Urteilskopf
121 V 277
43. Arrêt du 22 décembre 1995 dans la cause Caisse de pensions A. SA contre C. et Tribunal administratif, Genève
Regeste
Art. 10 Abs. 3 BVG
,
Art. 331a Abs. 2 OR
,
Art. 337d OR
: Ende des Versicherungsverhältnisses in der beruflichen Vorsorge.
Wenn der Arbeitnehmer nach einer Ferienperiode die Arbeit nicht wieder aufnimmt, ohne dem Arbeitgeber während mehrerer Monate ein Lebenszeichen zu geben, liegt der Tatbestand des Verlassens der Arbeitsstelle nach
Art. 337d OR
vor.
In einem solchen Fall endet das Versicherungsverhältnis der beruflichen Vorsorge.
A.-
C., né en 1940, a été engagé dès le 28 février 1980 comme chef d'équipe au service de l'entreprise A. SA. A ce titre, il était affilié à la Caisse de pensions de l'entreprise A. SA (CAPRA).
Le 1er août 1987, il est parti en vacances pour une durée prévue de trois semaines. Après ses vacances, il ne s'est toutefois pas présenté à son travail.
Par lettre recommandée du 18 septembre 1987, expédiée à l'adresse supposée du travailleur en Calabre, l'employeur, qui était sans nouvelles de ce
BGE 121 V 277 S. 278
dernier, l'a invité à "prendre contact dans les meilleurs délais" afin de communiquer les motifs de son absence.
N'ayant pas reçu de réponse, l'employeur a écrit à l'Office des habitants en Calabre, le 13 novembre 1987, afin de connaître la nouvelle adresse éventuelle de C. ou de savoir ce qui avait pu lui arriver. Ledit office lui a répondu que l'intéressé n'était pas connu de ses services.
Le 31 janvier 1988, A. SA a écrit à C., à son adresse en Suisse, une lettre recommandée ainsi rédigée:
"Sans nouvelle de votre part depuis vos vacances, à savoir depuis le 1er
août 1987, et nonobstant notre courrier du 18 septembre 1987, resté sans
réponse, nous vous informons que nous considérons que vous ne faites plus
partie de notre personnel."
B.-
Au mois d'avril 1988, C. s'est présenté chez A. SA afin de reprendre son activité, mais, selon ses allégués, on lui aurait dit de "repasser dans quelques jours". A fin avril 1988, l'employeur lui aurait confirmé verbalement qu'il ne faisait plus partie du personnel de l'entreprise.
Dès le 20 mai 1988, C. a été totalement et durablement incapable de travailler en raison d'une douleur à l'épaule. Le 27 mai 1988, il a écrit à A. SA qu'il n'avait pas été licencié et que, au demeurant, "il est interdit de licencier une personne pendant un arrêt pour cause de maladie".
Le 30 mai 1988, il s'est rendu à nouveau chez A. SA, qui lui a remis une copie de la lettre précitée du 31 janvier 1988. C. en approuva le contenu en apposant sa signature sous les termes "bon pour accord".
C.-
Par décision du 21 août 1990, la Caisse de compensation de la Société suisse des entrepreneurs a accordé à C. une rente entière d'invalidité, assortie d'une rente complémentaire pour son épouse et d'une rente pour enfant, à partir du 1er mai 1989.
D.-
Le 6 septembre 1993, C. a assigné la CAPRA en paiement d'une rente d'invalidité à partir du 28 août 1990. Il faisait valoir que, dès le mois de mai 1987, il avait ressenti des douleurs dorsales et que, pour cette raison, il avait demandé à son employeur que ses vacances, en été 1987, fussent prolongées, ce qui lui avait été accordé. Il a contesté avoir reçu la lettre de l'employeur du 31 janvier 1988. Par conséquent, les rapports de travail avaient pris fin, selon lui, le 30 mai 1988 seulement. A cette époque, il était déjà incapable de travailler, de sorte qu'il avait droit à une pension d'invalidité de la caisse défenderesse.
La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Selon elle, l'assuré avait abandonné son emploi abruptement et sans juste motif à fin août 1987. Il n'était donc plus assuré lorsqu'est survenue l'incapacité de gain à l'origine de son invalidité.
Par jugement du 11 avril 1995, le Tribunal administratif du canton de Genève a condamné la défenderesse à verser au demandeur une "rente d'invalidité totale" dès le 1er mai 1989. Il a considéré, tout d'abord, qu'il n'était pas établi que l'assuré eût reçu la lettre de l'employeur du 31 janvier 1988. Il fallait, par conséquent, admettre que le licenciement n'avait été valablement signifié au travailleur qu'à la date du 30 mai 1988, bien que celui-ci fût à l'époque malade. Ainsi donc, au moment de la survenance de l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité (20 mai 1988), les rapports de travail n'avaient pas encore été interrompus et l'intéressé était toujours affilié à la CAPRA. Il avait droit à une rente à partir du 1er mai 1989, soit à partir du moment où l'assurance-invalidité lui avait reconnu le droit à une rente entière.
E.-
La CAPRA interjette un recours de droit administratif en concluant principalement à l'annulation du jugement cantonal.
Subsidiairement, elle conclut à la réforme de ce jugement dans la mesure où le droit à la rente ne doit être reconnu qu'à partir du 28 août 1990 au plus tôt, conformément aux conclusions prises par l'assuré en procédure cantonale.
C. conclut au rejet du recours.
De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales estime que le jugement cantonal n'est pas critiquable au regard de la LPP, pour autant que l'on admette que les rapports de travail aient pris fin le 30 mai 1988.
Considérant en droit:
2.
a) Selon l'
art. 23 LPP
, ont droit à des prestations d'invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 50 pour cent au moins au sens de l'AI et qui étaient assurées lorsqu'est survenue l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité.
b) Selon l'
art. 10 al. 2 LPP
, l'obligation d'être assuré cesse, entre autres éventualités, en cas de dissolution des rapports de travail. L'
art. 8 al. 3 LPP
est réservé. Selon cette disposition (première phrase), si le salaire diminue temporairement par suite de maladie, d'accident, de chômage ou d'autres circonstances semblables, le salaire coordonné est maintenu au
BGE 121 V 277 S. 280
moins pour la durée de l'obligation légale de l'employeur de verser le salaire selon l'
art. 324a CO
. En matière de prévoyance plus étendue, la dissolution des rapports de travail est également un motif qui met fin à l'assurance (
ATF 120 V 20
consid. 2a).
Le moment de la dissolution des rapports de travail est celui où, juridiquement, les rapports de travail ont pris fin, conformément aux règles des
art. 334 ss CO
, c'est-à-dire en principe à l'expiration du délai légal ou contractuel de congé (BRÜHWILER, Die betriebliche Personalvorsorge in der Schweiz, p. 507, note 72; voir aussi MEYER-BLASER, Résiliation abusive du contrat de travail, nouvelles règles du Code des obligations en la matière et incidences de ces dernières dans le domaine de l'assurance sociale, en particulier sur le maintien de la couverture d'assurance et le droit aux prestations, Colloque de l'IRAL 1994, p. 179 sv.). Peu importe la date à laquelle le travailleur, effectivement, a quitté l'entreprise (
ATF 115 V 34
consid. 5 in fine et les références).
c) Toutefois, pendant 30 jours après la dissolution des rapports de travail, le salarié demeure assuré auprès de l'ancienne institution de prévoyance pour les risques de décès et d'invalidité (
art. 10 al. 3 LPP
, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994). Le problème de l'absence d'une couverture d'assurance peut donc se poser à l'expiration de ce délai, si l'assuré ne prend pas un nouvel emploi. Dans ce cas, il a la possibilité, s'il a été assujetti pendant six mois au moins à l'assurance obligatoire, de maintenir son assurance à titre facultatif, conformément à l'
art. 47 LPP
; il peut aussi conclure une police de libre passage ou ouvrir un compte de libre passage complété par une assurance-décès ou invalidité (BEROS, Die Stellung des Arbeitnehmers im BVG [Obligatorium und freiwillige berufliche Vorsorge], thèse Zurich 1993, p. 16, note 93; MAURER, Bundessozialversicherungsrecht, p. 203; BRÜHWILER, op.cit., p. 508, note 144 en bas de page).
Dans le domaine de la prévoyance plus étendue, la couverture des risques de décès et d'invalidité prenait fin, sous l'empire du droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994 (et sauf disposition contraire des statuts ou du règlement), en même temps que les rapports de travail (BEROS, op.cit., p. 30). A cet égard, il n'existait pas de concordance entre la prévoyance obligatoire (délai de 30 jours) et la prévoyance plus étendue (Message concernant le projet de loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, FF 1992 III 601). Il est à relever que le nouveau droit consacre une solution
BGE 121 V 277 S. 281
uniforme pour les deux types de prévoyance, le code des obligations ayant repris la solution de l'
art. 10 al. 3 LPP
, qui a subi lui-même une légère modification (
art. 10 al. 3 LPP
et
art. 331a al. 2 et 3 CO
, dans leur version en vigueur depuis le 1er janvier 1995; SCHNEIDER, La loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle et son ordonnance; Journée 1994 de droit du travail et de la sécurité sociale, vol. 9 p. 73 sv.).
3.
Il faut, en l'espèce, déterminer à titre préjudiciel à quel moment les rapports de travail ont pris fin.
Les premiers juges admettent que l'employeur avait un juste motif de résiliation du contrat de travail en raison de l'attitude de l'intimé, qui n'a pas repris le travail après ses vacances. Mais ils constatent que la caisse de pensions n'a pas été en mesure d'établir que l'assuré a reçu, à son adresse en Suisse, la "lettre de licenciement" du 31 janvier 1988. Le congé n'a pu, dès lors, être valablement notifié au salarié que le 30 mai 1988, date à laquelle il a pu prendre connaissance de cette lettre. Vu l'existence d'un juste motif de résiliation, le congé a pris effet immédiatement, soit à cette même date, nonobstant la maladie du travailleur.
La recourante conteste cette manière de voir. Elle soutient que le travailleur, en quittant abruptement son emploi à la fin du mois d'août 1987, a lui-même résilié son contrat de travail. Selon elle, le cas aurait dû être examiné à la lumière de l'
art. 337d CO
et non de l'
art. 337 CO
.
a) Il y a abandon d'emploi selon l'
art. 337d CO
lorsque le travailleur quitte son poste abruptement sans justes motifs. L'application de cette disposition présuppose un refus conscient, intentionnel et définitif du travailleur d'entrer en service ou de poursuivre l'exécution du travail confié. Dans ce cas, le contrat de travail prend fin immédiatement, mais l'employeur a droit, aux conditions fixées par l'
art. 337d CO
, à une indemnité et, le cas échéant, à la réparation du dommage supplémentaire (
ATF 112 II 49
consid. 2; REHBINDER, Commentaire bernois, note 1 ad
art. 337d CO
; BRÜHWILER, Die fristlose Auflösung des Arbeitsverhältnisses, Voraussetzungen und Folgen, in RSJ 81 [1985] p. 76).
Il est parfois difficile de distinguer entre l'abandon d'emploi au sens de cette disposition et l'hypothèse où l'employeur invoque un juste motif de résiliation en raison de la demeure du travailleur (BRUNNER/BÜHLER/WAEBER, Commentaire du contrat de travail, note 1 ad art. 337d). Lorsque l'absence
BGE 121 V 277 S. 282
injustifiée du travailleur est de courte durée (p.ex. une absence de quelques jours après la fin des vacances), il n'y a pas, de la part du travailleur, rupture des rapports de travail, mais un manquement qui peut, au besoin après avertissement - soit une mise en demeure de reprendre le travail ou, le cas échéant, de présenter un certificat médical, - justifier une résiliation immédiate des rapports de travail par l'employeur (
ATF 108 II 301
; AUBERT, Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, no 190 ss et no 288; JAR 1991 p. 263 sv.). A l'inverse, une absence de plusieurs mois doit être considérée comme un refus intentionnel et définitif de poursuivre les rapports de travail, même si, après coup, le travailleur offre subitement et inopinément de reprendre le travail. Dans ce cas, la durée de l'absence suffit en soi pour admettre que le salarié a démontré sa volonté d'abandonner son emploi.
b) En l'espèce, l'intimé n'a pas repris le travail après une période de vacances de trois semaines. L'allégation selon laquelle l'employeur l'aurait autorisé à prolonger ses vacances apparaît dénuée de tout fondement si l'on considère les démarches de l'employeur en vue de s'enquérir des motifs de l'absence de l'intimé. Ce n'est qu'après huit mois environ que l'intimé s'est présenté à nouveau au travail. Jusque-là, il n'avait donné aucun signe de vie à son employeur. Même si l'on admet qu'il n'a pas reçu à son domicile la lettre du 31 janvier 1988, il y a lieu de constater qu'il n'a en tout cas pas donné suite à une correspondance précédente du 18 septembre 1987, par laquelle l'employeur l'invitait à donner de ses nouvelles.
Dans de telles circonstances, on doit considérer qu'il y a eu abandon injustifié d'emploi au sens de l'
art. 337d CO
. Du point de vue de l'employeur également, il était clair que l'intimé avait renoncé à poursuivre les rapports de travail et qu'il n'offrirait pas de les reprendre. L'employeur n'avait pas à se soucier de résilier les rapports de travail, ce qu'il n'a au demeurant pas fait, contrairement à l'opinion des premiers juges. En effet, dans sa lettre du 31 janvier 1988, il s'est contenté d'informer l'intimé qu'il considérait qu'il n'était plus à son service, ce qui, en fait, revenait à prendre acte de la rupture unilatérale du contrat par le travailleur. Il est d'autre part constant qu'aucun nouveau contrat de travail n'a été conclu entre les parties lorsque l'assuré s'est présenté au travail en avril 1988.
4.
Il suit de là que le moment de la cessation juridique des rapports de travail doit être fixé à la fin du mois d'août 1987 au plus tard. Même si l'on tient compte du délai de prolongation de l'assurance de trente jours
BGE 121 V 277 S. 283
selon l'
art. 10 al. 3 LPP
, l'on ne peut que constater que l'intimé n'était plus assuré au moment où a débuté son incapacité de travail. Partant, il ne peut prétendre une rente d'invalidité de la caisse recourante.