Urteilskopf
121 V 382
56. Arrêt du 27 septembre 1995 dans la cause F. contre Office cantonal du travail, Fribourg, et Tribunal administratif du canton de Fribourg
Regeste
Art. 65 AVIG
: Einarbeitungszuschüsse "für Selbständigerwerbende".
Beim gegenwärtigen Stand der Gesetzgebung fehlt es an einer Rechtsgrundlage für die Zusprechung solcher Zuschüsse durch die Arbeitslosenversicherung.
Nichtigkeit einer Verfügung, mit welcher Zuschüsse solcher Art einer Versicherten im Rahmen eines vom BIGA durchgeführten "Pilotversuchs" ausgerichtet wurden.
A.-
F. a perdu son emploi pour des motifs économiques; elle a perçu des indemnités journalières de l'assurance-chômage à partir du 1er février 1993. L'assurée a tenté d'exercer une activité lucrative indépendante en qualité de conseillère en diététique; le revenu qu'elle en a tiré, du 1er avril au 30 octobre 1993, a été considéré comme un gain intermédiaire, selon une décision de l'Office du travail du canton de Fribourg (l'office du travail) du 28 octobre 1993, entrée en force.
Au cours du mois de novembre 1993, l'office du travail a informé F. qu'elle n'avait plus droit à des indemnités de chômage, eu égard à sa qualité de personne de condition indépendante; en conséquence, seules des allocations d'initiation au travail pourraient désormais lui être accordées à l'exclusion de toute autre indemnité, pour une période de six mois. L'assurée s'est inclinée devant ce point de vue et elle a dès lors bénéficié d'allocations d'initiation au travail "pour indépendants" durant la période s'étendant du 1er novembre 1993 au 30 avril 1994, selon une décision - entrée en force - du 19 novembre 1993. Ces indemnités représentaient 60% du salaire pendant les deux premiers mois (novembre et décembre 1993), puis 40% (janvier et février 1994) et finalement 20% (mars et avril 1994).
Par décision du 5 août 1994, l'office du travail a nié le droit de l'assurée à des indemnités journalières postérieurement au 30 avril 1994, attendu qu'elle avait bénéficié d'allocations d'initiation au travail "pour indépendants" jusqu'à cette date.
B.-
F. a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, en demandant son annulation. Elle a notamment conclu à ce que son aptitude au placement soit reconnue et que des indemnités de chômage lui soient versées, en tenant compte des gains intermédiaires réalisés et sous déduction des allocations d'initiation au travail "pour indépendants" dont elle avait bénéficié précédemment.
Par jugement du 23 mars 1995, la Cour cantonale a rejeté le pourvoi.
C.-
F. interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle demande l'annulation, avec suite de dépens. Elle conclut - à titre principal - à la reconnaissance de son aptitude au placement à partir du 1er novembre 1993 et jusqu'à la fin du délai-cadre, ainsi qu'à l'allocation d'indemnités de chômage pour cette période, sous déduction des gains intermédiaires et des allocations d'initiation au travail déjà perçues.
L'office du travail intimé conclut au rejet du recours. S'agissant de la légalité des allocations d'initiation au travail "pour indépendants", contestée par les premiers juges et par la recourante, l'administration se réfère à une lettre de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail (OFIAMT) du 5 mai 1995. L'OFIAMT ne s'est pas déterminé sur le recours.
Les moyens des parties seront exposés ci-après en tant que de besoin.
Considérant en droit:
1.
a) Sous le titre "Instruction en vue d'un nouveau travail. Droit aux allocations", l'
art. 65 LACI
dispose que de telles allocations peuvent être versées aux assurés dont le placement est difficile, qui sont mis au courant dans une entreprise et reçoivent, de ce fait, un salaire réduit lorsque:
a. Ils remplissent la condition fixée à l'
art. 60 al. 1 let. b LACI
(relative à la période de cotisation pendant le délai-cadre);
b. Le salaire réduit durant la mise au courant correspond au moins au travail fourni et
c. Qu'au terme de cette période, l'assuré peut escompter un engagement aux conditions usuelles dans la branche et la région, compte tenu, le cas échéant, d'une capacité de travail durablement restreinte.
Selon l'
art. 66 LACI
, les allocations d'initiation au travail couvrent la différence entre le salaire effectif et le salaire normal que l'assuré peut prétendre au terme de sa mise au courant, compte tenu de sa capacité de travail, mais tout au plus 60 pour cent du salaire normal (al. 1). Pendant le délai-cadre, elles sont versées pour six mois au plus, dans des cas exceptionnels, notamment pour des chômeurs âgés, pour douze mois au plus (al. 2).
S'agissant de l'interprétation des dispositions légales précitées, il convient de renvoyer à la jurisprudence (
ATF 112 V 248
; arrêt non publié R. du 9 mars 1995), aux travaux préparatoires (Message du Conseil fédéral, FF 1980 III 622) et à la doctrine (GERHARDS, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz, vol. II et III, ad art. 65-67; CATTANEO, Les mesures préventives et de réadaptation de l'assurance-chômage, pp. 467 et ss).
b) Selon les indications qui figurent dans une lettre adressée le 5 mai 1995 par l'OFIAMT au Département cantonal fribourgeois de l'industrie, du commerce et de l'artisanat, produite par l'intimé à l'appui de ses conclusions, l'octroi d'allocations d'initiation au travail aux chômeurs désirant devenir indépendants serait une mesure expérimentale ayant "un caractère pilote" et s'inscrivant dans le cadre de la révision de la LACI qui prévoit une mesure autonome analogue. L'office fédéral manifeste l'intention de poursuivre cette expérience jusqu'au moment où la nouvelle loi entrera en vigueur, c'est-à-dire très vraisemblablement le 1er janvier 1996.
2.
Tout en considérant les allocations "pour indépendants" versées à la recourante comme illégales, les premiers juges ont estimé que la décision du 19 novembre 1993 par laquelle l'office du travail les avait accordées ne
BGE 121 V 382 S. 385
pouvait être annulée, sous peine de porter gravement atteinte aux intérêts de l'assurée. D'après les juges cantonaux, le versement des allocations ne fait pas obstacle à l'octroi subséquent d'indemnités journalières, pour autant qu'un délai-cadre soit toujours ouvert en faveur de l'assurée et que cette dernière remplisse les conditions posées par l'
art. 8 LACI
. Ils ont enfin considéré que la recourante avait accepté le versement de ces allocations en pleine connaissance de cause, du moment qu'elle n'avait pas attaqué la décision du 19 novembre 1993, laquelle précisait du reste quels montants lui seraient versés.
Les juges cantonaux ont ensuite examiné la question de l'aptitude au placement de la recourante à partir du 1er mai 1994, après avoir rappelé que cette question n'était pas litigieuse, s'agissant de la période s'étendant jusqu'au 30 octobre 1993. Sur ce point, ils ont considéré que l'assurée n'avait pas entrepris toutes les démarches que l'on pouvait raisonnablement attendre d'elle pour réduire son chômage et qu'elle avait persisté à croire au succès de son entreprise. Aussi ont-ils nié son aptitude au placement, malgré le contrôle régulier de son chômage auquel elle s'est soumise.
Finalement, la Cour cantonale s'est demandé si la recourante était apte au placement pendant les six mois au cours desquels elle a perçu des allocations d'initiation au travail et si le revenu qu'elle a tiré de son activité lucrative indépendante pouvait être qualifié de gain intermédiaire au sens de l'
art. 24 LACI
. Les juges cantonaux ont répondu négativement à ces deux questions, considérant, en bref, que le cumul d'allocations d'initiation au travail avec un gain intermédiaire n'était pas possible, en raison de la différence fondamentale qui existe entre les objectifs visés par ces deux instruments de l'assurance-chômage.
3.
a) Selon l'opinion concordante des premiers juges et de la recourante, de lege lata l'allocation d'initiation au travail au sens de l'
art. 65 LACI
ne peut être servie qu'à un travailleur salarié, ce qui est parfaitement exact. En conséquence, l'octroi par l'assurance-chômage de telles prestations à un assuré dans le but de favoriser l'exercice d'une activité lucrative indépendante n'a pas de fondement légal, ainsi que la Cour de céans l'a déjà jugé à propos de pratiques cantonales similaires (DTA 1993/1994 no 15 p. 114 consid. 4c et les références, confirmé ultérieurement dans plusieurs arrêts non publiés).
Il est à peine besoin d'ajouter que toute instruction contraire émanant de l'OFIAMT - fût-ce dans le cadre d'une "expérience" ayant un "caractère
BGE 121 V 382 S. 386
pilote" - est illégale et ne lie pas l'autorité judiciaire (
ATF 120 V 86
consid. 4b). Certes, cette pratique anticipe l'une des innovations introduites dans la LACI par la novelle du 23 juin 1995 (FF 1994 I 363-364 ad art. 71a à 71d, 1995 III 531), mais en l'état actuel du droit elle ne fait que compliquer la situation des prétendus "bénéficiaires" de cette mesure, comme le démontre le cas d'espèce.
Dans ces conditions, il y a lieu de constater d'office la nullité de la décision d'octroi d'allocations "pour indépendants" du 19 novembre 1993.
b) Il convient en conséquence d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause à la Cour cantonale afin qu'elle se prononce à nouveau sur le droit de la recourante aux prestations de l'assurance-chômage, en rétablissant la situation de droit qui aurait dû être la sienne si l'administration avait correctement appliqué la loi et ne lui avait donc pas versé des allocations d'initiation au travail "pour indépendants" auxquelles elle n'avait pas droit. Les sommes touchées par la recourante à ce titre seront imputées sur le montant des prestations auxquelles elle peut prétendre.
La recourante, qui a été manifestement induite en erreur par l'administration, doit bénéficier de la protection de sa bonne foi (
ATF 119 V 307
consid. 3a et les références). Dès lors, il convient d'admettre son aptitude au placement (
art. 15 al. 1 LACI
) durant la période au cours de laquelle elle a touché les allocations "pour indépendants" (de novembre 1993 à avril 1994).
En revanche, il n'y a pas lieu, à ce stade, de se prononcer sur les autres conclusions du recours, en particulier d'examiner la question de l'aptitude au placement de la recourante à partir du 1er mai 1994, ni les autres conditions du droit de celle-ci à des indemnités journalières pour cette période.