Urteilskopf
143 III 404
56. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. et B. contre Caisse de crédit C. (recours en matière civile)
5A_703/2016 du 6 juin 2017
Regeste
Art. 50 LugÜ 1988 und 57 LugÜ 2007; definitive Rechtsöffnung auf der Grundlage einer vollstreckbaren öffentlichen Urkunde, die in einem ausländischen Vertragsstaat der Lugano-Übereinkommen von 1988 und 2007 aufgenommen wurde.
Die Rechtsprechung zur definitiven Rechtsöffnung gestützt auf einen in einem anderen Vertragsstaat der Lugano-Übereinkommen von 1988 und 2007 ergangenen Entscheid ist auch anwendbar, wenn das Rechtsöffnungsgesuch auf einer in einem solchen Staat erstellten öffentlichen Urkunde gründet. Grundsätze dieser Rechtsprechung (E. 5).
Wie der Libor-Zinssatz, stellen die Euribor- und T4M-Zinssätze keine gerichtsnotorischen Tatsachen dar (E. 5).
A.a
A. et B. ont contracté solidairement auprès de la Caisse de crédit C. (ci-après: Caisse de crédit) les prêts bancaires avec constitution de garanties hypothécaires suivants:
- Le 4 mars 2008, un prêt de 900'000 euros, avec constitution d'une garantie hypothécaire de 2
e
rang sur l'immeuble sis à D. (France);
- Le 16 octobre 2008, un prêt de 250'000 euros, avec constitution d'une garantie hypothécaire de 2
e
rang sur deux appartements formant les lots 16, 17, 26 et 27 de la copropriété sise à E. et F. (France);
- Le 5 décembre 2008, un prêt de 100'000 euros, avec constitution d'une garantie hypothécaire de 3
e
rang sur deux appartements formant les lots 16, 17, 26 et 27 de la copropriété sise à E. et F. (France);
- Le 21 décembre 2009, un prêt de 1'000'000 euros, avec constitution d'une garantie hypothécaire de 2
e
rang sur l'immeuble sis à G. (France);
- Le 26 juin 2012, un prêt de 150'000 euros, avec constitution d'une garantie hypothécaire de 4
e
rang sur deux appartements formant les lots 16, 17, 26 et 27 de la copropriété sise à E. et F. (France).
BGE 143 III 404 S. 406
Le contrat du 21 décembre 2009 était un contrat de compte-courant hypothécaire et les quatre autres des contrats de crédit-relais. Tous prévoyaient des taux d'intérêts variables.
A.b
Le 11 juillet 2014, deux commandements de payer (poursuites n
os
h et i) ont été notifiés par l'Office des poursuites de la Gruyère à A. et B. à l'instance de la Caisse de crédit. Ils y ont tous deux fait opposition totale.
A.c
Le 19 décembre 2014, la Chambre des Notaires K. (France) a émis, sur requête de la Caisse de crédit, cinq certificats permettant l'exécution à l'étranger des actes authentiques de prêt.
A.d
Le 9 avril 2015, la Caisse de crédit a déposé deux requêtes distinctes de mainlevée définitive devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Gruyère (ci-après: Tribunal civil), concluant à titre incident au prononcé de l'exequatur des actes authentiques produits à l'appui des requêtes de mainlevée et au prononcé de la mainlevée définitive des oppositions formées respectivement par A. et B. aux commandements de payer (poursuites n
os
h et i), à concurrence d'un montant total de 3'174'966 fr. 7351 (1'032'174 fr. 122 + 349'402 fr. 2547 + 138'535 fr. 041 + 1'439'569 fr. 646 + 215'285 fr. 6714) et à ce qu'il soit dit que les poursuites en question iraient leur voie.
A.e
Le 22 avril 2016, la Présidente du Tribunal civil a partiellement admis, dans deux décisions séparées, les requêtes de mainlevée de la Caisse de crédit. Elle a déclaré exécutoires en Suisse les cinq actes authentiques. La mainlevée définitive a été prononcée pour un montant de 2'667'214 fr. 30 en capital, auquel s'ajoutaient des intérêts à 5 % l'an dès le 4 juin 2014, des intérêts et indemnités conventionnels par 298'396 fr. 70, ainsi que les frais de poursuite et judiciaires.
B.
Statuant par arrêt du 22 août 2016 sur les recours interjetés le 10 mai 2016 par A. et B. contre les décisions du 22 avril 2016, la II
e
Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (ci-après: Cour d'appel) a joint les causes et a très partiellement admis les recours en ce sens qu'elle a prononcé la mainlevée définitive à concurrence d'un montant total de 2'965'611 fr.
C.
Par acte du 26 septembre 2016, A. et B. exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Ils concluent principalement à son annulation et à sa réforme en ce sens que les requêtes de mainlevée du 9 avril 2015 sont déclarées irrecevables, subsidiairement rejetées. (...)
BGE 143 III 404 S. 407
Invitées à se déterminer, la Cour d'appel a déclaré ne pas avoir d'observations à formuler sur le fond du recours et la Caisse de crédit a conclu principalement au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué, subsidiairement, au rejet du recours et au prononcé de la mainlevée définitive à concurrence de 1'039'560 fr. + 333'038 fr. + 133'215 fr. + 1'353'420 fr. + 204'608 fr. et, plus subsidiairement encore, au rejet du recours et au prononcé de la mainlevée définitive à concurrence de 878'192 fr. + 310'296 fr. + 124'117 fr. + 1'241'340 fr. + 185'706 fr. (...)
Par arrêt du 6 juin 2017, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
(extrait)
Extrait des considérants:
5.1
Le présent recours a été formé dans le cadre d'une procédure de mainlevée définitive de l'opposition dans le cadre de laquelle le caractère exécutoire d'un acte authentique établi à l'étranger a été examiné. Les recourants sont au surplus domiciliés en Suisse alors que l'intimée a son siège en France. La cause revêt ainsi manifestement un caractère international (cf.
ATF 135 III 185
consid. 3;
ATF 131 III 76
consid. 2.3).
L'
art. 30a LP
réserve les traités internationaux. La Suisse et la France ont ratifié la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (CL 1988; RO 1991 2436 ss) qui est entrée en vigueur le 1
er
janvier 1992 autant pour la France que pour la Suisse. Quant à la Convention de Lugano révisée du 30 octobre 2007 (CL 2007; RS 0.275.12) elle est entrée en vigueur le 1
er
janvier 2010 pour l'Union européenne et le 1
er
janvier 2011 pour la Suisse. Selon l'art. 50 par. 1 CL 1988, les actes authentiques reçus et exécutoires dans un Etat contractant sont, sur requête, déclarés exécutoires dans un autre Etat contractant, conformément à la procédure prévue aux art. 31 ss, c'est-à-dire comme une décision judiciaire. La requête ne peut être rejetée que si l'exécution de l'acte authentique est contraire à l'ordre public de l'Etat requis. Cette disposition a été reprise presque à l'identique dans la CL 2007 si ce n'est que la procédure est désormais prévue aux art. 38 ss et que la partie doit se prévaloir d'une éventuelle violation de l'ordre public de l'Etat requis dans le cadre de la procédure de recours prévue aux art. 43 ou 44 CL 2007 (art. 57 al. 1 CL 2007).
BGE 143 III 404 S. 408
5.2.1
Le créancier au bénéfice d'un acte authentique étranger portant condamnation à payer une somme d'argent ou à constituer des sûretés (
art. 38 al. 1 LP
) établi dans un Etat lié à la Suisse par la CL de 1988 ou 2007 dispose de deux possibilités pour en obtenir l'exécution. La première consiste à introduire une procédure d'exequatur indépendante et unilatérale selon les art. 31 ss CL 1988 et 38 ss CL 2007, devant le juge de la mainlevée (art. 32 CL 1988) ou le tribunal cantonal de l'exécution (annexe II de la CL 2007 par renvoi de l'art. 39 CL 2007), qui déclarera exécutoire en Suisse l'acte authentique étranger dans une procédure non contradictoire, sans entendre préalablement le débiteur (art. 34 CL 1988 et 41 CL 2007); après avoir obtenu l'exequatur dans cette procédure indépendante et unilatérale, le créancier demandera l'exécution proprement dite de la décision, par la voie de la poursuite. La seconde possibilité - choisie en l'espèce par l'intimée - consiste à introduire une poursuite (réquisition de poursuite, commandement de payer) et, en cas d'opposition du débiteur, à requérir la mainlevée de l'opposition, procédure au cours de laquelle le juge de la mainlevée se prononcera à titre incident sur le caractère exécutoire de l'acte authentique étranger (décision d'exequatur prononcée à titre incident;
art. 81 al. 3 LP
); s'il le déclare exécutoire, ce magistrat lèvera alors l'opposition au commandement de payer (
ATF 135 III 670
consid. 1.3.2,
ATF 135 III 324
consid. 3.2 et 3.3; DANIEL STAEHELIN, in Basler Kommentar, Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 2
e
éd. 2010, n° 68a ad
art. 80 LP
).
Dans l'un et l'autre cas, le juge de la mainlevée ou le tribunal cantonal de l'exécution examine si l'acte authentique étranger doit être déclaré exécutoire parce qu'il remplit les conditions de la CL 1988 ou de la CL 2007. En effet, même si la déclaration d'exécution est prononcée à titre incident dans une procédure de mainlevée soumise formellement aux règles de la LP, il n'en demeure pas moins que les conditions matérielles de cette déclaration, notamment l'existence d'un acte authentique et son caractère exécutoire (art. 31 par. 1 CL 1988 et 38 al. 1 CL 2007; cf. infra consid. 5.2.2), doivent être les mêmes que dans une procédure d'exequatur indépendante. C'est pourquoi le juge de la mainlevée qui a déclaré exécutoire à titre incident un acte authentique étranger n'a plus à examiner, ensuite, si les conditions posées à l'
art. 80 LP
sont remplies. Des règles de procédure suisses ne sont applicables que si elles ne portent pas atteinte à l'effet utile de la convention. En conséquence, seule la mise en
BGE 143 III 404 S. 409
oeuvre de l'exécution proprement dite de l'acte authentique dans l'Etat requis, qui fait suite à la déclaration constatant la force exécutoire de celui-ci, relève du droit national de cet Etat, à savoir, en droit suisse, de la LP. Invité à statuer sur l'exequatur à titre incident, le juge de la mainlevée le fait dans les motifs de son jugement; il n'a pas à se prononcer sur cette question dans le dispositif de celui-ci, même si le poursuivant a pris des conclusions formelles à ce sujet (arrêts 5A_162/2012 du 12 juillet 2012 consid. 6.1, in Pra 2013 n° 28 p. 213; 5A_646/2013 du 9 janvier 2014 consid. 5.1, in SJ 2014 I p. 276).
5.2.2
La déclaration d'exécution des art. 31 par. 1 CL 1988 et 38 al. 1 CL 2007 ne peut avoir pour objet qu'une décision qui est exécutoire.
Pour que l'exequatur soit prononcé, et par la suite la mainlevée définitive, il suffit que la décision soit exécutoire dans l'Etat d'origine (art. 31 par. 1 CL 1988 et 38 al. 1 CL 2007: "qui y sont exécutoires"). Le caractère exécutoire se détermine donc selon les règles de cet Etat (ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 3 ad
art. 57 CL
; s'agissant d'une décision:
ATF 135 III 670
consid. 3.1.3;
ATF 126 III 156
consid. 2a; arrêt 5P.435/2006 du 23 mars 2007 consid. 5).
5.2.3
Les motifs de refus de la reconnaissance et de l'exécution d'une décision étrangère sont exhaustivement énumérés aux art. 27 s. CL 1988 et 34 s. CL 2007. Ils doivent être invoqués et prouvés par celui qui s'oppose à l'exequatur (arrêt 5A_248/2015 du 6 avril 2016 consid. 3.1, non publié aux
ATF 142 III 420
). Toutefois, s'agissant des actes authentiques étrangers, seul le motif de refus fondé sur l'ordre public est invocable dans la procédure de mainlevée. Les moyens déduits de la validité matérielle de la dette doivent en revanche faire l'objet des actions des
art. 85a ou 86 LP
(
ATF 137 III 87
consid. 3; STÉPHANE ABBET, Décisions étrangères et mainlevée définitive, SJ 2016 II p. 325 ss, 335; BUCHER, op. cit., n
os
6 et 9 ad
art. 57 CL
).
De façon générale, la réserve de l'ordre public doit permettre au juge de ne pas apporter la protection de la justice suisse à des situations qui heurtent de manière choquante les principes les plus essentiels de l'ordre juridique, tel qu'il est conçu en Suisse. En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public doit être interprétée de manière restrictive, spécialement en matière de reconnaissance et d'exécution des décisions et actes authentiques étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger (effet
BGE 143 III 404 S. 410
atténué de l'ordre public); la reconnaissance et l'exécution de la décision étrangère, ou
in casu
de l'acte authentique étranger, constituent la règle, dont il ne faut pas s'écarter sans de bonnes raisons (
ATF 142 III 180
consid. 3.1 et les arrêts cités; arrêt 5A_31/2015 du 4 juin 2015 consid. 2).
5.3
En l'espèce, l'examen du caractère exécutoire des actes authentiques qui ont fait office de titres de mainlevée est soumis à la CL 1988 pour ce qui est des contrats des 4 mars 2008, 16 octobre 2008, 5 décembre 2008 et 21 décembre 2009 et à la CL 2007 s'agissant du contrat conclu le 26 juin 2012 (art. 63 al. 1 CL 2007). Comme la Cour d'appel l'a relevé à juste titre, cette différence n'a pas de réelle incidence puisque la teneur des dispositions pertinentes est presque identique.
5.3.1
Les recourants ne remettent pas en cause le caractère exécu-toire des actes authentiques litigieux au regard du droit français mais soutiennent uniquement que leur exécution violerait l'ordre public suisse dès lors que la condition de l'
art. 347 let
. c ch. 1 CPC, à savoir la nécessité que la prestation soit suffisamment déterminée, ne serait en l'occurrence pas donnée. Les actes authentiques dont l'exécution est requise ne permettraient en effet pas de déterminer aisément le montant de leurs dettes puisque celles-ci incluent des taux d'intérêts variables et inconnus au moment de la signature desdits actes.
Pour le même motif, les recourants considèrent également que l'
art. 80 LP
a été violé. Ils relèvent que les créances pour lesquelles ils sont poursuivis ont été calculées sur la base de décomptes produits de manière unilatérale par l'intimée qu'ils n'ont jamais avalisés et soutiennent qu'il n'y a pas d'identité entre ces créances et les montants qui figurent sur les actes authentiques. Bien qu'elle se soit fondée sur une jurisprudence qui le dit explicitement, la Cour d'appel avait omis le fait que le montant de la dette doit être fixé ou aisément déterminable au moment de la signature du document pertinent, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisque le taux pour les intérêts conventionnels, les intérêts de retard et les pénalités pour chaque prêt variait mensuellement ou trimestriellement au gré du taux interbancaire T4M ou Euribor. La condition de la "déterminabilité" de la dette aurait au surplus dû en l'espèce être appliquée avec rigueur puisque c'était la mainlevée définitive qui était requise et non la mainlevée provisoire comme cela était le cas dans l'arrêt cité par l'autorité cantonale. Les recourants rappellent qu'ils contestent les décomptes unilatéraux produits par l'intimée qu'ils n'ont jamais reçus et qui ne retraceraient pas
BGE 143 III 404 S. 411
l'ensemble des mouvements depuis le début de la relation contractuelle dès lors qu'ils ne couvriraient que la période à compter de septembre 2012 alors que tous les contrats de crédit avaient été conclus antérieurement. La Cour d'appel aurait au surplus violé les
art. 151 CPC
et 8 CC en considérant que l'intimée n'avait pas à apporter la preuve que les taux retenus dans les décomptes produits correspondaient bien aux taux T4M et Euribor, estimant à tort qu'il s'agissait de faits notoires.
5.3.2
Les
art. 347-352 CPC
consacrés à l'exécution des titres authentiques ont été introduits pour pallier le fait que les actes authentiques établis en Suisse n'étaient pas susceptibles d'être reconnus à l'étranger alors que la Suisse, liée par la CL 1988 depuis le 1
er
janvier 1992, était tenue de reconnaître et d'exécuter déjà à compter de cette date les actes authentiques exécutoires établis à l'étranger en application de l'art. 50 aCL (Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6993 ss ch. 5.24.2; DAVID HOFMANN, L'exécution des titres authentiques, SJ 2011 II p. 219 ss).
S'agissant en l'espèce d'actes authentiques établis à l'étranger, les
art. 347 ss CPC
ne sont dès lors pas pertinents. Les recourants ne peuvent donc se prévaloir d'une violation de l'ordre public suisse au motif que les conditions de l'
art. 347 CPC
ne sont pas remplies. Ils ne font par ailleurs valoir aucun autre motif qui justifierait de refuser l'exequatur des actes authentiques litigieux du fait d'une violation de l'ordre public suisse et un tel motif n'est, quoi qu'il en soit, pas donné dans le cas d'espèce pour les motifs retenus à bon droit par la cour cantonale et auxquels on peut se référer. Le grief s'avère par conséquent infondé et doit être rejeté.
Dès lors que les actes authentiques litigieux sont exécutoires en France ainsi que cela ressort des cinq certificats constatant leur force exécutoire délivrés le 19 décembre 2014 par la Chambre des Notaires K. (France) et que leur caractère exécutoire en Suisse a été admis par la Cour d'appel en application des art. 50 CL 1988 et 57 CL 2007 sans que les recourants parviennent à valablement le remettre en cause, la mainlevée définitive doit en l'espèce être prononcée (cf. supra consid. 5.2.1).
5.3.3
Reste à savoir à hauteur de quel montant la mainlevée peut être prononcée. En l'occurrence, si le montant des prêts ressort clairement de chacun des cinq actes authentiques produits, tel n'est pas le cas des intérêts conventionnels, ceux-ci variant - hormis une part fixe
BGE 143 III 404 S. 412
préétablie dans chacun des cinq contrats - au gré du taux interbancaire T4M ou Euribor. Sur ce point, la Cour d'appel s'est fondée sur les décomptes produits par l'intimée et les taux d'intérêts successifs en résultant. S'agissant desdits taux, elle a estimé que l'intimée n'avait pas à apporter la preuve de leur exactitude puisque les taux T4M et Euribor constituaient des faits notoires dont le taux exact à une date déterminée pouvait facilement être retrouvé par tout un chacun au moyen d'une simple recherche sur Internet. Cette appréciation est erronée. En effet, le Tribunal de céans a déjà tranché cette question s'agissant du taux Libor (London interbank offered rate) et a précisément considéré qu'il ne s'agissait pas d'un fait notoire. Il a relevé que ce taux constituait le taux de référence du marché monétaire de différentes devises publié chaque jour ouvrable à Londres par British Bankers Association et correspondant à la moyenne arithmétique des taux offerts par plusieurs banques d'affaires internationales de la place de Londres à d'autres banques d'affaires pour des prêts dans une devise considérée à une échéance donnée. Le taux Libor ne faisait ainsi pas partie des données connues de tous et cette information n'était pas non plus immédiatement accessible en consultant un document dont chacun dispose, comme le calendrier ou un dictionnaire courant (
ATF 134 III 224
consid. 5). Cette jurisprudence peut être reprise dans le cas d'espèce puisque, à l'instar du taux Libor, les taux Euribor et T4M sont des taux variables adaptés périodiquement en fonction du marché des taux (EMCH/RENZ/ARPAGAUS, Das Schweizerische Bankgeschäft, 7
e
éd. 2011, n. 1496 p. 511; BEIKE/SCHLÜTZ, Finanznachrichten, lesen-verstehen-nutzen, 2
e
éd., Stuttgart 1999, p. 258). Partant, c'est à tort que la Cour d'appel a prononcé la mainlevée pour la part variable des intérêts calculés sur la base des taux Euribor ou T4M en se fondant sur les seuls décomptes établis par l'intimée sans aucune preuve attestant de l'exactitude des taux successifs allégués. Le recours doit donc être admis sur ce point, les taux susvisés n'étant pas déterminables au moment de la signature des actes litigieux.
Pour ce qui est de la part fixe des intérêts conventionnels correspondant dans l'ordre de conclusion des cinq contrats à 2,5 %, 0,5 %, 0,5 %, 1,5 % et 2 %, de la majoration de 3 % en cas de retard dans le remboursement prévue dans les conditions générales annexées à la minute de l'acte reçu par le notaire le 4 mars 2008 et concernant donc uniquement le premier contrat, ainsi que des amendes conventionnelles ou pénalités de retard s'élevant pour chacun des cinq contrats
BGE 143 III 404 S. 413
à 5 % des sommes non réglées au moment de l'échéance, l'intimée relève à juste titre qu'il s'agissait là de taux fixes résultant des actes authentiques. Dans l'hypothèse où ces pourcentages se calculeraient sur le solde du capital encore dû à une date déterminée, l'argumentation des recourants ne pourrait s'appliquer à ces montants qui devraient alors être considérés comme déterminables déjà au moment de la signature des actes authentiques litigieux et la mainlevée devrait être prononcée en ce qui les concerne. En revanche, si par "sommes non réglées au moment de l'échéance", il faut comprendre le solde du capital encore dû majoré des intérêts conventionnels, le raisonnement développé ci-avant s'agissant des intérêts conventionnels s'applique et la mainlevée ne pourrait être prononcée en ce qui les concerne. Il n'appartient toutefois pas au Tribunal fédéral d'interpréter à ce stade les cinq actes authentiques litigieux afin de déterminer si la mainlevée peut ou non être prononcée s'agissant de la part fixe des intérêts conventionnels, de la majoration de 3 % en cas de retard s'agissant du premier contrat et des amendes conventionnelles ou pénalités de retard.
S'agissant du capital dû, celui-ci est clairement chiffré dans chacun des cinq contrats. Il ressort cependant des décomptes produits par l'intimée qu'une partie du premier prêt a d'ores et déjà été remboursée par les recourants puisque le solde dû résultant des décomptes produits s'élève à 722'678.58 euros alors que le montant initial du prêt ascendait à 900'000 euros. Si les recourants ont certes contesté l'exactitude desdits décomptes, leur grief a toutefois été développé uniquement sous l'angle d'une contestation des intérêts et pénalités qui en résultent, sans qu'ils ne remettent directement en question le solde du capital encore dû. Les recourants ne font pas davantage valoir un grief de violation de leur droit d'être entendu au motif qu'ils n'auraient pas pu se déterminer quant à ces montants. Il convient donc, s'agissant du premier contrat, de s'en tenir au montant de 722'678.58 euros résultant des décomptes fournis. En revanche, pour ce qui est des quatre contrats subséquents, les décomptes produits laissent apparaître un "solde" d'un montant supérieur au montant du prêt initial tel qu'il ressort des actes authentiques. Les raisons de cette différence ne sont pas données par l'intimée qui se fonde d'ailleurs elle-même, en ce qui concerne le capital, sur les montants résultant des actes authentiques et non de ses propres décomptes pour calculer le montant à hauteur duquel elle requiert la mainlevée dans ses conclusions subsidiaires. Pour ces quatre contrats, la mainlevée
BGE 143 III 404 S. 414
ne saurait donc, s'agissant du capital, être prononcée pour un montant supérieur à celui ressortant des actes authentiques sur lesquels elle se fonde, à savoir, dans l'ordre de leur conclusion, 250'000, 100'000, 1'000'000 et 150'000 euros.
Il suit de ce qui précède que le recours doit être partiellement admis. La cause doit être renvoyée à la Cour d'appel afin qu'elle détermineà nouveau le montant exact à hauteur duquel la mainlevée définitivedoit être prononcée, sachant que ce montant devra comprendre le solde du capital encore dû s'agissant du premier contrat du 4 mars 2008, le montant du capital tel qu'il résulte des actes authentiquess'agissant des contrats des 16 octobre 2008, 5 décembre 2008, 21 décembre 2009 et 26 juin 2012,et, pour autant que ceux-ci doivent être calculés sur le solde du capital encore dû à une date déterminée - ce que la cour cantonale devra déterminer en interprétant les pièces au dossier -, la part fixe des intérêts conventionnels, la majoration de 3 % pour le premier contrat du 4 mars 2008 ainsi que 5 % des sommes non réglées au moment de l'échéance à titre d'amendesconventionnelles ou pénalités de retard pour chacun des cinq contrats. Le montant ainsi obtenu sera ensuite converti en francs suisses enappliquant le taux de conversion au 1
er
juillet 2014 de 1.2138 retenu par la Cour d'appel et qui n'est plus contesté. La mainlevée définitive sera enfin prononcée à hauteur de ce montant. (...)