Urteilskopf
145 I 201
12. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre Ministère public de la République et canton de Genève (recours en matière pénale)
6B_1298/2018 du 21 mars 2019
Regeste
Art. 29 Abs. 1 BV
, Verbot des überspitzten Formalismus, Verspätung einer Partei zur Hauptverhandlung, Rechtsfolge.
Die Strafprozessordnung kennt keine absolute Frist, ab welcher die Verspätung einer Partei oder ihres Anwalts bei Erscheinen an der Hauptverhandlung zwingend zum Ausschluss der Partei von der Verhandlung führen müsste. Es ist vielmehr unter Würdigung der konkreten Umstände des Einzelfalls und der Dauer der Verspätung zu prüfen, ob die strikte Anwendung der prozessualen Regeln durch ein schutzwürdiges Interesse gerechtfertigt ist (E. 4).
A.
Par ordonnance pénale rendue le 25 janvier 2018, le Ministère public du canton de Genève a déclaré X. coupable d'infractions aux
art. 19 al. 1 let
. c et d LStup, 115 al. 1 let. c LEtr et 286 al. 1 CP. Il lui a infligé une peine privative de liberté de 70 jours, une peine pécuniaire de 20 jours-amende et a révoqué un précédent sursis.
Le 2 février 2018, X. a formé opposition. Par ordonnance du 27 février 2018, le Ministère public a décidé de maintenir l'ordonnance pénale et a transmis le dossier au Tribunal de police du canton de Genève.
B.
Par mandat de comparution du 14 août 2018, le Tribunal de police a convoqué X., personnellement, à son domicile élu chez son conseil, à une audience fixée au 24 septembre 2018 à 9h00.
Par courrier du 20 septembre 2018, le conseil de X. a sollicité le report de l'audience au motif qu'il n'avait pas réussi à joindre son client pour l'informer de l'audience.
Dans sa réponse du même jour, le Tribunal de police a indiqué que les conséquences de la possible absence du prévenu seraient débattues à l'audience, laquelle était dès lors maintenue.
Par courrier du lendemain adressé au Tribunal de police, le conseil de X. l'a informé qu'il serait excusé à l'audience par son avocate stagiaire, qui solliciterait une attestation de plaidoirie.
C.
Par ordonnance du 24 septembre 2018, le Tribunal de police a constaté le défaut de X. à l'audience du même jour, dit que l'opposition qu'il avait formée le 2 février 2018 était réputée retirée et que l'ordonnance pénale du 25 janvier 2018 était assimilée à un jugement entré en force.
D.
Par arrêt du 8 novembre 2018, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a déclaré le recours de X. à l'encontre de l'ordonnance précitée irrecevable et a renvoyé la cause au Tribunal de police pour raison de compétence.
BGE 145 I 201 S. 203
E.
X. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 8 novembre 2018. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à son annulation et, principalement, à la recevabilité de son recours cantonal. Subsidiairement, il conclut à ce qu'il soit dit que l'opposition du 2 février 2018 n'est pas réputée retirée, à la constatation de la violation de l'art. 6 par. 1 phrases 1 et 2 et par. 3 let. c CEDH et de l'art. 2 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH. En tout état, il sollicite le renvoi de la cause au Tribunal de police pour suite de la procédure. Il requiert par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire.
F.
Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale et le Ministère public se sont référés à l'arrêt entrepris.
Extrait des considérants:
4.
Selon le recourant, son conseil aurait dû être autorisé à faire valoir les arguments de la défense, et cela même s'il était arrivé en retard à l'audience. En effet, il aurait pu démontrer que les conditions d'une fiction de retrait de l'opposition n'étaient pas réalisées, en particulier parce que l'intérêt du recourant pour la procédure était toujours présent. Le refus d'entendre le conseil du recourant sur les raisons de l'absence de ce dernier à l'audience et d'instruire sur cette question consacre une violation de l'
art. 6 par. 3 let
. c CEDH sur le droit à être défendu par un avocat et de l'
art. 6 al. 1 CPP
sur la maxime d'instruction.
4.1
A teneur de l'
art. 6 par. 3 let
. c CEDH, tout accusé a droit à se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent. La jurisprudence déduit de cette disposition que le défenseur de la personne accusée a le droit de participer aux débats principaux ou d'appel (
ATF 131 I 185
consid. 3.1 p. 191). L'accusé qui, bien que dûment convoqué, ne comparaît pas sans excuse valable à l'audience, ne saurait être privé du droit d'être représenté efficacement par un conseil lors de cette audience (
ATF 127 I 213
consid. 3a p. 216).
Selon l'
art. 367 al. 1 CPP
applicable à la procédure par défaut, le défenseur est autorisé à plaider. Le prévenu absent bénéficie ainsi des mêmes droits procéduraux que s'il était présent (JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, 3
e
éd. 2018, n. 17085 p. 569). Il doit en aller de même lorsque le défaut intervient dans la procédure d'opposition à l'ordonnance pénale.
BGE 145 I 201 S. 204
Il s'ensuit que l'absence du recourant ne constituait pas un obstacle à ce que son défenseur participe à l'audience. Ce dernier pouvait en particulier tenter de démontrer qu'en dépit de l'absence de son client, les conditions de la fiction du retrait d'opposition n'étaient pas réunies. C'est d'ailleurs ce qui avait été prévu par le Tribunal de police, qui avait indiqué par courrier au conseil du recourant que les conséquences de l'éventuelle absence du prévenu seraient débattues lors de l'audience.
Il reste donc à déterminer si, en confirmant que le Tribunal de police pouvait refuser au conseil du recourant de participer à l'audience en raison de son retard, la cour cantonale a porté atteinte d'une manière inadmissible aux droits procéduraux du recourant.
4.2.1
Il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'
art. 29 al. 1 Cst.
, lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (
ATF 142 IV 299
consid. 1.3.2 p. 304;
ATF 142 I 10
consid. 2.4.2 p. 11;
ATF 135 I 6
consid. 2.1 p. 9). En tant que l'interdiction du formalisme excessif sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, elle poursuit le même but que le principe de la bonne foi (
art. 5 al. 3 et 9 Cst.
;
art. 3 al. 2 let. a CPP
).
Dans une affaire jugée sous l'angle de l'ancien code de procédure lucernois qui prévoyait que le défaut était constaté après un retard d'un quart d'heure ("Respektviertelstunde"), le Tribunal fédéral a retenu que l'autorité cantonale avait fait preuve de formalisme excessif en constatant le défaut compte tenu du retard de 57 minutes du prévenu et de son conseil à l'audience. Le Tribunal fédéral a considéré qu'il fallait tenir compte de l'ensemble des circonstances de la procédure. Dans le cas d'espèce, la bonne marche de la justice n'avait pas été entravée par le retard du prévenu et de son conseil puisque le président du tribunal avait pris contact avec ce dernier par téléphone, avait atendu leur arrivée et avait tenu une audience contradictoire sur la question du défaut. Dans ces circonstances, aucun intérêt digne de protection ne commandait de prononcer un défaut plutôt que de conduire le procès comme prévu (arrêt 1P.853/2005 du 3 mars 2006 consid. 1).
L'avant-projet du Code de procédure pénale prévoyait, à son article 104 al. 4, qu'une partie s'était dûment présentée à une audience si
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elle comparaissait au plus tard une heure après l'ouverture des débats (voir aussi: Rapport explicatif relatif à l'avant-projet d'un code de procédure pénale suisse, Berne, 2001, p. 76). Cet élément a toutefois suscité de nombreuses critiques dans le cadre de la procédure de consultation, plusieurs participants considérant que cette "marge de tolérance" était trop longue (Synthèse des résultats de la procédure de consultation relative aux avant-projets de code de procédure pénale suisse et de loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs de l'Office fédéral de la justice, Berne février 2003, p. 33). La disposition en question n'a donc pas été incluse dans le projet du Conseil fédéral.
Selon une partie de la doctrine, le défaut peut être constaté quelques minutes seulement après le début de l'audience, sous réserve de l'interdiction du formalisme excessif (SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung [StPO], Praxiskommentar, 3
e
éd. 2018, n° 1 ad
art. 93 CPP
; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale, 2
e
éd. 2016, n° 2 ad
art. 93 CPP
; DANIELA BRÜSCHWEILER, in Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], Donatsch/Hansjakob/Lieber [éd.], 2
e
éd. 2014, n° 1 ad
art. 93 CPP
; DANIEL STOLL, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 8 ad
art. 93 CPP
). Selon PITTELOUD, il n'est pas admissible de constater le défaut si une partie a "quelques petites minutes de retard", mais il ne serait pas normal de ne pas sanctionner un gros retard (JO PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse [CPP], 2012, n° 215 ad
art. 93 CPP
). RIEDO postule qu'un retard d'un quart d'heure doit rester sans conséquence, à condition qu'il ne soit pas délibéré et ne relève pas d'un abus de droit. Inversement, il serait déraisonnable d'imposer un retard non excusé de plus d'une heure aux autorités judiciaires et aux autres parties à la procédure (CHRISTOPH RIEDO, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2
e
éd. 2014, n° 11 ad
art. 93 CPP
). Lorsque le retard est de 15 à 60 minutes, il appartient à l'autorité compétente de déterminer dans chaque cas individuel si les conséquences juridiques découlant du retard semblent proportionnées compte tenu des circonstances générales et de l'ampleur du retard (idem).
Il ressort de ce qui précède qu'il n'est pas possible de déterminer un délai absolu à partir duquel le retard de la partie ou de l'avocat devrait nécessairement conduire à lui refuser le droit de participer à l'audience. Il convient bien plutôt d'examiner, au regard de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, si un intérêt digne de protection commande d'appliquer strictement les conséquences juridiques tirées
BGE 145 I 201 S. 206
du non-respect de l'horaire fixé. Le Tribunal fédéral examine la question avec retenue et se limitera, cas échéant, à constater un abus du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité cantonale en la matière, lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection.
4.2.2
In casu, le dernier jour ouvrable avant l'audience, le conseil du recourant avait informé le Tribunal de police qu'il serait excusé à l'audience par son avocate stagiaire, qui demanderait une attestation de plaidoirie, cela quand bien même il n'avait pas pu informer son client de la tenue de l'audience. L'avocate stagiaire s'est présentée devant la salle d'audience avec 17 minutes de retard, croyant que l'audience était fixée à 9h30 au lieu de 9h00. Elle avait émis le souhait de parler au Président du Tribunal qui était encore dans la salle d'audience ainsi que sa greffière, l'audience suivante étant agendée à 10h00. Elle s'était excusée pour son retard et avait demandé à pouvoir plaider, ce qui lui avait été refusé, le défaut de son client ayant déjà été constaté.
Le Tribunal de police savait que l'avocate stagiaire de l'Etude du conseil du recourant avait prévu de se rendre à l'audience du lundi 24 septembre 2018 indépendamment de la présence de son client, puisque cela avait été confirmé le vendredi précédant. L'intéressée s'est présentée avec un retard de 17 minutes. Sans être négligeable, ce retard n'est pas non plus important. La bonne marche de la justice n'aurait pas été entravée par la tenue de l'audience puisque le Président et sa greffière étaient toujours dans la salle d'audience lorsque l'avocate stagiaire est arrivée et qu'ils disposaient encore de plus de 40 minutes avant l'audience suivante. Il faut également garder à l'esprit les conséquences sévères, pour le recourant, de l'application de la fiction légale selon l'
art. 356 al. 4 CPP
, aspect sur lequel l'avocate stagiaire n'a pas été admise à présenter des arguments. Partant, en refusant au conseil du recourant le droit de plaider et en constatant qu'il n'avait pas comparu à l'audience compte tenu de son retard, le Tribunal de police avait fait preuve de formalisme excessif, ce que la cour cantonale aurait dû constater.
Le bien-fondé de ce grief de nature formelle commande l'admission du recours et le renvoi de la cause à la cour cantonale. Les autres griefs soulevés par le recourant sont sans objet.