Urteilskopf
90 II 158
20. Arrêt de la Ie Cour civile du 11 mai 1964 dans la cause Vetania Trust reg. contre Lloyd's Bank (Foreign) Ltd.
Regeste
Bankdepot amerikanischer Namenaktien, die bei dem in der Schweiz domizilierten Aufbewahrer arrestiert werden, während sie sich tatsächlich in New York befinden.
Art. 472, 475 Abs. 1, 481 OR
.
1. Der mit dem Entscheid über die Rückgabe der hinterlegten Sache befasste Richter hat zunächst über eine Vorfrage zu entscheiden, zu der sich die ordentlicherweise zuständige Behörde nicht ausgesprochen hat (Erw. 3).
2. Der in der Schweiz bewilligte und vollzogene Arrest kann sich nicht auf Aktien erstrecken, die sich tatsächlich in New York befinden. Handelt es sich um ein depositum regulare, so kann der Hinterleger die hinterlegte Sache herausverlangen (Erw. 4).
3. Der Bundeszivilprozess sieht keine "astreinte" vor, wie sie gewisse kantonale Rechte kennen; sie verpflichtet dagegen den Richter, der zur Vornahme einer Handlung verurteilten Privatperson zur Kenntnis zu bringen, dass sie bei Nichtvornahme der Handlung wegen Ungehorsams im Sinne von
Art. 292 StGB
mit Haft oder Busse bestraft werden kann (
Art. 76 Abs. 1 BZP
; Erw. 5).
A.-
Vetania Trust reg. (ci-après: Vetania), entreprise fiduciaire à Vaduz, gère des biens pour le compte de Rhadamès Trujillo, qui a plein pouvoir de la représenter.
En mars 1963, Vetania possédait 32.000 actions nominatives E.L. Bruce & Co. Inc. valant environ 1.400.000 fr., déposées auprès de la Lloyd's Bank (Foreign) Ltd. de Londres, succursale de Genève. Se conformant à un usage bancaire, celle-ci les avait laissées chez ses correspondants
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de New York, la Bankers Trust Company, qui en tenaient un état et les avaient fait enregistrer dans les livres de la société au nom de "nominees". Correspondants et "nominees" américains ignoraient l'identité du propriétaire et agissaient selon les instructions de la Lloyd's. Pas plus que sa cliente, la banque ne connaissait les numéros des actions. Ces titres sont du reste joints à un "plot" si le correspondant détient en son nom d'autres actions d'une société déterminée. On n'en demande pas d'ordinaire le transfert effectif (matériel).
B.-
Par un télégramme du 27 mars 1963, Trujillo a invité la Lloyd's Bank à transférer les actions à son compte auprès du Banco exterior de Espana, à Madrid. Confirmé le lendemain par une lettre de Vetania, l'ordre n'était pas encore exécuté lorsque l'autorité compétente genevoise décida, le 26 avril, de séquestrer en mains de la banque "tous titres, espèces, objets, avoirs, créances ... actions nominatives ou au porteur ... inscrits en comptecourant, dépôt ... au nom de Vetania Registered Trust Vaduz ...". Seize ordonnances furent prises et exécutées par l'office des poursuites. La banque déclara alors que le séquestre s'opposait au transfert demandé. Vetania répondit que la mesure ne portait pas sur les titres déposés à New York.
C.-
Se conformant à une prorogation de for convenue les 21/25 octobre 1963, Vetania a saisi le Tribunal fédéral de l'action en restitution qu'elle a intentée, par demande du 22 novembre, à la Lloyd's Bank; elle prie le juge de fixer une astreinte de 500 fr. par jour de retard dans l'exécution du jugement. La défenderesse a conclu au rejet, offrant toutefois de restituer les titres si le séquestre ne les concerne pas.
Considérant en droit:
2.
Les parties sont liées par une convention de dépôt. La défenderesse s'est obligée envers la demanderesse à recevoir des actions nominatives américaines que celle-ci
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lui a confiées, à les garder en lieu sûr et à les restituer en tout temps (art. 472 al. 1 et 475 al. 1 CO; RO 58 II 351). Un tel contrat est courant entre une banque et son client, lorsque le second prie la première de conserver des titres (GAUTSCHI, Commentaire, remarques préliminaires au dépôt, p. 593/594).
En ordonnant à la Lloyd's Bank de transférer les 32 000 actions E.L. Bruce & Co. Inc. à une banque madrilène, Vetania en a exigé la restitution au sens de l'
art. 475 al. 1 CO
. La dépositaire est disposée à rendre la chose confiée, n'était le séquestre.
3.
La portée de cette mesure prévue par le droit de la poursuite est une question préjudicielle (Vorfrage), que le juge appelé à décider de la restitution doit résoudre préalablement si, comme en l'espèce, les autorités de poursuite ne se sont pas prononcées. Il est généralement admis en droit suisse que, lorsque le sort d'une contestation pendante devant une autorité judiciaire ou administrative dépend de la solution d'une question préjudicielle qui relève en principe d'une autre juridiction, le juge compétent pour statuer sur la question principale l'est aussi pour trancher la question préjudicielle (RO 32 I 632/633;
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;
71 I 495
;
85 IV 70
;
88 I 10
et les citations). Ainsi, le juge administratif peut se prononcer sur des questions de droit civil (RO 88 I 10/11;
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en bas), les autorités de poursuite sur des points de procédure civile (RO 77 III 142/143 et les références), le juge pénal sur des questions du droit de la poursuite (RO 82 IV 19, 89 IV 79). Sur le point préjudiciel toutefois, la décision ne constitue qu'un motif du jugement et ne jouit pas de l'autorité de la chose jugée (RO 72 I 411).
4.
Selon les ordonnances et procès-verbaux produits, l'office des poursuites a opéré un séquestre générique, admis par la jurisprudence (RO 80 III 87 consid. 2 et les références). Cette mesure, ordonnée et exécutée à Genève par des autorités suisses, peut-elle porter sur des titres qui se trouvent effectivement à New York? Tel est le litige.
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a) Le séquestre, qui doit être ordonné par l'autorité compétente du lieu où se trouvent les biens (
art. 272 LP
), s'exécute suivant les formes prescrites pour la saisie (
art. 275 LP
). Il ne doit pas viser des objets qui ne sont pas dans le ressort du préposé, ni des objets insaisissables (RO 64 III 127;
65 III 22
;
68 III 66
;
80 III 126
consid. 3). Ne peuvent être saisis - et donc séquestrés - que les biens corporels se trouvant en Suisse (RO 41 III 292; arrêt non publié de la Chambre des poursuites et des faillites du 26 mars 1963, dans la cause Moritz et Tuchler Ltd., consid. 2). Est nul tout séquestre autorisé ou pratiqué dans un autre lieu que celui où se trouve l'objet à séquestrer (RO 56 III 230;
73 III 103
consid. 3;
75 III 26
consid. 2). Il s'ensuit que la mesure prise par les autorités de séquestre genevoises ne vise pas les 32 000 actions déposées à New York. Ce lieu seul est décisif, non le domicile de la personne qui a la "possession médiate et effective" des titres et en dispose.
b) La défenderesse objecte que ces titres sont "pratiquement des choses fongibles", car ils ne sont désignés que par leur genre, n'ayant pas été individualisés à son égard par la communication de leurs numéros; si plusieurs de ses clients possédaient des actions E.L. Bruce & Co. Inc., celles-ci constitueraient un seul "plot", sans distinction entre la propriété des uns et des autres.
Le droit suisse - applicable en l'espèce (SCHÖNENBERGER/JÄGGI, Allgemeine Einleitung, no 310) - distingue le dépôt régulier et le dépôt irrégulier. S'agissant de choses fongibles autres que des espèces ou de papiers-valeurs, le dépositaire n'a le droit d'en disposer, caractéristique du dépôt irrégulier, que s'il y a été expressément autorisé par le déposant (
art. 481 al. 3 CO
). Tel ne fut pas le cas en l'espèce. Le dépôt est donc régulier. Il serait en outre collectif, si divers clients de la défenderesse possédaient des actions E.L. Bruce & Co. Inc. auprès des mêmes correspondants américains (Vermengungsdepot et Sammeldepot:
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RO 77 I 40; G.AUTSCHI, op.cit., p. 595 et nos 3 d, 5 b/c et 9 b ad
art. 481 CO
).
Il s'ensuit que le déposant a la faculté de revendiquer la chose confiée. Le séquestre et la saisie ne peuvent viser le droit à la restitution, mais uniquement la chose elle-même (RO 60 III 232). Que le dépôt soit régulier ou irrégulier, ce droit ne porte d'ailleurs pas sur une somme d'argent. Aussi ne sert-il à rien à la défenderesse d'assimiler les titres en litige à des choses fongibles; car elle ne peut d'aucune façon s'appuyer sur la règle selon laquelle une créance ordinaire non incorporée dans un titre peut être séquestrée au domicile du tiers débiteur (soit chez elle) lorsque le titulaire (Vetania) n'est pas domicilié en Suisse (RO 56 III 49, 228;
75 III 26
;
76 III 19
;
80 III 126
).
5.
Pour renforcer son droit à la restitution, la demanderesse prie la Cour de fixer une astreinte de 500 fr. par jour de retard. Cette mesure relève de l'exécution des décisions judiciaires et se distingue de la réparation du dommage causé par l'inéxecution (RO 43 II 664/665). L'exécution des jugements du Tribunal fédéral est réglée exhaustivement par les art. 74 sv. PCF. Ces dispositions du droit fédéral ne prévoient pas l'astreinte. En revanche, le jugement qui condamne des personnes relevant du droit privé à accomplir un acte doit contenir d'office l'avis qu'en cas d'inaccomplissement dans un certain délai fixé par le juge, l'obligé encourt les peines prévues pour l'insoumission par l'
art. 292 CP
(
art. 76 al. 1 PCF
). Un délai de trente jours paraît suffisant en l'espèce.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral
1. Admet la demande et condamne la défenderesse, la Lloyd's Bank (Foreign) Ltd. à Londres, succursale de Genève, à restituer immédiatement 32 000 actions E.L. Bruce & Co. Inc. à la demanderesse, Vetania Trust reg. à Vaduz;
2. Rejette la requête tendant à la fixation d'une astreinte, mais avise les membres des organes de la défenderesse qu'ils encourent les peines d'arrêts et d'amende prévues pour l'insoumission par l'
art. 292 CP
s'ils ne restituent pas dans un délai de trente jours dès la prononciation du jugement en séance publique en présence des mandataires des parties;