Urteilskopf
122 II 17
3. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 10 janvier 1996 dans les causes Jeanneret et consorts contre Etat de Genève et Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (demandes de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral)
Regeste
Revision eines bundesgerichtlichen Entscheides; materielle Enteignung und Lärmzonen eines Flughafens;
Art. 136 lit. d OG
,
Art. 42 ff. LFG
.
Revision eines bundesgerichtlichen Entscheides im Falle, dass gewisse in den Akten liegende erhebliche Tatsachen nicht berücksichtigt worden sind; Tragweite des
Art. 136 lit. d OG
(Zusammenfassung der Rechtsprechung; E. 3).
Lärmzonenplan des Flughafens Genf und materielle Enteignung; die Einschränkungen des eidgenössischen Luftfahrtrechtes betreffend die Lärmzone B begründen keine materielle Enteignung (E. 7).
Entre 1989 et 1993, la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement (ci-après: la Commission fédérale) a rendu des décisions dans dix procédures d'expropriation ouvertes à la requête de propriétaires de fonds voisins de l'aéroport de Genève. Ces propriétaires demandaient que l'Etat de Genève soit condamné à leur payer des indemnités pour expropriation formelle - en raison des immissions de bruit causées par l'exploitation de l'aéroport (expropriation des droits de voisinage; art. 5 de la loi fédérale sur l'expropriation [LEx; RS 711],
art. 684 CC
) - et, dans certains cas, pour expropriation matérielle - à la suite de l'inclusion de leurs parcelles dans le périmètre du plan des zones de bruit de l'aéroport, entré en vigueur le 2 septembre 1987 (cf. art. 42 de la loi fédérale sur l'aviation [LA; RS 748.0]; art. 40 ss de l'ordonnance sur
BGE 122 II 17 S. 18
l'infrastructure aéronautique [OSIA; RO 1994 p. 3050]). Ces dix décisions ont fait l'objet de recours de droit administratif. Le Tribunal fédéral, après avoir joint ces procédures, a rendu le 12 juillet 1995 un arrêt qui a mis fin à une des causes (cause Jeanneret) et qui, pour le reste, a résolu certaines questions de principe et ordonné la poursuite de l'instruction (notamment dans les causes T. & consorts et consorts F. - cet arrêt a été publié aux
ATF 121 II 317
ss).
Dans les trois causes précitées (Jeanneret, T. & consorts, consorts F.), le Tribunal fédéral a en particulier constaté, après avoir procédé à un examen préjudiciel du plan des zones de bruit sur la base de nouvelles données (calculs du Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherches [EMPA]), que l'indice d'exposition au bruit NNI pour les fonds des expropriés était supérieur à 45 NNI et inférieur à 55 NNI; la réglementation de la zone de bruit C était dès lors déterminante, et non plus celle de la zone de bruit B, dans laquelle ces fonds étaient classés en vertu du plan de 1987. Les propriétaires concernés ont présenté trois demandes de révision de l'arrêt rendu le 12 juillet 1995, en faisant valoir que les résultats de mesures de bruit effectuées par les services de l'aéroport, publiés dans des rapports périodiques, auraient dû être pris en considération, dès lors qu'ils démontraient que leurs fonds étaient exposés à une charge sonore supérieure; invoquant le motif tiré de l'
art. 136 let
. d OJ, les requérants ont conclu à l'octroi d'indemnités pour expropriation matérielle. Le Tribunal fédéral a rejeté ces demandes.
Extrait des considérants:
3.
Aux termes de l'
art. 136 let
. d OJ, la demande de révision d'un arrêt du Tribunal fédéral est recevable lorsque, par inadvertance, le tribunal n'a pas apprécié des faits importants qui ressortent du dossier. Le verbe "apprécier", utilisé dans le texte français, est ambigu (de même, dans le texte italien, le verbe "apprezzare"); le terme allemand - "berücksichtigen", prendre en considération - rend mieux le sens de la loi (
ATF 96 I 279
consid. 3; cf. JEAN-FRANÇOIS POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, Berne 1992, n. 5 ad
art. 136 OJ
). L'inadvertance, au sens de cette disposition, suppose que le juge ait omis de prendre en considération une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'ait mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte; elle se distingue de la fausse appréciation soit des preuves administrées devant le Tribunal fédéral, soit de la portée juridique des faits établis.
BGE 122 II 17 S. 19
L'inadvertance doit se rapporter au contenu même du fait, à sa perception par le tribunal, mais non pas à son appréciation juridique; elle consiste soit à méconnaître, soit à déformer un fait ou une pièce (
ATF 115 II 399
,
ATF 96 I 279
consid. 3; arrêt non publié du 25 mars 1992 reproduit in SJ 1992 p. 400, consid. 2a; Poudret, op.cit., ch. 5.4 ad
art. 136 OJ
; ROLANDO FORNI, Svista manifesta, fatti nuovi e prove nuove nella procedura di revisione, in Festschrift Max Guldener, Zurich 1973, p. 91 ss). La révision n'entre donc pas en considération lorsque c'est sciemment que le juge a refusé de tenir compte d'un certain fait, parce qu'il le tenait pour non décisif, car un tel refus relève du droit (
ATF 96 I 279
consid. 3; FORNI, op.cit., p. 94/95, avec des références à des arrêts non publiés).
Enfin, le motif de révision de l'
art. 136 let
. d OJ ne peut être invoqué que si les faits qui n'ont pas été pris en considération sont "importants" (dans le texte allemand: "erhebliche Tatsachen"): il doit s'agir de faits pertinents, susceptibles d'entraîner une décision différente de celle qui a été prise et plus favorable au requérant (
ATF 115 II 399
,
ATF 101 Ib 220
consid. 1,
ATF 96 I 279
consid. 3 in fine; POUDRET, op.cit., n. 5.3. ad
art. 136 OJ
; WILHELM BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, Zurich 1950, p. 503).
4.- à 6.-: Pas d'inadvertance au sens de l'
art. 136 let
. d OJ en l'espèce. Les données de fait invoquées par les requérants n'ont pas été ignorées par le Tribunal fédéral, mais elles ont été considérées comme non décisives.)
7.
Dans l'hypothèse où les faits invoqués par les requérants auraient dû amener le Tribunal fédéral à considérer que la délimitation de la zone de bruit B du plan de 1987 était toujours valable, encore eût-il fallu, pour admettre les demandes de révision, que ce régime juridique leur fût plus favorable.
a) L'application, aux terrains des requérants, des règles de la zone de bruit C - qui n'interdisent en définitive que les nouveaux bâtiments d'habitation ou écoles non insonorisés, ainsi que les hôpitaux et les homes - est en principe moins restrictive que l'application des règles de la zone de bruit B, dans laquelle les nouveaux bâtiments d'habitation, même insonorisés, ne peuvent être autorisés (
art. 42 OSIA
; cf.
ATF 121 II 317
consid. 12b et 13 p. 345 ss).
b) Les requérants font néanmoins valoir que, concrètement, il est impossible que leurs biens-fonds soient utilisés ou aliénés en vue de la construction de logements. Aussi l'allocation d'une indemnité pour expropriation matérielle, en raison des restrictions frappant les terrains
BGE 122 II 17 S. 20
de la zone de bruit B, leur serait-elle en définitive plus favorable qu'un jugement constatant que les normes régissant la zone de bruit C sont applicables.
Dans l'arrêt dont la révision est demandée, le Tribunal fédéral a laissé expressément indécise la question de savoir si le classement dans une zone de bruit A ou B pouvait être constitutif d'expropriation matérielle. Il se justifie, dans le présent arrêt, de répondre partiellement à cette question, pour ce qui concerne uniquement le classement dans la zone de bruit B de terrains voisins de l'aéroport de Genève, ouvert au trafic aérien longtemps avant l'adoption du plan litigieux.
Le plan des zones de bruit, entré en vigueur en septembre 1987, se borne à constater qu'en raison des nuisances préexistantes, provoquées par l'exploitation de l'aéroport, les terrains pour lesquels l'indice d'exposition au bruit est supérieur à 55 NNI (selon les critères des art. 1er ss de l'ordonnance du 23 novembre 1973 concernant les zones de bruit des aéroports de Bâle-Mulhouse, Genève-Cointrin et Zurich; RS 748.134.2) sont totalement impropres à la construction de maisons d'habitation. Il s'agit d'une simple constatation d'une situation objective et les conséquences juridiques qui en découlent trouvent leur justification dans la nécessité de protéger la santé publique. Lorsqu'une restriction à la possibilité de bâtir est fondée sur de tels motifs, ou plus généralement sur les dangers auxquels seraient exposés les habitants si la construction était autorisée - il est indifférent que les risques soient d'origine naturelle, tels les dangers d'avalanches, ou qu'ils proviennent de l'exploitation d'une installation par des tiers -, les conditions à l'octroi d'une indemnité d'expropriation matérielle ne sont en principe pas réunies (cf.
ATF 120 Ib 76
consid. 5a,
ATF 114 Ia 245
consid. 5; arrêt non publié du 30 mai 1979 reproduit in ZBl 81/1980 p. 354 consid. 6). Si l'expropriation matérielle est exclue, la possibilité d'une expropriation formelle des droits de voisinage demeure néanmoins réservée, le cas échéant, aux conditions posées par la jurisprudence (cf.
ATF 116 Ib 11
consid. 2). Cette question a déjà été résolue dans la cause Jeanneret; en revanche, dans les causes T. & consorts et consorts F., le Tribunal fédéral a précisément ordonné des mesures d'instruction complémentaires sur ce point.
Dès lors, si le Tribunal fédéral n'avait pas procédé à un examen préjudiciel du plan des zones de bruit de l'aéroport, le résultat n'aurait pas été plus favorable, pour les requérants, que celui qui découle de l'arrêt rendu le 12 juillet 1995. Pour ce motif également, les demandes sont mal fondées.