Urteilskopf
138 III 333
48. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause X. contre A. (recours en matière civile)
5A_841/2011 du 23 mars 2012
Regeste
aArt. 283 ZGB (=
Art. 303 Abs. 2 lit. b ZPO
),
Art. 93 Abs. 1 BGG
; vorsorgliche Massnahmen zugunsten eines minderjährigen Kindes.
Der in Anwendung von aArt. 283 ZGB angeordnete vorsorgliche Massnahmeentscheid zugunsten eines Kindes, dessen Abstammung nicht feststeht, ist ein Zwischenentscheid (E. 1.2), der grundsätzlich keinen nicht wieder gutzumachenden Nachteil bewirkt (E. 1.3).
A.
B. et C. se sont mariés le 9 juillet 2002, ont mis fin à leur vie commune à la fin de l'année 2008 et ne l'ont pas reprise depuis lors; leur divorce a été prononcé le 14 avril 2010.
B. et X., ressortissant américain né le 24 juin 1949, marié et père de deux enfants majeurs, ont noué une relation et fait ménage commun de janvier 2009 à janvier 2010. Le 9 mars 2010, B. a donné naissance à l'enfant A.
BGE 138 III 333 S. 334
Le 18 mai 2010, la Justice de paix du district de Lavaux-Oron a désigné une curatrice à l'enfant A., aux fins de le représenter dans l'action en désaveu dirigée contre lui, ainsi que pour ouvrir par la suite action en établissement de paternité et en paiement d'aliments en son nom et pour son compte.
Par jugement du 13 octobre 2010 (définitif), le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a dit que A. n'est pas le fils de C.
B.
Le 19 novembre 2010, A., représenté par sa curatrice, a formé une requête de conciliation auprès du Juge de paix du district de Lavaux-Oron, tendant à faire prononcer judiciairement que X. est son père et qu'il doit contribuer à son entretien; un acte de non-conciliation a été délivré le 1
er
février 2011. Le 28 février suivant, il a alors ouvert action en paternité et en paiement d'aliments devant le Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois.
Statuant le 15 juillet 2011 par voie de mesures provisionnelles, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a, en particulier, astreint X. à verser à A. une contribution d'entretien de 3'500 fr. par mois, allocations familiales éventuelles en sus, dès le 9 mars 2010.
Par arrêt du 11 octobre 2011, le Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a partiellement admis l'appel de X. et réformé l'ordonnance déférée en ce sens que la pension est réduite à 2'550 fr. par mois, dès le 1
er
juillet 2010.
Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours en matière civile formé par X.
(résumé)
Extrait des considérants:
1.2
Bien que la décision entreprise ne soit pas très claire sur ce point, les mesures provisoires ordonnées dans le cas présent se fondent sur l'ancien
art. 283 CC
(=
art. 303 al. 2 let.
b
CPC
), aux termes duquel, lorsque la paternité est présumée et le reste après l'administration des preuves immédiatement disponibles, le défendeur doit, sur requête du demandeur, même avant le jugement, contribuer d'une manière équitable à l'entretien de l'enfant. Il ne s'agit pas là de mesures de réglementation - comme les mesures provisionnelles ordonnées en faveur d'un enfant mineur à l'égard duquel le lien de
BGE 138 III 333 S. 335
filiation est établi (ancien
art. 281 al. 2 CC
;
ATF 137 III 586
consid. 1.2, avec les références) -, mais de mesures d'exécution anticipées (HOHL, La réalisation du droit et les procédures rapides, 1994, n
os
576 ss, avec les citations): si l'action est admise, les contributions provisionnelles versées "constitueront des à-valoir sur la créance de l'enfant", alors que, dans le cas inverse, "elles devront être remboursées au défendeur" (
ATF 136 IV 122
consid. 2.3 et la doctrine citée). La décision qui les ordonne est ainsi une décision incidente au sens de l'
art. 93 al. 1 LTF
, à l'instar de celle qui est rendue en faveur d'un enfant majeur sur la base de l'ancien
art. 281 CC
(
ATF 135 III 238
).
C'est dès lors à juste titre - mais avec une motivation erronée - que le magistrat précédent s'est référé à l'
art. 93 al. 1 LTF
. Il en va de même du recourant, lorsqu'il discute la recevabilité du recours; avec raison, il ne mentionne pas l'
art. 92 LTF
, faute de décision sur la compétence notifiée
séparément
(cf.
ATF 135 III 566
consid. 1); d'ailleurs, son chef de conclusions principal semble avoir
a priori
pour objet de provoquer une telle décision séparée, droit qu'il pourrait le cas échéant faire valoir s'il s'exposait à un préjudice irréparable (sur cette possibilité: UHLMANN, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2
e
éd. 2011, n° 5 ad
art. 92 LTF
).
1.3
Selon l'
art. 93 al. 1 LTF
, les décisions incidentes sont susceptibles de recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). L'hypothèse prévue à l'
art. 93 al. 1 let.
b
LTF
étant exclue en l'occurrence (
ATF 137 III 589
consid. 1.2.3), il y a lieu d'examiner si la décision attaquée cause un préjudice irréparable, comme le prétend le recourant.
1.3.1
Le "préjudice irréparable" au sens de la disposition précitée doit être de nature juridique et ne pas pouvoir être réparé ultérieurement par une décision finale favorable au recourant (
ATF 137 III 324
consid. 1.1;
ATF 137 V 314
consid. 2.2.1 et les arrêts cités). De jurisprudence constante, le fait d'être exposé au paiement d'une somme d'argent n'entraîne, en principe, aucun préjudice de cette nature (
ATF 137 III 637
consid. 1.2 et l'arrêt cité).
1.3.2
En l'espèce, le recourant allègue que, privé de revenu hormis sa retraite de 1'776 USD par mois, il sera contraint de vendre l'immeuble qu'il possède aux États-Unis, détériorant ainsi gravement sa situation financière. Au surplus, vu la situation financière précaire de
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la mère de l'enfant, il est exposé à ne pas pouvoir recouvrer les montants payés à tort en cas d'issue favorable du procès.
Ce faisant, le recourant se contente d'exposer son propre point de vue en s'appuyant sur certains éléments isolés du dossier. Par exemple, il ne ressort pas de la décision déférée qu'il ne disposerait plus d'aucune fortune; cette décision retient en outre qu'il a perçu un salaire particulièrement confortable en Suisse, ainsi qu'une compensation financière de 100'000 fr. (dont à déduire les taxes usuelles), avant de quitter son employeur à fin décembre 2009. De surcroît, le juge précédent relève que deux témoins - entendus à l'audience de mesures provisionnelles du 5 juillet 2011 - ont déclaré "que [le recourant] menait un très grand train de vie et semblait dès lors avoir beaucoup d'argent, s'en vantant même". Or, le recourant ne discute pas ces points, respectivement se contente de relativiser lesdits témoignages; ses allégations quant à la nécessité d'aliéner son bien immobilier et à l'impossibilité de récupérer les pensions versées indûment ne sont ainsi pas de nature à infirmer le principe selon lequel un préjudice purement économique n'est pas irréparable au sens de l'
art. 93 al. 1 let. a LTF
.