Urteilskopf
139 III 511
75. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause Club X. SA contre Z. (recours en matière civile)
4A_282/2013 du 13 novembre 2013
Regeste
Internationales Schiedsgerichtsverfahren; vorschriftswidrige Zusammensetzung des Schiedsgerichts (
Art. 190 Abs. 2 lit. a IPRG
).
Die Rüge der vorschriftswidrigen Zusammensetzung des Schiedsgerichts umfasst auch den Fall, in dem das Schiedsgericht in Verletzung der von den Parteien getroffenen Vereinbarung gebildet wurde (Bestätigung der Rechtsprechung; E. 4).
Extrait des considérants:
4.
En vertu de l'
art. 190 al. 2 let. a LDIP
(RS 291), une sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage international peut être attaquée lorsque l'arbitre unique a été irrégulièrement désigné ou le tribunal arbitral irrégulièrement composé. L'
art. 393 let. a CPC
a repris mot pour mot le texte de cette disposition dans l'énumération des motifs susceptibles d'être invoqués à l'appui d'un recours en matière civile dirigé contre une sentence arbitrale interne.
Une partie de la doctrine considère que les dispositions citées, et singulièrement la première d'entre elles, ne visent qu'à assurer le respect de l'indépendance et de l'impartialité requises de l'arbitre unique ou des membres du tribunal arbitral, partant qu'elles ne permettraient pas de sanctionner la violation des règles adoptées par les parties au sujet de la désignation de l'arbitre unique ou de la constitution du tribunal arbitral (GIRSBERGER/VOSER, International Arbitration in Switzerland, 2
e
éd. 2012, p. 334; GEISINGER/VOSER, in International Arbitration in Switzerland, [...], 2
e
éd. 2013, p. 238 s.; ANTONIO RIGOZZI, L'arbitrage international en matière de sport, 2005, n. 1356). Toutefois,
BGE 139 III 511 S. 512
contrairement à ce que prétendent GIRSBERGER et VOSER (ibid.), il ne s'agit pas de l'opinion qui a prévalu. La doctrine majoritaire, à l'avis de laquelle le dernier auteur cité s'est apparemment rangé, admet, au contraire, que le grief tiré de la composition irrégulière du tribunal arbitral inclut aussi l'hypothèse où le tribunal arbitral a été constitué en violation de la convention des parties (KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, Arbitrage international - Droit et pratique à la lumière de la LDIP, 2
e
éd. 2010, n. 799; PIERRE-YVES TSCHANZ, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 48 ad
art. 190 LDIP
; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 89 ad
art. 77 LTF
; BERTI/SCHNYDER, in Commentaire bâlois, Internationales Privatrecht, 2
e
éd. 2007, n° 27 ad
art. 190 LDIP
; BERGER/KELLERHALS, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 2
e
éd. 2011, n. 1546; LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, 1989, n° 5a ad
art. 190 LDIP
; WALTER/BOSCH/BRÖNNIMANN, Internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, 1991, p. 216; pour l'arbitrage interne, cf., parmi d'autres: PHILIPPE SCHWEIZER, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 11 ad
art. 393 CPC
; MICHAEL MRÁZ, in Commentaire bâlois, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2
e
éd. 2013, n° 9 ad
art. 393 CPC
; MARKUS SCHOTT, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO],Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.],2
e
éd. 2013, n° 11 ad
art. 393 CPC
; STEFAN GRUNDMANN, in dernier op. cit., n° 4 ad
art. 360 CPC
; JOACHIM FRICK, in Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Baker & McKenzie [éd.], 2010, n° 2 ad
art.393 CPC
; KRAMER/WIGET, in Schweizerische Zivilprozessordnung[ZPO], Brunner/Gasser/Schwander [éd.],2011, n° 5 ad
art. 393 CPC
; FELIX DASSER, in ZPO, Kurzkommentar, Oberhammer [éd.], 2010, n° 4ad
art. 393 CPC
).
La doctrine minoritaire, à laquelle le Tribunal arbitral du sport (TAS) emboîte le pas, s'appuie essentiellement sur deux précédents déjà anciens. Dans le premier, qui avait trait au rejet d'une demande de récusation d'un arbitre, le Tribunal fédéral a indiqué, à titre d'obiter dictum, qu'une violation des exigences adoptées par les parties quant aux qualifications de l'arbitre (
art. 180 al. 1 let. a LDIP
) - exigences allant au-delà des garanties constitutionnelles - ne suffit pas à justifier l'annulation de la sentence (arrêt 4P.292/1993 du 30 juin 1994 consid. 4, in Bulletin de l'Association suisse de l'arbitrage [Bulletin ASA] 1997 p. 99 ss, 103 s.). Dans le second, il a jugé douteux, au cas où les parties adopteraient des motifs de récusation plus stricts que les
BGE 139 III 511 S. 513
garanties constitutionnelles, que cela puisse fonder le motif d'annulation prévu par l'
art. 190 al. 2 let. a LDIP
(arrêt 4P.188/2001 du 15 octobre 2001 consid. 2e, in Bulletin ASA 2002 p. 321 ss). De toute évidence, ces deux précédents n'étaient pas propres à fixer une fois pour toutes la jurisprudence en la matière. Ils l'étaient d'autant moins que, dans un arrêt encore plus ancien mais bénéficiant, lui, de l'autorité attachée à la publication officielle, le Tribunal fédéral était entré en matière sur un recours de droit public formé contre un arrêt cantonal relatif à un recours en nullité au sens de l'art. 36 let. a du Concordat sur l'arbitrage du 27 mars 1969 (CA; RO 1969 1117), disposition qui sanctionnait la composition irrégulière du tribunal arbitral. Or, dans son recours de droit public, la recourante faisait valoir que le tribunal arbitral n'avait pas été régulièrement constitué du fait de l'application arbitraire d'une disposition d'un règlement d'arbitrage concernant le nombre d'arbitres et leur désignation par les parties (arrêt P.160/1975 du 17 mars 1976 en la cause Bucher-Guyer A.G. contre Cour de justice du canton de Genève et Meikli Co. Ltd, in
ATF 102 IA 493
consid. 5). En d'autres termes, le Tribunal fédéral n'avait pas jugé, à l'époque, que l'application d'une réglementation de droit privé adoptée par les parties et régissant la composition du tribunal arbitral devait être soustraite à son examen au motif qu'elle ne mettait pas en jeu la question de l'indépendance et de l'impartialité des membres du tribunal arbitral. Il sied d'ajouter, au demeurant, que les arrêts auxquels GEISINGER et VOSER se réfèrent dans leur ouvrage précité (p. 238 s., notes de pied 80 et 81), en plus des deux précédents qui viennent d'être évoqués, n'ont rien de topique. Il en va de même de l'arrêt publié aux
ATF 117 II 346
consid. 1 et cité par le TAS, puisqu'il a trait à la violation du droit d'être entendu au sens de l'
art. 190 al. 2 let
. d LDIP.
Depuis lors, la jurisprudence en la matière a fait sienne l'opinion professée par la majorité des auteurs. Ainsi, dans un arrêt du 10 janvier 2013, rendu en la cause 4A_146/2012, le Tribunal fédéral, se référant à TSCHANZ (ibid.), a précisé que l'
art. 190 al. 2 let. a LDIP
couvre deux griefs: la violation des règles - conventionnelles (
art. 179 al. 1 LDIP
) ou légales (
art. 179 al. 2 LDIP
) - sur la nomination des arbitres, d'une part; le non-respect des règles touchant l'impartialité et l'indépendance des arbitres (art. 180 al. 1 let. b et c LDIP), d'autre part (consid. 3.2). Au consid. 4.3.2 d'un autre arrêt, daté du 17 janvier 2013 et concernant la cause 4A_538/2012, il a indiqué que, par régularité de la constitution du tribunal arbitral, au sens de l'
art. 190 al. 2 let. a LDIP
,
BGE 139 III 511 S. 514
il faut entendre, sur le vu de la note marginale du chiffre IV du chapitre 12 de la LDIP ("Tribunal arbitral"), la manière dont les arbitres ont été nommés ou remplacés (
art. 179 LDIP
) et les questions relatives à leur indépendance (
art. 180 LDIP
). Il n'y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence, laquelle est désormais bien établie. La constitution régulière du tribunal arbitral représentant une garantie essentielle pour les parties, il est logique que sa violation puisse entraîner l'annulation de la sentence (POUDRET/BESSON, Comparative law of international arbitration, 2
e
éd. 2007, n. 790 p. 727; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., n. 797). Celui qui renonce par anticipation, en concluant une convention d'arbitrage, au droit, de rang constitutionnel (
art. 30 al. 1 Cst.
pour la Suisse) et conventionnel (
art. 6 par. 1 CEDH
), à ce que sa cause soit entendue par un tribunal établi par la loi (cf.
ATF 128 III 50
consid. 2c/aa p. 58 et les auteurs cités) peut raisonnablement s'attendre à ce que les membres du tribunal arbitral ou l'arbitre unique, non seulement offrent des garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité, mais encore répondent aux exigences que les parties ont fixées d'un commun accord (nombre, qualifications, mode de désignation) ou qui résultent d'un règlement d'arbitrage adopté par elles, voire des dispositions légales applicables à titre subsidiaire (cf.
art. 179 al. 2 LDIP
). Il faut aussi lui donner les moyens d'agir au cas où ses attentes à cet égard auraient été déçues, sans qu'il ait eu la possibilité de rectifier la situation pendente lite. Ce n'est qu'à cette condition que l'on pourra lui opposer une sentence qu'il ne sera pas véritablement en mesure d'entreprendre sur le fond, sinon sous l'angle très restrictif de son incompatibilité avec l'ordre public matériel au sens de l'
art. 190 al. 2 let
. e LDIP et de la jurisprudence y relative (arrêt 4A_150/2012 du 12 juillet 2012 consid. 5.1). De surcroît, la solution retenue par la jurisprudence et la doctrine majoritaire a l'avantage d'être en accord avec la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (RS 0.277.12; dans ce sens, cf. GEISINGER/VOSER, ibid.). L'art. V ch. 1 let. d de cette convention dispose, en effet, que la reconnaissance et l'exécution de la sentence seront refusées, notamment, si la partie intimée à la requête d'exequatur fournit la preuve que la constitution du tribunal arbitral n'a pas été conforme à la convention des parties. Quoi qu'il en soit, il convient de ne pas surestimer l'importance pratique des litiges ayant pour objet la violation des dispositions d'une clause compromissoire relatives à la constitution du tribunal arbitral. SCHWEIZER n'y voit du reste qu'un épiphénomène (ibid.). Il est exact, en effet, que la
BGE 139 III 511 S. 515
quasi-totalité du contentieux touchant la constitution du tribunal arbitral, du moins au niveau du Tribunal fédéral, se rapporte à l'indépendance et à l'impartialité des arbitres.
Point n'est besoin d'examiner, ici, si le principe posé par la jurisprudence ne doit souffrir aucune exception, à tel point que même des peccadilles pourraient conduire à l'annulation d'une sentence arbitrale au titre de la violation de l'
art. 190 al. 2 let. a LDIP
, ou s'il faut réserver la possibilité d'y déroger lorsque les vices constatés n'affectent pas réellement la constitution du tribunal arbitral. Aussi bien, le nombre d'arbitres n'appartient pas à cette catégorie de vices. Il s'agit, au contraire, d'un élément important auquel la loi consacre une disposition spécifique - l'
art. 360 CPC
- applicable par analogie à l'arbitrage international en vertu du renvoi opéré à l'
art. 179 al. 2 LDIP
(PHILIPP HABEGGER, in Commentaire bâlois, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2
e
éd. 2013, n° 1 ad
art. 360 CPC
). De fait, le système d'un tribunal arbitral composé de trois membres, s'il est certes plus coûteux que la solution du recours à un arbitre unique, comporte, en revanche, d'indéniables avantages par rapport à celle-ci: il permet qu'une opinion se forge quant aux thèses en présence sur une base plus large que si le sort du litige est abandonné à la sagacité d'une seule personne, ce qui devrait, en principe, diminuer les risques d'erreur; il assure, en outre, à chacune des deux parties, par la possibilité qui lui est offerte de désigner son propre arbitre, de pouvoir faire valoir indirectement son point de vue au sein du tribunal arbitral, même si l'arbitre en question ne doit pas se transformer en l'avocat de "sa" partie (cf.
ATF 136 III 605
consid. 3.3.1 p. 612 s.), ce qui devrait augmenter automatiquement la confiance des parties vis-à-vis du tribunal arbitral; il constitue enfin le meilleur moyen de tenir compte de ce que les parties proviennent souvent d'horizons très différents du point de vue du droit, de la religion, de la culture, de la langue, de la politique et de l'économie (cf. HABEGGER, op. cit., n° 5 ad
art. 360 CPC
).
Les remarques qui précèdent commandent, dès lors, d'écarter l'objection soulevée par le TAS et d'entrer en matière sur le grief invoqué par la recourante.