Urteilskopf
85 IV 142
37. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassatlon pénale du 10 juillet 1959 dans la cause Perrenoud contre Procureur général du can- ton de Berne.
Regeste
Art. 286 StGB
. Nach dieser Bestimmung ist auch strafbar, wer ohne Leistung von Widerstand, insbesondere durch Flucht, einen Beamten an einer Handlung hindert, die innerhalb seiner Amtsbefugnisse liegt. Der Umstand, dass der Täter versucht, durch Flucht sich selber einer Strafverfolgung zu entziehen, bildet unter dem Gesichtspunkte des
Art. 286 StGB
keinen Entschuldigungsgrund (Erw. 2).
Art. 48 JVG
. Unter Verheimlichen im Sinne dieser Bestimmung ist jede Tätigkeit zu verstehen, durch die dem Berechtigten oder der Behörde das Auffinden des gefrevelten Wildes erschwert oder verunmöglicht wird (Erw. 4).
A.-
Le 2 novembre 1958 au matin, Jacques Perrenoud tira un coq de bruyères dans la réserve de "la Jeure", à Chasseral, et déposa cet oiseau, avec son arme, dans le coffre de sa voiture. Son frère Carlo, qui l'accompagnait, prit alors le volant et repartit, mais l'automobile fut bientôt arrêtée par un gendarme. Jacques Perrenoud, assis à côté du conducteur, mit un pied à terre et demanda au gendarme ce qu'il voulait. Apprenant qu'il s'agissait de contrôler le contenu du coffre et que le chef de l'agent allait arriver, il referma la portière et, sur son injonction, son
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frère exécuta soudain une marche arrière sur 200 m., à une vitesse de 30 à 40 km/h, tourna la voiture et repartit à toute allure en direction du sommet de Chasseral pour éviter le contrôle. Ils ne purent être rejoints par le gendarme, qui avait été surpris par cette manoeuvre.
B.-
Le Président du Tribunal du district de La Neuveville puis, sur appel, la Première Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne ont condamné Jacques Perrenoud, pour délit de chasse et opposition aux actes de l'autorité, et Carlo Perrenoud, pour recel de chasse et opposition aux actes de l'autorité, à des peines d'amende.
C.-
Les condamnés se pourvoient en nullité au Tribunal fédéral. Tandis que Jacques Perrenoud demande à être acquitté de l'inculpation d'opposition aux actes de l'autorité, son frère conclut à libération complète.
Extrait des motifs:
2.
Les frères Perrenoud reprochent aux premiers juges de les avoir condamnés pour opposition aux actes de l'autorité au sens de l'art. 286 CP. Cette disposition vise celui qui empêche un fonctionnaire d'accomplir un acte entrant dans ses fonctions, sans user de violence ou de menace (cf. RO 81 IV 164 c. 2). Le contrôle du contenu du coffre, auquel voulait procéder le gendarme, entrait dans ses fonctions. Les recourants ne le nient pas et ne contestent pas davantage qu'en prenant la fuite, ils ont mis le gendarme dans l'impossibilité d'exécuter ce contrôle. Ils prétendent cependant que la fuite ne constituerait pas une opposition au sens de l'art. 286 CP.
Certes, alors que l'art. 285 réprime l'emploi de la violence et de la menace envers les autorités et les fonctionnaires, le législateur a-t-il voulu atteindre, à l'art. 286, avant tout la résistance passive, (Bull. st. CN p. 484; LOGOZ, Part. spéc. II, ad 286, p. 664 n. 1; RO 69 IV p. 3 c. 3). Cependant, le texte légal ne contient aucune restriction quant aux moyens utilisés; il vise donc également celui qui, sans résister, empêche un fonctionnaire de faire
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un acte entrant dans ses fonctions. L'art. 286, comme l'art. 285, ne suppose pas nécessairement un empêchement absolu; il se contente d'une simple entrave (RO 71 IV 102). Aussi son application s'impose-t-elle à plus forte raison lorsque l'acte à accomplir a été rendu impossible par la fuite. Selon le pourvoi, on ne saurait étendre à l'excès la notion d'empêchement au sens de l'art. 286 CP et punir ainsi, par le détour de cette disposition, la simple désobéissance envers un fonctionnaire (RO 69 IV 1 ss; RO 81 IV 164 c. 2). C'est exact; toutefois les frères Perrenoud ont été condamnés non pour avoir désobéi au gendarme, mais pour l'avoir empêché de procéder à un acte entrant dans ses fonctions.
Les recourants invoquent enfin l'opinion de SCHWANDER (p. 366, no 745), selon lequel l'art. 286 CP ne réprimerait pas la fuite "denn Selbstbegünstigung ist straffrei (Art. 305 a contrario)". Il est exact que celui qui se soustrait luimême à une poursuite pénale ou à l'exécution d'une peine ne tombe pas sous le coup de l'art. 305 CP (RO 73 IV 239 c. 1). Cela ne signifie cependant pas qu'il bénéfice nécessairement de l'impunité. Son acte peut en effet constituer une autre infraction (cf. LOGOZ, op.cit., ad 305 CP, p. 718, no 3 litt. c) et tel est en particulier le cas lorsque la fuite a pour effet - voulu par le fuyard - d'empêcher l'agent d'accomplir l'acte qui lui incombe. Ainsi, le condamné qui prendrait la fuite pour échapper au policier chargé de le mener au pénitencier et l'empêcherait, ce faisant, de remplir sa mission, encourrait la peine prévue par l'art. 286 CP. Les raisons qui, en pareil cas, s'opposent à l'application de l'art. 305 ne valent pas à l'égard de l'art. 286 CP.
4.
L'art. 48 LCho frappe d'une amende celui qui recèle des animaux qu'il sait provenir du braconnage. Comme il vise aussi notamment celui qui acquiert ou aide à écouler de tels animaux, la notion de recel n'a pas ici un sens aussi étendu qu'à l'art. 144 CP, où elle comprend en particulier le fait d'acquérir ou d'aider à négocier le produit d'une infraction. Receler au sens de l'art. 48 LCho,
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c'est dissimuler ("verheimlichen"). Selon l'arrêt Quain du 14 juillet 1944, il faut entendre par là le fait du tiers qui, sachant qu'un animal provient du braconnage, accepte néanmoins d'en prendre possession pour le soustraire aux recherches de l'autorité. Dans un arrêt ultérieur, le Tribunal fédéral a élargi cette notion: dissimule aussi un animal provenant du braconnage, celui qui en tait la possession, alors qu'il était tenu de renseigner, ou qui la nie mensongèrement et induit ainsi la police en erreur (RO 76 IV 190/191, c. 2). On peut en définitive, avec WAIBLINGER (RP 61, p. 271), qualifier de dissimulation tout acte qui a pour effet de rendre plus difficile ou même impossible la découverte de l'objet de l'infraction par le lésé ou l'autorité.
En l'espèce, Carlo Perrenoud, à qui le gendarme n'a rien demandé, n'a point tu ni contesté qu'un coq de bruyère se trouvait dans le coffre de la voiture. Il n'a pas davantage pris possession de cet oiseau, puisque c'est son frère Jacques qui, après l'avoir tué, l'a ramassé et placé dans le coffre (l'inadvertance signalée dans le pourvoi n'existe pas). En revanche, en exécutant la manoeuvre qui a empêché le gendarme de contrôler le contenu du coffre, Carlo Perrenoud a soustrait l'oiseau braconné aux recherches de l'autorité. Si des dénégations mensongères ou même le silence qui ont pour effet d'induire la police en erreur tombent sous le coup de l'art. 48 LCho, il en va à plus forte raison de même des actes matériels par lesquels on soustrait le gibier braconné au contrôle d'un gendarme. Carlo Perrenoud a donc été condamné avec raison pour recel de chasse.