BGE 128 V 236 vom 24. September 2002

Datum: 24. September 2002

Artikelreferenzen:  Art. 63 CO, Art. 64 CO, Art. 67 CO, Art. 135 CO, Art. 142 CO, Art. 25 LPGA , art. 47 LAVS, Art. 62 ff. OR, Art. 2 Abs. 2 ZGB, art. 63 al. 1 CO, Art. 47 Abs. 1 AHVG, art 73 LPP, art. 49 al. 2 LPP, art. 64 CO, art. 25 LPGA, art. 67 al. 1 CO, art. 135 ch. 2 CO, Art. 127-142 OR, art. 142 CO

BGE referenzen:  83 II 93, 110 V 132, 110 II 273, 116 II 431, 125 V 408, 128 V 50, 130 V 414, 131 III 430, 142 V 20, 143 III 348 , 115 V 118, 128 V 52, 113 II 269, 128 V 50, 128 V 51, 127 III 427, 116 IB 398, 116 II 431, 83 II 93, 110 II 273, 110 V 132, 125 V 408, 128 V 51, 127 III 427, 116 IB 398, 116 II 431, 83 II 93, 110 II 273, 110 V 132, 125 V 408

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

128 V 236


38. Arrêt dans la cause Fondation de prévoyance en faveur du personnel de la Visana contre R. et Tribunal administratif du canton de Genève
B 32/01 du 24 septembre 2002

Regeste

Art. 63 OR ; Art. 47 Abs. 1 AHVG : Rückerstattung unrechtmässig bezogener Leistungen im Bereich der Beruflichen Vorsorge. Mangels statutarischer oder reglementarischer Regelung stützt sich die Forderung auf Rückerstattung von Leistungen der beruflichen Vorsorge, welche eine Vorsorgeeinrichtung zu Unrecht ausgerichtet hat, auf die Art. 62 ff. OR . Erstreckung der in BGE 128 V 50 für die weitergehende Vorsorge entwickelten Grundsätze auf den obligatorischen Bereich. Verjährungseinrede.
Art. 2 Abs. 2 ZGB : Rechtsmissbräuchliche Verjährungseinrede. Bei länger anhaltendem Schweigen des Schuldners während der Einigungsverhandlungen muss der Gläubiger reagieren. Der Schuldner, der sich auf die Verjährung einer Forderung beruft, handelt nicht rechtsmissbräuchlich, wenn sein Verhalten für die verspätete Handlung des Gläubigers nicht mehr kausal ist.

Sachverhalt ab Seite 237

BGE 128 V 236 S. 237

A.- a) R. a travaillé pour la société suisse d'assurances Grütli de 1982 à fin décembre 1992; il a été admis à la fondation de prévoyance en faveur du personnel de l'entreprise le 1er novembre 1986. Le 7 avril 1993, il a demandé le décompte et le versement de sa prestation de libre passage.
Selon décompte adressé à l'intéressé le 28 avril 1993, les cotisations versées par l'employé s'élevaient à 18'816 fr., celles de l'employeur à 30'996 fr. et les intérêts à 5266 fr. 75, soit un capital de 55'078 fr. 75 au 31 décembre 1992. La créance de libre passage selon le règlement s'élevait à 27'634 fr. 15, alors que l'avoir de vieillesse acquis LPP se montait à 16'216 fr. 40. Le 29 avril 1993, la fondation a versé la somme de 28'095 fr. sur le compte de libre passage de l'intéressé auprès de la banque A.; le 29 novembre 1993, elle a versé 28'900 fr. 70 sur un compte "libre passage" auprès de la banque B.
b) Le 22 août 1994, la fondation a invité R. à lui restituer le montant versé sur le compte de la banque B. Sans réponse et après de vaines démarches auprès de cet établissement, elle lui a fait notifier le 14 février 1995 un commandement de payer de 28'900 fr. 70, auquel celui-ci a fait opposition.
Afin de pouvoir entrer en matière sur la demande de restitution, R. a invité la fondation le 31 mars 1995 à retirer le commandement
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de payer et à lui fournir un décompte détaillé par année des salaires et des cotisations pris en considération dans le calcul de la prestation de libre passage.
Le 12 juin 1995, la fondation a adressé à R. un décompte détaillé du calcul de la prestation de libre passage et l'a invité à lui rembourser le montant réclamé. Celui-ci l'a avisée le 29 septembre 1995 que les documents étaient hermétiques et que le détail des salaires pris en considération dans le calcul de la prestation n'y figurait pas. Le 23 février 1996, la fondation lui a transmis de nouveaux documents et l'a invité à prendre position. Il s'en est suivi un échange de correspondance portant sur les salaires pris en considération et la notification d'un nouveau commandement de payer le 6 mai 1999, auquel R. forma derechef opposition.

B.- Le 2 mai 2000, la fondation de prévoyance en faveur du personnel de la Visana, successeur de la Grütli, a ouvert action contre R. devant le Tribunal administratif du canton de Genève; elle a conclu, principalement au payement de 28'900 fr. 70 plus intérêts à 4% dès le 1er janvier 1994 et de 90 fr. de frais de poursuite, ainsi qu'à la mainlevée définitive de l'opposition à la poursuite du 6 mai 1999.
R. s'est opposé à la demande en excipant de la prescription et en contestant implicitement un enrichissement illégitime, sous l'angle des salaires retenus dans le calcul de la prestation de libre passage.
Par jugement du 6 mars 2001, le Tribunal administratif a rejeté la demande.

C.- La fondation de prévoyance en faveur du personnel de la Visana interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation, en reprenant les conclusions formulées devant l'instance inférieure.
R. conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours, ce que propose également l'Office fédéral des assurances sociales.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. a) La contestation en cause relève ratione materiae des autorités juridictionnelles mentionnées à l' art 73 LPP . Malgré l'absence d'une disposition légale expresse, le Tribunal fédéral des assurances est en effet compétent pour trancher les questions touchant à la restitution des prestations de prévoyance professionnelle en général ( ATF 128 V 51 consid. 1a et la référence); le recours de droit administratif est recevable de ce chef.
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b) Le litige porte sur la prétention de la recourante au remboursement de 28'900 fr. 70 plus accessoires, au titre d'une prestation de libre passage versée à tort. L'instance cantonale a rejeté la demande aux motifs que le droit de répéter l'indu était prescrit et que l'intimé pouvait s'en prévaloir sans commettre un abus de droit.
Les prétentions litigieuses concernent la prévoyance professionnelle obligatoire et plus étendue.

2. a) Selon la jurisprudence, l'obligation de restituer l'indu se fonde en premier lieu sur les dispositions spéciales qui la prévoient et, à défaut, sur les règles générales de l'enrichissement illégitime au sens des art. 62 à 67 CO ( ATF 115 V 118 consid. 3b et les références).
La LPP, qui se rapporte pour l'essentiel de ses dispositions à la prévoyance professionnelle obligatoire ( art. 49 al. 2 LPP ), ne renferme pas de norme relative à la restitution de prestations payées à tort par une institution de prévoyance.
A défaut de norme statutaire ou réglementaire, la demande de restitution de prestations de la prévoyance professionnelle plus étendue versées à tort par une institution de prévoyance se fonde sur les art. 62 ss CO , notamment l' art. 63 al. 1 CO ( ATF 128 V 52 consid. 3a); en revanche, dans la prévoyance obligatoire, la question de savoir s'il y a lieu de faire application de l' art. 47 LAVS , considéré comme l'expression d'un principe de portée générale, ou s'il convient d'appliquer également les règles du CO ( ATF 115 V 118 consid. 3b) à une prétention en restitution de l'indu, a été laissée ouverte.
b) Les prétentions de la recourante touchant à la prévoyance professionnelle obligatoire et plus étendue, il convient donc d'examiner la prétention en restitution dans le domaine de la prévoyance obligatoire.
L'application de l' art. 47 LAVS ou des art. 63 ss CO n'est pas indifférente quant au sort des prétentions de la recourante. Outre la base du remboursement de la prestation obligatoire, les deux systèmes divergent sur l'étendue de la restitution: limitée, sauf dessaisissement de mauvaise foi, à l'enrichissement encore présent chez le débiteur lors de la demande, conformément à l' art. 64 CO , l'obligation de restituer peut être remise si le débiteur est de bonne foi et dans une situation difficile selon les art. 47 LAVS et 79 RAVS. Sous cet angle, aucune des solutions n'est totalement satisfaisante (ROMAN SCHNYDER, Das nichtstreitige Verfahren in Versicherungsfällen der obligatorischen und der erweiterten beruflichen Vorsorge, thèse Fribourg 1994, p. 170 ss).
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L' art. 47 LAVS , comme fondement de l'obligation de restituer des prestations versées à tort, s'applique dans la plupart des branches du droit des assurances sociales, soit qu'elles renvoient expressément à cette disposition, soit qu'elles contiennent une règle analogue. La transposition de l' art. 47 LAVS dans la prévoyance professionnelle apparaît toutefois difficile, car son application suppose entre le créancier et le débiteur un rapport d'autorité, inconnu de la LPP, permettant au premier d'exiger du second, par voie de décision, qu'il exécute son obligation ( ATF 115 V 118 consid. 3b déjà cité).
A cet obstacle concret, militant pour l'application des règles relatives à l'enrichissement illégitime ( art. 62 ss CO ), dans la prévoyance obligatoire, s'ajoute la récente jurisprudence instaurant, à défaut de norme réglementaire ou statutaire, l'application de ces mêmes règles au remboursement de prestations de la prévoyance plus étendue versées à tort ( ATF 128 V 52 consid. 3a susmentionné). En effet, un traitement identique de la même problématique, dans la prévoyance obligatoire et dans la prévoyance plus étendue, apparaît souhaitable (SCHNYDER, op. cit., p. 173).
Une différence de traitement dans le remboursement de prestations versées à tort, selon qu'elles ressortissent à la première ou à la seconde, n'apparaît pas justifiée par une raison objective, sauf à considérer que l' art. 47 LAVS est un principe général dont l'application ne souffre aucune exception dans le domaine des assurances sociales régies par le droit fédéral. A cet égard cependant, l' art. 25 LPGA , qui reprend la teneur de l' art. 47 LAVS et qui s'appliquera, dès l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, à la restitution des prestations indûment touchées, ne trouvera pas application dans la prévoyance professionnelle.
En définitive, les arguments militent pour l'application dans la prévoyance obligatoire des règles dégagées par la Cour de céans relatives à la restitution de prestations de la prévoyance plus étendue versées à tort.
c) Aucune disposition statutaire ou réglementaire de la recourante ne règle les modalités de la restitution de prestations versées à tort. Les règles relatives à l'enrichissement illégitime ( art. 62 ss CO ) s'appliquent donc à la prétention de l'institution de prévoyance au remboursement de 28'900 fr. 70 plus accessoires.

3. Le point de savoir si les conditions d'une répétition de l'indu ( art. 63 al. 1 CO ) sont remplies peut demeurer indécis. En effet, l'exception de prescription soulevée par le débiteur doit être admise.
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a) En vertu de l' art. 67 al. 1 CO , l'action pour cause d'enrichissement illégitime se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition, et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce droit.
b) La recourante a eu connaissance (sur ce point, cf. ATF 127 III 427 consid. 4b) du versement litigieux au plus tard le 22 août 1994, date à laquelle elle a informé l'intimé qu'elle avait versé deux fois par erreur le montant de la prestation de libre passage. Au regard de l' art. 135 ch. 2 CO , la prescription annale a été interrompue valablement le 14 février 1995 par la notification d'un commandement de payer, mais elle était acquise le 15 février 1996, faute d'un nouvel acte interruptif de prescription avant cette date. Le droit de répéter l'indu est dès lors prescrit et ni la notification d'un commandement de payer le 6 mai 1999, ni la demande en justice du 2 mai 2000, ne peuvent y remédier.

4. Le litige porte sur le point de savoir si l'intimé a commis un abus de droit en invoquant le moyen de la prescription.
a) Selon la doctrine et la jurisprudence, le débiteur commet un abus de droit ( art. 2 al. 2 CC ) en se prévalant de la prescription, non seulement lorsqu'il amène astucieusement le créancier à ne pas agir en temps utile, mais aussi, lorsque sans mauvaise intention, il a un comportement qui incite le créancier à renoncer à entreprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription et que, selon une appréciation raisonnable, fondée sur des critères objectifs, ce retard apparaît compréhensible ( ATF 113 II 269 consid. 2e et les références). Des considérations du même ordre se déduisent, en droit public, du principe de la bonne foi ( ATF 116 Ib 398 consid. 4e et ATF 116 II 431 consid. 2).
Le débiteur aura - alors que le délai courait encore - déterminé le créancier à attendre ( ATF 113 II 269 consid. 2e précité). L'abus de droit ne consiste pas dans le comportement du débiteur qui incite le créancier à ne pas entreprendre de démarches juridiques, mais dans le fait que le débiteur ayant eu ce comportement se prévale de la prescription ( ATF 83 II 93 ss; ALFRED KOLLER, Verjährung von Versicherungsansprüchen, in: Haftpflicht- und Versicherungsrechtstagung 1993, St. Gallen 1993, p. 34 note 114). Le simple écoulement du temps pendant le délai de prescription ne peut être interprété ni comme une renonciation à la prétention, ni comme son exercice abusif ( ATF 110 II 273 ). Pour admettre un abus de droit, il faut que le comportement du débiteur soit en relation de causalité avec le retard à agir du créancier (STEPHEN V. BERTI, Kommentar zum
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Schweizerischen Zivilgesetzbuch [Commentaire zurichois], Obligationenrecht, Das Erlöschen der Obligationen: Art. 127-142 OR , 3ème édition, Zurich 2002, no 33 et 34 ad art. 142 CO ). Lors de pourparlers, le créancier doit réagir en cas de silence prolongé du débiteur. Selon KARL SPIRO (Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen, Vol. I: Die Verjährung der Forderungen, Berne 1975, p. 248 ss § 108 et 109), le temps de réaction dépend des circonstances, mais il ne saurait dépasser le délai de prescription applicable en cas d'interruption de la prescription.
b) Ainsi que cela ressort du dossier, le comportement de l'intimé a incité la recourante à renoncer à entreprendre d'autres démarches juridiques pendant le délai de prescription et jusqu'en mai 1996. Sommé par l'institution de prévoyance de prendre position, celui-ci, dans sa réponse du 25 mai 1996, n'a pas pris position. Il s'en est suivi un silence prolongé du débiteur. La créancière n'a pas réagi jusqu'au 12 mai 1998, date à laquelle elle a envoyé à l'intimé un nouveau décompte et fixé un délai pour le remboursement. Il y a eu ensuite un nouveau rappel, la notification d'un commandement de payer le 6 mai 1999 et l'ouverture de l'action.
L'astuce du débiteur n'est pas en cause. L'analyse du retard compréhensible, selon une appréciation raisonnable fondée sur des critères objectifs, doit permettre des exceptions à la règle absolue du délai de prescription préconisée par Spiro. En l'espèce, il n'existe cependant aucun élément objectif qui permette de retenir un abus de droit de la part de l'intimé. Le retard à agir de la recourante dès le 25 mai 1996, pendant près de deux ans jusqu'à la lettre du 12 mai 1998 et près de trois ans jusqu'à la notification du commandement de payer du 6 mai 1999, n'apparaît pas compréhensible. Il n'est en tous les cas plus causé par le comportement de l'intimé. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.

5. L'intimé, qui obtient gain de cause, est avocat. Selon la jurisprudence ( ATF 110 V 132 ; VSI 2000 p. 337 consid. 5 non publié aux ATF 125 V 408 ), l'avocat qui agit dans sa propre cause peut exceptionnellement prétendre une indemnité pour l'activité personnelle qu'il a déployée ainsi que pour sa perte de temps ou de gain. Ces conditions, qui doivent être remplies cumulativement, ne sont pas remplies dans le cas d'espèce. En effet, il ne s'agit pas d'une affaire complexe portant sur un objet litigieux élevé et nécessitant beaucoup de temps.

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