BGE 121 IV 207 vom 13. Juli 1995

Datum: 13. Juli 1995

Artikelreferenzen:  Art. 8 LET, Art. 18 CP, Art. 19 CP, Art. 32 CP, Art. 33 CP, Art. 34 CP, Art. 125 CP , Art. 270 Abs. 1 BStP, Art. 125 Abs. 2 StGB, Art. 2 Abs. 1 und Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG, art. 8 al. 1 let, art. 125 al. 1 CP, art. 32 CP, art. 33 CP, art. 268 ch. 1 PPF, art. 272 al. 1 et 2 PPF, art. 273 al. 1 PPF, art. 125 CP, art. 18 al. 3 CP, art. 34 CP, art. 277 PPF, art. 19 CP

BGE referenzen:  100 IV 210, 100 IV 279, 101 IV 67, 101 IV 149, 103 IV 289, 108 IV 3, 111 IV 113, 114 IV 173, 115 IV 100, 115 IV 162, 115 IV 189, 115 IV 199, 116 IV 306, 117 IV 130, 118 IV 130, 119 IV 339, 120 IV 38, 120 IV 44, 122 IV 17, 122 IV 61, 122 IV 133, 122 IV 145, 123 IV 184, 124 IV 262, 125 IV 153, 126 III 14, 126 III 113, 128 III 22, 128 III 174, 133 IV 158, 134 IV 255 , 120 IV 44, 118 IV 130, 115 IV 162, 116 IV 306, 117 IV 130, 115 IV 100, 115 IV 199, 111 IV 113, 120 IV 38, 119 IV 339, 114 IV 173, 115 IV 189, 108 IV 3, 100 IV 210, 103 IV 289, 101 IV 149, 101 IV 67, 100 IV 279, 117 IV 130, 115 IV 100, 115 IV 199, 111 IV 113, 120 IV 38, 119 IV 339, 114 IV 173, 115 IV 189, 108 IV 3, 100 IV 210, 103 IV 289, 101 IV 149, 101 IV 67, 100 IV 279

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

121 IV 207


34. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 13 juillet 1995 dans la cause R.F. contre B. et Ministère public du canton du Jura (pourvoi en nullité)

Regeste

Art. 2 Abs. 1 und Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG ; Art. 270 Abs. 1 BStP ; Legitimation des Opfers zur eidgenössischen Nichtigkeitsbeschwerde.
Umstände unter denen es nicht notwendig ist, dass das Opfer im Strafverfahren Zivilforderungen aus strafbarer Handlung geltend gemacht hat (E. 1a).
Art. 125 Abs. 2 StGB ; schwere fahrlässige Körperverletzung.
Schwere fahrlässige Körperverletzung, durch einen Polizeibeamten verursacht, der seine Pistole mit gespanntem Hahn in eine halb geöffnete Autotüre hält (E. 2b).

Sachverhalt ab Seite 208

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A.- Le 24 août 1993 vers 02h50, les agents S. et M., de la police de X., ont entrepris de poursuivre une voiture qui s'était soustraite à leur contrôle. Appelant la permanence de D., ils ont requis l'aide de la police jurassienne, en indiquant que, par son comportement sur la route (vitesse excessive, queues de poisson lors de tentatives de dépassement, manoeuvres diverses pour empêcher les dépassements de la police), le conducteur donnait à penser qu'il était dangereux, prêt à tout et que les précautions d'usage devaient être prises.
Les agents A. et B. se sont alors rendus à un carrefour, à l'entrée de D., pour intercepter le véhicule. Alors que les agents lui faisaient signe de s'arrêter avec leur torche, le conducteur de la voiture suspecte a accéléré, obligeant les deux policiers à sauter de côté pour éviter d'être happés par l'automobile. L'agent B. a sorti son arme et tiré un coup de semonce en l'air; l'automobiliste l'a entendu, mais ne s'est pas arrêté. Après le passage de la voiture des agents bernois, les deux policiers jurassiens ont sauté dans leur véhicule et ont engagé la poursuite en suivant leurs collègues. A la hauteur du village de Y., les policiers bernois ont réussi à dépasser la voiture poursuivie, qui a pu être stoppée.
Descendant de leur véhicule de service, les agents A., l'arme à la main, et M. se sont approchés du véhicule intercepté et en ont sorti de force le conducteur, P., qui refusait de s'exécuter. Constatant qu'il n'avait à faire qu'à un automobiliste pris de boisson, A. rengaina son pistolet.
Pendant ce temps, l'agent S. est resté au volant de la voiture de police, moteur en marche, prêt à continuer la poursuite au cas où l'automobiliste reprendrait la fuite.
Parallèlement à ces faits, l'agent B. est intervenu du côté du passager, tenant dans sa main son arme de service dont il avait relevé le chien, de sorte qu'il suffisait d'une pression de 1 à 1,2 kg pour que le coup parte. Il a ordonné au passager de sortir. La porte s'est alors ouverte et il a vu sortir une femme, R., qui lui disait: "s'il te plaît, c'est pas ma faute, c'est pas moi qui conduis". L'agent s'est approché de telle sorte que le pistolet se trouvait dans l'entrebâillement de la porte. A cet instant, les faits n'ont pas pu être établis avec certitude et il a été retenu la version la plus favorable à l'agent accusé, à savoir que le conducteur P.,
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qui était encore dans la voiture, a tiré vers lui R.; comme celle-ci tenait la portière lorsqu'elle fut tirée à l'intérieur du véhicule, la porte a heurté la main du policier et un coup de feu est parti involontairement, blessant grièvement la passagère.
Atteinte par la balle, R. a subi une fracture ouverte du bras droit, qui a nécessité deux interventions chirurgicales et plusieurs mois d'hospitalisation; elle doit s'attendre à une parésie du bras droit et présente de grandes cicatrices; son incapacité de travail a été estimée à 8 ou 9 mois, mais risque d'être définitive.

B.- Par jugement du 30 mars 1994, le Président I du Tribunal du district de Delémont a libéré B. de la prévention de lésions corporelles graves par négligence, considérant que son comportement n'était pas disproportionné par rapport aux circonstances. Il lui a alloué des dépens et une indemnité pour tort moral de 500 fr.
Statuant sur appel de la plaignante R., la Cour pénale du Tribunal cantonal a considéré que le policier avait violé fautivement les devoirs de la prudence et adopté un comportement disproportionné en maintenant son arme prête au tir, alors même qu'il avait constaté que la passagère "obtempérait docilement à ses ordres et ne se montrait en rien menaçante, ni son compagnon du reste". Elle a jugé cependant que le rapport de causalité adéquate avait été rompu par le comportement extraordinaire et imprévisible du conducteur P., qui avait tiré à lui la passagère; il a été relevé que le policier ne pouvait s'y attendre "puisqu'il a été établi, lors de la reconstitution, que, de l'endroit où il se trouvait, il ne pouvait pas voir le conducteur ni l'évolution de l'intervention de ses collègues". Partant, la cour cantonale a confirmé le jugement de première instance.

C.- Contre cet arrêt, R. a formé un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Soutenant que la cour cantonale a violé le droit fédéral en admettant une rupture du rapport de causalité adéquate, elle conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée et à ce que l'accusé B. soit reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence; elle sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
L'accusé conclut au rejet du pourvoi avec suite de frais et dépens.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. a) La recourante a été directement touchée dans son intégrité corporelle par l'infraction qu'elle invoque, de sorte qu'elle a la qualité
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de victime au sens de l' art. 2 al. 1 LAVI (RS 312.5). Elle peut donc, aux conditions de l' art. 8 al. 1 let . c LAVI, exercer les mêmes droits de recours que l'accusé, soit notamment le droit de se pourvoir en nullité ( art. 270 al. 1 PPF ; ATF 120 IV 44 consid. 2a et b).
Il n'est pas douteux qu'elle était déjà partie à la procédure auparavant, puisqu'elle a provoqué, par son appel, la décision attaquée ( ATF 120 IV 38 consid. 2b, ATF 119 IV 339 consid. 1d/bb). La décision querellée, qui dénie l'existence d'un rapport de causalité adéquate, est de nature à influencer le jugement des prétentions civiles qu'elle peut déduire de l'infraction invoquée (art. 41 al. 1, 46, 47 et 52 CO).
La jurisprudence exige que la victime ait pris des conclusions civiles sur le fond dans le cadre de la procédure pénale ( ATF 120 IV 44 consid. 4b p. 53 ss, 90 consid. 1a/aa, 94 consid. 1a/aa, 154 consid. 3a/aa), ce que la recourante n'a pas fait. Cette exigence n'est cependant pas absolue. D'une part, une solution transitoire a été admise pour permettre aux personnes habilitées à recourir sous l'ancien droit (plaignants et accusateurs privés) de se pourvoir en nullité pour autant qu'une action civile découlant de l'acte illicite soit concevable et que l'arrêt attaqué ait des effets sur son jugement ( ATF 120 IV 44 consid. 9, 90 consid. 1a/dd, 94 consid. 1a/dd et b p. 96 s.). La recourante ne peut sur ce point se prévaloir de la solution transitoire, puisque les lésions corporelles graves par négligence sont poursuivies d'office ( art. 125 al. 2 CP ). D'autre part, l'obligation d'avoir pris des conclusions civiles ne vaut que dans la mesure où, selon les circonstances du cas d'espèce, ce comportement peut être raisonnablement exigé. Tel n'est pas le cas lorsque l'existence du dommage n'est pas encore établie pendant le procès ou que le dommage ne peut être chiffré ( ATF 120 IV 44 consid. 4b p. 54 s.). Il ressort de l'arrêt cantonal que la situation de la victime est encore évolutive et qu'il n'est actuellement pas possible de statuer définitivement sur son incapacité de travail; on peut donc admettre qu'elle n'était pas encore en mesure de chiffrer de manière sérieuse sa prétention.
Les conditions posées par l' art. 8 al. 1 let . c LAVI étant ainsi remplies, la recourante a qualité pour se pourvoir en nullité de la même manière qu'un accusé pourrait le faire sur la base de l' art. 270 al. 1 PPF .
Dirigé contre un jugement pénal rendu en dernière instance cantonale ( art. 268 ch. 1 PPF ), le pourvoi, qui a été annoncé et motivé en temps utile ( art. 272 al. 1 et 2 PPF ), dans les formes requises ( art. 273 al. 1 PPF ), est en principe recevable.
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b) (autres questions de recevabilité)

2. a) La recourante soutient qu'en admettant une rupture du rapport de causalité adéquate, la cour cantonale a violé l' art. 125 CP .
Selon l' art. 125 al. 1 CP , "celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni de l'emprisonnement ou de l'amende". L' art. 125 al. 2 CP prévoit que si la lésion est grave - tel que cela est admis en l'espèce - l'auteur sera poursuivi d'office. L' art. 18 al. 3 CP donne une définition de la négligence: "celui-là commet un crime ou un délit par négligence, qui, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur de l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle".
Pour qu'il y ait lésions corporelles par négligence, il faut tout d'abord que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (cf. ATF 116 IV 306 consid. 1a et les références citées). Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents ( ATF 118 IV 130 consid. 3a, ATF 116 IV 306 consid. 1a, ATF 114 IV 173 consid. 2a). A défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues ( ATF 118 IV 130 consid. 3a, ATF 115 IV 189 consid. 3b p. 192 s.). La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (Stratenwerth, Allgemeiner Teil I, Berne 1982, p. 406 no 24; Donatsch, Sorgfaltsbemessung und Erfolg beim Fahrlässigkeitsdelikt, Zurich 1987, p. 296 ss). Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment des faits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui et qu'il a simultanément dépassé les limites du risque admissible ( ATF 118 IV 130 consid. 3). Une omission ne peut lui être reprochée que dans la mesure où il avait un devoir juridique d'agir découlant d'une position de garant (cf. ATF 115 IV 199 consid. 2b et c, ATF 108 IV 3 consid. 1b, ATF 100 IV 210 consid. 2a et b). S'il y a eu violation des devoirs de la prudence, il faut encore que celle-ci puisse être imputée à faute, c'est-à-dire que l'on puisse
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reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, d'avoir fait preuve d'un manque d'effort blâmable (STRATENWERTH, op.cit., p. 397 no 1).
Même si l'auteur a violé, d'un point de vue objectif, les devoirs de la prudence en adoptant un comportement dangereux, on doit encore se demander si son attitude n'est pas justifiée par un devoir légal, de fonction ou de profession ( art. 32 CP ), par la légitime défense ( art. 33 CP ) ou par l'état de nécessité ( art. 34 CP ). En ce qui concerne plus particulièrement le devoir de fonction, c'est le droit cantonal ou communal qui détermine, pour les agents publics cantonaux ou communaux, s'il existe un devoir de fonction et quelle en est l'étendue; déterminer si un tel devoir constitue un fait justificatif dépend de l' art. 32 CP , de sorte que l'ensemble de la question relève du droit fédéral ( ATF 115 IV 162 consid. 2a p. 165, ATF 111 IV 113 consid. 4); indépendamment des dispositions particulières, l'acte de l'agent public ne peut être justifié par le devoir de fonction que s'il respecte le principe de la proportionnalité ( ATF 111 IV 113 consid. 2 p. 116). Par ailleurs, un policier peut invoquer, comme tout autre citoyen, le droit à la légitime défense, qui est régi exclusivement par le droit fédéral, à savoir l' art. 33 CP ( ATF 115 IV 162 consid. 2a p. 164 s.).
Pour qu'il y ait lésions corporelles par négligence, il ne suffit pas de constater la violation fautive d'un devoir de prudence d'une part et la survenance des lésions corporelles d'autre part, il faut encore qu'il existe un rapport de causalité entre cette violation et les lésions subies ( art. 125 al. 1 CP ).
Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non ( ATF 116 IV 306 consid. 2a, ATF 115 IV 199 consid. 5b et les références citées). La constatation du rapport de causalité naturelle relève du fait, ce qui la soustrait au contrôle de la Cour de cassation (ATF ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 133 s., ATF 115 IV 100 consid. 2a, ATF 103 IV 289 consid. 1 p. 291). Il y a toutefois violation du droit fédéral si l'autorité cantonale méconnaît le concept même de la causalité naturelle ( ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 134, ATF 101 IV 149 consid. 2b).
Si la causalité naturelle est retenue, il faut encore se demander si le rapport de causalité peut être qualifié d'adéquat, c'est-à-dire si le comportement était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit ( ATF 118 IV 130 consid. 3c, ATF 115 IV 100 consid. 2b, 241 consid. 3,
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ATF 101 IV 67 consid. 2b et les arrêts cités). Il s'agit là d'une question de droit que la Cour de cassation revoit librement ( ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 134). La causalité adéquate peut cependant être exclue, l'enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire, que l'on ne pouvait pas s'y attendre; l'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur ( ATF 115 IV 100 consid. 2b, ATF 100 IV 279 consid. 3d p. 284 et les arrêts cités).
b) Il convient maintenant d'analyser le cas d'espèce en fonction des principes qui viennent d'être rappelés.
Il est reproché à l'accusé une action, soit d'avoir dirigé un pistolet chargé, le chien tiré, vers la victime, à courte distance de celle-ci, alors qu'il suffisait d'une pression d'un kilo ou 1,2 kg sur la gâchette pour que le coup parte. Indépendamment de toute règle de sécurité, un tel comportement viole objectivement les devoirs de la prudence et excède les limites du risque admissible. L'accusé étant un policier expérimenté, formé à l'usage des armes à feu, le caractère dangereux de son comportement ne pouvait lui échapper.
Il faut donc se demander si ce comportement, en principe illicite, est justifié par le devoir de fonction, voire l'état de légitime défense putatif.
En se soustrayant à un contrôle, en prenant la fuite bien que poursuivi par une voiture de police, puis en forçant le passage et en continuant sa route malgré un coup de semonce, le conducteur de la voiture avait adopté un comportement suspect, qui donnait à penser qu'il avait commis un crime ou un délit grave (en réalité, il y avait délit d'ivresse au volant), ce qui rendait nécessaire de l'interpeller et de contrôler son identité. Comme l'automobiliste n'avait pas hésité à foncer sur les policiers, qui ont dû s'écarter vivement, pour forcer le passage, il avait montré qu'il faisait peu de cas de leur sécurité. De ce point de vue, le cas d'espèce se distingue de celui jugé à l' ATF 115 IV 162 ss.
En pareilles circonstances, les policiers étaient fondés à craindre que le conducteur, immobilisé contre sa volonté, s'empare d'une arme et ouvre le
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feu sur eux pour poursuivre sa fuite, en profitant du fait qu'ils s'étaient éloignés de leur véhicule. Pour procéder à l'interpellation exigée par leur devoir de fonction, les policiers étaient légitimés, sous l'angle de la proportionnalité, à s'approcher de la voiture l'arme à la main, aussi bien à des fins dissuasives que pour être en mesure de se défendre immédiatement et efficacement dans l'hypothèse sérieusement envisageable où l'on ouvrait le feu sur eux.
L'autorité cantonale, se référant à juste titre au droit cantonal et communal, a observé qu'aucune disposition ne régissait dans quelles circonstances le chien de l'arme pouvait être tiré. Comme les policiers étaient fondés à se croire en danger de mort imminent, le conducteur n'ayant pas hésité peu auparavant à foncer sur eux avec son automobile, on ne voit pas qu'il était disproportionné de tenir l'arme d'une manière telle qu'elle permette de faire feu le plus rapidement possible.
La cour cantonale a cependant reproché à l'accusé de ne pas avoir mis un terme au danger causé par son arme lorsqu'il a constaté que le passager était une femme, que celle-ci se montrait docile et s'excusait. Il est évident que le danger causé par le policier devient disproportionné dès le moment où il n'apparaît plus nécessaire. Il ne suffit cependant pas que le policier ait constaté que la passagère ne présentait pas un danger pour lui, il faut encore se demander s'il était toujours fondé à penser que le conducteur était susceptible à tout moment de faire feu sur lui. Il faut ici rappeler que c'est le conducteur qui s'était montré dangereux et avait manifesté la volonté ferme d'échapper au contrôle de la police; on pouvait parfaitement imaginer que sa passagère n'était pas d'accord avec lui, voire même qu'elle se trouvait dans la voiture contre son gré; le fait que la passagère se montre docile n'était donc pas à lui seul de nature à rassurer le policier et à faire disparaître le danger qu'il était fondé à redouter.
Sur ce point, l'arrêt cantonal est insatisfaisant. A la page 11, il est observé que "la plaignante obtempérait docilement à ses ordres et ne se montrait en rien menaçante, ni son compagnon du reste". On ne sait ce qui permettait au policier de déduire que le conducteur ne se montrait en rien menaçant. A la page 13, on peut lire qu'il "a été établi, lors de la reconstitution, que, de l'endroit où il se trouvait, il ne pouvait pas voir le conducteur ni l'évolution de l'intervention de ses collègues". On ne voit donc pas comment l'accusé aurait pu savoir que le conducteur était un homme pris de boisson, qu'il n'était pas armé et ne se montrait pas menaçant. Comme il a été admis que le conducteur avait ensuite tiré la victime à l'intérieur de la voiture, il faut en déduire qu'il s'y trouvait
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encore et qu'il n'avait donc pas été déjà neutralisé par les autres policiers et contraint à sortir du véhicule. Les constatations cantonales sont insuffisantes sur cette question pour contrôler la bonne application du droit fédéral ( art. 277 PPF ). La question ne doit cependant être approfondie que si l'acquittement n'est pas justifié pour une autre raison.
c) L'accusé ayant tenu son pistolet, le chien tiré, dans l'entrebâillement de la porte, sa main fut heurtée lorsque la porte se referma et le coup partit, atteignant la victime, qui fut grièvement blessée. Sur la base d'un tel état de fait - qui lie la Cour de cassation -, l'autorité cantonale n'a pas ignoré ou mal interprété l'exigence d'une causalité naturelle entre le comportement dangereux du policier et les lésions subies par la victime.
Diriger un pistolet chargé, le chien tiré, à courte distance sur une personne, est assurément de nature, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner au moindre incident le départ du coup et, en conséquence, des lésions qui peuvent être mortelles ou graves. Sous l'angle de la causalité, la seule question qui se pose réellement ici est de savoir s'il y a eu rupture du rapport de causalité adéquate, c'est-à-dire si le comportement du conducteur, qui a tiré la passagère à l'intérieur du véhicule, était à ce point extravagant et insensé qu'il relègue à l'arrière-plan le rôle causal joué par le comportement du policier qui tenait son arme à la main.
Lorsqu'une personne tient un pistolet chargé, le chien tiré, dans l'entrebâillement d'une portière de voiture tenue par celui ou celle qu'elle vise, le risque que la portière se referme sur sa main et que le coup parte inopinément est à ce point évident que l'on ne saurait parler d'une rupture du rapport de causalité adéquate si ce risque se réalise. La question n'est pas de savoir si l'accusé a imaginé par avance, dans le détail, ce qui s'est passé en réalité. Il suffit de constater que la situation était telle qu'elle suggère immédiatement plusieurs hypothèses conduisant au choc entre la main et la portière, faisant partir le coup. On peut imaginer tout d'abord, comme dans le cas de l' ATF 115 IV 162 ss, que le conducteur démarre brusquement, pour continuer sa fuite en profitant du fait que les policiers avaient mis pied à terre et que la main du policier soit heurtée dans la porte entrebâillée. Il était aussi concevable que la passagère, effrayée à la vue de l'arme, referme instinctivement la porte pour se soustraire à cette menace. On pouvait tout aussi bien s'attendre à ce que le conducteur ne soit pas d'accord avec la reddition de sa passagère, qu'il la tire brusquement à l'intérieur du véhicule pour
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redémarrer à toute vitesse. On ne peut donc pas dire que ce qui s'est produit ait un caractère absolument extraordinaire et imprévisible. Le comportement du policier, qui braquait son pistolet, le chien tiré, sur la passagère, créait un risque tellement évident de départ inopiné du coup de feu que l'on ne saurait dire que son rôle causal est rejeté à l'arrière-plan par la réaction du conducteur. Les circonstances de fait retenues - qui lient la Cour de cassation - ne font pas apparaître une rupture du rapport de causalité adéquate, de sorte que l'arrêt attaqué, sur ce point, viole cette notion de droit fédéral. Le pourvoi doit donc être admis.
Il n'en découle pas que l'accusé doive nécessairement être condamné pour lésions corporelles graves par négligence. L'accusé, qui n'a pas pu se pourvoir en nullité faute d'intérêt pour agir, conserve le droit d'invoquer la licéité de son acte. Il appartiendra à l'autorité cantonale de se pencher sur la question laissée ouverte ci-dessus, le cas échéant en faisant notamment application de l' art. 19 CP relatif à l'erreur sur les faits.

3. (suite de frais)

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