Urteilskopf
124 II 507
47. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 15 septembre 1998 dans la cause P.S. et J.S. contre Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud (recours de droit administratif)
Regeste
Art. 2 Abs. 2 OHG
,
Art. 11 Abs. 3 OHG
und
Art. 16 Abs. 1 OHG
; Gerichtsstand für Entschädigungsforderungen nach
Art. 11 Abs. 3 OHG
; Kostenlosigkeit des Verfahrens.
Im Fall einer im Ausland verübten Straftat muss die nahestehende Person des Opfers nach
Art. 2 Abs. 2 OHG
eine Entschädigung oder eine Genugtuung im Sinne von
Art. 11 Abs. 3 OHG
am Wohnsitz des direkten Opfers geltend machen (E. 2).
Die in
Art. 16 Abs. 1 OHG
vorgesehene Kostenlosigkeit des Verfahrens verbietet, dem Opfer im Fall der Abweisung seiner Forderungen Prozesskosten und -entschädigungen aufzuerlegen (E. 3).
Par demande du 13 juin 1997 déposée devant le tribunal civil du district de Nyon, P.S. et son frère J.S., tous deux domiciliés dans le canton de Vaud, ont conclu au versement par l'Etat de Vaud, à chacun d'entre eux, de 50'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral. Ils exposaient que leur mère, alors domiciliée à Genève, et leur frère, domicilié en Haïti, tous deux de nationalité suisse, avaient été agressés et tués en Haïti le 3 avril 1996, par un inconnu; l'enquête menée dans ce pays n'avait pas abouti, et aucune réparation morale n'y avait été accordée; l'enquête ouverte à Genève était rendue difficile par le manque de coopération des autorités haïtiennes.
Par jugement du 14 octobre 1997, le Tribunal civil du district de Nyon a décliné sa compétence. Selon l'art. 11 al. 3 de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI, RS 312.5), le for était au domicile de la victime directe de l'infraction, en l'espèce Genève. Une indemnité de dépens de 620 fr. en faveur de l'Etat de Vaud, défendeur, a été mise à la charge des frères S.
Par arrêt du 19 février 1998, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé ce jugement.
Agissant par la voie d'un recours de droit administratif, P.S. et J.S. demandent au Tribunal fédéral d'annuler le jugement du Tribunal civil du district de Nyon et l'arrêt cantonal.
Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours.
Extrait des considérants:
2.
b) Comme le relèvent les recourants, les opinions doctrinales citées par la cour cantonale ne sont guère fondées sur une motivation détaillée. Pour GOMM/STEIN/ZEHNTNER (Kommentar zum Opferhilfegesetz, Berne 1995, no 14 ad art. 11, p. 173), l'
art. 11 al. 3 LAVI
tient compte de la nationalité et du domicile de la victime - soit la personne blessée ou tuée -, et non des ayants droit (victimes indirectes). THOMAS KOLLER (Das Opferhilfegesetz: Auswirkungen auf das Strassenverkehrsrecht, AJP 5/1996 p. 578-595, 582) estime lui aussi qu'en cas d'accident automobile, c'est le domicile et la nationalité de la victime décédée qui sont déterminants au sens de l'
art. 11 LAVI
.
Même si elles ne reposent pas sur une motivation spécifique, ces opinions doivent être approuvées. En effet, il y a lieu de retenir que l'assimilation faite à l'
art. 2 al. 2 let
. c LAVI entre victimes directes et indirectes ne vise que la possibilité, toute générale, d'obtenir une
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indemnité ou une réparation morale. Pour ce qui est plus précisément de l'autorité compétente pour octroyer ces prestations, le législateur a manifestement voulu éviter une multiplication des fors disponibles. Ainsi, lorsque l'infraction a été commise en Suisse (ou lorsque son résultat s'est produit en Suisse,
art. 6 al. 5 OAVI
[RS 312.51]), la victime directe elle-même n'a pas le privilège de pouvoir agir à son domicile: l'autorité compétente est celle du lieu de commission de l'infraction, tel qu'il se détermine selon l'
art. 346 CP
. La compétence est ainsi réglée de la même manière en ce qui concerne l'indemnisation qu'en matière de poursuite pénale. "Par conséquent, une seule autorité traitera les demandes de toutes les victimes d'une même infraction [...]" (FF 1990 II p. 938). Cette réglementation procède d'un souci évident d'unifier autant que possible les diverses procédures découlant de l'infraction, et d'éviter la création de fors différents, avec les risques de décisions contradictoires qui y seraient liés.
Cette préoccupation doit aussi prévaloir dans le cas d'une infraction commise à l'étranger dont le résultat s'est produit à l'étranger: faute d'un rattachement fondé sur le lieu de commission - ou de résultat - de l'infraction, le législateur a désigné l'autorité du lieu de domicile de la victime. Il ne saurait logiquement s'agir, dans l'optique d'un for unique, que du domicile de la victime directe. Cette solution pose certes problème lorsque plusieurs victimes directes, ayant en Suisse des domiciles différents, ont les mêmes ayants droit. Ce cas (qui n'est pas celui des recourants, puisque leur frère, également victime de l'agression en Haïti, n'avait pas son domicile en Suisse au moment des faits), n'est toutefois pas le plus fréquent; dans les autres cas (une victime directe et plusieurs ayants droit), la multiplication des fors, selon la solution préconisée par les recourants, compromettrait le principe d'une procédure d'indemnisation que le législateur a voulu simple et rapide. Il y a donc lieu de s'en tenir au principe d'un for unique pour chaque victime directe. Les recourants critiquent également le fait qu'un étranger domicilié à l'étranger pourrait obtenir en Suisse une indemnité pour l'homicide d'un proche commis dans ce dernier pays, alors qu'un Suisse domicilié en Suisse ne pourrait pas obtenir dans son canton de domicile une telle indemnité lorsque la victime directe, de nationalité suisse, était domiciliée à l'étranger. Cette solution a cependant été voulue par le législateur (FF 1990 II p. 937-938); elle ne découle d'ailleurs pas de la réglementation relative aux fors, mais des "conditions de lieu et de nationalité dont dépend l'octroi d'une prestation financière" (ibid.).
En l'espèce, il y a d'autant moins de raison de douter de la conformité de la décision attaquée avec le droit fédéral qu'une procédure pénale a été ouverte à Genève: les recourants pourront donc y faire valoir l'ensemble des prétentions découlant de la LAVI, soit non seulement le droit à l'indemnisation, mais aussi, le cas échéant, leur droit d'intervenir dans la procédure pénale et d'obtenir, comme ils le souhaitaient, la production du dossier de cette procédure.
Le recours doit par conséquent être rejeté, et l'arrêt attaqué confirmé sur ce point.
3.
Sur un autre point cependant, la solution confirmée par la cour cantonale consacre une violation du droit fédéral. Même si les recourants ne s'en plaignent pas expressément, il y a lieu pour le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit administratif, d'intervenir d'office.
Dans son jugement du 14 octobre 1997, le Tribunal civil du district de Nyon a certes laissé les frais à la charge de l'Etat de Vaud. Il a toutefois condamné les recourants au paiement de 620 fr. de dépens en faveur du canton défendeur. Le Tribunal fédéral s'est déjà interrogé sur la compatibilité avec le droit fédéral du système vaudois, qui oblige la victime à agir par la voie d'un procès dirigé contre l'Etat (
ATF 123 II 425
consid. 4a p. 429). Ce système ne saurait en tout cas avoir pour conséquence d'exposer la victime au paiement de frais ou dépens en cas de rejet de ses prétentions, sous réserve de procédures engagées à la légère ou de manière abusive. Peu importe à cet égard que ce rejet se fonde sur des considérations d'ordre matériel ou, comme en l'espèce, sur des questions de compétence (arrêt non publié du 30 janvier 1997 dans la cause S. consid. 3; GOMM/STEIN/ZEHNTNER, op.cit., p. 241). Sur ce point, le jugement du Tribunal du district de Nyon, tel qu'il est confirmé par la cour cantonale, viole l'
art. 16 al. 1 LAVI
, qui impose la gratuité de la procédure.