Urteilskopf
133 V 402
50. Arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause N. contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud ainsi que Tribunal des assurances du canton de Vaud (recours de droit administratif)
I 1096/06 du 24 juillet 2007
Regeste
Art. 69 Abs. 1bis IVG
: Kostenvorschuss; Grundsatz der Gesetzmässigkeit.
Die Befugnis zur Erhebung eines Kostenvorschusses und die verfahrensrechtlichen Folgen einer allfälligen Nichtbezahlung müssen in einem Gesetz im formellen Sinn vorgesehen sein (E. 3.4).
Art. 69 Abs. 1bis IVG
bildet keine hinreichende gesetzliche Grundlage, um im kantonalen Beschwerdeverfahren betreffend die Zusprechung oder Verweigerung von Leistungen der Invalidenversicherung einen Kostenvorschuss einzufordern (E. 4.2).
A.
Le 9 novembre 2006, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: office AI) a rejeté la demande de prestations de N. tendant à l'octroi d'une indemnité journalière d'attente.
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de Vaud. Il a sollicité simultanément le bénéfice de l'assistance judiciaire provisoire que le juge instructeur a refusé de lui octroyer par décision incidente du 11 décembre 2006. Celui-ci lui a imparti à cette occasion un délai échéant au 15 janvier 2007 pour verser une avance de frais de 1'000 fr. ou déposer une décision du Bureau de l'assistance judiciaire au greffe du tribunal, en l'avertissant qu'à défaut, le recours serait déclaré irrecevable.
B.
N. a interjeté un recours de droit administratif contre cette décision en concluant principalement à son annulation et subsidiairement à sa réforme, en ce sens que le montant de l'avance de frais soit ramené à 200 fr.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud et l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) ont conclu au rejet du recours, tandis que l'office AI a renoncé à se déterminer.
C.
Par ordonnance du 1
er
février 2007, le Président de la II
e
Cour de droit social a accordé l'effet suspensif au recours.
Considérant en droit:
1.1
La loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1
er
janvier 2007 (RO 2006 p. 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (
art. 132 al. 1 LTF
;
ATF 132 V 393
consid. 1.2 p. 395).
1.2
La décision incidente par laquelle une avance de frais est exigée afin de garantir le paiement des frais de justice présumés, avec l'indication qu'à défaut, le recours sera déclaré irrecevable, est susceptible de causer un préjudice irréparable; aussi, un recours de droit administratif peut-il être interjeté de manière indépendante contre cette décision (art. 5 al. 2 en corrélation avec l'
art. 45 al. 1 PA
et les
art. 97 al. 1 et 128 OJ
;
ATF 128 V 199
consid. 2 p. 201).
1.3
Le litige ne concernant pas l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ
).
2.
A l'appui de son recours de droit administratif, le recourant fait valoir qu'il n'existerait aucune base légale pertinente en droit cantonal vaudois permettant le prélèvement d'une avance de frais par le Tribunal des assurances du canton de Vaud dans une procédure de recours en matière de contestations portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'assurance-invalidité.
Selon le Tribunal des assurances du canton de Vaud, le principe de la force dérogatoire du droit fédéral permettrait au juge des assurances, par l'intermédiaire de l'
art. 69 al. 1
bis
LAI
, de requérir une avance de frais, sans que sa perception ne soit prévue dans la législation cantonale. Pour l'OFAS, qui partage le point de vue de la juridiction cantonale, le système de l'avance de frais - et implicitement la sanction de l'irrecevabilité à défaut du versement des sûretés - s'inscrirait dans la logique de la modification légale tendant à la suppression de la gratuité de la procédure judiciaire pour les contestations portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'assurance-invalidité.
3.1
Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d'une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. A ce titre, ils doivent respecter les principes de la couverture des frais et de l'équivalence (
ATF 124 I 241
consid. 4a p. 244;
ATF 120 Ia 171
consid. 2 p. 174).
3.2
La perception de contributions publiques - à l'exception des émoluments de chancellerie - doit être prévue quant à son principe dans une loi au sens formel du terme. La compétence de régler certaines questions particulières ou secondaires peut être déléguée au pouvoir exécutif ou à une autorité judiciaire, mais la loi doit alors indiquer - au moins dans les grandes lignes - le cercle des contribuables, l'objet et la base de calcul de cette contribution.
BGE 133 V 402 S. 405
Il y a atteinte au principe constitutionnel de la légalité si les éléments essentiels d'une contribution publique ne sont pas déterminés par le législateur (
ATF 132 II 371
consid. 2.1 p. 374;
ATF 127 I 60
consid. 2d p. 64;
ATF 106 Ia 249
consid. 1 p. 250).
Si tous les aspects de la contribution publique ne doivent pas nécessairement être réglés dans une loi au sens formel, ils doivent l'être au moins sous une forme normative. Les conditions de perception de la contribution doivent être énoncées de manière suffisamment précise pour empêcher l'autorité d'application de disposer d'une marge de manoeuvre excessive et permettre aux administrés d'en apprécier les conséquences financières éventuelles et d'adapter leur comportement en connaissance de cause. Savoir quelles exigences il convient de respecter dépend de la nature de la matière traitée (
ATF 123 I 248
consid. 2 p. 249).
3.3
La perception, dans l'intérêt d'une saine administration de la justice, d'une avance pour les frais judiciaires prévisibles auprès de celui qui entend bénéficier de la protection juridique de l'Etat correspond à une pratique générale des cantons et ne contrevient pas à l'
art. 6 par. 1 CEDH
. Dans la mesure où le droit fédéral n'institue pas la gratuité de la procédure et où le droit constitutionnel ou procédural ne donne pas un droit au bénéfice de l'assistance judiciaire, la plupart des codes de procédure cantonaux prévoient que les parties sont tenues de procéder à une avance des frais judiciaires ou des autres dépenses inhérentes à la procédure (
ATF 124 I 241
consid. 4a p. 244; pour un aperçu des règles de procédure administrative cantonale, BENOÎT BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 455 s.). La sanction de l'irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l'avance de frais ne procède pas d'un excès de formalisme ou d'un déni de justice, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (
ATF 96 I 521
consid. 4 p. 523).
3.4
Le principe de la perception de frais de justice, en tant que contributions causales, ainsi que ses aspects importants doivent être prévus dans une loi au sens formel du terme. Dans la mesure où il constitue non seulement une modalité particulière de paiement des frais judiciaires prévisibles de la procédure, mais avant tout une condition de recevabilité du recours, le principe du paiement de l'avance des frais judiciaires dans le délai imparti n'est pas
BGE 133 V 402 S. 406
une question secondaire dont le règlement peut être délégué au pouvoir exécutif ou à une autorité judiciaire. La possibilité de pouvoir demander une avance des frais judiciaires et la sanction attachée au non-paiement à temps de celle-ci doivent par conséquent également figurer dans une loi au sens formel du terme. A défaut, il y a atteinte au principe constitutionnel de la légalité (voir l'arrêt du Tribunal fédéral 6A.92/2006 du 21 février 2007, consid. 6.4).
4.1
En dérogation à l'
art. 61 let. a LPGA
- qui consacre le principe de la gratuité du contentieux des assurances sociales au niveau cantonal -, l'
art. 69 al. 1
bis
LAI
(introduit par la modification de la LAI du 16 décembre 2005, entrée en vigueur le 1
er
juillet 2006 [RO 2006 p. 2003, 2006]) pose le principe que la procédure de recours en matière de contestations portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l'AI devant le tribunal cantonal des assurances est soumise à des frais de justice. Le montant des frais est fixé en fonction de la charge liée à la procédure, indépendamment de la valeur litigieuse, et doit se situer entre 200 et 1'000 francs.
4.2
A teneur de cette disposition, on ne saurait considérer que le tribunal cantonal des assurances est habilité, en vertu du seul droit fédéral, à requérir le versement d'une avance de frais de la part d'un recourant. Le texte de cette disposition est absolument clair et n'autorise aucune interprétation divergente; elle ne prévoit pas - ne serait-ce que de manière implicite - la possibilité de demander une avance de frais, et encore moins les conséquences procédurales qui pourraient être attachées à un éventuel défaut de versement. C'est en vain que le Tribunal des assurances du canton de Vaud et l'OFAS croient pouvoir déduire du Message concernant la modification de la LAI (mesures de simplification de la procédure) du 4 mai 2005 (FF 2005 p. 2899, 2905) la possibilité de demander une avance de frais. Certes, le Conseil fédéral a exposé que "[...], si les recourants doivent s'acquitter d'une avance de frais, ils prendront mieux conscience de l'importance d'une action jusque devant la cour suprême que si celle-ci était gratuite. Dans ces conditions, ils auront tendance à renoncer à former des recours inutiles". Par ces propos, le Conseil fédéral n'a fait toutefois qu'expliciter l'objectif qu'il entendait poursuivre en soumettant les procédures cantonale et fédérale en matière d'octroi et de refus de prestations de l'assurance-invalidité à des frais de justice. On ne saurait y voir l'expression de la volonté du législateur de généraliser la perception
BGE 133 V 402 S. 407
d'avances de frais dans le cadre de ces procédures. Et quand bien même on attribuait aux propos du Conseil fédéral le sens qu'entendent lui donner le Tribunal des assurances du canton de Vaud et l'OFAS, ils ne permettraient pas de suppléer à l'absence d'une base légale au sens formel.
4.3
Hormis le respect des exigences posées à l'
art. 61 LPGA
et des dispositions - non déterminantes en l'espèce - auxquelles renvoie l'
art. 1 al. 3 PA
, la procédure devant le tribunal cantonal des assurances est régie par le droit cantonal. L'
art. 69 al. 1
bis
LAI
ne limite pas la compétence des cantons en matière de procédure si ce n'est sur le principe même de l'absence de gratuité de la procédure en matière d'octroi et de refus de prestations de l'assurance-invalidité et la fourchette des montants pouvant être prélevés. A défaut d'une base légale de droit fédéral, les cantons demeurent libres de prévoir ou non la possibilité de demander une avance de frais pour la procédure devant le tribunal cantonal des assurances (voir
ATF 107 Ia 117
consid. 2a p. 119; voir également arrêt du Tribunal fédéral 2A.260/1997 du 7 août 1998, consid. 2). Contrairement à ce que soutient l'OFAS, il n'y a pas de place pour une application par analogie des dispositions de l'OJ (art. 150), de la LTF (art. 62) ou de la PA (art. 63), lois qui prévoient toutes le principe de l'avance des frais judiciaires présumés et la sanction attachée au défaut du versement de celle-ci dans le délai prescrit.
4.4
La procédure applicable devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud est régie, pour l'essentiel, par la loi sur le Tribunal des assurances du 2 décembre 1959 (LTAs; RSV 173.41). L'art. 26 LTAs prévoit la possibilité de demander une avance de frais à des conditions spécifiques qui ne sont pas remplies en l'espèce. De même, le renvoi de l'art. 28 LTAs aux règles de la procédure civile contentieuse (art. 1 à 485 du Code de procédure civile du 14 décembre 1966 [CPC; RSV 270.11]) n'inclut pas l'
art. 90 CPC
relatif à l'avance des frais. A défaut de base légale, le Tribunal des assurances du canton de Vaud n'était pas en droit de demander une avance de frais au recourant. En conséquence, la décision attaquée doit être annulée et le recours se révèle bien fondé.
5.
En principe, des frais judiciaires et des dépens ne peuvent être mis à la charge d'un canton qui n'est pas partie au procès et dont les intérêts pécuniaires ne sont pas en cause (art. 156 al. 2 en corrélation avec l'
art. 135 OJ
). Toutefois, il y a lieu de déroger à ce
BGE 133 V 402 S. 408
principe lorsque la décision attaquée viole de manière qualifiée les règles d'application de la justice et cause de ce fait des frais aux parties (arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 305/97 du 19 octobre 1998, consid. 4, publié in RAMA 1999 n° U 331 p. 128, et K 8/97 du 7 avril 1998, consid. 5a et b). En requérant le versement d'une avance de frais en dehors de tout cadre légal, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a violé le principe de la légalité, ce qui justifie de mettre les frais de justice et les dépens à la charge du canton de Vaud.