BGE 150 IV 292 vom 11. März 2024

Dossiernummer: 6B_1323/2023

Datum: 11. März 2024

Artikelreferenzen:  Art. 10 CEDH, Art. 17 CEDH, Art. 16 Cst., Art. 398 CPP, Art. 429 CPP, Art. 105 LTF, Art. 106 LTF, Art. 173 CP , art. 261bis CP, Art. 261bis Abs. 1 StGB, Art. 16 und 36 BV, art. 10 par. 2 CEDH, art. 105 al. 1 LTF, art. 10 par. 1 CEDH, art. 173 ch. 1 CP, art. 429 CPP, art. 106 al. 2 LTF, art. 16 Cst., art. 19 Pacte ONU II, art. 398 al. 2 et 3 CPP, art. 16 al. 1 Cst., art. 16 al. 1 et 2 Cst., art. 17 CEDH

BGE referenzen:  123 IV 202, 126 IV 20, 128 I 218, 130 IV 111, 131 IV 23, 133 IV 308, 137 IV 313, 140 IV 67, 143 IV 193, 145 IV 23, 145 IV 462, 147 IV 73, 148 IV 113, 148 IV 234, 148 IV 188, 148 IV 356, 148 IV 409, 149 IV 170 , 148 IV 188, 140 IV 67, 133 IV 308, 128 I 218, 126 IV 20, 123 IV 202, 130 IV 111, 147 IV 73, 148 IV 234, 148 IV 356, 148 IV 409, 145 IV 462, 131 IV 23, 137 IV 313

Quelle: bger.ch

Urteilskopf

150 IV 292


25. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit pénal dans la cause A. contre Ministère public central du canton de Vaud (recours en matière pénale)
6B_1323/2023 du 11 mars 2024

Regeste

Art. 261 bis Abs. 1 StGB ; Art. 10 EMRK ; Art. 16 und 36 BV ; Diskriminierung und Aufruf zu Hass aufgrund der sexuellen Orientierung; Einschränkung der Meinungsäusserungsfreiheit.
Begriffe der sexuellen Orientierung und der Geschlechtsidentität (E. 2.1.1). Die Bezeichnungen als "militante queere Person" ("militante queer ") und als "dicke, militante Lesbe" ("grosse lesbienne militante"), die der Bezeichnung "die Schweizer Seele und der Schweizer Geist, in der grossen Tradition [...] von Jean-Jacques Rousseau" ("l'âme suisse et l'esprit suisse, dans la grande tradition [...] de Jean-Jacques Rousseau") gegenübergestellt werden, stellen eine Diskriminierung aufgrund der sexuellen Orientierung dar (E. 2.1.2). Erweckung und Erregung von Hass durch eine herabwürdigende, entmenschlichende und übertrieben derbe Sprache ("langage rabaissant, déshumanisant et outrancier"; E. 2.2.2). Berücksichtigung der Reaktion der Internetnutzer, um die Bedeutung der Nachricht zu ermitteln (E. 2.3). Prüfung der subjektiven Straftatbestandselemente (E. 3). Die Einschränkung der Meinungsäusserungsfreiheit des Beschwerdeführers, der sich nicht auf ein Engagement bei einem Presseorgan oder die Ausübung eines öffentlichen Mandats beruft, ist verhältnismässig und erscheint in einer demokratischen Gesellschaft notwendig, sobald es darum geht, ein auf das Schüren von Hass gegen eine Person aufgrund ihrer sexuellen Orientierung sowie im weiteren Sinne gegen die homosexuelle Gemeinschaft als Ganzes abzielendes Verhalten zu verbieten (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 294

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A. Par jugement du 16 décembre 2022, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a libéré A. du chef d'accusation de discrimination et incitation à la haine ( art. 261 bis al. 1 CP ), a constaté qu'il s'était rendu coupable de diffamation ( art. 173 ch. 1 CP ), l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr., a statué sur le sort d'une pièce à conviction, a mis les frais de justice à la charge de A., a rejeté sa requête tendant à l'allocation d'une indemnité au sens de l' art. 429 CPP et a dit qu'il était le débiteur de B. et lui devait immédiatement paiement d'indemnités à titre de tort moral et de dépens.

B. Statuant par jugement du 27 septembre 2023 sur l'appel du ministère public, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a partiellement admis. Elle a réformé le jugement de première instance en ce sens que A. était condamné, pour diffamation ainsi que pour discrimination et incitation à la haine, à une peine privative de liberté de 60 jours. Elle a confirmé ce jugement pour le surplus. Elle s'est fondée, en substance, sur les faits suivants.

B.a A., connu sous le nom de A1., est né en 1958 à U. en France. Disposant de la double nationalité franco-suisse et après avoir passé une partie de sa vie en France, il a décidé de s'installer à V. en octobre 2019. A. est un écrivain et éditeur, et se dit journaliste. Il est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages traduits en plusieurs langues. Il est président de l'association C., décrite sur son site Internet comme une "association politique 'trans-courant' créée en juin 2007" qui "a pour objet de soutenir et de défendre les idées politiques de A1.". A1. a également fondé en mars 2011 la Sàrl "D.", une entreprise d'édition dont la dénomination commerciale est "E.".

B.b Le 30 août 2021, un article rédigé par B., dans lequel elle s'intéressait notamment à la présentation de formations proposées à W. par C., est paru dans les quotidiens F. et G. sous le titre "A1. diffuse aussi ses idées depuis W.".
Dans une interview filmée, proposée par le journaliste H., intitulée "A1. répond à l'article de G. et dans F." et parue en août et septembre 2021 sur les sites Internet de C., I., J. et K., A. a tenu les propos suivants:
"C'est à la limite de la désinformation, à la limite du mensonge, à la limite de la diffamation" (dès 0:54). "Globalement, c'est ce qu'on appelle de la fake news" (dès 1:02). "L'esprit mensonger de l'article [de B.] et de l'interview [de L.], c'est une attaque concertée. M. est
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rentrée de vacances, visiblement" (dès 11:13). "Je crois que cet article à charge est relativement malhonnête et mensonger et aussi signé par une militante communautaire, qui est une militante queer qui se bat aussi pour les migrants. Donc voilà face à quoi on est. Moi je suis un Suisse dans mon pays, qui défend l'âme suisse et l'esprit suisse, dans la grande tradition, je dirais, de Jean-Jacques Rousseau, et je suis face à des gens qui à mon avis sont ultraminoritaires. Et je rappelle que queer en anglais ça veut dire, je crois, désaxé. Donc je pense qu'entre ma vision du monde et celle d'une grosse lesbienne militante pour les migrants, je pense que je suis plus, moi, un combattant pour la paix, la fraternité et l'âme suisse que ceux qui aujourd'hui me font face et qui me harcèlent, alors que je ne leur ai rien demandé" (dès 12:47). Sous cette vidéo, sur le site C., figurait une photographie de B.

B.c L'extrait du casier judiciaire suisse de A. ne contient aucune inscription. En revanche, son pendant français comporte 22 entrées, notamment pour provocation à la discrimination nationale, raciale, religieuse par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique, provocation à la haine ou à la violence en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique, diffamation envers particulier(s) en raison de l'orientation ou l'identité sexuelle, par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique, injure publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine, par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique, injure publique envers un particulier en raison de son orientation ou identité sexuelle par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique, apologie de crime ou délit par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique ainsi que provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique.

C. A. forme un recours en matière pénale contre le jugement du 27 septembre 2023. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement du chef de discrimination et incitation à la haine au sens de l' art. 261 bis CP . Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Il sollicite par ailleurs l'octroi de l'effet suspensif.
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D. Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale y a renoncé, déclarant se référer aux considérants de sa décision, tandis que le Ministère public a déposé des observations. Le recourant a répliqué.
Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours et a réformé le jugement attaqué. Pour le surplus, il a rejeté le recours.
(résumé)

Erwägungen

Extrait des considérants:

1. Le recourant conteste sa condamnation pour discrimination et incitation à la haine au sens de l' art. 261 bis al. 1 CP .

1.1 Aux termes de l' art. 261 bis al. 1 CP , dans sa nouvelle teneur depuis le 1 er juillet 2020, se rend notamment coupable de discrimination raciale celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle.
Le 7 mars 2013, une initiative parlementaire ("Lutter contre les discriminations basées sur l'orientation sexuelle") a été déposée dans le but de compléter l' art. 261 bis CP afin de l'étendre à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. La Commission des affaires juridiques du Conseil national a proposé d'aller au-delà de ce que réclamait l'initiative et de compléter l' art. 261 bis CP non seulement avec le critère de l'orientation sexuelle, mais également avec celui de l'identité de genre, afin d'inclure les personnes transidentitaires et intersexuées (13.407; Initiative parlementaire, Lutter contre les discriminations basées sur l'orientation sexuelle, Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 3 mai 2018, FF 2018 3897, 3908 [ci-après: Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national). Toutefois, le Conseil fédéral s'est opposé à l'ajout de ce critère, considérant que la notion d'identité était beaucoup plus floue que celle d'orientation sexuelle, puisqu'elle correspondait à un sentiment individuel et profondément intime qui était indépendant du sexe biologique, de l'état civil et de l'orientation sexuelle. Il a fait valoir qu'on ne distinguait aucune limite claire à son étendue, ce qui pourrait conduire à une interprétation extensive et s'avérer problématique du point de vue de la prévisibilité du droit pénal (Initiative parlementaire, Lutter contre les discriminations basées sur l'orientation sexuelle, Rapport de la Commission des
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affaires juridiques du Conseil national, Avis du Conseil fédéral du 15 août2018, FF 2018 5327, 5331 [ci-après: Avis du Conseil fédéral]).
En définitive, le projet de modification du code pénal et du code pénal militaire (Discrimination et incitation à la haine en raison de l'orientation sexuelle) visant à inscrire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle au nombre des comportements réprimés par l' art. 261 bis CP a été adopté par les Chambres le 14 décembre 2018, sans le critère de l'identité de genre (RO 2020 1609). À la suite du dépôt d'un référendum, le nouveau texte légal de l' art. 261 bis CP a été accepté en votation populaire le 9 février 2020 (RO 2020 1609).
Ainsi, depuis le 1 er juillet 2020 et l'entrée en vigueur à cette date de la novelle du 14 décembre 2018, la portée de la disposition est étendue à la discrimination, au rabaissement et à l'incitation à la haine en raison de l'orientation sexuelle (RO 2020 1609; cf. ATF 149 IV 170 consid. 1.1.1).

1.2 L' art. 261 bis CP vise notamment à protéger la dignité que toute personne acquiert dès la naissance et l'égalité entre les êtres humains ( ATF 149 IV 170 consid. 1.1.1; ATF 148 IV 188 consid. 1.3; ATF 140 IV 67 consid. 2.1.1; ATF 133 IV 308 consid. 8.2 et les références citées; FF 2018 3897, 3911). En protégeant l'individu notamment du fait de son appartenance à un groupe ethnique ou religieux, ou à raison de son orientation sexuelle, la paix publique est indirectement protégée ( ATF 149 IV 170 consid. 1.1.1; ATF 148 IV 188 consid. 1.3, ATF 148 IV 113 consid. 3; ATF 140 IV 67 consid. 2.1.1; ATF 133 IV 308 consid. 8.2 et les références citées).

1.3 L'al. 1 de l' art. 261 bis CP tend à combattre la haine (cf. ATF 128 I 218 consid. 1.4; ATF 126 IV 20 consid. 1c; arrêt 6B_644/2020 du 14 octobre 2020 consid. 1.2). La notion d'"incitation" (à la haine ou à la discrimination) au sens de cet alinéa englobe notamment le fait d'"exciter" ( Aufreizen ), soit, dans une acception très large, d'alimenter ou d'attiser des émotions de manière à susciter la haine et la discrimination, même en l'absence d'une exhortation très explicite ( ATF 143 IV 193 consid. 1; ATF 123 IV 202 consid. 3b; arrêt 6B_644/2020 précité consid. 1.2).
L'auteur doit agir publiquement, c'est-à-dire en dehors d'un cercle privé ( ATF 130 IV 111 consid. 5.2.2), par des paroles, des écrits, des images, des gestes ou des voies de fait ( ATF 149 IV 170 consid. 1.1.2; ATF 145 IV 23 consid. 2.2).

1.4 Du point de vue subjectif, le délit est intentionnel, le dol éventuel pouvant suffire ( ATF 149 IV 170 consid. 1.1.3; ATF 148 IV 113 consid. 3; ATF 145 IV 23 consid. 2.3).
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1.5 Déterminer le contenu d'un message relève des constatations de fait ( ATF 145 IV 23 consid. 4.2). Saisi d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise ( art. 105 al. 1 LTF ), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits (sur cette notion, v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Il en va en particulier ainsi du contenu de la pensée, à savoir de faits "internes" ( ATF 148 IV 234 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que pour autant que les exigences de motivation accrues rappelées ci-dessus soient respectées ( art. 106 al. 2 LTF ; v. supra consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables ( ATF 148 IV 356 consid. 2.1, ATF 148 IV 409 consid. 2.2).
L'interprétation du message ressortit, en revanche, à l'application du droit fédéral, que le Tribunal fédéral revoit librement dans le recours en matière pénale. Il s'agit de rechercher le sens qu'un destinataire non prévenu doit conférer aux expressions utilisées, compte tenu de l'ensemble des circonstances pertinentes, soit, notamment, la personne dont émane le message et celles qui sont visées ( ATF 149 IV 170 consid. 1.1.4; ATF 148 IV 113 consid. 3; ATF 145 IV 462 consid. 4.2.3; ATF 143 IV 193 consid. 1).
L' art. 261 bis CP doit toutefois être interprété à la lumière des principes régissant la liberté d'expression ( art. 16 Cst. ; art. 10 CEDH ; art. 19 Pacte ONU II [RS 0.103.2]). Dans une démocratie, il est essentiel que même les opinions qui déplaisent à la majorité, ou celles qui choquent nombre de personnes, puissent être exprimées et les propos tenus, dans un débat politique par exemple, ne doivent pas être appréhendés de manière strictement littérale parce que les simplifications et les exagérations sont usuelles dans un tel contexte ( ATF 149 IV 170 consid. 1.1.4; ATF 148 IV 113 consid. 3; ATF 143 IV 193 consid. 1; ATF 131 IV 23 consid. 2.1 et 3.1 ainsi que les références citées).

2. Au plan objectif, la cour cantonale a retenu que les propos litigieux constituaient, au vu des termes utilisés et du contexte général dans lequel ils avaient été prononcés, une incitation à la haine et à la discrimination des homosexuels, des lesbiennes en particulier. En effet, en rapprochant les termes "queer" qui, selon le Petit Robert (éd. 2023), désigne, en anglais, "les personnes dont l'orientation ou l'identité sexuelle ne correspond pas aux modèles dominants", et "désaxé", qui, en lien avec une personne physique, signifie "qui n'est pas dans son
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état normal" (Petit Robert, éd. 2023) ou "qui souffre d'un déséquilibre mental; déséquilibré" (Larousse, éd. 2023), le recourant avait présenté l'orientation sexuelle de B. comme déficiente, anormale et par conséquent méprisable. Le caractère dépréciatif, rabaissant et discriminant des propos précités était encore renforcé par le contexte général de la présentation de B., qualifiée par le recourant de "grosse lesbienne" et de "militante communautaire" colportant des "fake news". Pris dans leur ensemble, les termes utilisés faisaient apparaître B., de même que toute la communauté homosexuelle et lesbienne ("voilà face à quoi on est", "je suis face à des gens qui à mon avis sont ultra-minoritaires"), comme une personne qui, compte tenu de son orientation sexuelle, serait méprisable, indigne et déséquilibrée.
La cour cantonale constatait encore que l'article de presse à l'origine de la vidéo enregistrée par le recourant était factuel, nuancé et se contentait pour l'essentiel d'analyser le contenu des flyers promouvant la formation proposée par C.; il ne comportait rien qui aurait trait à des questions portant sur l'identité sexuelle. Il fallait ainsi constater que le recourant avait choisi de s'en prendre à l'orientation sexuelle de B., alors que rien dans son article n'incitait à aborder ce thème.
Enfin, la cour cantonale observait que la réaction des internautes, même si elle n'était pas opposable comme fait punissable au recourant, constituait la preuve par l'acte que les propos incriminés avaient bien incité à la haine et à la discrimination de la journaliste. Ainsi pouvait-on notamment lire en commentaires les propos suivants: "Salut à vous ! En fait, je n'aime pas trop me moquer du physique des gens. Ce qui me fait franchir le pas, c'est que ce genre de personne est dégénérée et qui plus est, haineuse", "La tête de la "désaxée"... je lui confierais pas mes enfants", "Comme toujours quand Monsieur A1. répond aux tordus d'en face: clair, net et précis, percutant et sans bavure", "Plus je vois qui attaque A1., plus il m'est sympathique et plus ses ennemis apparaissent laids, fourbes, invertébrés et menteurs", "Un grand bonjour à A1., en espérant que tous ces dégénérés ne viendront pas lui pourrir sa tranquillité suisse", "Quant à B., chapeau Madame (ou Monsieur?), votre visage nous envoie des ondes pleines d'intelligence: extra-terreste lgbt!", "Une goudou malsaine, une de plus..." ou encore "La photo de la mère B. broute minous m'a choquée ! Il y a des images qui comme ça s'imprime dans le cerveau comme une tache d'huile qui souille un vêtement propre! Dur à effacer! Vous devriez mettre un petit avertissement pour les gens fragiles et facilement impressionnables!".
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2.1 Le recourant discute l'interprétation qu'a faite la cour cantonale de ses propos. Il conteste tout d'abord s'en être pris à un groupe protégé par l' art. 261 bis CP , dès lors que le terme "queer" se rapporterait à l'identité de genre et non à l'orientation sexuelle. De plus, il n'aurait cherché à s'en prendre qu'à ceux qui se livrent à un prosélytisme militant, et non pas à la communauté LGBTI dans son ensemble.

2.1.1 Par orientation sexuelle, on entend la capacité qu'a chacun de ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers des individus de sexe opposé (hétérosexuel), de même sexe (gay, lesbienne) ou de plus d'un sexe (bisexuel), et d'entretenir des relations intimes et sexuelles avec ces individus (Les Principes de Jogjakarta, Fondation Hirschfeld-Eddy, p. 6, note de bas de page n. 1 et p. 8, consultés en ligne sur le site www.yogyakartaprinciples.org /principles-fr/ la dernière fois le 27 février 2024; Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, p. 3908).
L'identité de genre est comprise comme faisant référence à l'expérience intime et personnelle de son sexe profondément vécue par chacun, qu'elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l'apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d'autres expressions du sexe, y compris l'habillement, le discours et les manières de se conduire (Les Principes de Jogjakarta, Fondation Hirschfeld-Eddy, p. 6, note de bas de page n. 2 et p. 8, consultés en ligne sur le site www.yogyakartaprinciples.org /principles-fr/ la dernière fois le 27 février 2024; Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, p. 3908 s.).
Comme l'a relevé la cour cantonale, le terme "queer" désigne "les personnes dont l'orientation ou l'identité sexuelle ne correspond pas aux modèles dominants" (dictionnaire Le Robert, consulté en ligne sur le site www.dictionnaire.lerobert.com /definition/queer, la dernière fois le 27 février 2024; aussi: Cambridge Dictionary: "having or relating to a gender identity or a sexuality that does not fit society's traditional ideas about gender or sexuality", consulté en ligne sur le site: www.dictionary.cambridge.org /dictionary/english/queer, la dernière fois le 27 février 2024). Son acception inclut donc aussi bien l'orientation sexuelle que l'identité sexuelle, dans la mesure où celles-ci ne relèvent pas des modèles sociétaux "traditionnels" et "dominants".
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LGBTI est le sigle de la dénomination internationale de "Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender and Intersex" et concerne les personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles, transidentitaire ou intersexuées (Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, p. 3900, note de bas de page n. 3).

2.1.2 En l'espèce, le recourant a qualifié B. tant de "militante queer " que de "grosse lesbienne militante", notions qu'il oppose indistinctement à la représentation qu'il fait de lui-même, soit "l'âme suisse et l'esprit suisse, dans la grande tradition [...] de Jean-Jacques Rousseau". Aussi, dans la perspective de l'auditeur et spectateur moyen non averti, les propos du recourant sont à tout le moins dirigés à l'encontre d'une personne ou d'un groupe de personnes défini(e) par son orientation sexuelle, dans la mesure où celle-ci ne correspond pas aux modèles sociétaux "traditionnels". Il est sans importance de savoir si les déclarations litigieuses visent l'ensemble de la communauté LGBTI ou seulement la communauté homosexuelle, étant à tout le moins certain que cette dernière est incluse dans le propos. En effet, non seulement la définition de "queer" peut inclure l'orientation sexuelle, mais surtout, l'usage du terme "lesbienne" est parfaitement univoque à cet égard. À l'inverse, aucun élément ressortant du discours incriminé ne suggère que le recourant voudrait s'en prendre à l'identité de genre de B.
De ce qui précède, il découle également que le propos du recourant n'est pas circonscrit à l'activité militante de B. À titre d'exemple, en affirmant: "Et je rappelle que queer en anglais ça veut dire, je crois, désaxé", le recourant formule une critique sans lien avec le militantisme. Le destinataire moyen peut ainsi comprendre, au regard du discours incriminé pris dans son ensemble, que la journaliste en question présente, aux yeux du recourant, tant le défaut d'être homosexuelle que celui de militer en faveur de certaines minorités ("grosse lesbienne militante pour les migrants"). Le premier aspect correspond bien à l'un des critères de l' art. 261 bis CP .

2.2

2.2.1 Le recourant soutient ensuite que le discours incriminé n'exprimait pas le mépris. En effet, les termes "lesbienne" et "queer" étaient des termes neutres, qui plus est revendiqués par la communauté LGBTI, de sorte qu'ils ne pouvaient constituer une atteinte en raison de l'orientation sexuelle. De plus, la cour cantonale avait méconnu que l'étymologie du mot "queer" est "off-center", se traduisant par "désaxé". Par ses paroles, le recourant s'était finalement limité à
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constater que la fonction militante "queer" était constituée d'un groupe réduit de personnes. Faudrait-il, par impossible, déceler dans les propos incriminés un sentiment péjoratif à l'endroit de la communauté homosexuelle, qu'il n'en découlerait pas encore un appel à la haine ou à la discrimination au sens de l' art. 261 bis al. 1 CP .

2.2.2 À lire l'argumentaire du recourant, on pourrait croire que celui-ci s'est limité, dans un contexte neutre, à faire usage des termes "queer" et "lesbienne". Tel n'est manifestement pas le cas. En effet, le langage utilisé, rabaissant ("désaxé"), déshumanisant ("voilà face à quoi on est") et outrancier ("grosse lesbienne"), invite l'internaute à mépriser B. en raison des caractéristiques mises en avant par le recourant, en particulier l'orientation sexuelle de celle-ci. Loin de spécifier que l'acception du terme "queer" se comprend dans le sens où les personnes qui s'en revendiquent ne correspondent pas au modèle social hétéronormé, le recourant se contente d'affirmer, sans autre explication ou précision, que "queer" signifie désaxé, lui conférant immédiatement une connotation très péjorative. Par ailleurs, la construction de son propos, qui consiste à présenter B. et la communauté homosexuelle comme ennemies des valeurs qu'il prétend défendre ("un combattant pour la paix, la fraternité et l'âme suisse"), ne fait que renforcer l'hostilité et l'homophobie qui se dégagent déjà des termes employés. Enfin, comme la cour cantonale et le ministère public l'ont relevé, le recourant a prévu une mise en scène consistant à inclure une photo-portrait de B. sous la vidéo incriminée, offrant ainsi aux internautes une figure concrète sur laquelle déverser leur mépris. Il ne fait ainsi aucun doute que le message du recourant tend à éveiller et exciter un sentiment de haine à raison de l'orientation sexuelle, étant précisé qu'il suffit, au regard de l' art. 261 bis al. 1 CP , d'exciter des individus ayant déjà des sentiments racistes, respectivement homophobes (MIRIAM MAZOU, in Commentaire romand, Code pénal, vol. II, 2017, n° 19 ad art. 261 bis CP ), sans que l'exhortation doive être particulièrement explicite (v. supra consid. 1.3).

2.3 Le recourant fait encore grief à la cour cantonale d'avoir tenu compte, dans son appréciation, des commentaires publiés par des tiers en réaction à son entretien filmé, dont il ne répond pas. Il perd cependant de vue qu'il est admissible de tenir compte des réactions des internautes pour établir la signification du message incriminé du point de vue d'un tiers moyen (voir par exemple: arrêt 6B_644/2020 du 14 octobre 2020 consid. 2.3.5), étant encore rappelé qu'il n'a pas été poursuivi pour avoir omis de modérer ces commentaires, mais
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uniquement pour les propos qu'il a personnellement tenus. Il était ainsi pertinent de relever, dans l'interprétation du message en question, que les destinataires en avaient non seulement perçu le sens haineux et discriminatoire, mais qu'en outre, au regard des virulentes réactions relevées par la cour cantonale (v. supra consid. 2 in fine), les paroles incriminées les avaient effectivement incités à manifester leur haine en considération de l'orientation sexuelle de B. Pour le surplus, en tant que le recourant fait grief à la cour cantonale de s'être écartée de l'argumentation du tribunal de première instance sans avancer de motifs suffisants, il méconnaît que la cour cantonale n'est pas liée par le jugement de première instance, mais qu'elle procède à un nouvel examen en fait et en droit ( art. 398 al. 2 et 3 CPP ; arrêts 6B_86/2023 du 7 août 2023 consid. 2.2; 6B_1176/2020 du 2 juin 2021 consid. 1.2.2).

2.4 Il résulte de ce qui précède que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant que le message du recourant procédait de la discrimination et de l'appel à la haine en raison de l'orientation sexuelle. Enfin, le recourant ne conteste pas le caractère public de son comportement, qui n'est pas douteux. Il s'ensuit que tous les éléments constitutifs objectifs de l' art. 261 bis al. 1 CP sont réalisés.

3. Il convient encore d'examiner l'aspect subjectif de l'infraction.

3.1 Sur ce point, la cour cantonale a retenu que le recourant avait agi intentionnellement. Les mots avaient été choisis à dessein. L'intéressé avait d'ailleurs admis que le sens "désaxé", utilisé pour définir le mot "queer", lui avait paru "le plus approprié". Il ne s'était en outre nullement exprimé à chaud. En effet, le recourant avait d'abord effectué des recherches sur Internet, puis s'était mis en scène sous la forme d'une interview filmée, destinée à être diffusée sur le site C. Il s'était également assuré que sa victime puisse être parfaitement identifiable. À aucun moment, il n'avait affirmé qu'il n'aurait eu aucun contrôle sur le contenu de cette vidéo, qu'il assumait du reste totalement, ainsi que sur sa diffusion. En agissant de la sorte, il entendait, de manière consciente et volontaire, alimenter et susciter la haine et la discrimination non seulement envers B., mais aussi envers toute la communauté homosexuelle et lesbienne. De plus, ses précédentes condamnations révélaient que le recourant avait déjà, par le passé, injurié, diffamé, et donc rabaissé et discriminé des personnes en raison de leur orientation sexuelle. Si ces antécédents ne fondaient pas la culpabilité, ils permettaient néanmoins de confirmer le
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caractère homophobe du recourant et donc ce qui l'avait animé au moment de s'exprimer dans la vidéo litigieuse. Enfin, le recourant n'avait pas désapprouvé les commentaires publiés en réaction à sa vidéo: il s'en était même amusé, les trouvant "très drôles, pleins de finesse et d'esprit", de même que "taquins". Alors qu'il avait reconnu faire modérer certains commentaires, il n'avait rien entrepris de tel en l'espèce. Au jour des débats de première instance, la vidéo était d'ailleurs toujours en ligne. Les déclarations de l'intéressé, son absence de modération et le maintien en ligne de la vidéo incriminée, alors qu'il se savait faire l'objet d'une procédure pénale, attestaient également du dessein qui était le sien d'attiser chez ses spectateurs et auditeurs des émotions viles de manière à susciter la haine et la discrimination.

3.2 Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir déduit une intention discriminatoire de ses précédentes condamnations. Il soutient que ses antécédents en France ne devaient pas être pris en compte dans la mesure où, selon le droit français, il répondait pénalement du contenu d'ouvrages publiés par sa maison d'édition, et non seulement de ses propres textes. Il ne précise cependant pas quelles condamnations pénales prononcées à son encontre l'auraient été à raison de l'édition d'ouvrages écrits par des tiers. Quoi qu'il en soit, ces antécédents demeurent pertinents dans l'appréciation de la personnalité du recourant, étant relevé que le prénommé entreprend, par divers moyens (rédaction d'essais, mais également création d'une maison d'édition ainsi que d'une association ayant pour but "de soutenir et de défendre les idées politiques de A1."), de diffuser sa ligne de pensée. De même, il ne saurait tirer argument du fait que ses antécédents découlent "en majorité" d'actes de diffamation et d'injures envers des particuliers plutôt qu'envers des communautés en tant que telles, puisqu'il n'en a pas moins été reproché au recourant d'avoir publiquement discriminé une personne en raison de son orientation ou identité sexuelle (condamnations des 11 février 2016 et 14 mars 2018). Plus généralement, ses multiples condamnations pour diffamation et provocation à la discrimination raciale ou religieuse, ou en raison de l'orientation ou l'identité sexuelle, soit onze prononcés pénaux au total, confirment la propension du recourant à adopter des comportements méprisants et discriminatoires à l'égard de groupes de personnes pourtant protégés par la loi.

3.3 Le recourant affirme n'avoir eu nulle intention de mépriser ou de rabaisser B. en raison de son orientation sexuelle, mais avoir simplement cherché à être descriptif dans ce qui incarnait sa personne et
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son statut journalistique, voire militant. Comme il l'avait expliqué lors des débats de première instance, il n'avait jamais prétendu que la communauté homosexuelle était désaxée au sens péjoratif du terme, mais relevait seulement que l'acception "désaxée" attachée à la catégorie "queer", terme revendiqué par cette communauté, répondait à la définition entendue étymologiquement comme "en dehors de l'axe ou de la norme", en opposition à la majorité hétérosexuelle de la société qui constituait ainsi la norme.
Ces développements consistent, pour l'essentiel, à opposer l'appréciation des preuves opérée par la cour cantonale à celle du recourant. Ils sont irrecevables dans cette mesure (v. supra consid. 1.5). Pour le surplus, le recourant se limite à rediscuter l'interprétation qu'a faite la cour cantonale du discours litigieux, laquelle, comme on l'a vu, ne prête pas le flanc à la critique (v. supra consid. 2).

3.4 En définitive, le recourant ne parvient pas à démontrer que les constatations de la cour cantonale relatives à son intention seraient insoutenables ou que celle-ci aurait écarté arbitrairement tout doute sur ces questions. Il s'ensuit que le Tribunal fédéral est lié ( art. 105 al. 1 LTF ) en tant que la décision entreprise retient que le recourant, dont l'homophobie avait déjà été révélée par ses antécédents judiciaires, avait volontairement exprimé publiquement son profond mépris vis-à-vis de B. à raison de son orientation sexuelle ainsi que contre la communauté homosexuelle dans son ensemble, et qu'il s'était même réjoui des réactions haineuses et discriminatoires que son discours avait suscitées auprès de ses auditeurs. En définitive, au regard des faits retenus sans arbitraire par la cour cantonale, celle-ci n'a pas violé le droit fédéral en estimant que le recourant avait agi intentionnellement.

3.5 Au regard de ce qui précède, le comportement du recourant remplit tous les éléments constitutifs de l' art. 261 bis al. 1 CP .

4. Le recourant invoque la violation de la liberté d'expression ( art. 16 al. 1 Cst. et art. 10 par. 1 CEDH ). Il se prévaut en particulier de la protection conférée aux journalistes s'exprimant dans le cadre du débat politique.

4.1 La liberté d'opinion est garantie: toute personne a le droit de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion ( art. 16 al. 1 et 2 Cst. ). Elle peut toutefois faire l'objet de restrictions à la condition que celles-ci soient fondées sur une base légale, qu'elles soient justifiées par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental
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d'autrui et qu'elles soient enfin proportionnées au but visé ( art. 36 Cst. ). Au niveau international, la liberté d'expression est garantie par l' art. 10 CEDH : elle comporte notamment la liberté d'opinion et la liberté de communiquer des informations ou des idées sans aucune ingérence de l'autorité publique et sans considération de frontière ( art. 10 par. 1 CEDH ). L'exercice de cette liberté peut être soumis à des restrictions ou à des sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, en particulier pour le maintien de l'ordre public et la protection de la réputation ou des droits d'autrui ( art. 10 par. 2 CEDH ). La CourEDH a rappelé que l' art. 10 par. 2 CEDH ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression dans le domaine du discours politique ou de questions d'intérêt général et qu'elle doit faire preuve de la plus grande attention lorsque les mesures prises ou sanctions infligées par les autorités nationales sont de nature à dissuader les médias de participer à la discussion de problèmes d'un intérêt général légitime (arrêt de la CourEDH Monnat contre Suisse du 21 septembre 2006 [requête n° 73604/01], § 58).
Dans l'arrêt A. contre France , qui concernait le recourant personnellement, la CourEDH a indiqué qu'il s'agissait de rechercher si les actes et les propos du requérant relevaient d'une catégorie appelant une protection renforcée ou réduite sur le terrain de l'article 10 de la Convention. En principe, les propos se rapportant à des questions d'intérêt public appellent une forte protection, au contraire de ceux défendant ou justifiant la violence, la haine, la xénophobie ou d'autres formes d'intolérance, qui ne sont normalement pas protégés. De tels propos peuvent même tomber sous l'empire de l'article 17 de la Convention (la CourEDH ayant jugé qu'un "propos dirigé contre les valeurs qui sous-tendent la Convention" se voit soustrait par l'article 17 à la protection de l'article 10 [arrêt de la CourEDH Lehideux et Isorni contre France du 23 septembre 1998, Recueil CourEDH 1998-VII p. 2864 § 47 et 53]). La Cour a rappelé à cet égard qu'elleavait toujours affirmé qu'il importait au plus haut point de lutter contre la discrimination raciale sous toutes ses formes et manifestations et qu'elle était particulièrement sensible aux propos catégoriques attaquant ou dénigrant des groupes tout entiers, qu'ils soient ethniques, religieux ou autres (arrêt de la CourEDH A. contre France du 25 janvier 2022 [requête n° 35364/19], § 38-39).

4.2 Bien qu'il invoque la liberté journalistique et la protection accordée au débat politique, le recourant ne se prévaut d'aucun
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engagement auprès d'un organe de presse ni de l'exercice de quelque mandat public. Son entretien filmé n'est pas intervenu dans un quelconque contexte politique, puisqu'il s'agissait simplement pour lui de répondre à l'article le concernant, paru dans les quotidiens G. et F., cette vidéo ayant ensuite été mise en ligne sur le site Internet de l'association qu'il préside. Si, dans son recours, l'intéressé fait valoir que "la question LGBTI interpelle nos sociétés occidentales notamment les propagandes visant les enfants", le discours incriminé ne traite pas de cela, le recourant se limitant à s'en prendre à la personnalité d'une journaliste en raison de son orientation sexuelle et à exprimer son mépris à l'endroit de la communauté homosexuelle. La démarche du recourant correspond, en définitive, bien plus à une attaque personnelle gratuite à l'encontre de personnes définies par leur orientation sexuelle qu'à l'expression d'une opinion sur des questions d'intérêt public. Il ne relève ainsi nullement du débat politique ou d'un débat d'intérêt général dans lequel la critique doit être plus largement admise. Aussi, à supposer même que la protection de l' art. 10 CEDH ne soit pas simplement exclue par l' art. 17 CEDH et trouve à s'appliquer en l'espèce, les propos incriminés relèvent à tous le moins d'une catégorie dont la protection est réduite sur le terrain de cette disposition.
Il sied d'en conclure que la restriction apportée à la liberté d'expression du recourant repose sur une base légale suffisante et poursuit un but légitime de protection de la réputation et des droits d'autrui (cf. ATF 137 IV 313 consid. 3.6). Elle demeure en outre proportionnée, l'interdiction d'un comportement visant à attiser la haine à l'égard d'une personne en raison de son orientation sexuelle ainsi que, plus largement, à l'égard de la communauté homosexuelle dans son ensemble, devant l'emporter sur le droit du recourant à s'exprimer librement ( art. 10 par. 2 CEDH ; art. 16 et 36 Cst. ). L'ingérence dans l'exercice, par le recourant, de son droit à la liberté d'expression, était ainsi nécessaire dans une société démocratique, de sorte que son grief est mal fondé.

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