Urteilskopf
129 III 12
3. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause époux A. contre Autorité de surveillance du registre foncier du canton de Genève (recours de droit administratif)
5A.10/2002 du 14 novembre 2002
Regeste
Art. 53 Abs. 2 und 4 GBV
,
Art. 832 Abs. 2 ZGB
und
Art. 82 SchKG
; Angabe des Namens des ursprünglichen Schuldners im Schuldbrief.
Der Grundbuchverwalter, der sich weigert, einen Schuldbrief auszustellen, der den Namen des ursprünglichen Schuldners enthält, verletzt das Bundesrecht nicht.
Les époux A. sont copropriétaires de deux parcelles sises sur la commune de Meinier, qui sont notamment grevées collectivement d'une cédule hypothécaire au porteur de 300'000 fr. en deuxième rang. Par acte authentique du 25 octobre 2001, ils ont convenu de diviser ce titre en deux cédules de respectivement 260'000 fr. et 40'000 fr.; dame A. se reconnaissait seule débitrice de la cédule hypothécaire de 40'000 fr., qui devait être remise en nantissement au créancier, en l'occurrence son mari, en garantie d'un prêt conclu antérieurement à l'acte.
Requis d'inscrire la modification et la division de la cédule hypothécaire avec mention du débiteur initial de la cédule de 40'000 fr., le registre foncier du canton de Genève a écarté cette réquisition; il
BGE 129 III 12 S. 13
a exposé que la caractéristique principale du nouveau modèle de cédule hypothécaire établi par l'Office (fédéral) chargé du droit du registre foncier et du droit foncier résidait dans la suppression sur le titre même de l'indication du propriétaire et du débiteur. Sur recours des époux A., l'Autorité de surveillance du registre foncier du canton de Genève a confirmé le rejet de la réquisition par décision du 22 mai 2002.
Contre cette décision, les époux A. interjettent un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Ils font valoir en substance que l'absence d'indication du tiers débiteur sur la cédule hypothécaire créerait un risque important de mainlevée provisoire à l'encontre du propriétaire de l'immeuble grevé, du fait que celui-ci serait présumé, par le jeu des
art. 824, 832 et 845 CC
, être le débiteur de la créance incorporée dans le titre. Au surplus, une cédule hypothécaire n'indiquant pas le nom du débiteur ne pourrait pas être considérée comme un papier-valeur incorporant une créance, car il y manquerait un élément essentiel de la description de la créance (et de la reconnaissance de dette) nécessaire à tout papier-valeur, à savoir le nom du débiteur.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
Extrait des considérants:
2.1
La cédule hypothécaire dressée par le conservateur du registre foncier (
art. 857 al. 1 CC
; cf.
ATF 121 III 97
consid. 4c p. 106) est un titre authentique au sens de l'
art. 9 CC
; elle constitue un titre de mainlevée provisoire selon l'
art. 82 LP
(DANIEL STAEHELIN, Basler Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch II, 1998, n. 6 ad
art. 856 CC
et n. 7 ad
art. 858 CC
; PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d'opposition, 2e éd. 1980, § 17 n. 22 et § 53 n. 11; cf.
ATF 112 II 113
), sans qu'il soit nécessaire qu'elle porte la signature du débiteur, s'agissant d'un titre authentique et non d'un acte sous seing privé (DANIEL STAEHELIN, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 1998, n. 6 et 12 ad
art. 82 LP
). Il ressort d'ailleurs clairement du texte allemand de l'
art. 82 LP
que la signature du débiteur - ou de son représentant (cf.
ATF 122 III 125
consid. 2) - n'est exigée que pour la reconnaissance de dette constatée dans un acte sous seing privé (cf.
ATF 112 III 88
consid. 2b in fine).
2.2
Si la cédule hypothécaire comporte l'indication du débiteur, elle constitue un titre de mainlevée provisoire contre le débiteur
BGE 129 III 12 S. 14
mentionné sur la cédule. Si la dette a été reprise par un tiers, et que le changement de débiteur n'a pas été inscrit sur le titre par le conservateur du registre foncier, il appartient au débiteur mentionné sur la cédule d'établir la reprise de dette (cf.
art. 82 al. 2 LP
; STAEHELIN, Basler Kommentar, n. 27 ad
art. 874 CC
). Pour ce faire, le débiteur bénéficie, en cas d'acquisition de l'immeuble par un tiers avec reprise de dette interne (cf.
ATF 121 III 256
consid. 3a), de la présomption d'acceptation du créancier qui résulte de l'
art. 832 al. 2 CC
(STAEHELIN, Basler Kommentar, n. 7 ad
art. 872 CC
et les références citées).
2.3
Même en cas de preuve de l'acceptation de la reprise de dette par le créancier (ou en cas d'écoulement du délai d'un an prévu à l'
art. 832 al. 2 CC
), aucun mécanisme juridique ne garantit que la cédule soit obligatoirement modifiée par le conservateur du registre foncier en ce qui concerne le nom du débiteur de la créance qu'elle incorpore. Le débiteur, dont le nom ne figure ni dans le grand livre ni dans les registres accessoires, peut changer indépendamment du registre foncier et de la cédule hypothécaire elle-même, et aucun tiers ne peut admettre que le nom indiqué sur le titre corresponde au débiteur de la dette: la cédule hypothécaire ne garantit que l'existence d'un débiteur, et non le fait que celui qui a été à un moment donné le débiteur de la créance incorporée dans le titre le soit toujours (
ATF 68 II 84
consid. 3;
ATF 99 Ib 430
consid. 2a;
ATF 42 II 454
consid. 2 p. 462). Le Tribunal fédéral en a déduit que le conservateur du registre foncier est en droit - sans y être obligé - de rejeter une réquisition tendant à l'inscription sur le titre du changement de débiteur (
ATF 99 Ib 430
consid. 2a et b).
2.4
Avant la dernière modification (RO 1996 p. 3106), arrêtée le 2 décembre 1996 et entrée en vigueur le 1er janvier 1997, de l'ordonnance du 22 février 1910 sur le registre foncier (ORF; RS 211.432.1), le conservateur du registre foncier devait indiquer dans la cédule hypothécaire le nom du débiteur au moment de la délivrance du titre. Cette exigence découlait de la formule uniforme arrêtée sur la base de l'
art. 858 CC
par le Conseil fédéral (cf.
ATF 68 II 84
consid. 3; PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, tome III, 2e éd. 1996, n. 2964), respectivement, depuis la révision du 18 novembre 1987 (RO 1987 p. 1600), du modèle établi en vertu de l'
art. 53 al. 2 ORF
par l'Office chargé du droit du registre foncier et du droit foncier (cf. RNRF 70/1989 p. 60).
Lors de la révision de 1996, il a été décidé de mentionner directement à l'
art. 53 ORF
les indications devant obligatoirement figurer sur la cédule hypothécaire (cf. RNRF 78/1997 p. 126 ss, 129 in fine).
BGE 129 III 12 S. 15
A cette occasion a été abandonnée la désignation obligatoire dans le titre du nom du débiteur, pour la raison que, comme on l'a vu (cf. consid. 2.3 supra), la personne du débiteur peut de toute manière changer sans que l'indication sur le titre soit modifiée (cf. ROLAND PFÄFFLI, Zur Revision der Grundbuchverordnung, in BN 1995 p. 45 ss, 52/53; STAEHELIN, Basler Kommentar, n. 7 ad
art. 858 CC
). Ainsi, le nouveau modèle établi par l'Office chargé du droit du registre foncier et du droit foncier ne comporte plus le nom du débiteur (cf. JÜRG SCHMID, Eine erneute Änderung der Grundbuchverordnung, in RNRF 78/1997 p. 66 ss, 70 in fine).
2.5
Si la cédule hypothécaire ne comporte pas l'indication du débiteur, le créancier ne pourra obtenir la mainlevée provisoire que s'il produit une copie légalisée de l'acte constitutif dans lequel la dette est reconnue (STAEHELIN, Basler Kommentar, n. 6 ad
art. 856 CC
et n. 7 ad
art. 858 CC
; cf. aussi SCHMID, in RNRF 78/1997 p. 66 ss, 71; FRANCESCO NAEF, Sulla causalità della costituzione della cartella ipotecaria al portatore, in PJA 1999 p. 1083 ss, 1091). Dans le cas d'une cédule hypothécaire qui avait été créée au nom du propriétaire lui-même (cf.
art. 859 al. 2 CC
) ou dont celui-ci avait été le premier porteur, la réquisition écrite par laquelle il avait demandé l'inscription de la cédule (cf.
art. 20 ORF
) doit être considérée comme contenant une reconnaissance de dette implicite (CHRISTIAN BRÜCKNER, Rechtsgeschäftliche Errichtung von Grundpfandrechten - Umfang des Formzwangs und zeitlicher Beginn der Pfandsicherheit, in RNRF 77/1996 p. 217 ss, 233; STAEHELIN, Basler Kommentar, n. 6 ad
art. 854 CC
, n. 6 ad
art. 856 CC
et n. 7 ad
art. 858 CC
).
Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les recourants, l'absence d'indication du débiteur initial dans la cédule hypothécaire n'implique pas de risque accru de mainlevée provisoire à l'encontre du propriétaire de l'immeuble grevé qui n'est pas le débiteur de la créance incorporée dans le titre, puisque le créancier doit produire, en plus de la cédule hypothécaire, une copie légalisée de la pièce justificative contenant l'engagement du débiteur initial.
Il convient à cet égard de préciser que, contrairement à ce que soutiennent les recourants, il n'est pas possible de présumer qu'en l'absence d'indication sur le titre, le débiteur initial est le propriétaire de l'immeuble au moment de la constitution de la cédule. En effet, les indications relatives au fait que le gage est constitué en faveur d'un tiers n'étant que facultatives selon l'
art. 53 al. 4 ORF
, il n'est pas certain, au vu du contenu du titre, que le débiteur initial soit le propriétaire de l'immeuble (STAEHELIN, Basler Kommentar, n. 7 ad
art. 858 CC
).
BGE 129 III 12 S. 16
3.1
L'abandon de la désignation obligatoire dans la cédule hypothécaire du nom du débiteur a reçu un accueil mitigé dans la doctrine, pour le motif qu'en tant que papier-valeur, la cédule hypothécaire incorpore non seulement un droit de gage, mais aussi une créance, et que cette dernière ne se conçoit pas sans débiteur (SCHMID, in RNRF 78/1997 p. 66 ss, 70 in fine); un papier-valeur qui n'énonce pas le nom du débiteur est ainsi un "rechtliches Curiosum" (STAEHELIN, Basler Kommentar, n. 7 ad
art. 858 CC
). Il a aussi été souligné que la désignation du débiteur dans le titre revêt une grande importance pratique dans la mesure où elle confère à la cédule une plus grande négociabilité (STAEHELIN, Basler Kommentar, n. 27 ad
art. 874 CC
), étant rappelé qu'en l'absence d'indication du nom du débiteur, le créancier n'obtiendra la mainlevée provisoire que si, à côté de la cédule, il dispose d'une reconnaissance de dette, laquelle peut résulter de l'acte constitutif (cf. consid. 2.5 supra) ou d'un contrat de reprise de dette (STAEHELIN, Basler Kommentar, n. 27 in fine ad
art. 874 CC
).
3.2
Les cédules hypothécaires sont des papiers-valeurs de par la loi (
art. 868 et 869 CC
; cf.
art. 965 et 989 CO
). Les règles générales sur les papiers-valeurs (art. 965 à 973 CO) leur sont donc en principe applicables, mais, le législateur ayant expressément réservé les dispositions légales qui y dérogeraient, les règles spéciales des
art. 842 ss CC
l'emportent sur les
art. 965 ss CO
(cf. aussi pour les titres au porteur la réserve de l'
art. 989 CO
; STEINAUER, op. cit., n. 2930). Or, comme le Tribunal fédéral l'avait déjà exposé dans un arrêt du 19 octobre 1916, c'est délibérément que le législateur a dérogé, par le jeu de l'
art. 832 al. 2 CC
applicable par le renvoi de l'
art. 846 CC
, au principe général d'après lequel la dette doit pouvoir être constatée par le titre (
art. 866, 872 et 874 CC
), et qu'il a fait du même coup de la cédule hypothécaire un papier-valeur atypique (
ATF 42 II 454
consid. 2 p. 458-460 et consid. 3 p. 464). Dans ce même arrêt, le Tribunal fédéral a souligné qu'en facilitant la libération du vendeur de l'immeuble, le législateur a fait de la cédule hypothécaire une institution de crédit réel plutôt que de crédit personnel, dans laquelle la personne du débiteur compte moins que l'assurance de l'existence de la créance et sa garantie réelle par l'immeuble (
ATF 42 II 454
consid. 2 p. 461).
3.3
Il appert ainsi que c'est par la volonté du législateur que la cédule hypothécaire, conçue - et utilisée en pratique - comme une institution de crédit réel plutôt que de crédit personnel, se présente comme un papier-valeur atypique en ce sens que le titre lui-même
BGE 129 III 12 S. 17
ne donne aucune garantie quant à la personne du débiteur. Cela étant, et du moment que le créancier doit de toute façon recourir à d'autres documents parce qu'il ne peut se fier à l'indication du nom du débiteur figurant sur la cédule hypothécaire, on ne voit pas pourquoi cette indication, qui n'est pas expressément prescrite par la loi, devrait être tenue pour une condition de validité du titre. Au demeurant, l'absence d'une telle indication ne devrait guère affecter la négociabilité de la cédule hypothécaire, dès lors que le créancier peut aisément, en demandant une copie légalisée de l'acte constitutif conservé au registre foncier (
art. 970 al. 2 CC
,
art. 28 et 105 ORF
), obtenir un titre de mainlevée provisoire contre le débiteur initial, auquel il incombera le cas échéant d'établir la reprise de la dette par un tiers (cf. consid. 2.2 supra).
Il est vrai qu'un papier-valeur qui n'énonce pas le nom du débiteur apparaît sur le plan juridique comme un curiosum. Toutefois, la cédule hypothécaire n'en constitue pas moins de par la loi (cf. consid. 3.2 supra) un papier-valeur incorporant à la fois une créance personnelle et un droit de gage immobilier (
art. 842 CC
). Même en l'absence d'indication du débiteur sur le titre - indication à laquelle, comme on l'a vu, le créancier ne peut de toute manière pas se fier -, l'existence d'un débiteur est garantie. Le conservateur du registre foncier ne dressera pas une cédule hypothécaire sans qu'une personne, en général le propriétaire de l'immeuble grevé, ne se soit reconnue débitrice de la créance incorporée par ce titre, cette reconnaissance de dette pouvant être implicite dans le cas d'une cédule hypothécaire constituée par déclaration unilatérale du propriétaire (cf. consid. 2.5 supra). D'ailleurs, une cédule hypothécaire ne peut être délivrée au créancier qu'avec le consentement exprès tant du débiteur que du propriétaire de l'immeuble grevé (
art. 857 al. 3 CC
); l'
art. 58 al. 1 ORF
, reprenant l'
art. 857 al. 3 CC
- de manière erronée s'agissant du texte français, qui, contrairement aux textes allemand et italien, parle du consentement du débiteur ou du propriétaire -, précise que ce consentement doit être donné par écrit.