Urteilskopf
86 II 446
65. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 28 octobre 1960 dans la cause S. contre D.
Regeste
Eintragung eines vorehelichen Kindes auf Grund bewusst unwahrer Angaben der Eheleute (
Art. 259 Abs. 1 ZGB
). Wirkungen auf die bei der Ehescheidung gegebenen Geldansprüche (Art. 151 Abs. 1 und 156 Abs. 2 ZGB).
a) Kann die Ehefrau trotz ihrer Zustimmung zu der falschen Ehelicherklärung als schuldlos betrachtet werden? Beeinträchtigt die Scheidung ihre Interessen? (Erw. 1).
b) Der Umstand, dass das im Zivilstandsregister als ehelich eingetragene Kind nicht vom Ehemann abstammt, macht den ihm zuerkannten ehelichen Stand nicht unbedingt nichtig, sondern bildet bloss einen Grund zur Anfechtung nach
Art. 262 ZGB
. Verwirkung der Klage. Ausschluss einer Nichtigkeit nach
Art. 20 OR
(Erw. 2 und 4).
A.-
S., ressortissant suisse, a épousé D. de nationalité française, le 12 septembre 1953, à Genève. Ils avaient fait connaissance en 1952. Lors du mariage, ils déclarèrent
BGE 86 II 446 S. 447
que la fille illégitime de l'épouse, Elisabeth-Anne-Louise-Liliane, née le 16 avril 1948 à Clamecy (France), était leur enfant commun (art. 259 CC).
B.-
Admettant l'action de l'épouse, le Tribunal de première instance de Genève, par jugement du 18 novembre 1959, a prononcé le divorce pour adultère du mari, interdit à celui-ci de se remarier avant l'écoulement d'un délai de trois ans, attribué la puissance paternelle sur l'enfant à la mère et condamné S. à payer deux rentes de 40 fr. (art. 151 CC) et 120 fr. par mois (art. 156 CC).
Le mari débouté a recouru contre ce jugement et l'épouse a formé un appel incident. Par arrêt du 21 juin 1960, la Cour de justice a réduit le délai imparti au défendeur à deux ans et alloué en vertu de l'art. 151 CC une rente de 50 fr. par mois pendant quatre ans; elle a confirmé sur les autres points la décision attaquée.
C.-
Agissant par la voie de recours en réforme, le défendeur requiert le Tribunal fédéral de supprimer les rentes allouées à titre d'indemnité et de contribution à l'entretien de l'enfant.
L'intimée conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
L'époux innocent dont les intérêts pécuniaires, même éventuels, sont compromis par le divorce, a droit à une indemnité équitable de la part du conjoint coupable (art. 151 al. 1 CC).
Le recourant ne conteste pas le caractère équitable de l'indemnité allouée par la Cour cantonale, mais son principe même.
a) Il prétend en premier lieu que l'intimée n'est pas innocente au sens de la loi; elle a consenti à une légitimation abusive, commettant ainsi le crime infamant d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse (art. 253 CP et 139 CC).
Implique une culpabilité selon l'art. 151 CC tout comportement dénotant un esprit opposé au mariage, qui
BGE 86 II 446 S. 448
constitue une cause (déterminée) de divorce ou qui est objectivement de nature à porter atteinte au lien conjugal, même si ce fait n'a pas été causal pour le divorce prononcé (RO 85 II 11). Cette définition ne vise pas le grief adressé par le recourant à son épouse. Le désir de l'intimée de légitimer son enfant a été réalisé lors de la célébration du mariage. Il ne s'agit pas d'une attitude coupable durant le mariage, rendant l'union plus difficile et aléatoire et violant les règles du mariage, mais d'une circonstance antérieure, existant au départ déjà et à laquelle on ne saurait attribuer - sur la base des faits constatés - une influence quelconque sur la vie conjugale (cf. RO 85 II 293 sv.).
Le recourant d'ailleurs est fort mal inspiré d'alléguer la faute de l'intimée. Il y a consenti, puisqu'il ne connaissait sa femme, selon son propre aveu, que depuis 1952.
b) Le recourant soutient en second lieu que l'intimée entendait uniquement, par le mariage, légitimer son enfant; c'était là son seul désir, qu'elle a réalisé; le divorce ne compromet donc aucun de ses intérêts, pécuniaires ou non.
Cette argumentation est d'autant plus fallacieuse que le recourant conteste la légitimation. Certes, l'intimée a réalisé l'un de ses désirs en se mariant, soit légitimer son enfant. Aucun fait constaté par la juridiction cantonale ne permet néanmoins de conclure que ce fut là son seul intérêt et qu'elle n'aurait pas entendu fonder une communauté de vie et bénéficier des avantages qu'elle comportait pour elle en vertu de la loi.
Les deux moyens du recourant se révélant mal fondés, la rente allouée doit être confirmée.
2.
En cas de divorce, celui des parents auquel les enfants ne sont pas confiés est tenu de contribuer, selon ses facultés, aux frais de leur entretien et de leur éducation (art. 156 al. 2 CC). Le recourant soutient que la légitimation de l'enfant est nulle et que l'obligation d'entretien tombe; il prétend en outre qu'il n'a pas qualité pour
BGE 86 II 446 S. 449
intenter l'action de l'art. 262 CC, dont le succès pouvait seul, selon la Cour cantonale, le libérer.
Ce second argument est erroné (RO 40 II 299 et la doctrine unanime).
Sur le premier point, la Cour de céans peut laisser ouverte la question de savoir si le juge du divorce doit s'en remettre à l'inscription dans les registres de l'état civil ou s'il peut examiner préjudiciellement la validité de la légitimation. Point n'est besoin de décider non plus si l'époux divorcé, dans certains cas, peut être appelé à contribuer aux frais d'entretien et d'éducation d'un enfant élevé en commun avec son épouse, mais dont il n'est pas le parent naturel. En l'espèce, en effet, la légitimation existe; du moins il ne dépend plus du recourant de la mettre à néant.
3.
(Cf. RO 86 II 440, consid. 2).
4.
D'après la doctrine dominante et la jurisprudence, que l'enfant légitimé selon les inscriptions opérées dans les registres de l'état civil ne soit pas issu de son prétendu père (le mari déclarant) ne constitue pas un motif de nullité absolue, objet de constatation (par une action ou une exception, et à tout moment), mais une cause d'annulabilité au sens de l'art. 262 CC, susceptible d'entraîner l'invalidité ex tunc et erga omnes par le moyen d'une action formatrice (cf. la tendance de l'arrêt publié partiellement dans RO 86 IV 180 sv.; HEGNAUER, no 7 ad art. 262 et 13 ad art. 258/259 CC et les citations; EGGER, no 5 in fine ad art. 259 CC; l'arrêt publié dans RO 40 II 298 consid. 2 ne paraît inexact qu'en apparence, semblet-il, pour une raison de terminologie; à la page 299, le sens de l'arrêt est redressé). Cette action est soumise à un délai. Elle doit être intentée dans les trois mois à partir du jour où le demandeur a eu connaissance de la légitimation. On peut se demander si cette péremption concerne toutes les personnes qui ont qualité pour agir (notamment l'enfant et le père naturel; cf. RO 40 II 304 consid. 7;
54 II 409
; HEGNAUER, nos 15 à 18 ad art. 262 CC) et quel
BGE 86 II 446 S. 450
est le point de départ du délai. Si c'est le père selon le registre qui conteste la légitimation, il ne fait aucun doute que le délai s'applique et qu'il part du jour où le demandeur a connu la légitimation, soit - en l'espèce - le jour du mariage. D'une part, en effet, l'intérêt général à la sécurité juridique et celui de l'enfant au maintien du statut légitime acquis priment le désir du demandeur d'agir même après l'écoulement du délai, ou plus exactement, de se soustraire à toute péremption de son droit. Le recourant, d'autre part, savait dès avant la célébration du mariage que l'enfant légitimé n'était pas issu de ses oeuvres et il n'a pas été empêché de contester la légitimation.
Il s'ensuit que le droit du recourant d'attaquer la légitimation est périmé. On peut d'ailleurs douter, le délai eût-il été respecté, que le recourant serait parvenu à ses fins. Il semble, en effet, que l'époux déclarant, comme celui qui reconnaît un enfant naturel (RO 49 II 155, 53 II 95, 75 II 9, 79 II 28), ne puisse invoquer qu'un vice de la volonté (
art. 23 sv
. CO; HEGNAUER, no 11 ad art. 262 CC et les citations; RO 40 II 299). Le dol d'un tiers ou de l'autre époux constituerait certes un tel vice, mais non pas l'intention du demandeur de faire (consciemment) une déclaration fausse (nemo auditur turpitudinem suam allegans; venire contra factum proprium nulli conceditur).
Le recourant, à dire vrai, se fonde aussi sur l'art. 20 CO et prétend que la légitimation est nulle pour cause d'illicéité, la déclaration mensongère des époux tombant sous le coup de l'art. 253 CP. Mais les arrêts rendus en matière de vente immobilière qu'il invoque ont constaté la nullité du contrat pour violation des prescriptions de forme (art. 216 CO) et non pas en raison d'un acte punissable commis lors de la conclusion. Cette dernière circonstance ne constitue pas en soi et toujours un cas de nullité, surtout en matière d'actes régis par le Code civil (RO 49 II 157). Un tel cas ne résulte pas, en effet, de la seule illicéité, mais d'une disposition légale expresse ou du but et du sens de celle-ci (RO 80 II 329 et les citations;
81 II 619
, 82 II 132).
Par des motifs identiques à ceux de l'arrêt M. contre Tuteur général de Genève et dame W.-V. (RO 75 II 13/14), la nullité fondée sur l'art. 20 CO est exclue en matière de légitimation. Lorsque celle-ci est mensongère, ses effets sont réglés spécialement par les
art. 258 sv
. CC, et notamment à l'art. 262 de cette loi.
Les moyens du recourant tendant à le faire libérer de toute contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant légitimé sont donc vains et le recours doit être rejeté sur ce point également.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.