeste
Begehren auf Herabsetzung des Anfangsmietzinses (
Art. 270 OR
).
Die Unterscheidung, die auf dem Berechnungskriterium beruht - Kosten oder Marktpreise -, darf nicht mit jener verwechselt werden, die sich aus der Berechnungsmethode - absolute oder relative - ergibt. Bei der Prüfung, ob der Anfangsmietzins missbräuchlich ist, muss die absolute Methode angewendet werden (E. 2).
A.-
Par contrat du 8 août 1990, la Société Immobilière X. a donné à bail aux sieurs O., avec effet rétroactif au 1er août 1990, un appartement de deux pièces sis au troisième étage d'un immeuble dont elle est propriétaire, à Genève.
Le loyer a été fixé à 6'600 fr. par an, charges non comprises. La formule officielle, prescrite par le canton de Genève (
art. 270 al. 2 CO
),
BGE 120 II 240 S. 241
informait les locataires que le dernier loyer annuel de cet appartement se montait à 4'344 fr. dès le 1er juillet 1990 et que son augmentation devait permettre le maintien du pouvoir d'achat du capital exposé aux risques (
art. 269a let
. e CO), la compensation des hausses de coûts (
art. 269a let. b CO
) et l'obtention d'une "valeur locative normale du logement" (
art. 269a let. a CO
).
B.-
Les locataires ont contesté le loyer initial, le jugeant abusif. Statuant le 21 février 1992, le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève leur a donné raison et a ramené ce loyer à 4'344 fr. par an.
Par arrêt du 18 septembre 1992, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève a annulé ce jugement et renvoyé la cause à l'autorité inférieure. Celle-ci a confirmé son premier jugement en date du 10 mai 1993.
Saisie par la bailleresse, la Chambre d'appel a confirmé le second jugement du Tribunal des baux et loyers par arrêt du 10 décembre 1993.
C.-
La bailleresse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt de la Chambre d'appel et à la fixation du loyer litigieux à 6'600 fr. par an, charges non comprises. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Les locataires proposent le rejet du recours.
Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours et renvoie la cause à la cour cantonale afin qu'elle examine, en appliquant la méthode absolue, la conformité du loyer initial contesté avec les loyers usuels dans le quartier et réduise, le cas échéant, ledit loyer.
Extrait des considérants:
2.
Se fondant sur l'arrêt publié aux
ATF 118 II 130
et traduit au JdT 1993 I 143, la Chambre d'appel dénie à la bailleresse le droit de se prévaloir de la conformité du nouveau loyer avec les loyers usuels dans le quartier, au motif que ce critère de calcul, qui doit être relativisé, n'aurait justifié une adaptation du loyer en cause que si le marché locatif avait évolué depuis la dernière fixation dudit loyer, ce qui ne pouvait manifestement pas être le cas, en l'occurrence, puisque seuls 39 jours s'étaient écoulés entre les deux dates de référence (1er juillet 1990 et 8 août 1990). Dès lors, de l'avis des juges précédents, le loyer initial contesté par les locataires est abusif. La
BGE 120 II 240 S. 242
bailleresse soutient à juste titre qu'une telle opinion n'est pas compatible avec le droit fédéral.
La législation sur les loyers abusifs utilise des critères de calcul fondés aussi bien sur les prix du marché que sur les coûts: les premiers tendent à la fixation objective du loyer en fonction de la valeur de la chose louée (art. 269a let. a et f CO); les seconds visent à déterminer si le bailleur ne retire pas de son investissement personnel un rendement exagéré, aux dépens du locataire (art. 269 et 269a let. b-e CO). Que ces deux critères ne concordent pas toujours, la jurisprudence l'a déjà reconnu à maintes reprises (
ATF 118 II 124
consid. 4a et 130 consid. 3a,
ATF 117 II 452
consid. 4a et 458 consid. 2a). Au demeurant, la réglementation en la matière les mélange elle-même, dans la mesure où elle généralise en partie des éléments subjectifs, les objectivant ainsi d'une certaine manière (
art. 13 et 16 OBLF
; RS 221.213.11). La jurisprudence en fait d'ailleurs de même, notamment dans le domaine des coûts hypothécaires, en ce sens que, pour le calcul du loyer selon la méthode relative, elle se base uniquement sur la variation d'un taux hypothécaire de référence, à savoir celui que pratiquent les banques cantonales de crédit hypothécaire (
ATF 118 II 45
consid. 2).
Il convient de ne pas confondre la distinction fondée sur le critère de calcul - les coûts (Kostenmiete) ou les prix du marché (Marktmiete) - avec celle découlant de la méthode - absolue ou relative - de calcul. Cette seconde distinction est basée sur l'objet de référence à prendre en considération pour le calcul du loyer admissible, qui est, dans un cas, la chose louée en tant que telle (méthode absolue), dans l'autre, le contrat de bail liant les parties (méthode relative). La méthode absolue sert à vérifier concrètement que le loyer ne procure pas un rendement excessif au bailleur, compte tenu des frais qu'il doit supporter et des prix du marché; la méthode relative, à déterminer, en fonction du contrat et du principe de la confiance, si une adaptation du loyer intervenant en cours de bail est admissible ou non. Dans la première méthode, c'est le loyer lui-même, sans égard aux stipulations contractuelles, qui est contrôlé, tandis que, dans la seconde, il ne s'agit que d'examiner si une modification du loyer est compatible avec la volonté manifestée antérieurement par celui qui la réclame. Par conséquent, la méthode de calcul absolue peut être utilisée aussi bien dans le cas du loyer fixé conventionnellement (loyer initial) que dans celui d'une modification ou demande de modification unilatérale du contrat (majoration ou diminution du loyer; à ce sujet, cf. les
ATF 116 II 73
et 594 consid. 6a,
BGE 120 II 240 S. 243
114 II consid. 5); la méthode de calcul relative n'est applicable, en revanche, que dans la seconde hypothèse (
ATF 118 II 124
consid. 4b et 130 consid. 3a, 117 II 452 consid. 4a).
La méthode relative, qui a pour fondement la confiance éveillée chez le cocontractant, interdit, en définitive, au bailleur d'adopter une attitude contradictoire. Cette confiance repose elle-même sur les relations spéciales existant entre le bailleur et son locataire, en d'autres termes sur la manière dont ceux-ci ont aménagé leurs rapports contractuels et les ont développés jusque-là. Seul peut dès lors se prévaloir de la protection basée sur la confiance le locataire en la personne duquel celle-ci a été éveillée. Partant, la méthode de calcul relative ne peut s'appliquer, en bonne logique, qu'à des modifications ou demandes de modification du loyer unilatérales en cours de bail (
art. 269d et 270a CO
). Le contrôle de l'admissibilité du loyer initial ne peut, en revanche, être effectué qu'à l'aide de la méthode absolue, dans laquelle les critères de calcul déterminants ne sont soumis à aucune limite relative (à ce propos, voir l'
ATF 118 II 130
consid. 3a).
L'
art. 270 al. 1 let. b CO
n'y change rien. En effet, l'
art. 270 al. 1 CO
ne règle que les conditions formelles auxquelles est subordonnée la recevabilité d'une demande de diminution du loyer initial; ce sont les
art. 269 et 269a CO
exclusivement qui fournissent les critères matériels permettant de juger du bien-fondé d'une telle demande (OR-ZIHLMANN, n. 3 ad
art. 270 CO
). Ainsi, le fait qu'un locataire a accepté de payer un loyer sensiblement plus élevé que celui que devait acquitter le précédent locataire n'implique pas à lui seul le caractère abusif du nouveau loyer et ne justifie pas non plus une protection fondée sur la confiance, qui autoriserait le recours à la méthode de calcul relative.