Urteilskopf
129 III 7
2. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause dame X. contre X. (recours en réforme)
5C.97/2002 du 6 septembre 2002
Regeste
Art. 125 Abs. 1 und 2 Ziff. 5 ZGB
; Unterhaltsbeitrag zu Gunsten des Ehegatten.
Umfang, in welchem das Vermögen bei der Festsetzung des Unterhaltsbeitrags in Betracht gezogen werden muss (E. 3).
Extrait des considérants:
2.
Seul demeure litigieux le montant de la contribution d'entretien, dont le principe et le caractère viager ne sont pas remis en discussion.
2.1
La Cour de justice a considéré que la défenderesse ne pouvait réclamer une contribution d'entretien équivalente à celle dont elle bénéficiait dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale, à savoir 6'000 fr., car un tel montant avait été fixé d'après le niveau de vie de la femme (10'000 fr. par mois) et les gains du mari (21'200 fr. par mois); or, actuellement, le mariage est dissous et le revenu du conjoint débiteur se monte à 7'355 fr. 40 par mois. Il n'y a pas davantage lieu d'inclure dans la contribution d'entretien une somme destinée à la constitution d'un capital de prévoyance, dès lors que le service de la pension n'est pas limité dans le temps, que la défenderesse est à la retraite - le cas de prévoyance étant donc déjà survenu - et jouit d'une importante fortune. A la suite du premier juge, les magistrats d'appel ont imputé à l'intéressée un montant de 2'500 fr. à titre de revenu de la fortune, correspondant à un taux de rendement de 3%; ils ont retenu, au même titre, 5'295 fr. 40 pour le rendement de la fortune du demandeur. Le revenu du demandeur s'élevant à 7'355 fr. 40 (2'060 fr. [rente AVS] + 5'295 fr. 40 [revenu de la fortune]) et celui de la défenderesse à 4'850 fr. 50 (2'060 fr. [rente AVS] + 290 fr. 50 [rente du 2e pilier] + 2'500 fr. [revenu de la fortune]), une prestation alimentaire de 1'500 fr. permet à celle-ci de disposer mensuellement de 6'350 fr. 50 et à
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celui-là de 5'855 fr. 40; cette solution conduit à une situation équilibrée sur le plan budgétaire et permet à chaque partie de maintenir intact son capital, tout en bénéficiant d'un train de vie analogue. Enfin, le fait que la fortune du demandeur (2'867'610 fr.) est plus élevée que celle de la défenderesse (1'011'133 fr.) n'a pas d'incidence sur l'évaluation de l'entretien convenable de cette dernière, mais uniquement sur la détermination de la capacité du débiteur d'aliments à couvrir ce besoin.
2.2
La défenderesse se plaint d'une violation de l'
art. 125 CC
: elle prétend, tout d'abord, qu'il est contraire au droit fédéral d'ajouter à son revenu le produit d'un rendement "virtuel" de sa fortune au taux de 3%, alors que, s'agissant de la fortune du demandeur, la cour cantonale a adopté le taux de rendement "réel", à savoir seulement 2,22%; elle soutient, en outre, que la disposition précitée impose au demandeur d'entamer la substance de sa fortune pour lui garantir un entretien convenable.
3.
Aux termes de l'
art. 125 al. 1 CC
, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit une contribution équitable.
3.1
Cette disposition concrétise deux principes: d'une part, celui du "clean break" qui postule que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit acquérir son indépendance économique et subvenir à ses propres besoins après le divorce et, d'autre part, celui de la solidarité qui implique que les époux doivent supporter en commun les conséquences de la répartition des tâches convenue durant le mariage (
art. 163 al. 2 CC
). L'obligation d'entretien repose ainsi sur les besoins de l'époux bénéficiaire; si on ne peut exiger de lui qu'il s'engage dans la vie professionnelle ou reprenne une activité lucrative interrompue à la suite du mariage, une contribution équitable lui est due pour assurer son entretien convenable. Dans son principe, comme dans son montant et sa durée, cette prestation doit être fixée en tenant compte des éléments énumérés de façon non exhaustive à l'
art. 125 al. 2 CC
(
ATF 127 III 136
consid. 2a p. 138/139 et les nombreuses citations).
3.1.1
La mesure de l'entretien convenable est essentiellement déterminée par le niveau de vie des époux pendant le mariage (
art. 125 al. 2 ch. 3 CC
). Il est généralement admis que le conjoint bénéficiaire a droit dans l'idéal à un montant qui, ajouté à ses ressources propres, lui permette de maintenir le train de vie mené durant le
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mariage; lorsqu'il n'est pas possible, en raison de l'augmentation des frais qu'entraîne l'existence de deux ménages distincts, de conserver le niveau de vie antérieur, le créancier d'aliments peut prétendre au même train de vie que le débiteur (arrêt 5C.205/2001 du 29 octobre 2001, consid. 4c; HAUSHEER, Der Scheidungsunterhalt und die Familienwohnung, in Vom alten zum neuen Scheidungsrecht, Berne 1999, n. 3.53 et 3.54; KLOPFER, Nachehelicher Unterhalt, Wohnungszuteilung, in Das neue Scheidungsrecht, Zurich 1999, p. 79 ss, spéc. 84; SCHWENZER, in Praxiskommentar Scheidungsrecht, Bâle/Genève/Munich 2000, n. 5 ad
art. 125 CC
; SUTTER/FREIBURGHAUS, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, n. 13-15 ad
art. 125 CC
). Toutefois, lorsque - comme en l'occurrence (cf.
ATF 121 III 201
consid. 3 p. 202/203) - le divorce est prononcé à l'issue d'une longue séparation, c'est la situation des époux durant cette période qui est en principe déterminante (GLOOR/SPYCHER, in Basler Kommentar, 2e éd., Bâle/Genève/Munich 2002, n. 3 ad
art. 125 CC
; HAUSHEER/SPYCHER, Unterhalt nach neuem Scheidungsrecht, Berne 2001, no 05.151).
3.1.2
Le montant de la contribution d'entretien équitable dépend, entre autres composantes, de la fortune des époux (
art. 125 al. 2 ch. 5 CC
), ainsi que des expectatives de l'assurance-vieillesse et survivants et de la prévoyance professionnelle ou d'autres formes de prévoyance privée ou publique, y compris le résultat prévisible du partage des prestations de sortie (
art. 125 al. 2 ch. 8 CC
); cette dernière disposition vise, notamment, les prétentions découlant d'une assurance sur la vie (GLOOR/SPYCHER, op. cit., n. 34 ad
art. 125 CC
; SUTTER/FREIBURGHAUS, op. cit., n. 102 ad
art. 125 CC
). Pour prendre en considération ces éléments, le juge doit procéder tout d'abord à la liquidation du régime matrimonial (
art. 120 al. 1 CC
), puis au partage de la prévoyance professionnelle acquise durant le mariage (
art. 122-124 CC
), méthode qui découle, au demeurant, de la systématique légale (cf. arrêt 5C.276/2001 du 1er mai 2002, consid. 3; WALSER, in Basler Kommentar, n. 7 ad
art. 122 CC
). L'
art. 125 al. 1 CC
ne concerne que la "prévoyance vieillesse appropriée" pour la période postérieure au divorce, que le conjoint n'exerçant plus d'activité lucrative doit se constituer.
Suivant la fonction et la composition de la fortune des époux, on peut attendre du débiteur d'aliments - comme du créancier - qu'il en entame la substance. En particulier, si elle a été accumulée dans un but de prévoyance pour les vieux jours, il est justifié de l'utiliser pour assurer l'entretien des époux après leur retraite; en revanche,
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tel n'est en principe pas le cas lorsque les biens patrimoniaux ne sont pas aisément réalisables, qu'ils ont été acquis par succession ou investis dans la maison d'habitation. En outre, pour respecter le principe d'égalité entre les époux, on ne saurait exiger d'un conjoint qu'il entame sa fortune que si on impose à l'autre d'en faire autant, à moins qu'il n'en soit dépourvu (GEISER, Neuere Tendenzen in der Rechtsprechung zu den familienrechtlichen Unterhaltspflichten, in PJA 1993 p. 903 ss, spéc. 904 ch. 2.5. et les citations).
3.2
La défenderesse estime que le demandeur doit mettre à contribution la substance, et non seulement les revenus de sa fortune, pour subvenir à son entretien. Elle affirme, en bref, que c'est presque exclusivement au moyen de l'épargne et des assurances-vie que les époux ont constitué leur prévoyance vieillesse. Or, cette "épargne-prévoyance" aurait été partagée entre eux au moment du divorce s'il s'était agi d'un "deuxième pilier traditionnel". Le fait que le demandeur a financé sa retraite par le biais d'une "prévoyance individuelle personnelle" a donc pour effet de la désavantager, d'autant que - contrairement à ce qui est le cas pour la contribution d'entretien (cf.
art. 130 al. 1 CC
) - une institution de prévoyance aurait continué de lui servir une rente nonobstant le décès de l'intéressé. Dans ces conditions, il apparaît équitable de l'astreindre à prélever 4'000 fr. par mois sur sa fortune (= 48'000 fr. par an) pour assurer son entretien et le paiement de la contribution alimentaire. La défenderesse fait valoir de surcroît que, comme la pension s'éteint au décès du débiteur et que son espérance de vie est de 4,87 ans supérieure à celle de sa partie adverse, un "montant supplémentaire raisonnable" doit lui être attribué pour financer cette période.
D'après les constatations souveraines de l'autorité cantonale (
art. 63 al. 2 OJ
), le demandeur gagnait 21'200 fr. par mois en 1990; on ignore, en revanche, la date à laquelle il a cessé toute activité lucrative. Statuant le 18 décembre 1990 sur mesures protectrices de l'union conjugale, la Cour de justice a alloué à la défenderesse une contribution d'entretien mensuelle de 5'500 fr. en vertu de l'
art. 176 al. 1 ch. 1 CC
, laquelle a été portée à 6'000 fr. en 1994 à la suite d'un accord entre les parties. Compte tenu des rentes de l'assurance-vieillesse et survivants et du deuxième pilier, ainsi que du produit de sa fortune, l'intéressée dispose donc depuis lors d'environ 10'000 fr. par mois (cf. supra, consid. 2.1).
Les prestations versées au titre de la prévoyance vieillesse et professionnelle n'atteignent certes jamais le montant du dernier salaire; les revenus des époux diminuent toujours au moment de la retraite,
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en sorte que ceux-ci doivent soit réduire leur train de vie, soit entamer leur fortune pour le maintenir. En l'espèce, le revenu dont disposera mensuellement la défenderesse après paiement de la contribution d'entretien arrêtée par l'autorité cantonale, à savoir 6'350 fr. 50 (cf. supra, consid. 2.1), équivaut à une réduction d'environ 40% de son train de vie antérieur. Une telle réduction apparaît incompatible avec l'application correcte des critères de l'
art. 125 al. 2 CC
. Lorsque - comme en l'occurrence - l'époux, médecin indépendant, n'a pas constitué de deuxième pilier, il faut admettre que l'épargne privée vise essentiellement un but de prévoyance. Si chaque époux reçoit la moitié de l'épargne accumulée par l'autre dans le cadre de la liquidation du régime de la participation aux acquêts (cf.
art. 215 al. 1 CC
), l'égalité entre eux est garantie, et le train de vie de chacun maintenu, voire réduit ou augmenté dans la même proportion. En revanche, si, en raison du régime matrimonial qui a été choisi (séparation des biens ou ancien régime de l'union des biens), l'un des époux conserve l'entier, ou une part supérieure à la moitié, de l'épargne accumulée aux fins de prévoyance durant la vie commune, il se justifie d'exiger de lui qu'il entame la substance de cette fortune pour contribuer à l'entretien convenable de son conjoint, c'est-à-dire lui assurer, dans l'idéal, le train de vie qui était le sien durant le mariage ou durant la longue période de séparation qui a précédé le divorce.
Il ressort de l'arrêt entrepris - dont les constatations sont vainement remises en cause par le demandeur (
art. 55 al. 1 let
. c et 63 al. 2, en relation avec l'
art. 59 al. 3 OJ
) - que, en 1993, la défenderesse a obtenu un montant de 465'736 fr. 70 dans la liquidation du régime matrimonial; on ignore, en revanche, à combien s'élevait la part du demandeur et quelle part de la fortune de chacun des époux correspond à de l'épargne destinée à la prévoyance vieillesse. Il s'ensuit que l'affaire doit être renvoyée à l'autorité précédente pour complément de l'état de fait (
art. 64 al. 1 OJ
). Il lui appartiendra de déterminer le montant de l'épargne privée des époux accumulée dans un but de prévoyance, de rechercher quelle part en a été attribuée à chacun d'eux dans la liquidation du régime matrimonial et, si la somme attribuée au demandeur est supérieure à celle qu'a reçue au même titre la défenderesse, d'apprécier dans quelle mesure ce surplus peut être entamé pour assurer à celle-ci son niveau de vie antérieur.