Urteilskopf
121 III 285
58. Arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 7 septembre 1995 dans la cause Etat de Vaud et Confédération Suisse (recours LP)
Regeste
Anwendung des
Art. 92 Ziff. 13 SchKG
auf Leistungen mit Bezug auf die individuelle und an die 3. Säule A gebundene Vorsorge (
Art. 82 BVG
;
Art. 1 und 4 BVV 3
).
Der Anspruch auf Leistungen der 3. Säule A wird ebenfalls von
Art. 92 Ziff. 13 SchKG
erfasst (E. 1).
Die Leistungen der beruflichen Vorsorge sollen die Aufrechterhaltung des früheren Lebensstandards gewährleisten, und sie gehen über die blosse Befriedigung der Grundbedürfnisse hinaus, weshalb die Ansicht nicht verfehlt ist, dass die in
Art. 92 Ziff. 13 SchKG
vorgesehene Unpfändbarkeit keinen notwendigen Bezug mit dem Schutz des Existenzminimums hat (E. 2).
Der Gesetzgeber hat die Leistungen der 1. Säule (AHV/IV) klar als absolut unpfändbar gewollt (
Art. 92 Ziff. 11 SchKG
) und diejenigen der 2. und 3. Säule gemäss
Art. 93 SchKG
als beschränkt pfändbar ab ihrer Fälligkeit (E. 3).
Die Leistungen der 3. Säule A haben die Ergänzung, sogar den Ersatz derjenigen der 2. Säule zum Ziel; ihre Pfändung oder Arrestierung vor ihrer Fälligkeit zuzulassen, würde die Versicherten dazu anspornen, ihre Gelder in die 2. Säule zu überführen (E. 4).
S. est débiteur de plusieurs contributions publiques, d'un montant total de 13'706 fr. 40 plus accessoires légaux, pour lesquelles il a reçu la notification de bordereaux d'impôts. Comme il est parti sans laisser d'adresse, l'Etat de Vaud et la Confédération suisse, représentés par la Recette de l'Etat du district, ont obtenu contre lui une ordonnance de séquestre, portant sur une police de prévoyance professionnelle liée (3e pilier A) contractée auprès de la compagnie d'assurances X.
Informée par l'office des poursuites dudit séquestre et requise de lui dire si la mesure avait porté ou non, cette compagnie d'assurances lui a fait savoir que S. possédait bien chez elle une police d'assurance liée, mais que la prestation prévue n'était actuellement pas saisissable; elle ne le serait qu'en 2014, date d'échéance de la police. L'office a dès lors
BGE 121 III 285 S. 287
délivré à la Recette de l'Etat un procès-verbal de séquestre déclarant celui-ci infructueux.
Par la voie d'une plainte, les poursuivants ont requis l'autorité de surveillance d'ordonner à l'office de faire porter le séquestre sur le fonds de prévoyance du débiteur auprès de la compagnie d'assurances X. Déboutés par l'autorité inférieure de surveillance, ils ont saisi la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, qui a rejeté leur recours.
Saisie à son tour par les poursuivants, la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral a rejeté leur recours.
Considérant en droit:
1.
Aux termes de l'
art. 92 ch. 13 LP
, sont insaisissables les droits à des prestations non encore exigibles à l'égard d'une institution de prévoyance en faveur du personnel.
Le recours porte sur le point de savoir si cette disposition s'applique uniquement aux prestations relevant du 2e pilier ou également à celles du 3e pilier.
a) L'
art. 92 ch. 13 LP
a été inséré dans la LP par la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831.40; art. 90 et annexe ch. 4) et est en vigueur depuis le 1er janvier 1985 (RS 831.401). La LPP elle-même se fonde sur l'
art. 34quater Cst.
, qui a introduit dans la Constitution le principe dit des trois piliers, à savoir: l'assurance fédérale AVS/AI, premier pilier destiné à couvrir les besoins vitaux dans une mesure appropriée (art. 34quater al. 2), la prévoyance professionnelle, deuxième pilier devant permettre aux personnes âgées, aux survivants et aux invalides de maintenir de façon appropriée leur niveau de vie antérieur, compte tenu des prestations de l'assurance fédérale (art. 34quater al. 3), et la prévoyance individuelle, troisième pilier que la Confédération, en collaboration avec les cantons, a été chargée d'encourager, notamment par des mesures fiscales et par une politique facilitant l'accession à la propriété (art. 34quater al. 6; cf. Message du Conseil fédéral du 19 décembre 1975 à l'appui de la LPP, FF 1976 I 117).
b) L'une des idées générales dont s'est inspirée la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité était que la prévoyance devait être maintenue jusqu'à la survenance de l'événement assuré. Aussi le droit aux "prestations fondées sur la LPP" ne devait-il être ni cédé ni mis en gage tant que celles-ci ne seraient pas exigibles (FF 1976 I 218 ad art. 40 et
BGE 121 III 285 S. 288
245 ad art. 91), des exceptions n'étant admises qu'aux fins d'encourager l'accession des assurés à la propriété de leur logement (FF 1976 I 218; cf.
art. 40 LPP
, abrogé et remplacé dès le 1er janvier 1995 par l'art. 30b de la loi fédérale sur l'encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle; RO 1994, p. 2372). En outre, le droit aux "prestations fondées sur la LPP" devait être soustrait à toute exécution forcée; c'est pourquoi l'
art. 92 LP
a dû être complété dans ce sens (FF 1976 I 245 ad art. 91). L'insaisissabilité absolue a été voulue non seulement pour la prévoyance professionnelle obligatoire, mais aussi pour celle se situant "en deçà ou au-delà du régime obligatoire" (
ATF 119 III 18
consid. 3a p. 20; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la LP, FF 1991 III 94).
Il a été admis, en revanche, qu'une fois l'âge de la retraite atteint, le décès ou l'invalidité survenus, les prestations versées pourraient être cédées ou mises en gage, et qu'elles seraient alors relativement saisissables conformément à l'
art. 93 LP
(FF 1976 I 218 ad art. 40; cf.
ATF 120 III 71
).
c) Aux termes de l'
art. 82 al. 2 LPP
, le Conseil fédéral a été chargé de déterminer, avec la collaboration des cantons, quelles "autres formes reconnues de prévoyance assimilées à la prévoyance professionnelle" pourraient être prises en considération, et de décider dans quelle mesure les salariés et les indépendants pourraient également déduire les cotisations affectées exclusivement et irrévocablement à ces formes de prévoyance. Bien que figurant dans les dispositions d'ordre fiscal de la LPP (sixième partie; art. 80 ss), l'
art. 82 LPP
n'avait donc pas pour seul objet le traitement fiscal, mais encore la détermination des "autres formes de prévoyance assimilées à la prévoyance professionnelle".
Le Conseil fédéral s'est exécuté le 13 novembre 1985 en promulguant l'ordonnance sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance (OPP 3; RS 831.461.3), texte subdivisé en deux sections: la première consacrée aux "formes reconnues de prévoyance", la seconde au "traitement fiscal".
Dite ordonnance institue deux formes reconnues de prévoyance au sens de l'
art. 82 LPP
: le contrat de prévoyance liée conclu avec les établissements d'assurances et la convention de prévoyance liée conclue avec les fondations bancaires (
art. 1er al. 1 OPP 3
). Ces deux formes constituent, dans le système des trois piliers de la prévoyance, le 3e pilier A (
ATF 119 Ia 241
consid. 4a p. 244). Par contrats ou conventions de prévoyance liée,
BGE 121 III 285 S. 289
on entend les contrats spéciaux d'assurance de capital et de rentes, respectivement d'épargne, affectés exclusivement et irrévocablement à la prévoyance (
art. 1er al. 2 et 3 OPP 3
). Un tel contrat doit être distingué du compte d'épargne traditionnel, qui ne peut bénéficier du statut particulier du 3e pilier A (
ATF 119 Ia 241
consid. 8b p. 250), ainsi que de la police de prévoyance "libre" (ou 3e pilier B), dont le preneur a la faculté de disposer à sa guise, sous forme de cession, de mise en gage, d'avances sur police ou de rachat (FRANÇOIS GUISAN, Le contrat de prévoyance liée conclu avec des établissements d'assurance, in Prévoyance professionnelle et fiscalité, Cedidac no 7, p. 71).
d) Les prestations garanties aux termes des contrats ou conventions de prévoyance liée (3e pilier A) sont ainsi incontestablement "fondées sur la LPP". Comme celles du 2e pilier, elles ne peuvent être distraites du but de prévoyance assigné par la loi, puisque les fonds versés sont affectés exclusivement et irrévocablement à cette fin (
art. 1er al. 2 et 3 OPP 3
; consid. b ci-dessus). Avant la réalisation des conditions qui lui permettent d'obtenir le paiement des prestations, le preneur perd ainsi toute maîtrise sur l'argent versé, qui est intouchable même en cas de nécessité (GUISAN, op.cit., p. 71). L'interdiction de toute cession et mise en gage des prestations du 3e pilier A avant leur exigibilité est d'ailleurs expressément prévue par l'
art. 4 OPP 3
, qui déclare applicable par analogie la réglementation du 2e pilier sur ce point (
art. 39 LPP
). A l'instar de ce qui a été relevé à propos de cette réglementation (consid. b; FF 1976 I 245 ad art. 91), le droit aux prestations du 3e pilier A doit être soustrait à toute exécution forcée (cf. GUISAN, op.cit., p. 70 n. 33 in fine). Comme tel, ce droit est donc également visé par l'
art. 92 ch. 13 LP
.
e) En vertu de ces principes, sur lesquels l'arrêt attaqué se fonde à bon droit, le Tribunal fédéral ne saurait donc suivre, ainsi que le voudraient les recourants, la solution adoptée par le Tribunal civil et l'Autorité de surveillance du canton de Bâle-Ville, qui ont admis la saisissabilité des avoirs de la prévoyance professionnelle liée du 3e pilier (BlSchK 1993, p. 27 ss et p. 227 ss). Ainsi qu'on vient de le voir, et contrairement à ce que retiennent ces autorités, il résulte bien de l'interprétation de l'
art. 82 LPP
que le législateur a voulu assimiler le 3e pilier au 2e pilier en ce qui concerne l'insaisissabilité des prestations non encore exigibles.
2.
Les recourants font valoir qu'en soustrayant absolument ou relativement à la saisie les biens et droits patrimoniaux énumérés aux art. 92 à 94 LP, la loi a essentiellement en vue de garantir au débiteur obéré le minimum
BGE 121 III 285 S. 290
vital indispensable à sa dignité humaine. Ils trouvent dès lors erroné l'argument de la Cour cantonale selon lequel l'insaisissabilité prévue à l'
art. 92 ch. 13 LP
n'a pas de rapport nécessaire avec la protection du minimum d'existence.
A l'
art. 92 LP
, la raison de l'insaisissabilité absolue repose sur des considérations de protection de la personnalité, en particulier sur le droit du débiteur à une existence décente, pour ce qui concerne les objets mentionnés aux ch. 1 à 5, dont la privation menacerait l'existence physique et économique du débiteur et de sa famille; elle se fonde en revanche sur la nature des objets s'agissant des ch. 6 à 13 (JEAN-CLAUDE MATHEY, La saisie de salaire et de revenu, thèse Lausanne 1988, p. 44/45 ch. 58 et les références). Or, ainsi qu'on l'a déjà relevé, les prestations de la prévoyance professionnelle dont il est question au ch. 13 visent, conformément au mandat constitutionnel (
art. 34quater al. 3 Cst.
), le maintien du niveau de vie antérieur des personnes âgées, des survivants et des invalides. A l'évidence, cet objectif excède la seule satisfaction des besoins de base. La Cour cantonale n'a donc pas erré en l'affirmant.
3.
Les recourants se prévalent du fait que l'art. 92 ch. 11 soustrait à la saisie les rentes selon l'
art. 20 LAVS
(RS 831.10), alors que l'
art. 93 LP
déclare relativement saisissables les pensions de retraite, les rentes servies par des caisses d'assurance ou de retraite, ce qui, à leurs yeux, "démontrerait à l'évidence la distinction voulue par le législateur entre la prévoyance obligatoire et la prévoyance facultative".
L'
art. 20 LAVS
vise à donner à chaque bénéficiaire la garantie que les rentes serviront à son entretien (FF 1946 II 518 ad art. 20). Ces prestations du 1er pilier sont destinées à ne couvrir que les besoins vitaux (
art. 34quater Cst.
), à la différence de celles des 2e et 3e piliers qui tendent au maintien du niveau de vie antérieur. Le législateur a clairement voulu les premières absolument insaisissables et les secondes relativement saisissables dès leur exigibilité seulement (
ATF 120 III 71
consid. 2c p. 73; FF 1976 I 218 ad art. 40 et 245 ad art. 91), que celles-ci relèvent de la prévoyance professionnelle obligatoire ou de celle se situant en deçà ou au-delà du régime obligatoire (
ATF 119 III 18
consid. 3a p. 20; FF 1991 III 94).
Il suit de là que les recourants ne peuvent rien tirer en leur faveur de la comparaison faite entre les
art. 92 et 93 LP
.
4.
L'arrêt attaqué relève avec raison que le 3e pilier A n'a pas seulement pour but de compléter le 2e pilier, mais aussi de le remplacer pour les assurés qui ne sont affiliés à aucune institution de prévoyance, notamment
BGE 121 III 285 S. 291
les indépendants (cf. GUISAN, op.cit., p. 63/64). Or la pratique bâloise déjà mentionnée (consid. 1e ci-dessus) tend à pénaliser ces derniers (cf. OFAS, Bulletin de la prévoyance professionnelle no 21 du 22 avril 1992), ainsi que ceux dont le 2e pilier est insuffisant. La généralisation de cette solution n'aurait d'autre résultat que d'inciter les assurés du 3e pilier A à transférer leurs fonds au 2e pilier, afin d'échapper à la saisie ou au séquestre des prestations avant leur exigibilité.
Les recourants se contentent d'objecter que la solution contraire peut également conduire à des abus, "en incitant le bénéficiaire à retarder le moment où il demandera le versement de la prestation pour échapper à ses créanciers", ce qui serait le cas ici du débiteur qui, bien qu'ayant quitté la Suisse et remplissant les conditions pour obtenir le versement de son 3e pilier A, n'en a pas fait la demande.
Selon la jurisprudence (
ATF 119 III 18
consid. 3b cc p. 21 et les références), une demande de paiement en espèces peut être présentée jusqu'à la naissance du droit à la prestation de vieillesse et, aussi longtemps qu'une telle demande n'est pas présentée, la prestation reste affectée au but de prévoyance. En cas de départ définitif à l'étranger, le silence de l'assuré doit en principe être interprété comme un acquiescement au blocage de la prestation à des fins de prévoyance (ibid.). On ne voit pas en quoi il serait abusif de se conformer à ces règles.
L'objection des recourants est donc dépourvue de fondement sérieux.