Urteilskopf
126 IV 147
24. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 2 mars 2000 dans la cause X. contre Y. et Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste
Art. 2 und
Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG
.
Wer Opfer einer Straftat zu sein behauptet, ist nicht gestützt auf
Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG
zur eidgenössischen Nichtigkeitsbeschwerde legitimiert, wenn sich aus den verbindlichen tatsächlichen Feststellungen ergibt, dass er keine Beeinträchtigung im Sinne von
Art. 2 OHG
erlitten hat.
Y. et son épouse Z., ressortissants portugais, ont engagé X., citoyenne portugaise née en 1977, pour s'occuper de leurs deux enfants. X. est arrivée le 24 août 1993 à A. où les époux occupaient un appartement de trois pièces. Elle a été logée dans la chambre des enfants où elle a, dès Noël 1993, partagé un lit avec l'enfant J. Elle devait faire la lessive à la main, le ménage et la cuisine pour toute la famille et s'occuper des deux enfants; elle devait en outre garder les enfants d'autres couples portugais. X. n'avait aucun jour de
BGE 126 IV 147 S. 148
congé, n'avait pas l'autorisation de sortir seule et était totalement dépourvue d'argent; dès janvier 1994, elle n'a plus eu le droit de regarder la télévision et devait se coucher en même temps que les enfants. Les époux Y. et Z. ne l'ont pas assurée contre la maladie. Ils n'ont effectué aucune démarche pour qu'elle obtienne une autorisation de séjour ou de travail.
Vers Pâques 1994, Y. a attiré X. dans sa chambre, a poussé une armoire devant la porte pour l'empêcher de s'en aller et, malgré les protestations de la jeune fille, l'a pénétrée. Une semaine plus tard, il l'a obligée à lui faire une fellation dans les toilettes.
En mai ou juin 1994, dans la chambre des enfants, il l'a violemment frappée jusqu'à ce qu'elle ne soit plus en état de résister, puis l'a sodomisée. A trois reprises dès le mois d'août 1994, il lui a attaché les mains et l'a contrainte d'entretenir des relations sexuelles avec lui; la troisième fois, il l'a violemment frappée au visage et à la gorge puis lui a attaché les mains et lui a tiré les cheveux en arrière avant de la sodomiser.
Par jugement du 6 novembre 1998, le Tribunal correctionnel du district de B. a reconnu Y. coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de contrainte sexuelle, de viol et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation ainsi que d'infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers; il l'a condamné à trois ans de réclusion et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans.
Le Tribunal a notamment retenu l'infraction de violation du devoir d'assistance ou d'éducation (
art. 219 CP
) en relation avec les agressions sexuelles et la violence physique parce que celles-ci avaient péjoré l'état de santé physique et psychique de X. Il a par contre nié que cette infraction soit réalisée en relation avec les conditions de vie imposées à la jeune fille, estimant que le lien de causalité entre celles-ci et une mise en danger du développement physique et psychique de la jeune fille n'était pas établi.
Par le même arrêt, le Tribunal a condamné Z. à dix jours d'emprisonnement pour infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers.
Le Tribunal a alloué à X. la somme de 20'000 francs à titre de réparation pour tort moral; en revanche, il l'a renvoyée à agir devant le juge civil s'agissant de ses prétentions découlant du contrat de travail, au motif qu'elles n'étaient pas en rapport avec les infractions retenues finalement à la charge des accusés.
Y. a formé un recours auprès de la Cour de cassation cantonale. Par arrêt du 29 mars 1999, ce recours a été admis sur la question du sursis à l'expulsion. X. a également interjeté un recours qui a été rejeté par le même arrêt. X. se pourvoit en nullité.
Considérant en droit:
1.
La recourante estime avoir qualité pour recourir en vertu des
art. 8 al. 1 let
. c de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5) et 271 al. 1 PPF (RS 312.0).
La LAVI accorde certains droits procéduraux à toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique (
art. 2 LAVI
). Une victime peut notamment, aux conditions de l'
art. 8 al. 1 let
. c LAVI, former contre le jugement les mêmes recours que le prévenu (cf.
art. 270 al. 1 PPF
;
ATF 120 IV 44
consid. 2a et b p. 49).
Le Tribunal fédéral examine librement si une personne est une victime au sens de l'
art. 2 LAVI
et ceci pour chacune des infractions en cause (
ATF 120 Ia 157
consid. 2d p. 162). En l'espèce, la recourante se plaint d'une violation de l'
art. 219 CP
en relation avec les conditions de travail que les intimés lui ont imposées.
Tant que les faits ne sont pas définitivement arrêtés, il faut se fonder sur les allégués de celui qui se prétend lésé pour déterminer s'il est une victime au sens de l'
art. 2 LAVI
(cf.
ATF 125 IV 79
consid. 1c p. 81 s.). En revanche, lorsque l'autorité cantonale a définitivement fixé l'état de fait, celui-ci lie le Tribunal fédéral (
art. 277bis al. 1 PPF
) et sert de base pour déterminer si le recourant revêt ou non la qualité de victime.
En l'espèce, l'arrêt attaqué est un jugement de dernière instance cantonale qui constate l'absence de lien de causalité entre les conditions de vie imposées à la recourante et une mise en danger de son développement physique et psychique. Il s'agit d'une constatation de fait qui lie la Cour de céans. Par conséquent, en l'absence d'un lien de causalité entre les conditions de vie endurées et une mise en danger de la santé physique et psychique de X., celle-ci ne peut pas être considérée comme la victime d'une éventuelle infraction à l'
art. 219 CP
. Pour les mêmes motifs, la recourante ne peut pas être considérée comme une lésée au sens de l'
art. 270 al. 1 PPF
. Son pourvoi est par conséquent irrecevable.
2.
Même si l'on entrait en matière sur le pourvoi, il ne pourrait être accueilli.
BGE 126 IV 147 S. 150
En effet, le principal argument de la recourante consiste à soutenir qu'il existait nécessairement un lien de causalité entre ses conditions de vie chez les intimés et une mise en danger de son développement physique et psychique. Une telle critique revient à mettre en cause les constatations de fait de l'autorité cantonale, ce qui n'est pas admissible dans le cadre d'un pourvoi en nullité (
art. 273 al. 1 let. b PPF
).
Quant au moyen tiré de la violation de l'
art. 9 al. 1 LAVI
, il est infondé. Le droit de la victime de prendre des conclusions civiles dans le cadre de l'action pénale suppose que ces prétentions découlent de l'infraction alléguée (
art. 8 al. 1 let. a LAVI
;
ATF 120 IV 44
consid. 4 p. 51 s.). En l'espèce, il n'y a pas de lien de causalité entre les infractions finalement retenues à la charge des intimés et les conclusions civiles de la recourante, puisque celles-ci sont fondées sur la violation des obligations contractuelles de ses patrons (salaire, heures supplémentaires, indemnité de vacances, indemnité pour défaut d'une chambre individuelle, indemnité pour retard pris dans ses études, tort moral causé par la violation du contrat de travail). De même, il n'y a pas de lien de causalité entre ces prétentions et une éventuelle violation de l'
art. 219 CP
en relation avec les conditions de vie imposées par les intimés. Le grief est partant infondé.