Urteilskopf
93 II 151
21. Arrêt de la IIe Cour civile du 14 juillet 1967 dans la cause Montandon contre Friedli.
Regeste
Berufung in einem Verfahren auf Revision des Urteils in einem Scheidungsprozesse.
1. Unterliegt der Berufung an das Bundesgericht ein letztinstanzlicher kantonaler Entscheid, der ein Revisionsgesuch auf Grund der Beurteilung einer bundesrechtlichen Vorfrage als unzulässig erklärt? (Erw. 1 und 2).
2. Erlaubt das Bundesrecht die Revision eines Scheidungsurteils nach dem Tode eines der geschiedenen Ehegatten? (Erw. 3 bis 6).
A.-
André-Roger Friedli et Colette Montandon-Varoda se sont mariés le 11 juin 1948 à La Chaux-de-Fonds. Un fils, Pierre-André, est issu de leur union, le 29 décembre 1948.
Le 7 novembre 1963, le mari a introduit une action en divorce, à laquelle sa femme a acquiescé.
Par jugement du 28 mai 1964, devenu définitif et exécutoire le 10 juin 1964, le Tribunal du district de La Chaux-de-Fonds a admis la demande, prononcé le divorce et attribué au père la puissance paternelle sur l'enfant.
André-Roger Friedli est décédé à La Chaux-de-Fonds le 27 juin 1964. L'enfant Pierre-André a été recueilli par sa mère et pourvu d'un tuteur.
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B.-
Le 25 mai 1965, dame Colette Montandon, divorcée Friedli, a introduit contre son fils Pierre-André, au nom de qui agit son tuteur Maurice Dubois, une demande de revision tendant à faire prononcer la nullité du jugement de divorce. Elle affirmait qu'elle a été amenée à acquiescer à la demande en divorce sous l'effet de menaces graves et que le jugement est vicié de ce fait. Elle invoquait les art. 403 ss. CPC neuch.
Le défendeur a conclu à l'irrecevabilité et subsidiairement au rejet de la demande de revision. Il a notamment contesté sa qualité pour défendre.
Statuant séparément le 15 décembre 1966 sur ce moyen préjudiciel, le Tribunal matrimonial du district de La Chaux-de-Fonds a prononcé que Pierre-André Friedli n'avait pas qualité pour défendre et déclaré la demande de revision irrecevable.
C.-
Saisi d'un appel de dame Montandon, le Tribunal cantonal neuchâtelois l'a rejeté le 6 février 1967, en confirmant le jugement de première instance. Il a considéré, en bref, que le droit de demander le divorce est un droit strictement personnel, incessible et intransmissible aux héritiers. Seul le mari et la femme peuvent l'exercer. La même règle vaut pour la demande de revision d'un jugement de divorce. Les héritiers de l'époux divorcé qui est décédé ne peuvent soutenir à sa place une pareille procédure.
D.-
Dame Montandon recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la modification de l'arrêt cantonal en ce sens que la qualité pour défendre soit reconnue à son fils et la demande de revision déclarée recevable.
L'intimé Pierre-André Friedli conclut au rejet du recours. Il plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, selon décision du 19 avril 1967.
Considérant en droit:
1.
Selon l'
art. 43 OJ
, le recours en réforme n'est recevable que pour violation du droit fédéral. Or le droit de demander le divorce est un droit strictement personnel (RO 78 II 100) régi par la législation fédérale (art. 19 al. 2 et 137 ss. CC). A ce droit correspond celui de l'autre conjoint de s'opposer au divorce en alléguant que les conditions posées par la loi ne sont pas réunies. Lajouissance et l'exercice de ce droit sont également réglés par le droit privé fédéral (cf. RO 85 II 223 s., consid. 1). La recourante demande en l'espèce la revision du jugement de
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divorce et son annulation. Elle exerce ainsi son droit de s'opposer au divorce. Elle prétend que les juges cantonaux ont nié à tort la qualité pour défendre de l'intimé. Elle invoque dès lors la violation d'un principe découlant de la législation fédérale (
art. 43 al. 2 OJ
).
2.
Sous réserve des exceptions prévues aux
art. 49 et 50 OJ
, le recours en réforme est recevable uniquement contre les décisions finales rendues en dernière instance cantonale (
art. 48 OJ
). En règle générale, les décisions des tribunaux cantonaux qui statuent sur l'admissibilité d'une demande de revision formée contre un jugement rendu par les autorités cantonales ne sont pas des décisions finales, parce qu'elles ne tranchent pas le fond du droit, mais seulement une question de procédure régie par la loi cantonale (RO 63 II 181, 62 II 48, 54 II 473, 45 III 162, 31 II 771, 11, 44; LEUCH, Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 3e éd., n. 1 ad art. 364, p. 343 et n. 4 ad.
art. 371 CPC
bernois, p. 350; WURZBURGER, Les conditions objectives du recours en réforme..., thèse Lausanne 1964, no 252, p. 187, et les références citées; FAVEY, Les conditions du recours de droit civil au Tribunal fédéral, JdT 1907 I 396, sous lettre p). Mais il en va différemment lorsque, comme en l'espèce, la juridiction cantonale déclare une demande de revision irrecevable par un motif préjudiciel de droit fédéral. Bien qu'elle n'aborde pas le fond, la décision attaquée fixerait définitivement, si elle était maintenue, le sort d'une action en divorce admise par le jugement dont la recourante demande la revision. L'arrêt entrepris est donc une décision finale au sens de l'
art. 48 OJ
(cf. RO 76 II 261, consid. 1, 91 II 59 s., consid. 1; voir au sujet du défaut de qualité pour agir ou pour défendre RO 67 II 240, 64 II 232, 53 II 511; cf. encore RO 50 II 210).
Le recours est dès lors recevable.
3.
a) La jurisprudence ne s'est pas encore déterminée sur l'admissibilité d'une revision du jugement prononçant le divorce, après le décès de l'un des anciens époux, dans une instance opposant l'autre conjoint divorcé aux héritiers de celui qui est décédé. Le Tribunal fédéral a jugé cependant que l'action en divorce est de nature éminemment personnelle; une fois introduite, elle ne peut pas être continuée par les héritiers de l'époux qui serait décédé en cours d'instance (RO 51 II 541). Et lorsque l'un des conjoints décède après le dépôt d'un recours en réforme contre un jugement de divorce,
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mais avant que le Tribunal fédéral ait rendu son arrêt, le décès rend le recours sans objet et met fin au procès, qui est rayé du rôle (RO 46 II 178 s.). De même, si un époux meurt avant que le jugement cantonal soit définitif, son décès met fin à l'instance et le mariage est dissous par la mort (RO 76 II 254).
b) Plusieurs juridictions cantonales ont exclu la revision d'un jugement de divorce passé en force, lorsque l'un des conjoints a contracté un nouveau mariage; en revanche, la revision est ouverte quant aux effets accessoires du divorce (ZR 35, 1936, p. 144, no 67, Obergericht Zurich, 21 décembre 1935; ZR 55, 1956, p. 166 ss., no 77, Obergericht Zurich, 31 janvier 1955; BJM 1963, p. 32 s., Obergericht Bâle-Campagne, 6 novembre 1962; JdT 1960 III 57, Tribunal cantonal vaudois, 19 février 1957; RSJ 22, 1925/1926, p. 67 s., no 70, Kantonsgericht St-Gall, 6 février 1924; cf. dans le même sens HINDERLING, Das schweizerische Ehescheidungsrecht, 3e éd., p. 234 et LEUCH, op.cit., n. 3 ad
art. 367 CPC
bernois, p. 345).
La même solution a été adoptée par le législateur vaudois à l'art. 476 al. 2 du Code de procédure civile du 14 décembre 1966 - dont l'entrée en vigueur n'est pas encore fixée - qui dispose:
"La demande de revision d'un jugement de divorce n'est recevable, si l'un des ex-conjoints est remarié, que dans la mesure où elle a pour objet l'allocation d'une indemnité ou d'une pension alimentaire ou la liquidation du régime matrimonial."
c) Saisi d'une demande de revision d'un arrêt qu'il avait rendu dans une cause en divorce, le Tribunal fédéral a relevé que cette voie de recours extraordinaire n'était pas admissible en la matière d'une façon aussi générale que dans les contestations pécuniaires; l'ordre public et l'intérêt des tierces personnes dont le statut familial repose directement ou indirectement sur la situation juridique créée par le jugement de divorce, par exemple en cas de remariage de l'un des époux divorcés, exigent impérieusement le maintien de l'arrêt déjà rendu (RO 28 II 173).
d) BIRCHMEIER (Bundesrechtspflege, n. 3 ad
art. 136 OJ
, p. 499 s.) se prononce dans le même sens. Il rappelle que l'art. 142 al. 3 de l'avant-projet de loi d'organisation judiciaire fédérale excluait la revision du jugement de divorce en cas de remariage d'un époux; cette disposition n'a pas été introduite dans la loi parce qu'il peut y avoir d'autres motifs d'exclure la
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revision et que l'on a préféré laisser à la jurisprudence le soin de trancher la question. Suivant l'opinion de LEUCH (op.cit., n. 3 ad
art. 367 CPC
bernois, p. 345), il estime que la revision du jugement de divorce ne doit pas être admise lorsque la situation de droit qu'il a créée dure depuis quelques années. Il n'envisage pas, en revanche, le cas d'une demande de revision formée par un époux divorcé après le décès de son ex-conjoint, contre les héritiers de celui-ci.
4.
La recourante invoque, à l'appui de ses conclusions, la jurisprudence et la doctrine allemandes qui permettraient, ditelle, la revision d'un jugement de divorce même après le décès de l'un des époux divorcés.
En procédure civile allemande, la revision (Wiederaufnahme, § 578 ZPO) d'un procès qui s'est terminé par un jugement final passé en force peut être demandée par la voie de l'action en nullité (Nichtigkeitsklage, § 579 ZPO) pour vice de procédure (wegen prozessualer Mängel), d'une part, et par l'action en restitution (Restitutionsklage, § 580 ZPO) pour vice affectant le fond de la cause (wegen sachlicher Mängel), d'autre part (BLOMEYER, Zivilprozessrecht, 1963, § 106, p. 593). La jurisprudence admet qu'un époux divorcé peut, même après la mort de son ex-conjoint, former contre les héritiers de celui-ci une demande de revision en vue de faire annuler le jugement de divorce qui serait affecté d'un vice de procédure; elle n'est pas fixée quant à la recevabilité d'une action en restitution: d'abord résolue par la négative, la question a été laissée ensuite indécise (RGZ 149, p. 112 ss.). En doctrine, les auteurs divergent d'opinion (cf. JAUERNIG, Tod eines Ehegatten vor Beginn, während oder nach Abschluss des Eheprozesses, dans Ehe und Familie im privaten und öffentlichen Recht, Fam. R Z, 1961, p. 98 ss.; BLOMEYER, op.cit., § 120, ch. VII/3, p. 682; BAUMBACH/LAUTERBACH, Zivilprozessordnung, n. 2 ad § 628 ZPO).
Ni la doctrine, ni la jurisprudence allemandes ne sont donc fixées définitivement en ce qui concerne la recevabilité d'une demande de revision du jugement de divorce après le décès de l'un des époux divorcés.
5.
La question doit être résolue en fonction de la nature de l'action en divorce et des effets que produit le jugement de divorce, tels qu'ils résultent du droit privé fédéral.
Le droit de demander le divorce est un droit éminemment personnel. Seuls les époux ont qualité pour agir et pour défendre
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au procès en divorce. Le jugement qui prononce le divorce peut être considéré comme un jugement formateur (Gestaltungsurteil) qui modifie les rapports de droit de famille. Il dissout le lien conjugal et apporte un changement fondamental au statut personnel, ainsi qu'à l'état civil des parties. Il s'ensuit que seuls les époux divorcés peuvent être parties à une instance en revision qui, si elle aboutit à l'annulation du jugement de divorce par un nouveau prononcé judiciaire, modifiera en sens inverse les rapports de droit de famille, le statut personnel et l'état civil des plaideurs. Après le décès de l'un des époux divorcés, son ex-conjoint ne peut donc plus demander la revision du jugement de divorce en vue de faire modifier la situation juridique créée par ce prononcé.
La sécurité du droit s'oppose également à ce qu'un divorce prononcé par un jugement passé en force soit remis en question et, le cas échéant, annulé dans une procédure de revision, alors que l'un des époux divorcés est décédé. Du reste, les héritiers de l'ex-époux décédé ne seraient pas en mesure de faire valoir, dans l'instance en revision, les moyens de défense dont leur auteur aurait disposé.
6.
Il n'y a pas lieu d'examiner en l'espèce si et à quelles conditions l'un des époux divorcés pourrait introduire, après le décès de son ex-conjoint, une demande en revision concernant les effets accessoires d'un jugement de divorce.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours et confirme l'arrêt rendu le 6 février 1967 par le Tribunal cantonal neuchâtelois.