Urteilskopf
126 III 278
47. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 9 mars 2000 dans la cause X. contre Y. Assurances Générales (recours en réforme)
Regeste
Art. 46 Abs. 1 VVG
; Beginn der Verjährung der Ansprüche des Versicherten bei Diebstahl.
Bei der Diebstahlversicherung beginnt die Verjährung gemäss
Art. 46 Abs. 1 VVG
ab dem Schadenereignis und nicht ab dessen Kenntnis zu laufen.
Le 15 décembre 1978, X. a conclu avec Y. Assurances Générales un contrat d'assurance portant sur des tapis dont il était propriétaire et qui étaient entreposés au Port-Franc de Genève. Aux termes de ce contrat, l'assureur répondait notamment de la perte et du dommage résultant du feu ou du vol par effraction. Les conditions générales annexées au contrat excluaient l'application de l'art. 46 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1) et prévoyaient que les droits contre l'assureur s'éteindraient si on ne les faisait pas valoir en justice dans les deux ans dès la survenance du sinistre.
Le 8 octobre 1993, la police a procédé à un constat de vol des tapis en question, vol vraisemblablement commis entre le 15 juin 1992 et le 8 octobre 1993. Le sinistre a été annoncé le 12 octobre 1993 à l'assureur, mais ce dernier a refusé d'entrer en matière sur la demande
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d'indemnisation de son assuré, motif pris que le dommage ne résultait pas d'un vol avec effraction et que les tapis n'étaient plus entreposés dans un local hermétiquement fermé.
Par assignation déposée le 5 octobre 1995 devant le Tribunal de première instance de Genève, X. a réclamé à l'assureur l'indemnisation de son dommage. L'assureur s'y est opposé en faisant valoir principalement que l'action était périmée. Le tribunal ayant néanmoins fait droit à la demande d'indemnisation, l'assureur a fait appel auprès de la Cour de justice du canton de Genève qui, par arrêt du 18 juin 1999, a annulé le jugement de première instance et débouté X. de toutes ses conclusions au motif que son action était périmée.
Saisi d'un recours en réforme de l'assuré, le Tribunal fédéral l'a rejeté dans la mesure où il était recevable et a confirmé l'arrêt attaqué.
Extrait des considérants:
7.
Le recourant soutient enfin que la cour de justice a violé l'
art. 46 al. 1 LCA
en retenant comme début du délai le jour de la survenance du sinistre. Selon lui, le délai légal en cause ne commence à courir qu'au moment où l'assuré a ou devait avoir connaissance du vol.
a) Le Tribunal fédéral ne s'est jamais prononcé sur le dies a quo de la prescription des prétentions de l'assuré dans l'assurance vol. Il n'a donc jamais déterminé si le "fait d'où naît l'obligation" de l'assureur de fournir la prestation promise est la seule survenance du vol ou s'il faut en plus, comme le soutient le recourant, que l'assuré ait connaissance du cas de sinistre.
Dans certains domaines, le Tribunal fédéral a retenu que la prescription de l'
art. 46 al. 1 LCA
ne commençait pas à courir dès la survenance du sinistre, mais ultérieurement. Ainsi, dans l'assurance responsabilité civile, le "fait d'où naît l'obligation" n'est pas l'événement dommageable, mais la condamnation définitive et exécutoire de l'assuré à verser une indemnité au lésé, ce afin que les prétentions contre l'assureur ne se prescrivent pas pendant la durée du procès entre l'assuré et le lésé (
ATF 61 II 197
). Dans l'assurance accidents, la prescription relative aux prestations dues en cas de décès ne commence à courir qu'à partir du décès de l'assuré (
ATF 100 II 42
consid. 2) et la prescription des prestations dues en cas d'invalidité ne débute que dès la survenance de celle-ci (
ATF 118 II 447
consid. 2b p. 454 s.). Dans ces deux arrêts, la cour a précisé que si le "fait d'où naît l'obligation" était l'accident et que le décès, respectivement
BGE 126 III 278 S. 280
l'invalidité, survînt plus de deux ans après celui-ci, l'action serait prescrite avant d'être née, ce qui serait inadmissible. En matière d'assurance de protection juridique, en revanche, le "fait d'où naît l'obligation" est la réalisation du risque, qui correspond à l'apparition du besoin d'assistance, ce point de départ de la prescription n'exposant pas l'assuré aux inconvénients relevés dans les arrêts cités ci-dessus (ATF
ATF 119 II 468
consid. 2c p. 470). Il en va de même dans l'assurance incendie: le délai de prescription de l'
art. 46 al. 1 LCA
commence à courir avec la survenance de l'incendie (
ATF 75 II 227
consid. 2).
Dans l'ensemble, cette jurisprudence montre que le "fait d'où naît l'obligation" ne se confond pas avec la survenance du sinistre lorsque cet événement ne donne pas à lui seul droit à la prestation de l'assureur, celle-ci n'étant due que si le sinistre engendre un autre fait précis, à savoir: dans l'assurance accident, le décès ou l'invalidité; dans l'assurance responsabilité civile, la détermination de la dette de l'assuré envers le lésé. Tel n'est pas le cas en matière d'assurance vol: l'obligation de l'assureur naît au moment de la survenance du sinistre, le vol. La jurisprudence ne permet pas de conclure que, dans cette assurance, la prescription ne commencerait à courir que dès le moment où l'assuré a connaissance du cas de sinistre.
b) On admet en doctrine que le début de la prescription prévue par l'
art. 46 al. 1 LCA
ne dépend pas de la connaissance du "fait d'où naît l'obligation", soit du sinistre, par l'ayant droit (HANS ROELLI, Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, vol. 1, 1914, n. 3b ad art. 46; MAX KELLER/KARL TÄNNLER, Kommentar zum schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, Vol. I, p. 668 s.). SPIRO défend ce point de vue en matière d'assurance contre les dommages (KARL SPIRO, Zur Verjährung des Ersatzanspruchs aus Schadensversicherung, in: Mélanges Pierre Engel, Lausanne 1989, p. 371 ss., spéc. 374 s.; cf. aussi ALFRED MAURER, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3e éd., p. 292, qui ne prend pas position). SUTER soutient, en matière d'assurance vol, l'avis de ROELLI, KELLER et SPIRO (HANS RUDOLF SUTER, Allgemeine Bedingungen der Diebstahl-Versicherung, Berne 1978, p. 203 s.).
Il y a toutefois des avis divergents. Ainsi THALMANN, s'il préconise, en matière d'assurance contre le vol avec effraction, que la prescription commence à courir le jour de l'effraction, qui peut être facilement constatée en général, estime déterminante, en cas de doute, la date à laquelle l'effraction a été découverte; de même en matière
BGE 126 III 278 S. 281
de vol simple, le dies a quo est le jour du vol et, en cas de doute, la date de la découverte de celui-ci (ERNST A. THALMANN, Die Verjährung im Privatversicherungsrecht, thèse Zurich 1940, p. 160). Selon PÉTERMANN, le "fait d'où naît l'obligation" ne peut être considéré comme réalisé avant que l'ayant droit n'ait connu ou tout au moins dû connaître non seulement le sinistre, mais encore ses effets, soit l'étendue approximative du dommage qui en est résulté (P. PÉTERMANN, La prescription des actions, in: RSA 1959/60, p. 299, 353, 395, spéc. p. 305 ss., 353, 396). Concernant l'assurance choses, MEUWLY estime que la prescription biennale de l'
art. 46 al. 1 LCA
commence à courir au moment où l'assuré a effectivement connaissance ou aurait pu ou dû avoir connaissance de sa qualité d'ayant droit, de l'existence du sinistre particulier ainsi que de l'importance - même sommaire - de son dommage (JEAN BENOÎT MEUWLY, La durée de la couverture d'assurance privée, Fribourg 1994, p. 344, 440).
Ces derniers auteurs, comme le recourant, interprètent la notion de "fait d'où naît l'obligation" de manière à éviter que le droit au dédommagement de l'assuré envers l'assureur puisse se prescrire avant que le vol n'ait été découvert ou connu de l'assuré. On relève toutefois, d'une part, qu'une telle interprétation est contraire à la volonté du législateur selon laquelle le délai de prescription ne devait commencer à courir ni avec l'échéance de la prestation de l'assureur selon l'
art. 41 LCA
, ni avec l'échéance selon les principes du CO, ni avec la connaissance des faits décisifs pour la naissance de la prétention, mais à un moment plus précis (cf.
ATF 118 II 447
consid. 2b p. 455 et les références;
ATF 68 II 106
); d'autre part, l'interprétation traditionnelle, selon laquelle la prescription commence à courir dès la survenance du sinistre, n'empêche pas l'assuré diligent d'éviter que sa créance se prescrive avant qu'il en ait connaissance. Il suffit en effet qu'il contrôle ou fasse contrôler régulièrement l'état des biens assurés, ce qui lui permet de constater un éventuel vol avant que son droit à l'indemnité découlant du contrat d'assurance vol ne soit prescrit ou périmé. Ainsi, il y a lieu de retenir qu'il incombe à l'assuré ou à l'ayant droit de vérifier régulièrement l'état des objets assurés afin de découvrir un éventuel vol. S'il néglige cette incombance, il s'expose à la prescription ou péremption de ses droits découlant du contrat d'assurance.
En conclusion, il y a lieu de retenir que la prescription de l'
art. 46 al. 1 LCA
en matière d'assurance vol commence à courir dès la survenance du sinistre.
BGE 126 III 278 S. 282
c) En l'espèce, la clause de péremption stipulée prévoit que les droits contre l'assureur s'éteignent si on ne les fait pas valoir en justice dans les deux ans qui suivent la survenance du sinistre. Cette clause indique sans équivoque que le dies a quo de la péremption se situe au moment du vol. Le délai de péremption contractuel et le délai de prescription légal commençant à courir simultanément, la clause de péremption contractuelle est valable au regard de l'
art. 46 al. 2 LCA
. La cour de justice n'a dès lors pas violé le droit fédéral en appliquant cette clause et en jugeant que l'action du recourant était périmée.